Distinctement différentes? Les marques de commerce et la norme du caractère distinctif

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24 mai 2018

Grâce à l'expansion du cyberespace, bon nombre de marques qui auraient été accessibles à une partie de la société et promues auprès de celle-ci seulement sont maintenant accessibles à tous. Cette situation engendre son lot de défis et l'un d'entre eux est de découvrir comment créer, protéger et faire respecter une marque devant être utilisée dans plusieurs pays. En effet, les pays ont des méthodes, des normes et des définitions différentes liées aux marques et les propriétaires de marques doivent composer avec celles-ci pour créer un portefeuille de marques solide et efficace.



Le présent article est le premier d'une série d'articles dans lesquels nous irons puiser dans l'expérience et les compétences de notre équipe au Royaume-Uni, en France, en Allemagne, aux Émirats arabes unis, en Russie, à Singapour, en Chine et au Canada afin d'offrir des conseils sur la démarche à adopter face aux questions fondamentales auxquelles font face les propriétaires de marque.

Le premier sujet sera le caractère distinctif. La fonction essentielle de toute marque de commerce est de garantir au consommateur l'origine des biens et des services arborant la marque. Pour y parvenir, la marque de commerce doit pouvoir se distinguer des autres marques ou symboles. Le caractère distinctif a une incidence sur tout, notamment l'enregistrabilité de la marque, la portée de sa protection, la mesure dans laquelle on peut la faire respecter et sa validité continue après l'enregistrement. La marque doit être « distinctive », mais le critère est-il le même partout dans le monde et comment un propriétaire de marque peut-il remplir ce critère?

ROYAUME-UNI

Au Royaume-Uni, en vertu du paragraphe 3(1) de la Trade Marks Act 1994 (la « TMA »), une marque ne peut pas être enregistrée si elle est dépourvue de caractère distinctif. Pour évaluer ce caractère distinctif, un certain nombre de facteurs sont pris en compte, comme la part du marché, l'investissement en commercialisation et l'existence ou non d'une utilisation de longue date ou intensive de la marque établissant son origine. Il n'existe aucune échelle ni aucun outil objectif pour mesurer le caractère distinctif, mais au Royaume-Uni, les facteurs suivants doivent être pris en compte :

  • La marque doit indiquer que les produits et services proviennent d'une entreprise particulière.
  • Le caractère distinctif est évalué du point de vue d'un consommateur moyen raisonnablement bien informé et avisé.
  • Les divers types de marques de commerce exigent diverses normes ou niveaux de caractère distinctif. Par exemple, la norme du caractère distinctif applicable à une couleur pour des produits et services donnés est plus rigoureuse que celle applicable à une marque composée de mots.
  • Le caractère distinctif n'est pas évalué isolément. Un examinateur des marques de commerce du UK Intellectual Property Office (UKIPO) prendra en compte tous les éléments de preuve pertinents.

Une marque sera considérée comme intrinsèquement distinctive si elle peut indiquer immédiatement au consommateur l'origine du produit sans que le consommateur doive apprendre quoi que ce soit à propos de cette origine. Les tribunaux du Royaume-Uni ont donné certaines indications sur ce qui sera considéré comme étant intrinsèquement distinctif.

Si une marque est composée de deux mots descriptifs qui ne sont pas intrinsèquement distinctifs, la seule combinaison de ces deux mots pourrait ne pas suffire à rendre l'expression distinctive. Par exemple, si le consommateur peut utiliser l'un des sens de l'expression pour désigner les caractéristiques des produits en question, l'enregistrement de la marque sera probablement refusé en raison du caractère descriptif de celle-ci (WM Wrigley Jr Company v OHIM C-191/01P).

Souvent, les entreprises utilisent un mot servant de marque et ajoutent des éléments décoratifs ou figuratifs pour créer leur marque de commerce. Toutefois, lorsque le mot lui-même n'est pas distinctif, voire descriptif, les entreprises doivent s'assurer d'ajouter plus qu'un simple élément de distinction, c'est-à-dire que les éléments figuratifs de la marque doivent s'additionner au caractère distinctif de la marque et ne peuvent servir à cacher une marque qui serait par ailleurs descriptive (Starbucks v BskyB [2012] EWHC 3074).

Pour de nombreuses raisons que nous n'abordons pas dans le présent article, les couleurs sont particulièrement difficiles à enregistrer en tant que marques de commerce. En ce qui concerne le caractère distinctif, seule la couleur doit servir à désigner l'origine des produits et services en question. Une marque de couleur ne sera peut-être jamais considérée comme étant intrinsèquement distinctive parce qu'il faudra presque toujours indiquer au consommateur que la couleur signifie que les produits et services en question proviennent de l'entreprise en question. Toutefois, l'absence de caractère distinctif inhérent ne signifie pas qu'une marque ne peut acquérir de caractère distinctif.

Même si une marque est dépourvue de caractère distinctif, son enregistrement sera tout de même autorisé si, avant la date de l'enregistrement, elle a acquis un caractère distinctif en raison de l'utilisation qui en a été faite (par. 3(2) de la TMA). La marque doit avoir acquis un caractère distinctif sur une partie substantielle du territoire géographique où elle sera employée. Par exemple, si la marque est une marque de l'UE, elle devra être considérée comme étant distinctive dans une partie substantielle de l'UE. Les propriétaires de marque doivent être disposés à recueillir des preuves afin de démontrer que les consommateurs de toute l'UE reconnaissent la marque comme identifiant leurs produits.

