Suzie Lanthier
Associée
Article
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Cet article a été initialement publié dans Canadian Lawyer InHouse
Les clauses de limitation ou d’exclusion de responsabilité contiennent couramment des termes comme « dommages spéciaux, indirects, consécutifs ou accessoires » ou encore « dommages multiples, punitifs ou exemplaires ». Cependant, lorsque le conseiller juridique négocie de telles dispositions au Québec, il lui faut garder à l’esprit que ces termes communs n’ont pas la même signification ni le même effet en vertu de la loi au Québec qu’en vertu de la common law.
Le droit québécois impose certaines restrictions dans l’application de clauses de limitation ou d’exclusion de responsabilité selon le type d’entreprise partie au contrat, le type de dommages et selon d’autres circonstances susceptibles de rendre les clauses invalides ou inapplicables. Le conseiller juridique doit être au fait de ces restrictions afin d’être en mesure d’évaluer au mieux les risques.
Le droit québécois permet à une partie d’obtenir des dommages qui sont la conséquence immédiate et directe du défaut de l’autre partie. En matières contractuelles, seuls les dommages prévus ou prévisibles peuvent être octroyés, à moins que le cocontractant ait commis une faute intentionnelle ou grossière.
Rappelons que l’expression « dommages indirects » n’a pas la même signification au Québec qu’en vertu de la common law.
Au Québec, les « dommages indirects » font référence à des dommages dont la cause immédiate ne découle pas de la faute du débiteur, ou pour lesquels il est possible d’attribuer une cause différente. De tels dommages indirects ne peuvent être octroyés en vertu du droit québécois. Par exemple, les frais d’intérêts payés pour l’achat d’un nouveau produit – en remplacement d’un produit défectueux – ne découlent pas (directement et immédiatement) du produit défectueux mais découlent plutôt de la situation financière de la partie.
Il n’existe aucun pendant en droit québécois à la notion de common law de « dommages consécutifs ou accessoires ». De tels dommages peuvent être réclamés à titre de « dommages directs » seulement s’ils découlent d’une conséquence immédiate et directe du défaut du débiteur. Ces types de dommages n’ayant pas de signification particulière en vertu du droit québécois, une bonne pratique consiste à les préciser nommément comme, par exemple, perte de profits, perte de clientèle et perte de données.
Puisqu’il est possible de réclamer des « dommages prévisibles », mieux vaut être prudent au moment de la négociation de l’entente et établir la liste de tous les dommages qu’il est raisonnable de prévoir, et non pas seulement des dommages connus ou envisagés, et ce, quitte à délaisser les clauses standards et à adopter une approche plus minutieuse dans la rédaction de la clause.
De plus, puisque le droit québécois n’établit aucune distinction entre « les dommages généraux et spéciaux »; de telles catégories de dommages ne devraient donc pas être incluses aux clauses de limitation ou d’exclusion de responsabilité.
Certains types de fautes, comme la violation d’un droit fondamental, donnent ouverture à l’obtention de dommages « punitifs ou exemplaires » au Québec. Le montant octroyé varie selon les circonstances, y compris la gravité de la faute et la situation financière du débiteur, et il ne doit pas dépasser le montant suffisant pour remplir son objectif préventif. Cette évaluation ne comprend pas un calcul aux effets multiplicateurs, ce qui rend le concept de « dommages multiples » inexistant au Québec.
Le droit québécois empêche une partie d’exclure ou de limiter sa responsabilité dans certaines circonstances et pour certains types de dommages, tels que :
Il est à noter que les dossiers de responsabilité du fabricant ou du vendeur professionnel sont régis par des règles particulières qui sont favorables aux acheteurs et aux utilisateurs de produits. En résumé, les fabricants et les vendeurs professionnels sont présumés responsables envers les acheteurs pour tous les dommages causés par un produit défectueux – et non simplement responsables du coût du produit – si le produit ne fonctionne pas ou se détériore prématurément en comparaison à des produits de même type. En effet, le produit est présumé défectueux et le fabricant et les vendeurs professionnels sont présumés être au courant du défaut. En raison de l’existence de telles présomptions, les fabricants et les vendeurs professionnels ne peuvent limiter ou exclure leur responsabilité à moins qu’ils ne soient à même de réfuter les présomptions et de prouver qu’ils ne pouvaient connaître l’existence du vice, ce qui est un fardeau de preuve très lourd.
En conclusion, il est crucial de retenir que, indépendamment de leur terminologie, vos clauses de limitation ou d’exclusion de responsabilité pourraient ne pas être applicables, et ce, en raison de restrictions et de conditions particulières de certains types de dommages et de contrats ou encore du type de relation liant les parties contractantes en vertu du droit québécois.
Il faut retenir qu’en cas de doute, les clauses de limitation ou d’exclusion de responsabilité sont habituellement interprétées en faveur du débiteur. Il est donc primordial d’étudier ces clauses à la lumière des restrictions prévues au Québec afin de vous assurer que leurs effets et leur validité correspondent aux souhaits des parties.
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