Cyndi D. Laval
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Le Canada est un endroit idéal pour établir et développer une entreprise, y compris par voie de fusion et acquisition. Le choix du Canada comporte de nombreux avantages :
a. Structuration d’une fusion-acquisition pour une société privée canadienne
Il existe deux façons courantes de structurer les fusions et acquisitions (F&A) d'entreprises privées au Canada : l’achat des actions ou l’achat des actifs.
Dans une opération d'achat d'actions, l'acheteur achète aux actionnaires la totalité (ou la majorité) des actions émises et en circulation de la société cible. Une vente d'actifs suppose l'achat négocié des actifs (ou de certains actifs) d'une société sans acquérir l'entité qui en est propriétaire. L’opération d'achat d'actifs est courante lorsqu'un seul bien immobilier ou une seule division présente de l'intérêt, ou lorsque le nouveau propriétaire souhaite plafonner le risque lié à l'ancien passif. Une troisième forme, moins courante, est le regroupement de deux sociétés par actions dans le cadre d'une fusion légale.
Le choix de la forme est une question préliminaire qui est déterminée par voie de négociation entre l'acheteur et le vendeur. Ce processus exige généralement une participation importante des conseillers fiscaux des parties.
Pour des raisons fiscales, les acheteurs préfèrent généralement les opérations visant les actifs – à moins de chercher spécifiquement à acquérir certains attributs fiscaux de la cible –, alors que les vendeurs préfèrent généralement les opérations visant les actions. Les parties à l’opération doivent tenir compte du fait que les acquisitions d'actifs sont généralement plus complexes que les acquisitions d'actions, dans la mesure où elles exigent d’obtenir un plus grand nombre de consentements et de transférer un plus grand nombre d'actifs divers. Toutefois, les acquisitions d'actifs peuvent constituer la seule structure pratique lorsque les parties veulent échanger une part, mais non la totalité, des actifs d'une entreprise. De plus, la diligence raisonnable supplémentaire qu’exige une acquisition d’actions peut imposer des délais préalables à l’opération plus longs.
b. Diligence raisonnable
La diligence raisonnable est le processus entrepris par l'acheteur pour se familiariser avec le commerce et les actifs du vendeur ou de la cible. La portée de la diligence raisonnable varie généralement en fonction de la nature de l'entreprise acquise, de l'industrie dans laquelle elle exerce ses activités et d'autres considérations juridiques et commerciales. De plus, la nature de la diligence raisonnable est dictée par la structure des acquisitions.
Dans le cadre d'une acquisition d’actions, la diligence raisonnable juridique comprend généralement :
La diligence raisonnable juridique dans le contexte d'une acquisition d'actifs est généralement la même, bien qu’elle se concentre sur les questions liées aux actifs acquis ou aux passifs pris en charge.
c. Fusion
La fusion est un mécanisme juridique qui permet de consolider des sociétés existantes en une nouvelle société. Comme nous l'avons mentionné plus haut, cette méthode est une solution de rechange moins couramment utilisée que les acquisitions d’actions et d’actifs. Au Canada, le terme « fusion » n'a pas le même sens large qu'aux États-Unis, où il est généralement utilisé pour décrire des transactions de F&A effectuées par divers moyens juridiques.
a. Loi sur la vente en bloc de l'Ontario
La Loi sur la vente en bloc (LVB) de l'Ontario a été conçue pour protéger les créanciers commerciaux d'une entreprise lorsque celle-ci cède ses actions « en bloc ». La LVB s'applique à toute vente en bloc en dehors du cours normal des affaires. La vente des actifs d'une entreprise dans le cadre d'une opération de F&A est presque toujours considérée comme une vente en bloc hors du cours normal des affaires. Si un vendeur ne se conforme pas à la LVB, l’opération est annulable et l'acheteur peut être tenu responsable envers les créanciers du vendeur.