Une marque ayant acquis un caractère distinct peut être employée conjointement avec d'autres marques, mais, pour être enregistrée, elle doit encore pouvoir identifier indépendamment les produits et services de l'entreprise.

Il peut être difficile d'établir le caractère distinctif, en particulier dans le cas des marques de forme. Comme il a été démontré dans le cas de Kit Kat, la forme bien connue de ces produits de confiserie peut être considérée comme étant distinctive par le consommateur et celui-ci peut associer la forme avec la marque pertinente. Toutefois, aux fins de l'enregistrement de la forme en tant que marque, l'association que fait le consommateur entre la marque et un produit particulier pourrait ne pas suffire à démontrer que la seule forme désigne l'origine du produit lorsque celle-ci est séparée de toute autre marque.

Une marque peut acquérir un caractère distinctif, mais elle peut aussi perdre ce caractère. Si une marque n'est pas correctement contrôlée, son emploi peut devenir générique ou une expression commune et la capacité de la marque d'associer des produits ou services avec une entreprise particulière diminuera.

ALLEMAGNE

En Allemagne, comme au Royaume-Uni, un certain public doit pouvoir reconnaître la marque comme une indication de l'origine du produit. La marque doit donc être distinctive.

En Allemagne, l'absence de caractère distinctif est un critère de rejet absolu d'une marque de commerce. L'examen effectué au moment de la demande est rigoureux et complet. En conséquence, le nombre de marques officiellement refusées en Allemagne est très élevé et la plupart le sont pour cause d'absence de caractère distinctif.

En général, le critère servant à évaluer le caractère distinctif est le même pour toutes les catégories de marque. Toutefois, selon le type de marque, il pourrait être plus difficile, dans certains cas, d'établir qu'une demande comporte le degré de caractère distinctif nécessaire et que la marque sera perçue comme une indication de l'origine du produit dans l'œil du public concerné.

Même si les divers motifs de refus absolus doivent être pris en compte indépendamment, il existe un chevauchement important entre le motif absolu de refus lié au caractère descriptif (lorsqu'il est nécessaire de garder la marque libre pour que toute personne puisse l'employer) et l'absence de caractère distinctif (lorsque le public concerné ne perçoit pas la marque comme une indication de l'origine du produit). Les marques peuvent aussi être dépourvues de caractère distinctif lorsqu'elles ne sont composées que d'un slogan publicitaire commun ou si une marque figurative n'est composée que d'un dessin que le public ne percevrait que comme une simple décoration.

Comme au Royaume-Uni, la démarche du Bureau allemand des brevets et des marques de commerce (Deutsche Patent- und Markenamt - DPMA) et des tribunaux allemands est encore une fois très rigoureuse au moment d'évaluer le caractère distinct des couleurs servant de marque : Le Tribunal fédéral des brevets de l'Allemagne a établi que la couleur « violet » (Pantone 2567C) n'est pas intrinsèquement distinctive pour les inhalateurs destinés à l'administration de médicaments puisque le consommateur n'est pas familier avec l'utilisation des couleurs comme indication de l'origine.

L'évaluation du caractère distinctif, dans le cas d'une forme ou d'une marque tridimensionnelle, est aussi relativement problématique. Au moment d'examiner le caractère distinctif d'une forme ou d'une marque en 3D, il convient d'abord de vérifier si le public concerné reconnaît la marque comme étant un exemple générique d'un produit particulier. Si ce n'est pas le cas, parce qu'il existe des caractéristiques allant au-delà d'un dessin générique, la deuxième étape consiste à établir si le public concerné perçoit une indication de l'origine dans ces caractéristiques ou s'il perçoit la marque que comme des fonctions techniques ou un dessin généralement esthétique.

À titre d'exemple, les produits de chocolat ont connu certaines difficultés en Allemagne. Le Tribunal fédéral des brevets a nié le caractère distinctif d'un bâton mince ayant un diamètre rond, des lignes longitudinales et des miettes éparses, puisque cette forme ne se distinguait pas de la grande variété de formes et de motifs courants dans le domaine des produits de chocolat.

D'autres marques « exotiques » comme les sons, les positions et les marques tactiles peuvent aussi être enregistrées en Allemagne. Toutefois, dans le cas des sons, les tribunaux allemands n'ont pas encore abordé la question du caractère distinctif et il n'existe aucune jurisprudence concernant les positions servant de marque et les marques tactiles. Une position a un caractère distinctif si le public concerné perçoit la marque comme étant une indication de l'origine, en particulier en ce qui concerne son positionnement; par exemple, les ornements du genre ne sont habituellement pas placés à cet endroit. Quant aux marques tactiles, le Tribunal fédéral des brevets a refusé le caractère distinctif d'une marque de commerce comportant la description « sensation grossière du papier sablé » pour diverses boissons alcoolisées et non alcoolisées (Tribunal fédéral des brevets, décision datée du 23 mars 2007 - 26 W (pat) 3/05). De l'avis du tribunal, le public concerné dans le secteur des boissons alcoolisées et non alcoolisées n'a pas l'habitude de déduire l'origine de ces produits uniquement à partir des impressions tactiles sans l'aide d'un mot ou d'éléments figuratifs.

Si la marque est dépourvue de caractère distinctif, elle ne peut être enregistrée que si le requérant peut prouver qu'elle a acquis un caractère distinctif en raison de son emploi. Quand vient le moment de prouver l'acquisition du caractère distinctif, il faut souvent une étude de marché.

Même si le DPMA et les tribunaux allemands affirment que les critères d'évaluation du caractère distinctif sont les mêmes pour toutes les catégories de marques, des différences importantes existent dans la pratique.

