Le gouvernement canadien a récemment annoncé un nouveau partenariat stratégique avec l’Union européenne (UE). Cette annonce souligne l’engagement du Canada en faveur des investissements liés à la défense et la nécessité pour le pays de diversifier ses relations stratégiques, en particulier dans un contexte de tensions commerciales persistantes avec les États-Unis.

Dans cet article, nous soulignons les caractéristiques du partenariat de sécurité et de défense entre le Canada et l’UE, notamment la participation du Canada à l’initiative « Agir pour la sécurité en Europe – SAFE » et au Plan « ReArm Europe »/Préparation à l’horizon 2030, et ce que cette participation signifie pour les futurs approvisionnements dans le secteur de la défense. 

Développements récents : Un nouveau partenariat stratégique pour le Canada et l’UE

Le 23 juin 2025, le Canada et l’UE ont annoncé le « nouveau partenariat stratégique UE-Canada pour l’avenir », qui vise à renforcer les relations existantes entre les deux parties[1]. Cette annonce constitue la première étape d’une série de négociations globales portant sur divers axes de coopération, à savoir :

  • renforcer la sécurité transatlantique grâce à une nouvelle ère de coopération entre l’UE et le Canada en matière de sécurité et de défense, notamment par la mise en œuvre intégrale du partenariat UE-Canada en matière de sécurité et de défense; 

  • faciliter les mouvements commerciaux et favoriser la sécurité économique; 

  • favoriser la compétitivité et la résilience en renforçant la coopération dans les chaînes de valeur stratégiques; 

  • améliorer l’harmonisation de la réglementation; 

  • façonner la transition numérique et promouvoir les échanges dans le domaine de l’éducation et de l’innovation pour les technologies de demain;

  • lutter contre le changement climatique et la dégradation de l’environnement et faciliter la transition vers la neutralité climatique;

  • établir des stratégies de gestion des crises;

  • explorer les possibilités de coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures[2].

Parallèlement à la déclaration commune, le Canada et l’UE ont signé le Partenariat de sécurité et de défense[3], axé sur l’établissement d’un cadre pour le dialogue et la coopération dans les domaines de la sécurité et de la défense[4]. Le partenariat a notamment cerné plusieurs domaines de coopération : paix internationale et gestion des crises, initiatives en matière de défense, renforcement des capacités destinées aux partenaires en matière de sécurité et de défense, coopération renforcée sur les questions liées à la sécurité, telles que la cybersécurité, la sécurité maritime et la sûreté spatiale[5].

Le Partenariat de sécurité et de défense permettra d’accroître la coopération en matière d’approvisionnement de défense entre le Canada et l’UE, notamment grâce à la participation du Canada à l’instrument « Agir pour la sécurité en Europe » (SAFE) dans le cadre du Plan « ReArm Europe »/Préparation à l’horizon 2030[6]. Ces initiatives sont examinées ci-dessous.

a) Plan « ReArm Europe »/Préparation à l’horizon 2030

En mars 2025, la Commission européenne a annoncé son Plan « ReArm Europe »/Préparation à l’horizon 2030[7]. Ce plan décrit la stratégie de l’UE pour tirer parti des investissements et des capacités dans le domaine de la défense, qui comprend un instrument de prêt spécifique pour les acquisitions conjointes (c’est-à-dire l’instrument SAFE). Le plan met l’accent sur les sept domaines d’investissement prioritaires suivants :

  • la défense aérienne et antimissile; 

  • les systèmes d’artillerie; 

  • les missiles et les munitions; 

  • les drones et les systèmes antidrone; 

  • les capacités de soutien stratégique et la protection des infrastructures critiques, y compris en lien avec le domaine spatial; 

  • la mobilité militaire;

  • le cyber, l’intelligence artificielle et la guerre électronique[8].

Le Plan « ReArm Europe »/Préparation à l’horizon 2030 servira de feuille de route pour lever les barrières nationales, donner la priorité aux armes fabriquées dans l’UE et mettre en commun les ressources financières et d’approvisionnement[9]. En entamant des négociations avec l’UE dans le cadre du Partenariat de sécurité et de défense, le Canada se positionne comme un partenaire important pour la coopération en matière de défense et, surtout, ouvre la voie à sa participation à l’instrument SAFE, décrit ci-dessous. 

b) Agir pour la sécurité en Europe (SAFE) – Un nouvel outil de l’UE pour le financement de la défense 

L’initiative « Agir pour la sécurité en Europe » (SAFE) a été annoncée par l’UE le 27 mai 2025[10]. Il s’agit essentiellement d’un instrument financier proposé dans le cadre du Plan « ReArm Europe »/Préparation à l’horizon 2030 visant à soutenir les investissements dans la production industrielle de défense. 