Pour se conformer à la LVB, l'acheteur doit :
Un vendeur peut également être dispensé de se conformer à la LVB en obtenant auprès d’un tribunal une ordonnance prévoyant une telle dispense.
b. Loi sur Investissement Canada et Loi sur la concurrence
Les acquisitions ou investissements qui dépassent certains seuils sont sujets à examen en vertu de la Loi sur Investissement Canada, et à préavis en vertu de la Loi sur la concurrence; voir le chapitre « Réglementation des investissements étrangers » pour plus de détails. Au Canada, les F&A sont généralement fondées sur les principes du « libre marché », le régulateur n’intervenant que de façon minimale.
Véhicule d'acquisition et utilisation d'une filiale canadienne
Un acheteur non canadien aura généralement tendance à établir une filiale canadienne destinée à faire fonction de véhicule d'acquisition. En plus de l'atteinte de ses objectifs d'affaires, une filiale canadienne peut offrir à l’acheteur un certain nombre d'avantages fiscaux, y compris :
Pour bénéficier de certains de ces avantages, il peut être nécessaire de procéder à une fusion subséquente de la société acquéreuse avec la cible canadienne.
Il faut faire preuve de prudence au moment de concevoir la structure de l'actionnariat de la filiale canadienne et de prendre les dispositions nécessaires pour qu'elle soit capitalisée et financée adéquatement en vue de l'acquisition.
En cas d’acquisition d’actifs, plutôt que d’actions, il est encore plus important d'envisager le recours à une filiale canadienne. Un acheteur non canadien qui se porte directement acquéreur des actifs d'une entreprise canadienne est responsable des dettes et passifs d'exploitation de ces actifs. Il sera également assujetti à l'impôt sur le revenu de ces biens et de toutes activités commerciales menées au Canada, et devra produire des déclarations de revenus canadiennes annuelles rendant compte de ses activités au Canada.
Lorsqu’on utilise une filiale canadienne pour acquérir des actifs et exercer des activités au Canada, c’est la filiale, plutôt que la société mère non canadienne, qui devient responsable de déclarer les bénéfices et de payer l'impôt sur le revenu.
a. Obligations de l'acheteur envers les employés en milieu de travail non syndiqué
L’acheteur d'actions se substitue à l'employeur existant. Toutes les obligations de l'employeur continuent d’incomber à la société cible et toutes les conditions d'emploi demeurent en vigueur à la clôture de la transaction. Ainsi, l'entreprise acquise conserve toutes ses obligations (tant envers les employés actuels que les anciens employés), sauf dans la mesure où le vendeur les assume et les satisfait en vertu du contrat d'achat. En règle générale, les dispositions d'indemnisation sont négociées entre le vendeur et l'acheteur, mais la société cible demeure responsable de satisfaire à toutes les obligations envers les employés actuels et les anciens employés.
Sous réserve des règles statutaires visant l'employeur successeur, l'acheteur d'actifs n'hérite pas d'obligations antérieures à la clôture de la transaction, sauf dans la mesure où il en assume la responsabilité en vertu de la convention d'achat, ou si la transaction a lieu au Québec. L'acheteur assume la responsabilité de toutes les obligations de l’employeur à compter de la date de réembauche. Là encore, les dispositions d'indemnisation négociées peuvent réduire la portée des obligations légales de l’acheteur en tant qu'employeur successeur, cependant ce dernier doit s'acquitter de ces obligations envers les employés réembauchés. Au Québec, l'acheteur d'actifs hérite de la quasi-totalité des obligations antérieures à la clôture. Pour plus de détails sur les règles visant l'employeur successeur, voir la section « Réemploi ».
