Mathieu Santos-Bouffard
Associé
Article
11
Après avoir conclu un contrat où il est question de prix, les parties risquent de se sentir lésées quant au prix convenu si la conjoncture économique, commerciale et financière générale venait à changer. Chaque année, le taux d'inflation et les prix correspondants de nombreux produits fluctuent. Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, la relance économique, que certains n'avaient pas prévus, a entraîné pour un grand nombre de biens et de services une hausse de l'inflation des prix qui n'avait pas été observée depuis de nombreuses années. En prévision d'une telle volatilité, les parties à des contrats commerciaux à long terme pourraient être de plus en plus enclines à protéger leurs intérêts par l'ajout d'une clause de rajustement du prix.
La clause de rajustement du prix permet de s'assurer que le prix des biens et services fournis en vertu du contrat varie de manière à refléter les conditions du marché. En plus d'offrir une certaine souplesse pour tenir compte de l'évolution des circonstances, cette clause inclut également des procédures bien établies pour rajuster le prix prévu au contrat en réponse à un ou plusieurs événements déclencheurs, c'est-à-dire les facteurs qui échappent au contrôle des parties, comme : une variation du taux d'inflation sur une période donnée, une fluctuation des taux de change ou des prix des produits, ou encore une variation des coûts des intrants directs.
Les entreprises ont tout intérêt à inclure un mécanisme de redressement du prix dans leurs contrats afin de se prémunir contre la possibilité qu'une partie interrompe l'exécution de la prestation en raison des conditions défavorables du marché[1]. Pour les vendeurs de biens et de services, l'incapacité de rajuster les prix prévue au contrat en réponse à l'augmentation du coût des intrants, par exemple, pourrait les exposer à un risque commercial accru et à une rentabilité décroissante à long terme. Dans une telle situation, les clauses de rajustement du prix procurent des avantages aux vendeurs, car elles leur permettent, en vertu de leurs contrats existants les liant, de bénéficier sur certaines assurances relatives aux marges de profit. Également, les vendeurs sont incités d'inclure une clause de rajustement du prix dans les contrats conclus avec leurs clients si leurs fournisseurs ont eux-mêmes inclus des clauses semblables dans leurs contrats de fournisseurs. Toutefois, une clause de rajustement du prix déclenchée en raison de l'augmentation des coûts des intrants pourrait d'avoir une incidence négative sur la rentabilité des activités des acheteurs de biens et de services, car ils ne seraient alors pas en mesure de transférer l'augmentation des coûts à leurs clients finaux. Étant donné que la plupart des parties commerciales jouent à la fois le rôle d'acheteurs et de vendeurs, les clauses de rajustement du prix sont importantes pour assurer la coopération et gérer le risque commercial dans son ensemble. De surcroît, lorsque cela est possible, ces clauses doivent être négociées de manière à démontrer une compréhension juste de l'évolution des prix. Il est important de noter que les contrats conclus avec les consommateurs et qui comprennent une clause de rajustement du prix sont normalement assujettis à un ensemble précis de règles en matière de protection des consommateurs, notamment la Loi sur la protection du consommateur du Québec, d'où l'importance qu'ils soient rédigés avec minutie.
L'une des plus importantes étapes dans la négociation d'une clause de rajustement du prix consiste à arrimer ce rajustement à un indice de prix fiable et bien établi. Bien que l'indexation puisse prendre de nombreuses formes, les ententes commerciales se réfèrent le plus fréquemment à un indice de référence général ou industriel, ou encore à une augmentation fixe du pourcentage ou du prix[2].
Au Canada, plusieurs ententes incluent une référence à l'Indice des prix à la consommation (IPC) de Statistique Canada, lequel est publié mensuellement, comme base de calcul des augmentations de prix pendant la durée du contrat. Cette façon de procéder découle probablement de la facilité d'application et de compréhension de l'IPC, de sa fiabilité et de l'absence relative de volatilité dans le calcul de fluctuation des prix.
Malgré son statut de référence modèle à titre d'indicateur de prix, l'IPC a ses inconvénients. Tout d'abord, l'IPC risque de s'écarter du pourcentage réel de l'inflation, car la pondération de chaque bien/produit du panier de l'IPC pourrait ne pas représenter la volatilité des prix dans une industrie donnée. Certaines parties aux États-Unis pourraient exiger l'application d'un indice américain (tel que l'indice de base des prix à la consommation ou l'indice des prix à la consommation des États-Unis, fourni par le Bureau of Labor Statistics). Toutefois, les parties canadiennes doivent se méfier de l'utilisation d'indices d'autres pays lorsque l'entente ne comporte pas d'échanges transfrontaliers de valeur. De plus, l'IPC ne vise pas une industrie en particulier; il mesure plutôt la fluctuation des prix d'un large éventail de biens et services de consommation, et la plupart de ces prix ne s'appliquent pas forcément aux types de biens et services achetés dans le cadre d'un contrat commercial.
