Dans le cadre d’un appel d’offres, il arrive souvent que le soumissionnaire débute les travaux dès la réception de la lettre d’intention et avant d’avoir signé un contrat. Ceci est notamment une pratique courante dans le domaine de la construction. Cependant, tel qu’il a été démontré dans une décision récente de la Cour supérieure dans Ferme Lisand, s.e.n.c. c. Société québécoise des infrastructures, 2015 QCCS 4720, procéder de cette manière peut représenter un risque pour le soumissionnaire.

Dans cette cause, la Société québécoise des infrastructures (la « SQI ») a lancé un appel d’offres pour l’octroi d’un contrat de déneigement. Dans le cadre de cet appel d’offres, Ferme Lisand s.e.n.c. (« Lisand ») a déposé une soumission qui s’est avérée être la plus basse.

Ainsi, Lisand a reçu, le 31 octobre 2014, une lettre d’intention de la SQI énonçant son intention de lui octroyer le contrat, sous réserve de la réception de certains documents et des résultats de l’enquête de sécurité prévus aux documents d’appel d’offres. 

Suite à ceci, la SQI aurait communiqué verbalement avec Lisand, lui confirmant que le contrat lui serait octroyé et qu’elle devrait entreprendre ses travaux dès que les conditions météorologiques le permettaient. Par conséquent, Lisand a exécuté certains travaux de déneigement le 18 novembre 2014 avec l’accord de la SQI.

Par la suite, le 28 novembre 2014, la SQI a informé Lisand que sa soumission n’était pas conforme, celle-ci ne répondant pas aux critères de confidentialité et de sécurité énoncés dans les documents d’appel d’offres et que le contrat ne lui serait pas octroyé. En réponse, Lisand a entrepris une action en dommages-intérêts contre la SQI devant la Cour supérieure.

Selon Lisand, le contrat était formé entre les parties dès la confirmation verbale par la SQI et celle-ci avait donc résilié le contrat illégalement.

La SQI, pour sa part, a demandé à la Cour de rejeter sommairement la réclamation de Lisand, avançant que les documents d’appel d’offres et la lettre d’intention prévoyaient clairement que la SQI n’avait aucun engagement envers le soumissionnaire avant la signature du contrat.

Donnant raison à la SQI, la Cour a conclu que la soumission de Lisand n’étant pas conforme aux exigences des documents d’appel d’offres, il n’était pas possible pour celle-ci d’obtenir le contrat issu de ce processus. De plus, les représentations verbales de la SQI indiquant que le contrat était octroyé à Lisand sont également insuffisantes en raison du caractère essentiel de la signature du contrat prévu aux documents d’appel d’offres.

La Cour conclut donc que l’adjudication d’un contrat à Lisand dans ces circonstances irait à l’encontre des objectifs visés par le régime d’appel d’offres public qui requiert un formalisme rigoureux. Pour ces motifs, la Cour a sommairement rejeté la demande de Lisand, sans même que la cause ne puisse procéder à un procès sur le fond.