b. Obligations d'un acheteur d'actifs comparativement à celles d’un acheteur d'actions en milieu de travail non syndiqué
Un acheteur d'actifs (sauf au Québec et sous réserve de toute obligation contraire dans la convention d'achat) :
L'acheteur d'actions hérite d'une cible avec tous ses employés, toutes les conditions d'emploi existantes et toutes les obligations à la clôture (sauf au Québec et sous réserve de toute disposition contraire dans la convention d'achat). L'achat d'actions ne modifie pas, en soi, le statut ou les conditions d'emploi, ni ne donne à l'acheteur ou à la cible le droit de les modifier.
c. Réemploi
Aux fins de la loi, un acheteur ne peut généralement pas simplement réembaucher les employés sans tenir compte de leur historique de service. Toutefois, il peut le faire à d’autres fins (sauf au Québec). Techniquement (encore une fois, sauf au Québec), l'acheteur n'est pas tenu de reconnaître le service antérieur à des fins non prévues par la loi, comme lorsqu'il envisage l'admissibilité à l’attribution d'options d'achat d'actions ou dans le cas de politiques internes d'indemnités de départ.
À l’échelon tant fédéral que provincial, en milieu de travail syndiqué ou non, les dispositions législatives sur les « employeurs successeurs » garantissent qu'aux fins de la loi, la vente d'une entreprise (par cession d'actions ou d'actifs) n'interrompt pas l'emploi des employés de l'entreprise acquise qui ont été embauchés par l'acheteur après la clôture de la transaction. Certaines exceptions s'appliquent, comme lorsque la loi exige une interruption prolongée du service entre le dernier jour d'emploi dans l'entreprise acquise et le premier jour d'emploi chez l'acheteur. L'Ontario, par exemple, impose une période de non-emploi d'au moins 13 semaines pour « briser la chaîne ». Aux yeux de la loi, le fait de mettre fin à l'emploi à la clôture de la transaction ou avant, puis de réembaucher l’employé immédiatement après ne constitue pas une interruption suffisante pour « briser la chaîne » de service.
Dans un environnement non syndiqué, si l'acheteur veut « briser la chaîne » à des fins non prévues par la loi, il doit inclure dans un contrat d'emploi ou une lettre d'embauche des dispositions écrites exécutoires précisant clairement que le service antérieur ne sera reconnu que dans la mesure minimale requise par la législation applicable en matière de normes d’emploi ou du travail.
Au Québec, le Code civil et la législation sur les normes du travail interdisent généralement à l’acheteur d'actifs de réembaucher les employés de l’entreprise acquise sans reconnaître à toutes fins leur ancienneté.
d. Contrats d'emploi ou réclamations en cours
Généralement, les obligations en matière de cessation d'emploi et de changement de contrôle sont intégrées aux contrats d'emploi ou aux lettres d'embauche. Il est essentiel de bien comprendre toutes les obligations liées à la cessation d'emploi ou aux indemnités de départ.
En raison de la notion de « préavis raisonnable » – pour en savoir plus, voir le chapitre « Droit de l’emploi » – ces obligations sont souvent beaucoup plus importantes qu'il n'y paraît à première vue.
L'acheteur doit examiner attentivement toutes les dispositions relatives à la cessation d'emploi et aux indemnités de départ (et les risques potentiels d'applicabilité) prévues dans l’ensemble des contrats d'emploi, des lettres d'embauche, des régimes de rémunération variable ou d'intéressement (en espèces et en actions) et des politiques de l’entreprise. Il est important de noter si les dispositions ou les ententes en cas de changement de contrôle sont à déclenchement unique (déclenchées par la clôture, sans égard au réemploi) ou à déclenchement double (déclenchées seulement si l'employé n'est pas réembauché ou s'il est congédié à la clôture ou dans un délai déterminé après la clôture).
L'acheteur doit également prêter attention aux poursuites en cours, aux plaintes actives, aux enquêtes gouvernementales et aux licenciements récents, à moins que les anciens employés concernés signent une renonciation.
e. Modification des conditions d'emploi
Comme susmentionné, l’acheteur d'actifs exerce un contrôle important sur les conditions d'emploi au moment de la réembauche (sauf au Québec). Idéalement, les modifications seront mises en œuvre par entente préalable d'emploi ou lettre d'embauche. Par contre, l'acheteur d'actions n'a pas automatiquement le droit de modifier les conditions d'emploi après la clôture.
