Adam Heckman
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Lawyer and Patent Agent
Article
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Le 23 janvier 2015, la Cour fédérale a publié une décision portant sur le montant des dommages-intérêts recouvrable par Eli Lilly (« Lilly ») dans le cadre d’une action concernant la contrefaçon, par Apotex, de brevets visant la fabrication de l’antibiotique céfaclor. Lilly a obtenu des dommages-intérêts y compris ceux qu’elle réclamait en lien avec la perte de profits liés à la perte de ventes et les indemnisations d’intérêts avant jugement calculés au taux moyen correspondant au taux de profit global de Lilly, composé annuellement pour la période de 17 ans s’étant écoulée entre l’introduction de la procédure et l’adjudication définitive du montant des dommages-intérêts.
Le montant octroyé dans le cadre de l’adjudication définitive, intérêts avant jugement compris, se chiffre à 106 274 649, 00 $.
La Cour a entièrement rejeté l’argument d’Apotex selon lequel les dommages-intérêts devaient être réduits parce qu’en théorie, Apotex aurait pu éviter la contrefaçon si elle avait su qu’elle n’obtiendrait pas gain de cause dans le cadre de l'action relative à l'examen de la responsabilité (la « non infringing alternative » ou la défense NIA).
L’action a été introduite en 1997, la question des dommages-intérêts a été séparée et l'étape de l'action relative à l'examen de la responsabilité a été tranchée en 2008. À cet effet, la juge Gauthier a conclu qu’Apotex avait contrefait au moins une revendication valide de chacun des huit brevets distincts revendiqués par Lilly (Eli Lilly and Co c. Apotex Inc, 2009 CF 991; confirmé 2010 CAF 240; autorisation de pourvoi à la CSC refusée, [2010] SCCA no 434).
Le juge Zinn a entièrement rejeté l’argument d’Apotex selon lequel le recours en dommage dont disposait Lilly était plus restreint que celui prévu à l’article 55(1) de la Loi sur les brevets. Le juge Zinn a noté que seul le Parlement peut modifier ce droit, et qu’aucun juge n’a la compétence de limiter le recours dont dispose une demanderesse pour le rendre moindre au recours prévu en vertu de la Loi sur les brevets.
Après avoir examiné attentivement la jurisprudence applicable, le juge Zinn a entièrement rejeté l’allégation voulant que la loi permette à des contrefacteurs au Canada d’employer une défense NIA dans le cadre d’actions fondée sur l’existence d’une solution de rechange non contrefaisante dans le cadre d’actions en dommages-intérêts pour contrefaçon de brevet. Le juge Zinn a ainsi confirmé le point de vue de la juge Snider selon lequel l’existence d’une NIA n’est pas pertinente lorsqu’il s’agit de quantifier les dommages-intérêts. (Merck & Co c. Apotex Inc, 2013 CF 751).
Le juge Zinn a également confirmé que le lien de causalité entre la contrefaçon et les dommages causés par celle-ci est déterminé en fonction des faits tels qu’ils existaient dans le monde réel, et non pas en fonction des faits qui auraient pu exister dans un scénario hypothétique. Autrement dit, le contrefacteur ne peut pas avancer qu’il n’aurait pas commis de contrefaçon dans le monde hypothétique alors qu’il a bel et bien commis une contrefaçon dans le monde réel.
Le juge Zinn a expliqué qu’il y a lieu de tenir compte de l’existence d’une NIA uniquement lorsqu’il est question de la restitution des profits touchés par un contrefacteur (par opposition à une affaire portant sur les dommages subis par un breveté. Dans une analyse à des fins de restitution des profits, il est nécessaire de déterminer quelle part des profits est directement attribuable à l’utilisation de l’invention. Cependant, lorsqu’il est question d’évaluer le dommage subi par un breveté en raison d’une contrefaçon, il n’est pas pertinent de savoir si le contrefacteur aurait pu agir autrement, car c’est précisément la contrefaçon qui a causé le dommage en question.
Le juge Zinn s’est fondé sur l’arrêt rendu par la Cour suprême dans l’affaire Banque d'Amérique du Canada c. Société de Fiducie Mutuelle, 2002 CSC 43 pour conclure que Lilly avait bel et bien droit aux intérêts composés avant jugement, car il s’agit d’un élément de l’indemnisation prévue au paragraphe 55(1) de la Loi sur les brevets, lequel stipule que le contrefacteur est responsable envers le breveté « du dommage que cette contrefaçon [lui] a fait subir ».
Dans Banque d'Amérique, la Cour suprême a reconnu la « valeur temporelle » de l’argent et a conclu que la réticence à accorder de l’intérêt composé en common law doit céder le pas lorsqu’une telle mesure est nécessaire pour permettre à la demanderesse d’être pleinement indemnisée.
Le juge Zinn a rejeté l’interprétation étroite avancée par Apotex à l’égard du jugement rendu dans Bank of America, et a fait valoir que la Cour suprême n’avait pas affirmé que le droit en equity et le droit contractuel reconnu en common law étaient les seuls « droits » permettant de justifier l’octroi d’intérêts composés.
Une fois que Lilly a démontré qu’elle avait perdu des profits par suite de la contrefaçon commise par Apotex, le juge Zinn a accepté le fait que de nos jours, il existe une présomption selon laquelle un demandeur aurait généré des intérêts composés sur les sommes qu’on aurait dû autrement lui verser, et que le défendeur a lui-même généré de tels intérêts dans la période pendant laquelle il a retenu les fonds. » [TRADUCTION]. Par conséquent, Lilly avait également subi un dommage en la forme de la perte du revenu qu’elle aurait normalement généré à l’aide de ces profits.
Finalement, en ce qui a trait à l’établissement du taux d’intérêt avant jugement, le juge Zinn a affirmé que le meilleur moyen de déterminer la perte subie par le breveté durant la période en raison de l’impossibilité d’investir les fonds dans son entreprise à cause de l’inaccessibilité de ces derniers, est d’évaluer la part des profits générés par l’entreprise durant la période pertinente.
Lilly a été représentée par les avocats de Gowlings Anthony Creber, Isabel Raasch et Marc Richard.
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