Alexandre Sami
Associé
Article
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Il arrive souvent que suite à un appel d’offres, un soumissionnaire à qui le contrat n’a pas été octroyé conteste les résultats de l’appel d’offres en poursuivant le donneur d’ouvrage. Il est plus rare, cependant, que ce soumissionnaire perdant poursuive également le soumissionnaire gagnant.
Le jugement récent de la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Fermes A. Collin inc.1 démontre qu’un tel recours peut être contesté avec succès au moyen d’une demande en non-recevabilité.
Dans cette affaire, la Municipalité de Saint-Esprit lance un appel d’offres pour le déneigement, la fourniture et l’épandage d’abrasifs sur son territoire. La demanderesse, Les Fermes A. Collin Inc. (« Collin »), et la défenderesse, Au Sentier de l’Érable senc (« Sentier »), soumettent toutes les deux des soumissions. La municipalité octroie le contrat à Sentier.
Selon Collin, la soumission de Sentier est non-conforme, en ce qu’elle ne démontre pas à la municipalité qu’elle est propriétaire ou locataire à long terme des équipements requis, contrairement aux exigences prévues au cahier des charges de l’appel d’offres.
Collin poursuit donc la municipalité et Sentier, alléguant qu’elles sont conjointement et solidairement responsables de lui payer la somme de 336 431,86$, soit, le profit escompté si elle avait obtenu le contrat.
Sentier présente un moyen de non-recevabilité basé sur le fait qu’il n’existe aucune véritable allégation de faute contre celle-ci pouvant justifier une condamnation en dommages.
Le tribunal rappelle que selon l’article 165(4) du Code de procédure civile, lors de la présentation d’un moyen de non-recevabilité, les faits allégués doivent être tenus pour avérés. Toutefois, le tribunal précise que bien que les faits soient tenus pour avérés, la qualification juridique de ces faits ne l’est pas. En l’espèce, le recours est extracontractuel et nécessite qu’une faute soit alléguée.
De plus, la Cour contraste les faits de la présente affaire avec ceux dans l’affaire L’immobilière, société d’évaluation conseil inc.2 Dans cette affaire, la Cour d’appel avait accueilli la demande d’un soumissionnaire perdant, Évaluations BTF, à l’encontre d’un soumissionnaire gagnant, l’Immobilière. Toutefois, contrairement au cas en l’espèce, la soumission de l’Immobilière était non véridique sur plusieurs points, et l’Immobilière avait volontairement trompé les membres du comité de sélection.
La Cour supérieure donne raison à Sentier, accueille le moyen de non-recevabilité, et rejette la demande de Collin.
Selon la Cour, la demande ne contenait aucune allégation de collusion ou de manœuvre frauduleuse entre la municipalité et Sentier. Elle ne contenait, non plus, aucune allégation à l’effet que Sentier aurait fait une fausse déclaration.
Par conséquent, la Cour a conclu à l’irrecevabilité de la demande de Collin en absence d’allégation concrète de faute.
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