Des modifications à la loi canadienne sur les marques de commerce prêtent une nouvelle force aux propriétaires de marque quant au respect de leurs droits

19 minutes de lecture
01 février 2015

Le présent article est paru dans la revue The Trademark Lawyer (Numéro 1, 2015) et est republié avec autorisation.

La Loi visant à combattre la contrefaçon de produits, qui a reçu la sanction royale le 9 décembre 2014, a consolidé les droits et recours dont disposent les propriétaires de marques au Canada. En outre, la Loi sur les marques de commerce a fait l’objet de modifications clés en matière civile, pénale et administrative. Lorsque l’on tient compte des avancées procédurales récemment réalisées par la Cour fédérale du Canada, il appert qu’un changement fondamental se prépare pour protéger et défendre les marques de commerce au Canada. Il s’agit là d’une excellente nouvelle pour les propriétaires de marques au Canada, qui peuvent maintenant se prévaloir de droits dont la portée a été élargie et de mécanismes plus rapides quant à l’application de la loi.

Droits civils – élargissement de la définition de la notion de « violation »

La définition de la notion de « violation » au sens de l’article 20 de la Loi a été élargie afin d’englober une gamme plus complète d’activités.

La vente, la distribution et l’annonce de produits ou services en liaison avec une marque de commerce créant de la confusion par une personne qui est non admise à l’employer selon la Loi ont toujours été interdites. Cependant, la définition de la Loi s’applique maintenant à toute personne qui fabrique, fait fabriquer, a en sa possession, importe, exporte ou tente d’exporter des produits, en vue de leur vente ou de leur distribution et en liaison avec une marque de commerce créant de la confusion.

La Loi inclut également les contrefacteurs qui tentent d’échapper à la loi en faisant le commerce d’étiquettes et d’emballages indépendamment des produits qui leur sont reliés, lorsque la personne sait ou devrait savoir que les étiquettes ou les emballages sont destinés à être associés à des produits ou services qui ne sont pas ceux du propriétaire de la marque de commerce déposée, et que la vente, la distribution ou l’annonce des produits ou services en liaison avec les étiquettes ou les emballages constituerait une vente, une distribution ou une annonce en liaison avec une marque de commerce créant de la confusion.

Il est essentiel de noter que la notion de « violation » s’applique uniquement aux marques déposées au Canada, d’où l’importance d’obtenir l’enregistrement nécessaire, et de s’assurer que la stratégie entourant le dépôt de marques s’aligne tant sur l’emploi actuel que sur les plans d’expansion y afférents.

La définition de « violation » exempte l’emploi de bonne foi du nom personnel d’un particulier comme nom commercial, ainsi que tout emploi de bonne foi du nom géographique du siège d’affaires d’une personne ou toute description exacte du genre ou de la qualité des produits ou services d’une personne, sauf si elle les emploie à titre de marque de commerce. La définition des types d’emplois exemptés a été élargie de sorte que la Loi prévoit maintenant que l’enregistrement d’une marque de commerce n’empêche pas une personne d’utiliser toute caractéristique utilitaire incorporée dans la marque, et n’empêche pas non plus l’emploi de certaines indications protégées en vertu de la Loi.

Compte tenu des modifications susmentionnées, la Loi renforce l’arsenal dont disposent les propriétaires de marques en ce qui a trait à la lutte contre la contrefaçon, puisqu’elle couvre maintenant certaines activités qui échappaient jadis à l’application de la Loi. Un changement particulièrement bienvenu pour les partisans de la protection des marques est le fait que l’importation de produits contrefaits constitue enfin une infraction en vertu de la Loi.

Sanctions pénales

Une autre modification fort intéressante est l’introduction des infractions criminelles, car celle-ci vient ajouter du mordant bien nécessaire à une loi qui durant longtemps, ne répondait pas aux besoins des propriétaires de marques à cet égard. Grâce à cette modification, la Loi s’aligne maintenant sur les dispositions similaires que l’on retrouve dans la Loi sur le droit d’auteur.

Aux termes des nouvelles dispositions en matière de sanctions pénales, constitue une infraction le fait de vendre ou d’offrir en vente, distribuer, fabriquer, faire fabriquer, avoir en sa possession, importer, exporter ou tenter d’exporter des produits à l’échelle commerciale en liaison avec une marque de commerce alors que cette vente ou distribution est ou serait contraire aux articles 19 (lequel confère des droits exclusifs quant à l’emploi d’une marque au Canada) ou 20 (lequel présente la définition de la notion de « violation », telle qu’elle est décrite plus haut).