FRANCE

L'article L.711-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) précise qu'une marque de commerce doit être un signe permettant de distinguer les produits ou services d'une entreprise de ceux d'une autre.

Le caractère distinctif est évalué à la date du dépôt concernant les produits et services pour lesquels un enregistrement est demandé et du point de vue du public concerné, c'est-à-dire le consommateur moyen des produits et services, qui est raisonnablement informé et raisonnablement attentif et avisé.

Les signes suivants sont considérés comme étant dépourvus de caractère distinctif :

  • les signes qui consistent exclusivement en la désignation nécessaire, générique ou habituelle des produits ou services, que ce soit dans la langue courante ou professionnelle;
  • les signes pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, en particulier le type, la qualité, la quantité, le but, la valeur, l'origine géographique, le moment de la production;
  • les signes qui consistent exclusivement en une forme imposée par la nature ou la fonction du produit ou qui lui donnent une valeur substantielle.

Le caractère distinctif d'un signe peut être évalué, tout d'abord par l'Institut national de la propriété industrielle au moment du dépôt de la demande et, deuxièmement, par le juge des marques de commerce, advenant que la validité de l'enregistrement soit contestée. En vertu des lois françaises, il est habituellement facile de se conformer à la norme du caractère distinctif, bien que les juges des marques de commerce tendent à adopter une démarche plus rigoureuse afin d'éviter la monopolisation des termes généraux, y compris ceux dans une langue étrangère. Par exemple, la Cour d'appel de Paris a établi que la marque de commerce « GreenCar » était dépourvue de caractère distinctif en ce qui concerne les véhicules puisque la marque était composée de deux mots anglais que le public concerné pouvait facilement comprendre, à la date du dépôt, et qui pouvaient se rapporter aux qualités écologiques du produit.

La Cour d'appel a aussi établi que les marques de commerce GARUM ARMORICUM et GARUM étaient dépourvues de caractère distinctif puisque GARUM est un assaisonnement aux vertus médicinales qui est bien connu depuis les temps anciens. Même si le latin n'est pas communément compris, l'expression GARUM ARMORICUM pourrait être comprise des pharmaciens et des consommateurs qui accordent une attention particulière à la composition des produits de santé.

Comme dans le reste de l'Europe, les signes 3D et les formes posent un problème particulier en ce qui concerne le caractère distinctif. En plus des affaires notables concernant le chocolat que les tribunaux européens ont tranchées et dont il est question ci-dessus, la Cour d'appel de Paris a établi qu'une demande de marque de commerce pour l'emballage du jus CapriSun comportait une photographie de piètre qualité dont il était peu probable qu'elle soit perçue par le public concerné comme une indication de l'origine du produit.

Comme au Royaume-Uni et en Allemagne, les marques peuvent acquérir un caractère distinctif en France après l'enregistrement. Dans la décision de la Haute Cour de France concernant la marque de commerce française « vente-privée.com » concernant des services de vente privée par Internet, bien qu'il ait été établi que la marque était dépourvue de caractère distinctif, la Cour a confirmé la validité de la marque puisque celle-ci avait acquis un caractère distinctif en raison de son usage.

La jurisprudence française établit que pour démontrer l'acquisition d'un caractère distinctif, le propriétaire de la marque doit prouver qu'un usage long, notable et notoire a été fait de celle-ci. Les juges tiendront compte de la durée et de l'étendue géographique de l'usage, de l'importance de l'usage (chiffre de vente, bulletins), de la part de marché détenue par les marques de commerce, de la couverture médiatique, de l'importance des investissements du propriétaire dans la promotion de la marque et de sondages établissant le pourcentage de consommateurs capable d'identifier, à partir de la marque de commerce, l'origine des produits ou des services ou la notoriété du signe.

De plus, la marque de commerce doit avoir été utilisée en tant que marque enregistrée, même si la Cour de justice (Union européenne) a établi que le caractère distinctif peut découler de l'usage lorsqu'il s'agit d'une marque de commerce enregistrée. La Haute Cour a suggéré, dans le cadre d'une affaire se rapportant à un signe enregistré pour désigner des services de location de voiture, que le recours à une marque de commerce complexe, y compris les mots composant une marque de commerce sous forme de mots contestée, ainsi que l'usage du signe sous forme de mots comme dénomination sociale pourrait être pris en compte pour établir si la marque avait acquis un caractère distinctif ou non.

Le caractère distinctif d'un signe constitue aussi un problème lorsque vient le moment de faire respecter une marque. En principe, les lois sur les marques de commerce ne devraient faire aucune distinction entre une marque de commerce composée d'éléments très distinctifs et une autre composée de termes moins évocateurs, à la condition que le signe ait passé l'épreuve du caractère distinctif. La Cour de justice de l'Union européenne a établi que « s’il est vrai que le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important, un tel risque n’est pas pour autant exclu lorsque le caractère distinctif de la marque antérieure est faible ».

Toutefois, les tribunaux français ont tendance à considérer que plus le caractère distinctif d'un signe est faible, plus la probabilité de confusion sera faible. Au moment d'examiner les signes CARTER-CASH et CAR&CASH.com, la Cour d'appel de Paris a établi que bien que le signe CARTER-CASH soit composé de mots non distinctifs sur le plan individuel, ce signe était distinctif parce qu'« il se dégage de l’impression qu’il produit un écart suffisamment perceptible par rapport à la terminologie employée, dans le langage courant et la catégorie de consommateurs concernée, pour désigner les produits ou services ». L'évaluation du risque de confusion entre deux signes doit « être fondée sur l’impression d’ensemble produite [...] en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants »; dans le cas qui nous occupe, toute probabilité de confusion devrait être exclue, notamment, puisque l'expression commune « CASH » entre les deux signes a un caractère distinctif faible.

