La valorisation des secrets commerciaux

20 septembre 2017

Dans notre série d’articles consacrés au secret commercial, les professionnels de Gowling WLG partagent leurs connaissances afin de vous aider à comprendre et gérer les secrets commerciaux, dans le but de les utiliser comme outils de compétitivité. Ces articles sont le préambule de notre conférence du 24 octobre prochain Conférence sur le secret commercial.

Nous espérons ainsi vous éclairer sur :

  • ce qui peut faire l’objet d’une protection d’après les lois portant sur les secrets commerciaux,
  • les avantages que les secrets commerciaux apportent par rapport à d’autres formes de propriété intellectuelle,
  • la façon dont la protection des secrets commerciaux peut vous procurer un avantage concurrentiel sur le long terme.

Après avoir défini les secrets commerciaux dans l’article précédent, notamment en les distinguant des brevets et droits d’auteur, il convient désormais d’apprécier la valeur qu’ils peuvent représenter pour votre entreprise. Afin de constater leur impact, nous vous proposons d’étudier deux exemples d’actualité avant de s’intéresser à la valorisation des secrets commerciaux.

Actualité en matière de secrets commerciaux

1. Telesocial inc. v. Orange SA

Il s’agit d’une cause toujours en cours devant les tribunaux de San Francisco aux États-Unis. Dans les documents publics relatifs à cette cause, on apprend que Telesocial inc. («Telesocial ») , jeune entreprise en démarrage californienne, a mis au point en 2012 une application permettant de recevoir des appels téléphoniques à travers certaines plateformes des réseaux sociaux. Dans ces mêmes documents, on apprend qu’Orange SA (« Orange »), entreprise française de télécommunication, a discuté avec Telesocial  pour acheter la technologie afin de la déployer elle-même sur certains réseaux sociaux. Les discussions ont cessé à la fin de l’été 2012 lorsque Telesocial  a augmenté le prix de manière trop importante aux yeux d’Orange .

Selon ce qu’avance Telesocial , Orange aurait accédé à l’interface du logiciel à plusieurs reprises après la rupture des négociations, soit entre les mois d’août et de septembre 2012. Au mois de novembre 2012, Orange  lance sa propre application permettant aux utilisateurs de certains réseaux sociaux de communiquer par le truchement d’une interface du réseau social. Telesocial  affirme donc qu’Orange a volé ses secrets commerciaux dans le but de lancer sa propre application. Le procès actuellement en cours devrait permettre de déterminer si Orange SA a bel et bien volé les secrets commerciaux de Telesocial  et, si tel était le cas, quelle compensation serait applicable.

Telesocial  estime d’ailleurs les dommages encourus à 60 millions de dollars américains. Il est intéressant de constater la différence entre cette somme et celle de 850 000 € (environ 1 millons $ USD) que l’on trouve dans les documents divulgués par les parties en rapport à la négociation avortée.

2. Uber v. Waymo

Encore une fois, il s’agit d’une cause des États-Unis entendue à San Francisco. Il est à noter que Waymo fait partie du giron de Google. Selon ce que les documents déposés nous permettent d’apprendre, Anthony Levandowski est un ingénieur travaillant pour Google à la conception et réalisation de voitures autonomes. Il démissionne en janvier 2016 avant de former une entreprise en démarrage « Otto » visant le marché des camions autonomes. L’entreprise Otto a par la suite été acquise par Uber pour un montant d’environ 680 millions de dollars américains.

Dans les documents rendus publics, Google dit avoir découvert à l’automne 2016 qu’Anthony Levandowski aurait téléchargé environ 14 000 documents confidentiels avant de quitter leur entreprise. Toujours selon Google, ces documents contiendraient des détails techniques de la technologie laser permettant aux véhicules de détecter les obstacles et de les éviter.

Waymo, alléguant qu’Uber a volé ses secrets commerciaux, a donc intenté des procédures judiciaires contre cette dernière. Uber se défend en affirmant que, même si Anthony Levandowski avait effectivement volé les secrets commerciaux de Waymo, elle n’y est pour rien et n’a retiré aucun bénéfice de ce vol. Uber prétend en effet que tous les efforts requis auraient été mis en place au moment de l’acquisition d’Otto pour que d’éventuels secrets commerciaux de Google ne soient pas introduits chez Uber.  Cette cause est moins avancée que la première, mais il y a fort à parier que d’importantes sommes d’argent seront mis en cause par les parties.