Constitue également une infraction le fait de vendre ou d’annoncer des services en liaison avec une marque de commerce alors que cette vente ou annonce est contraire aux articles 19 ou 20.

En outre, la Loi vise également à enrayer le commerce d’étiquettes et d’emballages indépendamment des produits et services qui leur sont reliés.

Les dispositions en matière de sanctions pénales s’appliquent lorsque i) l’étiquette ou l’emballage porte une marque de commerce identique à une marque de commerce déposée ou impossible à distinguer d’une telle marque, ii) l’étiquette ou l’emballage est destiné à être associé à des produits ou services à l’égard desquels la marque de commerce est déposée, et iii) le propriétaire de la marque de commerce déposée n’a pas consenti à ce que la marque de commerce soit employée sur l’étiquette ou l’emballage.

Il reste à voir comment les organismes d’application de la loi choisiront de faire respecter ces nouvelles dispositions. Ce qui est certain, c’est que la Loi cible clairement les personnes coupables de violation et de contrefaçon à grande échelle. La Loi prévoit d’ailleurs des peines sévères relativement à ce genre d’infractions, tel qu’il est énoncé ci-dessous :

a) par mise en accusation, une amende maximale d’un million de dollars et un emprisonnement maximal de cinq ans, ou l’une de ces peines; ou

b) par procédure sommaire, une amende maximale de vingt-cinq mille dollars et un emprisonnement maximal de six mois, ou l’une de ces peines.

En outre, les propriétaires de marques seront soulagés d’apprendre qu’en cas de déclaration de culpabilité, un tribunal peut ordonner qu’il soit disposé – notamment par destruction – des produits, étiquettes ou emballages ayant donné lieu à l’infraction, de l’équipement ayant servi à leur fabrication ou du matériel publicitaire relatif à ces produits.

Changements sur le plan administratif

L’adoption d’un nouveau régime frontalier constitue la modification phare apportée à la Loi. En vertu de l’article 51.03, ce régime interdit l’importation et l’exportation de produits qui, sans le consentement du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’égard de tels produits, portent  –  ou dont l’étiquette ou l’emballage porte sans ce consentement  –  une marque de commerce qui est identique à la marque de commerce déposée ou impossible à distinguer de celle-ci dans ses aspects essentiels.

Les importations parallèles, les produits transbordés et les produits destinés à un usage personnel sont exemptés de l’application de la loi.

La Loi permet au propriétaire d’une marque de commerce déposée de présenter une demande d’aide en ce qui a trait à l’exercice d’un recours en vertu de la Loi relativement à des produits importés ou exportés contrevenant à l’article 51.03. Le gouvernement a commencé à accepter le dépôt de formulaires de demande d’aide en date du 1er janvier 2015. Les demandes d’aide sont valides pendant une période de deux ans, après quoi il est possible d’obtenir une prolongation. Le propriétaire de marque de commerce est continuellement tenu d’informer le gouvernement au sujet des modifications ayant une incidence sur la validité, la propriété et la portée de l’enregistrement d’une marque.

Il règne une grande incertitude quant à l’administration du régime frontalier, puisqu’il s’agit d’une nouveauté dont les directives ne sont pas clairement définies. Plus particulièrement, il existe de l’incertitude en ce qui concerne les coûts que devront assumer les propriétaires de marque. Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile peut exiger qu’une sûreté, dont il fixe le montant et la nature, soit fournie par le propriétaire de la marque de commerce afin de garantir l’exécution des obligations de ce dernier au titre de l’article 51.09.

Le nouveau régime autorise les agents des douanes, à leur discrétion, à obtenir des renseignements pour déterminer si des produits sont interdits d’importation ou d’exportation, en vertu de l’article 51.03. À cette fin, un agent des douanes peut fournir au propriétaire de la marque de commerce déposée en cause des échantillons des produits et tout renseignement à leur sujet s’il croit, pour des motifs raisonnables, que le renseignement ne peut, même indirectement, identifier quiconque.

Toutefois, lorsqu’un propriétaire inscrit a déposé une demande d’aide, l’agent des douanes peut lui fournir un échantillon des produits ainsi que des renseignements au sujet des produits qui pourraient être utiles au propriétaire pour l’exercice de ses recours au titre de la Loi, tels que la description des produits, l’identité et les coordonnées du propriétaire, importateur, exportateur et consignataire de ces derniers ainsi que de leur producteur; leur nombre; les pays où ils ont été produits et ceux par lesquels ils ont transité; et la date de leur importation, le cas échéant.

