Statut des travailleurs aux termes du Code du travail du Québec : Chefs d’équipe ou représentants de l’employeur?

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27 février 2018

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Dans le milieu de travail moderne, le statut juridique approprié des travailleurs est souvent une question litigieuse pour les employeurs.  Le Tribunal administratif du travail du Québec s’est d’ailleurs récemment penché sur cette question dans le dossier Gouvernement de la nation crie c. Association des policiers et policières d'Eeyou Eenou (2018 QCTAT 53). Après plusieurs jours d’audience, une preuve étoffée présentée par les parties et des interprétations et témoignages contradictoires, le Tribunal administratif du travail, sous la plume du Juge administratif Gérard Notebaert, a donné raison à l’employeur, le Gouvernement de la nation crie : les lieutenants de son service de police ne sont pas des salariés au sens du Code du travail. En effet, aux termes du Code du travail du Québec, le terme « salarié » ne comprend pas une personne employée à titre de gérant, surintendant, contremaître ou « représentant de l’employeur » dans ses relations avec ses salariés.

Par son jugement éloquent, le Tribunal considère en effet que les lieutenants du service de police Eeyou Eenou sont des représentants de l’employeur. Ceci est surprenant, si l’on compare la situation aux corps de police de grandes villes du Québec.

La réalité géographique dans laquelle se situe le service de police de la nation crie, ainsi que la structure et l’organisation même du service de police distingue celui-ci de ceux d’autres agglomérations.

Pour chaque agglomération, également appelée communauté, se trouve un lieutenant et des policiers, alors que le capitaine, le supérieur immédiat du lieutenant, est appelé à couvrir trois communautés qu’il ne visite qu’un jour par mois.

Les lieutenants sont quant à eux affectés exclusivement au poste de leur communauté. Ils exercent un certain pouvoir de surveillance et de contrôle des officiers de police, bénéficient des conditions de travail octroyées aux officiers de l’État-major et représentent l’employeur dans ses relations avec la communauté.

À ce titre, le Tribunal retient également que les lieutenants :

  1.  Établissent les horaires des policiers;
  2.  Autorisent le temps supplémentaire;
  3.  Trouvent des remplaçants en cas d’absence;
  4.  Approuvent les feuilles de temps;
  5.  Autorisent certains formulaires de dépenses;
  6.  Effectuent un travail distinct des policiers en ne patrouillant que très peu; et
  7.  Autorisent les périodes de vacances.

Le fait que les lieutenants détiennent une influence importante en matière disciplinaire, bien qu’ils ne prennent pas de décision finale en cette matière, et le fait qu’ils soient les seuls représentants sur place la majorité du temps dans la plupart des communautés, s’avèrent néanmoins être des facteurs déterminants pour le Tribunal dans la qualification du statut de représentant de l’employeur. En effet, le Tribunal reprend la jurisprudence voulant que l’absence du pouvoir d’embauche ou de congédiement n’est pas décisive, et que ceux qui sont « les yeux et les oreilles de l’employeur » sont ses représentants.

Ainsi, le tribunal conclut que les lieutenants sont des représentants de l’employeur, qu’ils ne sont pas des salariés au sens du Code du travail et qu’ils ne peuvent par conséquent pas être inclus dans l’unité d’accréditation représentée par le syndicat récemment accrédité.

Fait intéressant à retenir du point de vue d’un employeur : il appert qu’un critère déterminant permettant de conclure qu’un individu est véritablement un représentant de l’employeur et non un simple chef d’équipe est le fait que ce dernier puisse être considéré comme étant « les yeux et les oreilles de l’employeur », et ce, sans qu’il ne soit nécessairement investi du pouvoir d’embauche ou de congédiement d’autres employés.

 

Gowling WLG représentait le Gouvernement de la nation crie dans ce dossier.


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