Le 17 octobre 2019, la vente légale du cannabis comestible et autres nouvelles formes de cannabis sera autorisée aux termes de l’actuelle Loi sur le cannabis [1]. En attendant, comment ces nouvelles formes de cannabis seront réglementées est incontestablement la question sur toutes les lèvres. 

Quelques réponses préliminaires à cette question nous ont depuis été fournies.  En effet, le 22 décembre 2018 les très attendus Règlement modifiant le Règlement sur le cannabis (nouvelles catégories de cannabis) et Décret modifiant les annexes 3 et 4 de la Loi sur le cannabis (ensemble, les « Règlements proposés ») ont été publiés dans la Gazette du Canada, Partie I, et une période de consultation auprès du public de 60 jours s’est ensuivie. Les Règlements proposés ont trait à la légalisation et la réglementation de trois nouvelles catégories de cannabis : le cannabis comestible, les extraits de cannabis et le cannabis pour usage topique [2]

We now have some preliminary answers to this question.  On December 22, 2018, the much-anticipated Proposed Regulations Amending the Cannabis Regulations (New Classes of Cannabis) and Proposed Order Amending Schedules 3 and 4 to the Cannabis Act (together, the "Proposed Regulations") were published in the Canada Gazette, Part I, and a 60-day public comment period is now open.  The Proposed Regulations concern the legalization and regulation of three new classes of cannabis – edible cannabis, cannabis extracts and cannabis topicals.[2] 

Ces nouvelles catégories de cannabis pourraient être vendues légalement à titre de produits du cannabis par des titulaires de licence fédérale et des distributeurs et détaillants autorisés par les provinces et les territoires; nul besoin d’une licence spéciale [3]. Les nouvelles catégories de cannabis seraient exclusivement réglementées aux termes de la Loi sur le Cannabis et du Règlement sur le cannabis; en d’autres mots, elles seraient réglementées sans référence aux autres régimes réglementaire fédéraux touchant les aliments ou les drogues. 

À titre de suivi de notre article précédent Le cannabis comestible : Règlements proposés, le présent article fournit un résumé détaillé des dispositions principales des Règlements proposés. 

Nouvelles catégories de cannabis et d’alcool

Premièrement, les Règlements proposés décevront les personnes qui espéraient l’établissement d’un nouveau marché de bières artisanales infusées au cannabis ou autres mixtures alcool/cannabis : en effet, seuls des niveaux minimaux d’alcool seront tolérés dans le cannabis comestible et les extraits de cannabis destinés à la vente aux consommateurs. Parmi les dispositions traitant de cette interdiction, l’article 102.3 proposé énonce explicitement ceci en ce qui a trait au cannabis comestible :

102.3 Le cannabis comestible qui est un produit du cannabis — ou qui est contenu dans un accessoire qui est un produit du cannabis — ne peut contenir, y compris superficiellement, de l’alcool éthylique que si la concentration de cet alcool dans le cannabis comestible n’excède pas 0,5 % p/p [4].

Les Règlements proposés interdisent également les représentations associant un produit du cannabis, son emballage ou son étiquette à une boisson alcoolisée. En vertu de l’article 132.3 proposé, il sera aussi interdit de faire une représentation expresse ou implicite, y compris par un élément de marque sur un produit du cannabis ou son emballage, s’il y a des motifs raisonnables de croire que le produit du cannabis ou l’élément de marque pourrait être associé à une boisson alcoolisée.  

Composition et format du cannabis comestible

Les Règlements proposés établissent aussi d’autres restrictions quant à la composition et au format du cannabis comestible, y compris :

  • Seuls les aliments et les additifs alimentaires [5] pourraient être utilisés comme ingrédients dans le cannabis comestible.
  • L’utilisation d’ingrédients contenant de la caféine d’origine naturelle (p. ex, chocolat, thé ou café) serait permise dans le cannabis, toutefois, l’utilisation de la caféine comme additif alimentaire serait interdite, et une limite quant à la concentration maximale de caféine par contenant serait aussi établie.
  • Il serait interdit d’enrichir le cannabis comestible de vitamines ou de minéraux.
  • L’utilisation de produits de viande, de produits de volaille et de poisson dans le cannabis comestible serait interdite à l’exception de produits de viande, de volaille et de poisson séchés.
  • Le cannabis comestible doit être stable (c’est-à-dire qu’il ne nécessite pas d’être réfrigéré ou congelé).
  • Le conditionnement commun du cannabis comestible et d’un autre aliment serait interdit.

Les Règlements proposés établissent à 10 mg la limite de THC2 par unité discrète et par emballage.

Composition et format des extraits de cannabis et du cannabis pour usage topique

De même, les Règlements proposés établissent un certain nombre de restrictions quant au format et à la composition des extraits de cannabis et du cannabis pour usage topique, notamment :

  • Les extraits de cannabis ne pourraient pas contenir d’ingrédients qui sont des sucres, des édulcorants ou des agents édulcorants [6], entre autres substances interdites. 
  • La représentation de certains arômes attrayants pour les jeunes, comme les saveurs de desserts ou de confiserie, sur l’emballage et l’étiquetage des extraits de cannabis serait interdite.
  • Le contenant d’un extrait de cannabis devrait être conçu de manière qu’il ne soit pas facile de verser l’extrait ou de le boire directement du contenant. 
  • Le symbole normalisé du TCH devrait être directement apposé sur un dispositif ou une cartouche de vapotage contenant des extraits de cannabis.
  • Il y aurait de nouvelles interdictions sur les produits du cannabis destinés à être utilisés dans la région de l’œil ou destinés à être utilisés sur la peau endommagée ou éraflée ou à pénétrer la barrière cutanée par des moyens autres que l’absorption.