ÉMIRATS ARABES UNIS

La loi sur les marques de commerce des Émirats arabes unis (loi fédérale No. 37 de 1992 sur les marques de commerce (en sa version modifiée)) pose un éventail de problèmes d'enregistrabilité pour les marques, l'un d'eux étant l'« attribut ou caractère distinctif ».

L'article 3 stipule que ce qui suit ne peut pas être enregistré en tant que marque de commerce ou d'élément d'une marque de commerce :

« [traduction] 1. Les marques dépourvues de caractère distinctif ou qui consistent en des représentations qui ne sont rien de plus que les noms habituels donnés aux produits et services ou des dessins conventionnels ou des images ordinaires des produits. »

Aux Émirats, la difficulté réside dans le fait qu'en raison du droit civil et des lois sur la protection des renseignements personnels, les décisions antérieures ne sont pas rendues publiques, sauf si la partie ou son représentant publie un article sur la question. Aussi, contrairement à d'autres pays, les fonctionnaires et les procureurs n'ont pas accès à un « manuel de travail », à des « lignes directrices en matière d'examen » ni à des guides similaires aidant à décrire les pratiques employés en ce qui concerne le caractère distinctif ou d'autres questions liées aux poursuites. Les juristes doivent se fier à leur expérience des dossiers antérieurs ou à la démarche utilisée à l'étranger.

Ce qui est utile, c'est le seuil du caractère distinctif établi dans la loi, qui est bas. Pour cette raison, les marques qui pourraient ne pas pouvoir être enregistrées dans d'autres pays (où ce seuil est plus élevé) pourraient être considérées comme acceptables à première vue aux Émirats.

En général, les objections pour des motifs de caractère distinctif sont inhabituelles aux Émirats pour un certain nombre de raisons. Si la marque est composée d'un mot que le fonctionnaire (dont la langue maternelle est l'arabe) ne connait pas, il se peut qu'il n'en connaisse pas le sens, le considère comme étant distinctif et l'accepte.

Au moment de déposer une demande aux Émirats arabes unis, par exemple pour un mot anglais, le requérant ou le représentant est tenu d'inclure des extraits d'un dictionnaire anglais-arabe. Si le mot ne figure pas dans le dictionnaire utilisé, l'examinateur pourra le traiter comme s'il n'avait aucune signification. Donc, des mots non distinctifs sont parfois acceptés.

Le bas seuil utilisé pour établir le caractère distinctif s'applique à tous les types de marques de commerce. Par exemple, contrairement aux pays européens, les marques en 3D et les marques non classiques seront acceptées à première vue, sans objection. La bonne nouvelle est la suivante : non seulement ces marques peuvent être enregistrées, mais les autorités administratives chargées de l'application peuvent les faire respecter et les tribunaux des Émirats arabes unis ont confirmé un certain nombre de jugements établissant que de telles marques peuvent être protégées dans le pays.

Que se passe-t-il lorsqu'une marque fait l'objet d'une objection sur la base du caractère distinctif? Auparavant, il était possible de modifier la marque de commerce à tout moment pendant le processus d'examen. Toutefois, il y a environ trois ans, une directive a été émise interdisant la modification des marques. À l'heure actuelle, si un examinateur décide qu'une marque ou un élément d'une marque est dépourvu de caractère distinctif, il pourra accorder une acceptation conditionnelle. Il peut s'agir d'une renonciation visant le terme en question ou peut-être une période limitée afin de permettre au requérant de modifier sa marque en ajoutant un élément distinctif. Plus souvent, les examinateurs émettent un refus, ce qui signifie que la décision doit être officiellement portée en appel.

Si la possibilité de modifier la marque existe, une demande visant une marque verbale pourra être modifiée afin d'ajouter la marque de maison, représenter la marque avec un logo ou de la manière stylisée dans laquelle elle peut être utilisée ou montrer la marque sur l'emballage, dans le but de surmonter les problèmes.

Contrairement aux lois d'autres pays, les lois des Émirats arabes unis ne comportent aucune disposition sur le caractère distinctif acquis. Par conséquent, si une objection est formulée, les options permettant de surmonter l'objection sont plus limitées dans ce pays que sur d'autres territoires. Cela dit, il est tout de même recommandé que des exemples d'usage et de la réputation aux Émirats arabes unis soient présentés dans le cadre de tout appel.

Bien que le seuil du caractère distinctif soit bas aux Émirats arabes unis et que les marques ne pouvant être considérées comme enregistrables ailleurs puissent y être enregistrées, les tiers ont tout de même la possibilité de contester d'autres marques dépourvues de caractère distinctif ou qui sont communément utilisées pour limiter ou supprimer de tels droits.

