Le 13 mai dernier, le gouvernement du Québec a présenté le Projet de loi 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (le « Projet de loi »), qui propose de nouvelles modifications à divers textes législatifs, dont la Charte de la langue française. Nous vous invitons à consulter notre article afin de prendre connaissance des principales conséquences du Projet de loi pour les entreprises faisant affaire au Québec ou pour celles qui utilisent des marques de commerce dans une langue autre que le français dans cette province.

L'une des modifications proposées vise l'utilisation de marques de commerce dans une langue autre que le français au Québec :

  • Marques de commerce dans une langue autre que le français – En vertu des lois du Québec sur la langue française, une « marque de commerce reconnue » au sens de la Loi sur les marques de commerce peut être utilisée uniquement dans une langue autre que le français à la condition qu'aucune version française de la marque de commerce n'ait été déposée. Le Projet de loi vise à restreindre cette exception relative à une « marque de commerce reconnue » en ce qui a trait aux marques de commerce figurant sur des affiches publiques et dans des publicités commerciales comme suit :
    • Pour qu'une marque de commerce puisse être affichée exclusivement dans une langue autre que le français sur l'affichage public et dans la publicité commerciale, la marque de commerce doit être déposée aux termes de la Loi sur les marques de commerce, et aucune version française de la marque de commerce ne doit figurer dans le Registre des marques de commerce.
    • Pour l'affichage public visible depuis l'extérieur des locaux et arborant une marque de commerce dans une langue autre que le français, le français doit être nettement prédominant.

Selon le texte actuel du Projet de loi, les marques de commerce de common law (celles qui sont utilisées au Canada sans être déposées) ne pourront plus, malgré la jurisprudence actuelle, être affichées dans une langue autre que le français sur l'affichage public et dans la publicité commerciale. Pour que les entreprises puissent continuer à utiliser leurs marques de commerce de common law en anglais (ou dans une langue autre que le français) sur l'affichage public et dans la publicité commerciale au Québec, elles devront enregistrer ces marques au Registre des marques de commerce du Canada, sinon elles devront utiliser une version française de leurs marques qui sont dans une langue autre que le français.

Les modifications proposées visant les marques de commerce seront en vigueur trois ans après la date de la sanction du Projet de loi, mais les entreprises doivent également être conscientes de ce qui suit en ce qui concerne l'enregistrement des marques de commerce :

  • L'Office de la propriété intellectuelle du Canada connaît actuellement des retards importants dans l'examen des demandes relatives aux marques de commerce, et il peut même s'écouler jusqu'à deux ans avant qu'une demande de marque de commerce soit examinée;
  • Depuis les récents amendements apportés en juin 2019 à la Loi sur les marques de commerce, l'Office de la propriété intellectuelle du Canada peut désormais s'opposer à l'enregistrement de marques de commerce qui, à son avis, ne présentent pas un caractère distinctif inhérent.

Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, et dans le cas où le Projet de loi serait adopté dans sa version actuelle, les entreprises qui se fondent actuellement sur l'exception relative aux marques de commerce en utilisant des marques de common law doivent immédiatement envisager de déposer des demandes d'enregistrement de leurs marques de commerce qui sont dans une langue autre que le français et demander un avis juridique sur le caractère enregistrable de ces marques.

Nous souhaitons également vous rappeler les avantages supplémentaires que procure l'enregistrement d'une marque de commerce au Canada :

  • l'enregistrement confère un droit exclusif et prévu par la loi d'utiliser une marque de commerce sur tout le territoire canadien quant aux produits et services couverts par l'enregistrement (il convient de noter que les droits conférés par l'utilisation d'une marque non déposée sont limités à la zone ou région du Canada dans laquelle la réputation associée à la marque s'est développée par l'usage, et cette réputation doit être appuyée par des éléments de preuve);
  • l'enregistrement offre des possibilités supplémentaires de faire appliquer ses droits de marques de commerce à l'encontre de tiers, car il permet d'intenter un recours (i) en contrefaçon de marque de commerce, ce qui présente certains avantages comparativement à un recours visant la commercialisation trompeuse d'une marque de commerce non déposée et (ii) en dépréciation de l'achalandage, un recours qui ne nécessite pas la preuve d'un risque de confusion quant à la source des produits et/ou services;
  • l'enregistrement facilite l'achat, la vente et l'octroi de licences de marques de commerce;
  • l'enregistrement facilite la preuve des droits de marque de commerce dans le cadre de litiges relatifs aux noms de domaine;
  • l'enregistrement permet à des entités ou à des particuliers non canadiens d'enregistrer des noms de domaine « .ca » reflétant leurs marques de commerce déposées;
  • l'enregistrement facilite le contrôle et l'application des droits de marques de commerce sur les sites de médias sociaux;
  • l'enregistrement bénéficiera d'une forme de contrôle de la part de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada (l'Office examine les nouvelles demandes de marques de commerce et s'opposera à l'enregistrement de demandes de marques de commerce qui créent de la confusion avec des marques de commerce déposées ou des demandes d'enregistrement préalablement soumises; en outre, les marques de commerce déposées sont des avis publics de propriété de marques de commerce et figureront dans les résultats des recherches effectuées par le public pour des marques similaires associées à des produits et/ou services liés à ceux inclus dans l'enregistrement. Ainsi, l'existence d'un enregistrement pourrait dissuader l'adoption, par des tiers, d'une marque similaire à une marque de commerce déposée);
  • l'enregistrement fournira un motif supplémentaire d'opposition aux demandes, par des tiers, de marques de commerce qui créent de la confusion avec la marque de commerce déposée;
  • l'enregistrement permet le dépôt d'une demande d'aide auprès de l'Agence des services frontaliers du Canada (« ASFC ») (l'enregistrement d'une demande d'aide auprès de l'ASFC facilite la vérification et la détention par l'ASFC d'expéditions de marchandises qu'elle soupçonne de porter atteinte aux droits de marques de commerce déposées);
  • l'enregistrement d'une marque peut être renouvelé indéfiniment tous les 10 ans.

Vous avez des questions ou souhaitez obtenir plus d'information quant à la protection des marques de commerce? N'hésitez pas à communiquer avec votre professionnel des marques de commerce de Gowling WLG et, si vous avez des questions portant sur les lois du Québec relatives à la langue française, veuillez communiquer avec l'un des membres de notre équipe de Montréal : Sébastien Gardère, Giovanna Spataro, Melissa Tehrani, Julia Kappler ou Philippe Matziorinis.