Certaines parties choisissent d'utiliser, au lieu de l'IPC, un indice de référence industriel afin d'obtenir une plus grande précision dans la mesure des changements de coûts. L'Indice des prix à la production (IPP) fait référence à une famille d'indices visant des industries données (telles que certaines industries de fabrication, de construction, d'extraction minière et de services) et reflète avec plus de précision les biens et services faisant l'objet du contrat. L'IPP est utilisé dans les cas où le vendeur ne contrôle pas le prix de gros du produit souhaité. Par exemple, les prix figurant dans un contrat à long terme pour des travaux routiers peuvent être rajustés pour tenir compte des changements des prix de l'asphalte en appliquant la variation en pourcentage de l'IPP de l'asphalte au prix contractuel des travaux routiers.
Lorsque les parties optent pour une clause de rajustement du prix arrimée à l'IPP, il est important qu'elles identifient clairement l'indice qui sera utilisé et citent une source appropriée pour l'indice choisi. Bien que la principale source officielle des données de l'IPP provient de Statistique Canada, certaines parties peuvent décider, en ce qui a trait à la fluctuation des prix de certaines matières premières, d'opter pour les indices établis par des organisations indépendantes d'une province ou d'un pays donné (par exemple l'IPP de l'American Bureau of Labor Statistics). D'autres parties peuvent utiliser, comme référence pour l'indexation, les prix des marchés à terme reconnus à l'international, comme le Chicago Commodity Exchange ou le London Commodity Exchange.
Certaines parties peuvent convenir d'utiliser une référence fondée sur des données publiées par une organisation indépendante ou un groupe commercial. Il est important, dans ce cas, de s'assurer que les données utilisées par l'organisation soient fiables et que les calculs soient supervisés par des professionnels.
Plutôt que de fonder les rajustements de prix sur une référence établie, comme l'IPC ou l'IPP, les parties peuvent choisir d'arrimer les rajustements de prix potentiels à une clause d'augmentation du prix en pourcentage, qui est fixée pour la durée du contrat (par exemple, une augmentation du prix fixe de 2 % par année). Les clauses d'augmentation du prix en pourcentage peuvent toutefois poser des problèmes dans les contrats à long terme lorsque les hausses de prix en pourcentage s'écartent de l'indice de référence général ou de l'indice de référence industriel. Les parties provenant d'industries qui sont moins sujettes à la volatilité des prix sont plus susceptibles d'avoir recours à une méthode d'indexation.
Outre l'identification de la méthode d'indexation appropriée, les parties à une entente contenant une clause de rajustement du prix doivent également tenir compte des facteurs suivants :
« Le salaire horaire convenu par les parties lors de l'attribution du contrat est fixé pour la première année du contrat à la date convenue par les parties et est susceptible d'être augmenté ou réduit chaque année suivante à la date anniversaire du contrat selon la formule suivante [...] ».
Cette clause ne limitant pas le rajustement aux seules augmentations, la partie qui paie le montant rajusté bénéficierait alors d'un prix plus bas les années où la variation déterminée par la formule intégrant l'indice de référence est négative.
Les clauses de rajustement du prix comportent des avantages; en plus de permettre une coopération accrue entre les parties contractantes, elles offrent plus de stabilité et de prévisibilité économiques. Toutefois, pendant la durée d'une entente, diverses raisons peuvent amener l'une des parties à constater que, économiquement parlant, la clause de rajustement du prix n'a plus de sens. En prévision de ce type de situation, les parties devraient envisager d'inclure une clause (assortie d'un préavis raisonnable) qui leur permet de revoir et de réviser la clause de rajustement du prix dans un addendum à l'entente.
[1] Victor P. Goldberg, Price Adjustment in Long-Term Contracts, 1985 Wis. L. Rev. 527 (1985), p. 532.
CECI NE CONSTITUE PAS UN AVIS JURIDIQUE. L'information qui est présentée dans le site Web sous quelque forme que ce soit est fournie à titre informatif uniquement. Elle ne constitue pas un avis juridique et ne devrait pas être interprétée comme tel. Aucun utilisateur ne devrait prendre ou négliger de prendre des décisions en se fiant uniquement à ces renseignements, ni ignorer les conseils juridiques d'un professionnel ou tarder à consulter un professionnel sur la base de ce qu'il a lu dans ce site Web. Les professionnels de Gowling WLG seront heureux de discuter avec l'utilisateur des différentes options possibles concernant certaines questions juridiques précises.