L’instrument SAFE comporte deux caractéristiques notables. La première est le principe de la préférence européenne. Cela signifie que, pour que les États membres de l’UE puissent bénéficier d’un financement au titre de l’instrument SAFE, au plus 35 % de la valeur du système d’arme acquis peut provenir de l’extérieur de l’UE, de l’Ukraine ou d’un pays de l’Espace économique européen (EEE) ou de l’Association européenne de libre-échange (AELE)[11]. En d’autres termes, pour l’acquisition de produits de défense, 65 % de la valeur du contrat d’acquisition doit provenir de l’UE ou d’un pays non-membre de l’UE approuvé. Cette exigence se reflète également dans d’autres dispositions du nouveau règlement du Conseil relatif à l’instrument SAFE, qui précise des paramètres géographiques supplémentaires pour les contractants et les sous-traitants (par exemple, l’emplacement des infrastructures, des installations, des biens et des ressources des contractants et des sous-traitants)[12].

La deuxième caractéristique concerne les acquisitions conjointes. Afin d’assurer l’interopérabilité et l’utilisation efficace des ressources, au moins deux pays participants devront participer conjointement aux acquisitions de défense (appelées « acquisitions conjointes »). Selon le Règlement SAFE, une « acquisition conjointe » désigne la passation de marchés de produits de défense ou d’autres produits destinés à des fins de défense bénéficiant d’une assistance financière au titre de l’instrument SAFE et mis en œuvre par : 

  • au moins deux États membres de l’UE; 

  • au moins un État membre de l’UE et l’Ukraine;

  • au moins un État membre de l’UE et un État membre de l’EEE ou de l’AELE[13].

Néanmoins, compte tenu de l’urgence et du contexte géopolitique actuel, l’instrument SAFE peut encore être utilisé pour des acquisitions individuelles qui ne concernent qu’un seul État membre de l’UE.

En vertu du Règlement SAFE, les acquisitions conjointes soutenues par l’instrument SAFE peuvent également inclure des pays non-membres de l’UE (c’est-à-dire des pays en voie d’adhésion, des pays candidats et des candidats potentiels, ainsi que d’autres pays tiers avec lesquels l’Union a conclu un partenariat en matière de sécurité et de défense)[14]. Toutefois, ces pays ne pourront pas bénéficier de prêts dans le cadre de l’instrument SAFE et pourraient être tenus d’apporter leur propre contribution financière[15].

En tant que partie au Partenariat de sécurité et de défense, le Canada pourrait participer, avec les États membres de l’UE, à des acquisitions conjointes dans le cadre de l’instrument SAFE sans toutefois recevoir de financement.

Il convient également de noter que le Règlement SAFE autorise l’UE à conclure des accords bilatéraux ou multilatéraux avec des pays tiers dans le cadre d’un partenariat de sécurité et de défense existant afin d’ouvrir à ces pays certaines conditions d’admissibilité, notamment :

  1. les conditions et modalités relatives à la participation des contractants et sous-traitants établis dans le pays tiers à une acquisition conjointe au titre de l’instrument SAFE, y compris les conditions relatives à la localisation des structures exécutives de gestion et au contrôle exercé par des pays tiers ou des entités de pays tiers; 

  2. les règles relatives à la localisation des infrastructures, installations, biens et ressources des contractants ou sous-traitants participant à une acquisition conjointe qui sont utilisés pour la fabrication de produits de défense ou d’autres produits destinés à des fins de défense fournis dans le cadre des marchés résultant d’acquisitions conjointes au titre de l’instrument SAFE; 

  3. les règles relatives au coût des composants originaires du pays tiers, y compris une part minimale de composants originaires de l’Union, d’un pays de l’AELE membre de l’EEE ou d’Ukraine et une part maximale de composants n’étant originaires ni de l’Union, ni d’un pays de l’AELE membre de l’EEE, ni de l’Ukraine, ni d’un pays tiers partie à l’accord;

  4. les règles relatives aux restrictions imposées par des pays tiers qui ne sont pas parties à l’accord ou par des entités établies sur leur territoire, en ce qui concerne la définition, l’adaptation et l’évolution de la conception du produit de défense acquis avec le soutien de l’instrument SAFE[16].

L’inclusion de l’une ou l’autre de ces conditions ou règles révisées dans un accord bilatéral ou multilatéral entre le Canada et l’UE élargirait les critères d’admissibilité pour les entrepreneurs canadiens du secteur de la défense, qui devraient autrement composer avec les restrictions imposées par le principe de préférence en faveur des États membres de l’UE. 