CHINE

Tandis que les autres territoires s'appuient fortement sur la jurisprudence pour interpréter ce qui est considéré comme « distinctif », la démarche utilisée en Chine est spécifiquement abordée par les autorités en matière de marques de commerce. Le paragraphe 1 de l'article 11 de la Loi sur les marques de commerce stipule que les marques suivantes ne devraient pas être enregistrées en tant que marques de commerce :(1) une marque comportant simplement le nom générique, le dispositif ou le numéro de modèle du produit; (2) une marque indiquant directement la qualité, les principaux ingrédients, les fonctions, les objectifs, le poids, la quantité ou les autres caractéristiques du produit; (3) les autres situations où la marque est dépourvue de caractère distinctif. Les Normes d'examen des marques de commerce émises conjointement par le Bureau des marques de commerce et le Conseil d'examen et d'arbitrage des marques de commerce en décembre 2016 indiquent les cas où les marques sont dépourvues de caractère distinctif :

  1. Lignes excessivement simples, géométrie ordinaire;
  2. Texte excessivement complexe, graphiques, numéros, lettres ou une combinaison de ces éléments;
  3. une ou deux lettres représentées de manière habituelle;
  4. les formes ordinaires de chiffres arabes utilisées sur des produits qui auraient normalement des numéros de modèle ou des numéros d'article exprimés en chiffres;
  5. les emballages, contenants ou motifs décoratifs couramment utilisés sur lesquels la marque figure;
  6. un agencement monochromatique;
  7. les expressions ou les phrases décrivant les caractéristiques des produits ou services, les slogans couramment utilisés en publicité;
  8. les noms de lieux commerciaux, les termes commerciaux génériques ou les logos couramment utilisés dans le secteur d'activité ou dans des secteurs d'activité connexes;
  9. la forme d'organisation de l'entreprise, le nom industriel ou l'abréviation de celui-ci;
  10. les marques ne comportant que des éléments comme un numéro de téléphone, une adresse municipale ou une autre adresse;
  11. les salutations habituelles.

En outre, l'interprétation judiciaire des règles de la Cour populaire suprême chinoise relatives aux questions se rapportant aux audiences des affaires administratives à propos de l'octroi ou de la confirmation de droits relatifs aux marques de commerce (entrées en vigueur le 1er mars 2017) précise ce qui suit :

Article 7 : La Cour populaire doit, selon la notoriété pertinente des produits sur lesquels la marque contestée doit être utilisée, établir le caractère distinctif de cette marque dans son ensemble. Si les éléments descriptifs contenus dans la marque contestée n'ont aucune incidence sur le caractère distinctif général ou si le signe descriptif est exprimé d'une manière unique, de sorte que le public concerné puisse identifier la source du produit, on considérera que la marque de commerce possède un caractère distinctif.

Article 8 : Dans le cas d'une marque contestée rédigée dans une langue étrangère, la Cour populaire devra juger, en se fondant sur la notoriété publique en territoire chinois, si la marque de commerce est distinctive. Si la signification des mots étrangers contenus dans la marque de commerce a une incidence sur le caractère distinctif de la marque de commerce utilisée sur le produit en question et que, par conséquent, le public concerné ne la comprend pas et ne peut identifier la source du produit, la Cour populaire pourra établir que cette marque de commerce est distinctive.

Article 9 : Si une demande d'enregistrement d'une forme ou d'une forme partielle d'un produit en tant que marque en 3D est déposée et que, dans la plupart des cas, le public concerné ne considérera pas ce signe comme un identifiant de la source des produits, le signe devrait être considéré comme non distinctif en tant que marque de commerce. »

Dans la pratique, le Conseil d'examen des marques de commerce et d'arbitrage a tendance à examiner avec rigidité la question du caractère distinctif en se fondant sur la Loi sur les marques de commerce et les critères d'examen des marques de commerce. Dans les affaires judiciaires, d'autres facteurs peuvent être pris en considération, comme la notoriété de la marque, et une marque peut acquérir un caractère distinctif en raison de leur emploi réel, bien que la cour continue d'appliquer un seuil élevé pour établir le caractère distinctif d'une marque.

Par exemple, dans le cas de « Best Buy & device », le requérant a déposé la marque dans la catégorie 35 « promotion des ventes pour le compte d'autrui » et « agence d'importation et d'exportation » en 2004. Le Bureau des marques de commerce a refusé la marque parce que la marque associée aux services n'énonçait que la qualité et les caractéristiques de tels services. Le requérant a perdu sa cause devant le Conseil d'examen des marques de commerce et d'arbitrage, au tribunal de première instance et en cour d'appel. Toutefois, la Cour populaire suprême a permis l'enregistrement de la marque en 2011 en raison des facteurs suivants :

« Même si les mots BEST et BUY sont descriptifs quand ils sont associés aux services en question, en tenant compte du cadre semblable à une étiquette et de la couleur vive, la marque globale est distinctive et facile à identifier. De plus, compte tenu des nouveaux éléments de preuve selon lesquels la marque de commerce jouit d'une notoriété mondiale et elle est effectivement utilisée en Chine, la marque a acquis une certaine notoriété à mesure qu'elle a été utilisée. Compte tenu de l'ensemble des facteurs énoncés ci-dessus, la marque de commerce peut être utilisée pour identifier la source des services et le public peut lui aussi utiliser celle-ci pour identifier la source des services. »

RUSSIE

Le caractère distinctif de la marque de commerce est un concept essentiel dans les lois sur les marques de commerce en Russie. Toutefois, les lois fédérales ne définissent pas le concept; on doit donc tirer des indications des décisions de la Cour de la propriété intellectuelle et du Bureau des brevets de Russie (ROSPATENT). En règle générale, la marque de commerce doit être intrinsèquement distinctive ou avoir acquis un certain caractère distinctif.

En vertu du paragraphe 1 de l'article 1483 du Code civil de la Fédération de Russie, l'absence de caractère distinctif constitue un motif absolu permettant de refuser l'enregistrement d'une marque de commerce. L'article 1512 permet à des tiers de contester à tout moment une marque de commerce enregistrée au motif qu'elle n'est pas distinctive. Le caractère distinctif est normalement évalué à la date de l'enregistrement de la marque de commerce. S'il est allégué, dans le cadre d'une action en annulation, qu'une marque de commerce distinctive est devenue générique, la question sera évaluée à la date de l'action en annulation.

