Antoine Guilmain
Associé
Co-chef, Groupe national Cybersécurité et protection des données
Article
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La Loi 25 a fait beaucoup parler depuis son adoption en septembre 2021 jusqu’à son entrée en vigueur intégrale en septembre 2024. À ce jour, le discours a surtout porté sur les enjeux de protection des renseignements personnels au détriment de ceux relatifs à l’accès à l’information propre aux organismes publics. D’ailleurs, ce n’est pas si surprenant car, comme son nom l’indique, il s’agit bien de la Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels. Ceci dit, avant de refermer définitivement le chapitre de la Loi 25, nous croyons qu’il est important de mettre en évidence certaines nouveautés en matière d’accès aux documents qui sont passés sous le radar dans la nouvelle mouture de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (la « Loi sur l’accès ») telle qu’amendée par la Loi 25.
En vertu de la Loi sur l’accès, les organismes publics peuvent obtenir une autorisation de la part de la Commission d’accès à l’information (la « CAI » ou la « Commission ») de ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives. Ces dispositions (les articles 137.1 et 137.2 de la Loi sur l’accès), initialement introduites dans la réforme de la Loi sur l’accès en 2006, visent notamment à limiter les demandes d’accès qui sont manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique ou dont leur traitement aurait pour effet de nuire sérieusement aux activités de l’organisme public. C’est ainsi que la Loi 25 a élargi les pouvoirs d’intervention de la CAI relativement à ces demandes.
Désormais, la CAI peut, par elle-même, circonscrire une demande d’accès pour la rendre plus facile à traiter par l’organisme public, ou encore prolonger le délai dont l’organisme dispose pour répondre à une demande. Elle a donc le pouvoir d’imposer une solution de compromis, afin de rendre une demande d’accès plus acceptable. La Loi 25 a aussi fixé un délai à l’intérieur duquel un organisme public doit intenter son recours pour faire déclarer une demande d’accès abusive. Dorénavant, l’organisme doit faire sa demande auprès de la CAI dans un délai de 20 jours à compter de la date de réception de la dernière demande d’accès du demandeur. La CAI n’a pas encore défini la portée des termes « dernière demande d’accès », mais il semblerait que, dès qu’une nouvelle demande est envoyée par le demandeur, ce délai de prescription recommence.
En outre, la Loi 25 a modifié l’article 137.2 de la Loi sur l’accès de manière à accorder à la Commission certains pouvoirs pour limiter aux personnes d’introduire des demandes frivoles, inutiles ou faites de mauvaise foi. La CAI peut interdire à une personne d’effectuer une demande sans l’autorisation du président de la Commission et selon les conditions que ce dernier établit. De la même manière, elle peut également interdire à une personne de présenter un acte de procédure dans une instance déjà pendante.
En vertu de la Loi 25, les sanctions pénales auxquelles sont assujettis les organismes publics sont maintenant plus sévères. Les amendes en vertu de l’article 158 de la Loi sur l’accès sont maintenant de 1 000 $ à 10 000 $ pour les personnes physiques et 3 000 $ à 30 000 $ dans les autres cas (ces amendes sont doublées en cas de récidive). De plus, les infractions qui déclenchent l’application de ces sanctions sont également plus détaillées. En matière d’accès aux documents, deux principales infractions ont été définies au premier et au second paragraphe du nouvel article 158 de la Loi sur l’accès.
D’emblée, un organisme public commet une infraction s’il refuse ou entrave l’accès à un document qui est accessible en vertu de la loi. Or, contrairement à l’ancienne version de la loi, le législateur a retiré le terme « sciemment » de cette infraction. Ainsi, il semblerait qu’en raison de ce retrait, une condamnation pourrait être obtenue sans qu’il soit démontré que le contrevenant ait agi avec une intention coupable ou malveillante. Le législateur a également établi des exemples de ce que constitue un refus ou une entrave à l’accès au document, soit la destruction d’un document, la modification d’un document, le fait de cacher un document ou encore le fait de retarder indûment la transmission d’un document. Ainsi, un organisme public qui, sans justification valable, ne respecte pas ses délais pour traiter une demande d’accès, pourrait engager sa responsabilité pénale et pourrait être contraint de payer une amende.
Lors de la réforme de 2006 de la Loi sur l’accès, le législateur a introduit une obligation pour le responsable de l’accès d’un organisme public de prêter assistance au demandeur non seulement lorsque celui-ci le requiert, mais également lorsque la demande d’accès n’est pas suffisamment précise pour identifier le document susceptible de contenir les renseignements visés par la demande d’accès. La Loi 25 est venue renforcer ce devoir d’assistance.
En effet, avec la Loi 25, le législateur a étendu cette obligation de coopération pour les cas où l’organisme public refuse de transmettre un document. Le responsable de l’accès à l’information a maintenant le devoir d’assister le requérant qui demande d’obtenir de l’aide pour comprendre la décision de l’organisme de lui refuser ou de lui restreindre la transmission d’un document.
Enfin, la réforme de la Loi sur l’accès a permis d’adapter la procédure d’accès aux documents des organismes publics au contexte technologique actuel. La Loi sur l’accès reconnaît désormais qu’une demande d’accès écrite peut se faire dans un format technologique. De plus, dans la version antérieure de la Loi sur l’accès, les avis et les communications du responsable de l’accès à l’information aux demandeurs et aux tiers se faisaient par courrier uniquement. Les dispositions de la Loi sur l’accès ont été modifiées pour remplacer le courrier par la transmission d’un écrit, sans égard à la forme de l’écrit. Par conséquent, les organismes publics peuvent maintenant transmettre leurs communications par tout moyen technologique conformément aux dispositions de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information.
En somme, la Loi 25 a non seulement modifié le régime légal en matière de protection des renseignements personnels, mais elle a également apporté quelques modifications aux dispositions régissant le processus d’accès aux documents des organismes publics. Ces changements laissent la porte ouverte à une plus grande modernisation du régime d’accès aux documents détenus par les organismes publics, que la Commission caractérise comme une « réforme nécessaire » dans son Rapport annuel d’activités et de gestion de 2023-2024.
Pour toute question concernant ces changements ou si vous avez besoin d’aide dans la gestion de demandes d’accès que vous jugez abusives, n’hésitez pas à contacter notre groupe Cybersécurité et protection des données.
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