Beaucoup de chemin reste à faire dans chacune de ces causes et il sera intéressant de suivre leur évolution. On peut déjà affirmer qu’elles seront toutes deux des cas d’école qui permettront à d’autres, comme vous, de maximiser la valeur de leurs secrets commerciaux, minimiser les risques associés et être en mesure de mieux anticiper les conséquences d’une divulgation ou d’un vol de secrets commerciaux. À la lumière de ces deux exemples, on peut prendre conscience de l’importance de la protection des secrets commerciaux pour les entreprises.

Valorisation des secrets commerciaux

Les répercussions en termes de coût directs et indirects qui résultent des divulgations involontaires et des vols relatifs aux secrets commerciaux restent difficiles à évaluer de manière quantitative. En effet, chaque cas est particulier et les conséquences varient selon plusieurs critères, notamment le secteur d’activités relatif aux secrets commerciaux dont il est question. Cependant, d’un point de vue qualitatif, il convient de prendre conscience des impacts potentiels suivants :

  • l’impact négatif sur la réputation de votre entreprise,
  • la perte de temps liée aux perturbations causées par la divulgation du secret commercial,
  • la perte directe ou indirecte de clients à la suite du vol d’un secret commercial,
  • le coût réactif lié à la mise en place d’actions régulatrices au sein de votre entreprise, et
  • le coût des procédures et du contentieux.

Les conséquences économiques peuvent être désastreuses au point de mener certaines entreprises à la faillite, surtout lorsqu’il s’agit d’entreprises en démarrage ou de petites ou moyennes entreprises. La valeur de vos secrets commerciaux ne doit donc pas être négligée. Une étude de la firme américaine Baker McKenzie publiée en 2017, intitulée « The Board Ultimatum : Protect and Preserve, The Rising importance of Safeguarding Trade Secrets », met en lumière le fait que le vol des secrets commerciaux est de plus en plus courant. En effet, 20 % des 404 entreprises interrogées par Baker McKenzie ont affirmé avoir déjà fait l’objet de vol. Les secteurs les plus touchés semblent être les entreprises pharmaceutiques (33 %), suivies par les industries de production (18 %) et les technologies de l’information et de la communication (17 %).

Des recherches publiées en 2014 par PwC et le Centre d’entreprise et de commerce responsable (États-Unis) ont estimé la valeur des vols de secrets commerciaux aux États-Unis à 1 % à 3 %  du produit intérieur brut, soit entre 200 et 550 milliards par an.

Bien entendu, on parle ici des conséquences négatives qui suivent une divulgation involontaire ou un vol. Vous aurez sans doute compris qu’il existe également un avantage concurrentiel évident à l’usage exclusif par votre entreprise de vos secrets commerciaux. À cet égard, assurer la perpétuité des secrets commerciaux de votre entreprise par des mesures de protections adéquates demeure essentiel.

Protection des secrets commerciaux 

La mise en place de mesures de protection des secrets commerciaux doit se faire de façon consciente et proactive. Dans les meilleurs cas, toute information sensible de l’entreprise est traitée comme un secret commercial jusqu’à preuve du contraire. On pourra bien entendu ajouter des mesures de protection spécifique lorsque la valeur du secret aura été confirmée. Cette approche systématique permettra à terme d’éviter que d’éventuels secrets commerciaux ne soient perdus par négligence ou inadvertance.

Vous l’aurez sans doute compris, la protection des secrets commerciaux intervient bien avant qu’un litige sur le sujet ne survienne. Il convient donc d’identifier les auteurs potentiels de vol ou de divulgations involontaires afin de mettre en place des moyens préventifs appropriés. Les risques proviennent notamment :

  • des employés actuels et anciens (prenons l’exemple du litige entre Waymo et Uber),
  • des fournisseurs, consultants et tiers avec lesquels votre entreprise est en relation (prenons l’exemple du litige entre Telesocial inc. et Orange SA),
  • du piratage informatique,
  • du cyber espionnage ou de la cybercriminalité à la solde d’États ou de groupes d’intérêts.

Dans notre prochain article, nous aborderons les aspects stratégiques de la protection desr secrets commerciaux et discuterons également de certaines mesures à prendre pour protéger les secrets commerciaux qui dépassent la simple entente de confidentialité.

Pour en savoir plus, nous vous donnons rendez-vous le 24 octobre prochain.


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Conférence sur le secret commercial

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