L’instrument SAFE implique deux choses pour le Canada. Tout d’abord, le Canada devrait bénéficier d’un meilleur accès aux ressources de défense en participant aux processus d’acquisition conjointe avec les États membres de l’UE, ce qui crée effectivement un « groupe d’acheteurs » formé dans le cadre d’un accord international. 

Ensuite, les fournisseurs canadiens pourront participer aux marchés de produits de défense dans le cadre de l’instrument SAFE. Toutefois, en l’absence d’accord bilatéral ou multilatéral, la restriction géographique imposée par le Règlement SAFE peut limiter ou affecter la capacité des entreprises de défense canadiennes à participer à ces marchés. En outre, on ne sait toujours pas si le « principe de la préférence européenne » est une condition obligatoire ou si la situation changerait avec la participation du Canada à une acquisition conjointe. 

Que nous réserve l’avenir?

Le partenariat entre le Canada et l’UE ouvre la voie à une coopération en matière de défense et de sécurité. Plus important encore, il permet au Canada d’accélérer ses dépenses de défense et de respecter son engagement en matière d’investissement de défense au sein de l’OTAN[17]. Il s’agit là d’une occasion d’autant plus importante qu’elle permettrait au Canada de diversifier ses ressources de défense et de réduire sa dépendance actuelle envers les fournisseurs américains, étant donné qu’une part importante des investissements canadiens dans ce secteur est actuellement destinée aux États-Unis[18]. Ces mesures sont également encourageantes pour les entrepreneurs canadiens du secteur de la défense, car elles pourraient créer de nouvelles occasions et favoriser la collaboration internationale. 

Il convient de noter que le partenariat qui a été signé est un cadre, et non un contrat d’approvisionnement. Par conséquent, le Canada doit encore négocier les modalités de sa participation à l’instrument SAFE (accords bilatéraux ou multilatéraux) et remplir toutes les formalités juridiques, réglementaires et commerciales avant que les entreprises canadiennes puissent commencer à soumissionner. 

Pour que l’accord d’approvisionnement entre le Canada et l’UE soit officiel, il faudra probablement que le Canada conclue une entente administrative avec l’Agence européenne de défense[19], qui pourrait inclure un accord commercial ou de défense distinct. Actuellement, le Canada et l’UE sont signataires de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne, dont les annexes 19-4 et 19-5 prévoient des exceptions pour les approvisionnements en matière de défense. Toutefois, on ne sait pas si l’accord officiel nécessitera de modifier l’AECG ou de conclure un tout nouvel accord, ni combien de temps dureront les négociations et les procédures de ratification. 

Ces changements ne se produiront pas du jour au lendemain. Le cadre juridique et les implications du partenariat Canada-UE évoluent constamment; reste à voir quels en seront les effets concrets sur les approvisionnements en matière de défense pour le Canada. Cela dit, ce partenariat constitue une première étape encourageante dans le renforcement de la présence du Canada sur la scène internationale en ce qui concerne les investissements de défense et de sécurité.

Nous continuons à suivre l’évolution de la situation. Si vous souhaitez obtenir de l’aide pour déterminer quels sont les avantages ou les répercussions de ces changements pour votre organisation, veuillez communiquer avec l’un des auteurs. 


[2] Ibid., section« Annexe – Le nouveau partenariat stratégique UE-Canada pour l’avenir ».

[3] Gouvernement du Canada, Partenariat de sécurité et de défense entre l’Union européenne et le Canada, 23 juin 2025 [le Partenariat de sécurité et de défense].

[5] Partenariat de sécurité et de défense, voir la note 3 ci-dessus.

[6] Déclaration commune, voir la note 1 ci-dessus.

[7] Parlement européen, ReArm Europe Plan/Readiness 2030 (en anglais seulement), avril 2025 [la Note d’information de l’UE].

[9] Note d’information de l’UE, voir la note 7 ci-dessus.

[11] L’EEE comprend l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège; l’AELE comprend ces trois pays plus la Suisse.

[12] UE, Règlement 2025/1106 du Conseil du 27 mai 2025 établissant l’instrument « Agir pour la sécurité de l’Europe par le renforcement de l’industrie européenne de la défense » (« instrument SAFE »), [2025], JO L, 2025/1106, article 16 [le Règlement SAFE].

[13] Règlement SAFE, article 2, voir la note 12 ci-dessus.

[14] Ibid.

[15] FAQ de l’UE, voir la note 7 ci-dessus; Règlement SAFE, article 17, voir la note 12 ci-dessus.

[16] Règlement SAFE, article 17, voir la note 12 ci-dessus.

[18]James Pierlot, « Where’s the economic calculus in Canada’s bold new defence pivot? », The Globe and Mail, 24 juin 2025, mis à jour le 26 juin 2025.

[19] Déclaration commune, voir la note 1 ci-dessus.