Les règles relatives aux marques de commerce comportent les normes principales en matière de caractère distinctif en indiquant les types de désignations qui ne sont pas distinctives :

  • les figures géométriques simples, les lignes, les nombres;
  • les lettres et leurs combinaisons sans caractère verbal;
  • les noms communs;
  • les images réalistes ou schématiques du produit;
  • les désignations liées à la fabrication de produits ou caractérisant des produits, leur poids, les matériaux dont ils sont faits ou leurs composantes.

En vertu de l'article 1483 du Code civil, les désignations ci-dessus peuvent être incluses dans l'enregistrement d'une marque de commerce, mais uniquement à titre d'éléments non susceptibles de protection et seulement si ces éléments n'occupent pas une position dominante dans la marque de commerce. Les exemples les plus typiques de marques non distinctives sont les combinaisons simples de lettres ou de chiffres sans caractère verbal (p. ex., DMT, KX06, NDC) ou élément visuel distinctif.

Les marques de commerce composées d'une combinaison d'éléments non distinctifs ou peu distinctifs peuvent toutefois être protégées si la combinaison de ces éléments est originale. De même, les désignations qui sont par ailleurs intrinsèquement distinctives et dont il est démontré qu'elles ont perdu leur caractère distinctif parce qu'elles ont été très utilisées par divers fabricants de produits identiques ou similaires peuvent, si elles sont contestées, être déclarées non distinctives.

Une marque de commerce qui n'est pas intrinsèquement distinctive peut tout de même être enregistrée si le requérant peut démontrer qu'elle a acquis un caractère distinctif sur le marché russe avant la date de priorité de la demande. Le fardeau incombe au requérant et il est très lourd.

Pour établir si une marque a acquis un caractère distinctif, ROSPATENT doit établir si le consommateur moyen percevrait la marque comme une indication de l'origine du produit. L'acquisition du caractère distinctif doit être démontré au moyen d'une preuve bien étayée présentée à l'examinateur en réponse à une objection d'enregistrabilité inhérente. Tous les documents doivent être pertinents pour la Russie et montrer la marque utilisée. La preuve doit être substantielle.

Les éléments de preuve suivants sont généralement acceptés :

  • volume de production et de vente des produits ou des services en Russie;
  • répartition géographique des produits ou des services en Russie;
  • frais de publicité en Russie;
  • durée d'utilisation de la marque pour les produits ou les services indiqués dans l'enregistrement;
  • renseignements sur l'étendue des connaissances des consommateurs à propos de la marque et du propriétaire de celle-ci, y compris les résultats de sondages d'opinion publique;
  • renseignements à propos des publications portant sur les produits ou les services et la marque;
  • renseignements sur la présentation des produits ou des services dans le cadre d'expositions ayant eu lieu dans la Fédération de Russie.

Une preuve selon laquelle la marque de commerce a été enregistrée dans d'autres territoires peut augmenter les chances du requérant d'obtenir un enregistrement en Russie.

Conformément au cadre législatif et aux critères utilisés pour évaluer le caractère distinctif d'une marque, ROSPATENT dispose d'un pouvoir discrétionnaire important. Ainsi, dans certains cas, le requérant peut très facilement surmonter une objection et, dans un autre, être incapable de présenter un argument convaincant.

La question du caractère distinctif revêt une importance particulière quand il s'agit d'une marque non classique ou exotique. Au moment d'évaluer le caractère distinctif d'une marque non classique, ROSPATENT établit si un consommateur moyen percevrait la marque comme une indication de l'origine par opposition à une autre fonction. Même si les marques en 3D, les couleurs, les sons, les éclairages, les textures, les odeurs, les positions ou emplacements, les marques tactiles, les hologrammes, les mouvements et les goûts peuvent être enregistrés en Russie, il faut prouver dans tous les cas que la marque a acquis un caractère distinctif.

Si une demande d'enregistrement d'une marque en 3D est principalement fonctionnelle d'un point de vue ornemental ou utilitaire, l'enregistrement de la marque ne sera pas accordé. Toutefois, si la forme diffère considérablement de la forme fonctionnelle généralement acceptée, ce pourrait être suffisant pour surmonter une objection fondée sur l'absence de caractère distinctif. Par exemple, ROSPATENT a refusé d'enregistrer la forme de la tablette iPad jugeant que cette forme est classique pour ce genre d'appareil. Par contre, la forme originale de la boisson au yogourt Dino a pu être enregistrée.

Auparavant, les couleurs étaient considérées comme étant non classiques et seules quelques marques du genre ont été enregistrées. Au cours des dernières années, cependant, plusieurs couleurs ont été enregistrées en Russie lorsque l'acquisition d'un caractère distinctif a été démontré. Le meilleur moyen d'établir l'acquisition d'un caractère distinctif est de présenter des preuves d'utilisation à long terme, une stratégie de marketing axée sur la couleur, des publicités et des sondages auprès des consommateurs. Le lien entre la couleur et le produit ou service doit être solide et la couleur doit permettre de distinguer le produit sans autre indicateur. Sans une preuve abondante et convaincante de l'acquisition d'un caractère distinctif, l'enregistrement ne sera pas accordé. ROSPATENT peut aussi exiger une description verbale de la couleur ou des couleurs avec une explication détaillée de la manière dont la couleur est utilisée avec les produits et services.