En milieu de travail non syndiqué, pour modifier les conditions d'emploi après la clôture, l'acheteur doit suivre les processus de notification appropriés.
Si les modifications visent les conditions essentielles d'emploi et sont désavantageuses pour l’employé – par exemple, une réduction de salaire de 15 % – l'acheteur peut devoir faire face à une réclamation de l’employé. Même si l'employé ne s'oppose pas aux modifications, si un différend survient par la suite, certaines modifications peuvent être inapplicables à moins qu'une « nouvelle contrepartie » ne soit offerte (une modeste prime à la signature ou une attribution d'options d'achat d'actions, par exemple). Le simple maintien dans l'emploi n'est pas suffisant comme « nouvelle contrepartie ». Le défaut d’appliquer les modifications de manière conforme peut donner lieu à une réclamation pour rupture de contrat ou pour congédiement déguisé (si les modifications ou les modifications cumulées constituent un changement fondamental). Ainsi, l'introduction de modifications importantes doit être gérée avec soin en vue de réduire au minimum les risques et de maximiser la rétention des employés désirés.
f. Retraites et avantages sociaux
La question des droits à la retraite et aux avantages sociaux existants doit être réglée en cas d’achat des actions de la société cible ou, dans le contexte d’un achat d’actifs, si la convention collective ou les contrats d'emploi exigent que ces retraites et autres avantages soient fournis. La façon dont ces droits à la retraite et aux avantages sociaux sont traités dépend des données et des circonstances particulières de l'opération et des parties en cause. L'acheteur doit consulter ses conseillers tôt dans le processus pour examiner ces questions.
L'acheteur d'une entreprise en grande difficulté financière au Canada est confronté aux mêmes défis que ceux qui se présenteraient aux États-Unis ou dans d'autres pays. Si la cible est insolvable ou sur le point de le devenir, le temps est crucial pour préserver, du mieux qu'on peut, la valeur de l'entreprise. Idéalement, en tant qu'acheteur d'une entreprise en difficulté, vous voudrez obtenir une marge de manœuvre maximale pour contrôler la rapidité et la trajectoire du processus de vente. Toutefois, l'exercice d'un tel contrôle dans le cadre d'un processus supervisé par un tribunal canadien pose un problème inhérent, car le tribunal préférera toujours exposer la cible au marché le plus vaste aussi longtemps que possible dans les circonstances.
L'utilisation d'un prêt ou d'un investissement de sauvetage peut vous donner un avantage initial dans la mesure où vous avez ainsi l'occasion de vous faire connaître auprès de la direction et des parties prenantes de la cible, d’obtenir l’accès à une diligence raisonnable précieuse et de participer à l'élaboration du processus de vente. Le fait de devenir le « soumissionnaire d’amorce » peut également vous permettre de participer à la formulation des modalités structurelles et temporelles du processus de vente concurrentiel ultérieur, et d'établir un prix plancher et une modeste indemnité de rupture.
Le recours à l'offre de crédit dans le cadre d'un processus de vente supervisé par un tribunal canadien (pour une réorganisation ou une mise sous séquestre) continue d’évoluer. Dans bien des cas, les caractéristiques du processus de vente supervisée par les tribunaux canadiens s’apparentent à celles du processus de vente américain (comme le recours à un modèle concurrentiel ou à des enchères). Il est important de noter que les tribunaux canadiens n'ont reconnu l'offre de crédit que dans les cas où les actifs vendus étaient entièrement grevés par le titre sous-jacent. De même, l'offre de crédit ne doit pas être utilisée comme processus de forclusion, c’est pourquoi le recours n’y est probable que dans le contexte d'un processus de vente concurrentiel.
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