Suzie Lanthier
Associée
Article
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Nous connaissons tous l’exception permettant de faire la preuve testimoniale d’un acte juridique passé dans le cours des activités d’une entreprise, mais beaucoup d’entre nous ignorons dans quel contexte elle s’applique.
L’article 2862 du Code civil du Québec édicte :
2862. La preuve d’un acte juridique ne peut, entre les parties, se faire par témoignage lorsque la valeur du litige excède 1 500 $.
Néanmoins, en l’absence d’une preuve écrite et quelle que soit la valeur du litige, on peut prouver par témoignage tout acte juridique dès lors qu’il y a commencement de preuve; on peut aussi prouver par témoignage, contre une personne, tout acte juridique passé par elle dans le cours des activités d’une entreprise.
Le principe est l’interdiction de la preuve testimoniale. L’exception au principe s’applique lorsque l’acte visé est passé dans le cours des activités d’une entreprise. Mais comme toute exception, elle doit être interprétée restrictivement[1]. Pour déterminer si l’exception s’applique, il faut d’abord établir quel est l’objet, c’est-à-dire le cœur de l’entreprise contre laquelle on veut opposer un acte juridique, et il faut déterminer si l’acte que l’on veut lui opposer s’inscrit dans ses activités régulières déterminées par cet objet. Prenons l’exemple de deux entreprises : un dépanneur qui vend des marchandises et une compagnie de financement qui prête de l’argent. La preuve d’un contrat de vente de marchandise à l’encontre d’un dépanneur, et la preuve d’un contrat de prêt à l’encontre d’une compagnie de financement peuvent se faire par témoignage[2].
Les autres actes juridiques, même ceux qui sont nécessaires à l’exploitation de l’entreprise, ne pourront pas bénéficier de l’exception. Ainsi, il a été décidé que le contrat d’achat d’équipement pour la fabrication de structures métalliques ne fait pas partie des activités courantes d’une entreprise de fabrication de structures métalliques[3], de même que le contrat de courtage immobilier ne fait pas partie des affaires courantes d’une entreprise qui généralement acquiert des terrains pour y ériger, commercialiser et exploiter des stations-service, dépanneurs, restaurants et centres commerciaux[4]. Récemment, la Cour supérieure a confirmé que la preuve testimoniale ne pouvait être permise pour mettre en preuve un contrat de courtage à l’encontre de Sobeys Québec inc., qui est un grossiste en alimentation, même si ses activités immobilières sont importantes[5].
Ainsi, il serait prudent de se questionner sur le type d’acte juridique que l’on veut mettre en preuve avant de présumer que la preuve testimoniale sera permise en raison du fait que l’acte juridique a été passé dans le cours des activités d’une entreprise.
[1] Lanctôt c. Romifal inc. (Nova PB inc.), 2010 QCCS 4755 ; Mométal Structures inc. c. CIA CPCC inc., 2010 QCCS 3826.
[2] ROYER, Jean-Claude, La preuve civile, 5e éd., 2016, Éditions Yvon Blais, par. 920.
[3] Mométal Structures inc. c. CIA CPCC inc., 2010 QCCS 3826.
[4] 9108-4913 Québec inc. c. Capitale Alliance commercial inc., 2008 QCCA 362.
[5] 3090-4320 Québec inc. (Royal Lepage St-Jean) c. Sobeys Québec inc., 2018 QCCS 59.
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