Le nombre de marques holographiques, sonores, tactiles et olfactives enregistrées en Russie est extrêmement faible. Les marques sonores comprennent les sons musicaux, qui existaient déjà ou qui ont été spécialement créés pour individualiser les produits ou les services, et les sons non musicaux, qui existaient dans la nature ou qui ont été produits artificiellement. Les marques tactiles sont extrêmement rares en Russie étant donné la difficulté de prouver leur caractère distinctif. Si la désignation concerne une marque tactile, un échantillon de la surface et/ou une description verbale et d'autres caractéristiques devraient être fournis.

Les demandes concernant une marque olfactive sont moins fréquentes. Un grand nombre de ces demandes ont été rejetées pour cause d'absence de caractère distinctif par rapport aux produits et services, par exemple l'odeur de l'ail par rapport aux aliments.

SINGAPOUR

À Singapour, on peut enregistrer une marque uniquement si elle est intrinsèquement distinctive ou si elle a acquis un caractère distinctif.

Les tribunaux de Singapour ont fourni des indications sur la notion du caractère distinctif. Pour établir si une marque possède un caractère distinctif ou non et peut être considérée ou non comme une marque de commerce, les tribunaux se posent la question suivante : le consommateur moyen comprendrait-il la signification de la marque sans avoir été informé qu'elle était utilisée à cette fin? (Société des Produits Nestlé SA v Petra Foods Ltd and another [2016] SGCA 64).

L'évaluation doit se rapporter aux produits ou aux services pour lesquels une demande d'enregistrement de marque particulière est déposée ainsi qu'à la perception des consommateurs concernés. La marque sera évaluée dans son ensemble, malgré la possibilité que ses composantes individuelles possèdent un caractère distinctif.

D'autres lignes directrices ont aussi été fournies aux tribunaux de Singapour. Les marques purement inventées ou fantaisistes n'ayant aucune signification sont distinctives, de même que les marques arbitraires sans rapport avec les produits ou les services en question (Hai Tong Co (Pte) Ltd v Ventree Singapore Pte Ltd [2013] SGCA 26). Les marques élogieuses ne sont pas distinctives (Love & Co Pte Ltd v The Carat Club Pte Ltd [2008] SGHC 158).

Si une marque est réputée être dépourvue de caractère distinctif, elle peut tout de même être enregistrée si le caractère distinctif a été acquis à mesure que la marque a été utilisée. Un certain nombre de facteurs sont pris en compte :

  • la part de marché des produits ou des services arborant la marque;
  • la nature de l'utilisation qui a été faite de la marque (cette utilisation a-t-elle été intensive, répandue ou ancienne?);
  • la somme d'argent investie dans le marketing et la promotion de la marque;
  • Le pourcentage des consommateurs concernés ayant identifié l'origine des produits ou des services vendus ou fournis sous cette marque.

Dans une décision que le Bureau de la propriété intellectuelle de Singapour a rendue récemment, l'agente d'audience a fait une déclaration intéressante concernant l'utilisation d'une dénomination sociale avec la marque de commerce d'une société. Dans la décision que l'agente d'audience a rendue dans Eley Trading Sdn Bhd v Kwek Soo Chuan [2017] SGIPOS 15, le simple fait que la dénomination sociale du propriétaire comporte la marque de commerce ne signifie pas nécessairement que les produits que ce propriétaire fournit se distinguent aussi par cette marque de commerce. À son avis,

« [traduction] c'est parce que le but d'un nom commercial n'est pas, en soi, de distinguer des produits ou des services, mais plutôt de désigner une entreprise. Je ne dis pas qu'un nom commercial ne peut jamais servir à désigner des produits ou des services, mais tout simplement que si un propriétaire souhaite utiliser le nom commercial parce que celui-ci a acquis un caractère distinctif aux fins de la distinction de produits, le caractère distinctif doit être établi dans la preuve; ce n'est pas une conséquence naturelle. La démonstration ou non du caractère distinctif dépend de la nature de l'utilisation et de l'effet que l'utilisation aura probablement sur le consommateur. »

Cette déclaration signifie essentiellement que l'utilisation d'un signe en tant que nom commercial n'équivaut pas automatiquement à l'utilisation de ce signe en tant que marque dans le but d'établir si le signe a acquis un caractère distinctif suffisant à mesure qu'il a été utilisé. Toutefois, la décision de l'agente d'audience a été portée en appel et nous attendons avec intérêt l'évaluation de la cour supérieure des questions faisant l'objet de l'appel.

CANADA

Comme dans les autres territoires que nous avons examinés, le caractère distinctif d'une marque de commerce est au cœur de la question de la protection des marques au Canada. La Loi sur les marques de commerce du Canada (la « Loi ») définit la marque « distinctive » comme étant une marque qui distingue véritablement les produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

Au Canada, une marque ne doit pas nécessairement être bien connue ou célèbre pour posséder un caractère distinctif. Le caractère distinctif d'une marque de commerce dépend plutôt de la capacité de cette marque de faire conclure que les produits ou services en question, sur le marché, sont issus d'une certaine source, même si le propriétaire ou le nom de cette source est inconnu.

Bien que l'analyse du caractère distinctif ne fasse généralement pas l'objet d'une réglementation stricte, les tribunaux canadiens ont généralement recours à trois critères devant être remplis pour qu'une marque de commerce soit considérée comme étant distinctive : (1) la marque et le produit sont associés; (2) le propriétaire se sert de cette association dans la fabrication et la vente de produits; (3) l'association permet au propriétaire de la marque de distinguer son produit de celui des autres. Les lois canadiennes reconnaissent aussi que le caractère distinctif n'est pas nécessairement inhérent à une marque et qu'il peut être acquis à mesure que la marque est utilisée.