Il ne fait aucun doute que ces renseignements sont fort utiles, surtout compte tenu du fait qu’antérieurement, ce genre d’information n’était pas accessible aux propriétaires de marques en vertu de la législation en matière de protection de la vie privée.

Cela dit, le régime établit une limite quant à la durée de la période de rétention des biens aux douanes : dix jours ouvrables après la date où, pour la première fois, des échantillons ou renseignements sont envoyés au propriétaire de la marque de commerce déposée en cause ou sont mis à sa disposition. S’agissant de produits périssables, on ne peut les retenir pendant plus de cinq jours après cette date. Les produits non périssables peuvent être retenus pour une période supplémentaire de dix jours ouvrables, au plus.

Un propriétaire de marque de commerce peut prolonger la période de rétention en engageant une procédure judiciaire et en communiquant au ministre un avis à ce sujet. Les autorités douanières retiendront alors les produits jusqu’à ce que le ministre soit informé par écrit, selon le cas, du prononcé de la décision définitive sur le recours, du règlement ou de l’abandon de celui-ci; de la décision d’un tribunal ordonnant la fin de la rétention des produits pour l’exercice du recours; ou du consentement du propriétaire de la marque à ce qu’il soit mis fin à cette rétention.

La profession juridique collabore avec l’Agence des services frontaliers du Canada en vue de mieux comprendre le processus de mise en œuvre des modifications pour les propriétaires de marques.

Avancées procédurales

Les modifications dont nous faisons état ci-dessus ne pouvaient arriver à un meilleur moment, compte tenu des importantes avancées procédurales ayant récemment été réalisées au Canada.

Depuis les vingt dernières années, l’injonction interlocutoire, l’un des outils les plus importants pour un propriétaire de marques de commerce, est essentiellement inaccessible à la Cour fédérale. En fait, les propriétaires de marques de commerce se sont vu refuser le recours à un moyen rapide et efficace de gérer la contrefaçon. Ces derniers étaient donc contraints de recourir au procès – un processus à la fois long et coûteux. Cependant, de nouveaux outils employés par la Cour fédérale ont permis d’ouvrir la voie à la résolution rapide d’actions en marques de commerce de nature simple.

La procédure en contrefaçon intentée par voie de demande : l’action en contrefaçon de marque de commerce constitue une procédure complexe, laquelle comporte un long processus d’examen dans le cadre duquel chaque partie doit, avant le début du procès, produire des documents pertinents et désigner un représentant à des fins d’interrogatoire oral. L’objectif de la Cour fédérale est de tenir un procès à l’intérieur d’une période de deux ans suivant le début d’une action, mais en réalité, le délai est souvent plus long avant d’en parvenir à l’étape du procès.

Une demande, en revanche, constitue une procédure expéditive dont la première étape est le dépôt d’un avis de demande. La preuve repose sur des affidavits et des contre-interrogatoires portant sur lesdits affidavits. Les parties présentent leurs observations écrites, puis une audience est tenue devant un juge. Contrairement à un procès, l’audience ne comprend pas de recueil de témoignages.

Jusqu’à tout récemment, les litiges en matière de contrefaçon étaient traités par voie du processus d’action. Cependant, la Cour d’appel fédérale a confirmé que les procédures en matière de contrefaçon peuvent bel et bien être traitées par voie du processus de demande, ce qui ouvre la porte à l’obtention de jugements rapides, voire dans un délai de seulement quelque mois après le dépôt de la demande. En revanche, un point important à garder en tête est que, puisque toute la preuve examinée dans le cadre d’une demande est recueillie par affidavit et qu’il n’y a pas d’interrogatoire préalable, les propriétaires de marques de commerce doivent s’assurer que leurs affidavits présentent clairement l’affaire au complet et que ces derniers comprennent suffisamment de détails pour appuyer les allégations. En outre, notons que le processus de demande n’est pas approprié pour toutes les situations – ce sont largement les circonstances de l’affaire en question qui permettront de déterminer s’il convient de procéder par voie de demande. Un facteur pertinent à considérer à cet égard est l’importance des dommages pécuniaires. Tel qu’il a été démontré dans plusieurs décisions, l’absence d’interrogatoires préalables rend difficile, voire impossible, l’évaluation des dommages.

La procédure par voie de procès sommaire : un autre outil utile qui permet d’en arriver rapidement à l’étape du procès est le procès sommaire.

Selon les Règles de la Cour fédérale, une partie peut présenter une requête en procès sommaire à l’égard d’une partie ou de toutes les questions que soulèvent les actes de procédure. Le cas échéant, elle la présente après le dépôt de la défense et avant que les heure, date et lieu de l’instruction soient fixés.

L’avantage du procès sommaire par rapport à un procès régulier est que l’affaire est instruite sur le fondement d’un dossier de requête qui comprend des affidavits et des aveux. Bien que le procès sommaire risque de ne pas convenir dans les cas où il y a des questions de crédibilité à considérer (et qu’il serait nécessaire qu’un juge voie et entende le témoin), il s’agit néanmoins du recours approprié pour de nombreuses affaires en marques de commerce et cet outil peut contribuer à ce qu’une affaire soit rapidement soumise à un juge.

En outre, l’un des avantages du procès sommaire par rapport à la procédure par voie de demande est l’inclusion d’interrogatoires préalables. Ceux-ci permettent au propriétaire de marque de commerce de faire une évaluation appropriée des dommages.

Mise en garde

Même si les outils décrits dans le présent article peuvent servir à faire respecter les droits de common law (autrement dit, la commercialisation trompeuse), les propriétaires de marques de commerce ont intérêt à prendre en considération les avantages que comporte l’enregistrement de leurs marques. Tel qu’il a été mentionné plus haut, il est nécessaire de détenir un enregistrement pour pouvoir se prévaloir des causes d’action ajoutées à la Loi. On ne peut invoquer ces dernières dans le cadre d’une action en commercialisation trompeuse. De plus, pour obtenir gain de cause dans une affaire en commercialisation trompeuse, le propriétaire de marques de commerce doit démontrer la présence de trois éléments (la bonne foi, la représentation fallacieuse et des dommages découlant de la représentation fallacieuse). On peut démontrer la présence de ces éléments au moyen de preuves par affidavit, cependant le fait d’avoir un enregistrement facilite le processus et solidifie la preuve. Par conséquent, les propriétaires de marques de commerce sont encouragés à s’assurer de l’enregistrement de leurs marques clés au Canada.

Injonctions interlocutoires

Bien que la Cour fédérale se soit montrée réticente quant au fait d’accorder des injonctions interlocutoires, les cours supérieures provinciales ont pour leur part adopté une approche différente. Ces dernières ont accordé de nombreuses injonctions interlocutoires au cours des dernières années dans le cadre d’affaires portant sur la contrefaçon de marques de commerce et la commercialisation trompeuse. Le seul problème est que la compétence d’un tribunal se limite à la province dans laquelle il se situe. Cette approche ne convient pas à toutes les situations.

Conclusion

Toute l’information présentée dans le présent article constitue d’excellentes nouvelles pour les propriétaires de droits afférents à une marque de commerce au Canada. En effet, les propriétaires peuvent se prévaloir des causes d’action récemment ajoutées dans le cadre des modifications portées à la Loi, et par ailleurs, de nouveaux outils ainsi que de nouvelles procédures adoptés par la Cour fédérale contribueront à l’obtention de résultats expéditifs. À mesure que ces modifications profiteront aux détenteurs de droits découlant de l’enregistrement d’une marque, il serait sage de passer en revue la stratégie entourant le dépôt de marques et les méthodes de gestion du portefeuille de marques afin de s’assurer que les enregistrements s’alignent tant sur l’emploi actuel que sur les plans futurs y afférents. 


CECI NE CONSTITUE PAS UN AVIS JURIDIQUE. L'information qui est présentée dans le site Web sous quelque forme que ce soit est fournie à titre informatif uniquement. Elle ne constitue pas un avis juridique et ne devrait pas être interprétée comme tel. Aucun utilisateur ne devrait prendre ou négliger de prendre des décisions en se fiant uniquement à ces renseignements, ni ignorer les conseils juridiques d'un professionnel ou tarder à consulter un professionnel sur la base de ce qu'il a lu dans ce site Web. Les professionnels de Gowling WLG seront heureux de discuter avec l'utilisateur des différentes options possibles concernant certaines questions juridiques précises.

Sujet(s) similaire(s)   Propriété intellectuelle