Le caractère distinctif inhérent d'une marque s'inscrit dans un spectre et a une influence directe sur la portée de la protection accordée à la marque. Les mots inventés ou arbitraires sont habituellement considérés comme étant des marques « fortes » et intrinsèquement distinctives méritant une vaste protection. Les marques comme XEROX et KODAK comptent parmi les plus fortes parce que ce sont des mots inventés. Leur caractère unique fait en sorte qu'elles sont intrinsèquement en mesure de distinguer les produits et services d'un commerçant ou de l'autre. En revanche, les marques qui ne sont pas intrinsèquement distinctives méritent généralement une protection plus limitée. Ces marques sont considérées comme étant faibles puisque, par exemple, elles sont utilisées dans le langage courant ou dans le commerce, elles ont un caractère descriptif ou suggestif ou elles se rapportent à un prénom ou à un nom de famille.

Au Canada, les marques qui ne sont pas distinctives au départ peuvent toutefois acquérir un caractère distinctif à mesure qu'elles sont utilisées. Contrairement à certains territoires, on ne présume pas qu'une marque a automatiquement acquis un caractère distinctif après une période d'utilisation donnée. Il faut plutôt qu'un demandeur prouve que la marque a acquis un caractère distinctif au Canada, par exemple en présentant des échantillons démontrant l'utilisation de la marque, des volumes de vente et des produits d'exploitation ainsi que le volume publicitaire, le type de publicité et les dépenses publicitaires.

Il est important de reconnaître que le caractère distinctif d'une marque au Canada n'est pas fixe au fil du temps. Par exemple, l'octroi inadéquat d'une licence pour une marque peut entraîner une perte de caractère distinctif. Comme pour les autres territoires examinés dans le présent article, une marque peut aussi perdre son caractère distinctif si elle devient le nom générique des produits ou services ou le nom couramment employé pour désigner ceux-ci, par exemple, « Escalator ».

Il convient de noter qu'une modification de la Loi est en cours et que cette modification aura une incidence sur le rôle du caractère distinctif au moment de l'examen des demandes d'enregistrement de marque de commerce.

En vertu de la loi actuelle, le caractère distinctif n'est pas examiné au moment de la demande d'enregistrement. Il faut plutôt qu'une tierce partie prenne des mesures pour s'opposer à la demande et contester le caractère distinctif de la marque dans le cadre du processus d'enregistrement.

En revanche, les nouvelles dispositions législatives (qui devraient entrer en vigueur au début de 2019) confèrent au registraire le pouvoir de s'objecter à l'enregistrabilité d'une marque au motif que celle-ci n'est par distinctive. On ne sait pas encore si ce nouveau motif d'examen sera utilisé dans la pratique et combien d'objections seront formulées pour ce motif.

Également, dans la nouvelle Loi, les circonstances dans lesquelles le demandeur sera tenu de prouver qu'une marque de commerce est distinctive seront plus nombreuses, particulièrement dans le contexte des marques non classiques. Par exemple, les couleurs, les sons, les odeurs, les textures et les formes tridimensionnelles exigeront tous une preuve de caractère distinctif à la date du dépôt de la demande. Le registraire aura aussi le pouvoir d'exiger une preuve de caractère distinctif en date du dépôt pour toute marque dont il estime à première vue qu'elle est dépourvue d'un tel caractère.

Dans la pratique, l'incidence de la modification reste à voir, mais il est évident que les propriétaires de marque devraient dès à présent envisager des stratégies de dépôt appropriées qui tiennent compte de la modification imminente de la Loi et de l'incidence éventuelle de cette modification sur le critère du caractère distinctif au Canada dans le but de mieux de positionner pour l'avenir.

COMMENT PRÉSERVER UN CARACTÈRE DISTINCTIF

Même si une marque est intrinsèquement distinctive ou si la preuve démontre qu'elle a atteint un caractère distinctif, il est essentiel que les propriétaires de marque protègent ce caractère distinctif afin de garantir le maintien de la notoriété de la marque. Des mesures communes peuvent être prises, sans égard au territoire où la marque est utilisée, pour aider à préserver le caractère distinct :

  • Utiliser la marque de commerce conformément à l'enregistrement et enregistrer celle-ci conformément à son utilisation.
  • Utiliser la marque de commerce comme un adjectif modifiant le nom d'un produit ou d'un service. Par exemple, utiliser « le logiciel de base de données X-BRAND est chef de file sur le marché » plutôt que « X-BRAND est chef de file sur le marché ».
  • Ne jamais utiliser la marque de commerce comme un nom ou un verbe ou sous une forme possessive ou plurielle.
  • Ne permettez pas que votre marque soit utilisée sans autorisation; opposez-vous.
  • Dans la mesure du possible, distinguer la marque de commerce du texte qui l'entoure en utilisant un lettrage distinctif. On peut y parvenir de plusieurs manières, notamment en utilisant les majuscules, les guillemets, l'italique, le gras ou une couleur, une police ou une taille différente.

La preuve du caractère distinctif est aussi une exigence que l'on retrouve dans la plupart des territoires. Les propriétaires de marque qui tiennent un registre de l'utilisation, de la promotion et des investissements relatifs à leurs marques de commerce seront mieux en mesure d'acquérir, de défendre et d'utiliser la force de leurs marques.


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