En ce qui a trait aux extraits de cannabis, les Règlements proposés imposent une limite de 1 000 mg de THC par emballage, et imposent une limite de 10 mg de THC distribué par activation sur certains accessoires liés aux extraits de cannabis. Quant aux extraits de cannabis à ingérer, comme les capsules, les Règlements proposés établissent une limite de 10 mg de THC par unité discrète. Quant au cannabis pour usage topique, les Règlements proposés établissent à 1 000 mg la limite de THC par emballage.

Emballage et étiquetage

Les Règlements proposés prévoient que le régime actuel concernant l’emballage et l’étiquetage pour les produits du cannabis continue de s’appliquer, ainsi que les interdictions et restrictions relatives à la promotion du cannabis et au recours à des publicités fausses ou trompeuses.   

En particulier, les Règlements proposés établissent un certain nombre de nouvelles exigences relativement aux nouvelles catégories de cannabis, y compris :

  • Un solide ensemble de nouvelles dispositions régissant l’emballage et l’étiquetage des produits de cannabis comestible, y compris des exigences concernant une liste des ingrédients, l’affichage du nom commun du produit de cannabis, des indications quant à la présence de certains allergènes, une date limite de conservation, le cas échéant, et un tableau de la valeur nutritive propre au cannabis, entre autres exigences.
  • Des restrictions sur certaines représentations et incitations figurant sur les emballages et les étiquettes des nouvelles catégories de produits du cannabis, y compris des représentations touchant des avantages pour la santé, la teneur en éléments nutritifs (comme « faible en gras ») ou des avantages sur le plan esthétique (p. ex., « adoucit la peau »). 
  • Contrairement aux produits de cannabis pour usage topique, une interdiction de publiciser ou de représenter des extraits de cannabis comme étant appropriées pour les surfaces extérieures du corps (y compris, les cheveux et les ongles).
  • Les dispositions de l’actuel Règlement sur le cannabis qui interdit l’utilisation d’un emballage de couleur comportant du lustre métallique et préconisent l’utilisation d’un emballage au fini mat seraient abrogées pour permettre l’utilisation de contenants de métal, comme les cannettes de boisson gazeuse.

Mécanismes d’assurance de la qualité

Dans le but d’atténuer les risques de maladies d’origine alimentaire, de consommation accidentelle, de surconsommation et de contamination croisée, les Règlements proposés mettraient en œuvre certains mécanismes de contrôle de la qualité. Par exemple, on retrouve parmi ces derniers, des simulations de rappel de produits obligatoires, la tenue de dossiers et d’essais obligatoires pour vérifier la teneur en THC et la présence de résidus de contaminants et de solvants. Les Règlements proposés imposeraient certaines limites quant à la variabilité de la teneur en THC, de sorte que la teneur en THC représentée sur les emballages ne puisse varier que selon un certain pourcentage par rapport à la teneur en THC actuelle du produit de cannabis. La mise en place de mécanismes d’assurance de la qualité internes serait aussi obligatoire, y compris la mise en œuvre d’un plan de contrôle préventif et la nomination d’un préposé à l’assurance de la qualité (PAQ) chargé des enquêtes et des approbations de produits. Des exigences rigoureuses en matière de propreté de l’équipement, de filtration de l’air, de la qualité de l’eau, de stations de nettoyage et d’assainissement des mains, de vêtements, de chaussures et d’accessoires de protection des employés seraient aussi obligatoires. Plusieurs des dispositions des Règlements proposés sont d’ailleurs harmonisées avec le Règlement sur la salubrité des aliments au Canada.[7]

Plus important encore, il est aussi proposé que la production de cannabis comestible ne soit pas autorisée dans un site de production de produits alimentaires conventionnels destinés à la vente, à moins que le cannabis comestible soit produit dans un autre bâtiment du lieu autorisé. Selon le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (le « Résumé de l’impact ») du gouvernement du Canada qui accompagne les Règlements  proposés, cette interdiction vise à atténuer les risques de contamination croisée, d’étiquetage erroné et de confusion des produits.

Conformité et application

La publication des Règlements proposés dans la Gazette du Canada, Partie I, a été suivie d’une période de consultation de 60 jours qui a pris fin le 20 février 2019. Des renseignements sur les faits sont disponibles en ligne. Il se peut que des modifications au projet de règlements soient apportées après la période de consultation publique lors de leur mise à jour. Les Règlements finaux seront publiés dans la Gazette du Canada, Partie II. Au bout du compte, la Loi sur le cannabis autorisera la vente de ces nouvelles catégories de produits dans l’année suivant l’entrée en vigueur de la Loi (p. ex., d’ici au 17 octobre 2019), à moins qu’elle n’entre en vigueur plus tôt par décret.

Le Résumé de l’impact sert aussi d’important rappel que Santé Canada continuera d’assurer une surveillance robuste de l’industrie du cannabis, comme il le fait déjà, dès que les Règlements proposés entreront en vigueur. Il convient de répéter que les pouvoirs d’application de Santé Canada comprennent, sans s’y limiter, l’envoi d’avertissements, la mise en œuvre de rappels de produits et de saisies, le refus, la suspension et la révocation d’autorisations, de licences et de permis, l’imposition de sanctions administratives pécuniaires allant jusqu’à un million de dollars, la publication d’arrêtés ministériels, la conduite d’enquêtes criminelles, et la recommandation de poursuites criminelles. 

Dès qu’ils entreront en vigueur, les Règlements proposés donneront accès à un plus vaste éventail de produits du cannabis légaux aux producteurs et aux vendeurs de ces produits. Étant donné la nature stricte du régime imposé par les Règlements proposés, les parties prenantes devront examiner soigneusement l’incidence de ces derniers sur leurs activités commerciales et mettre en œuvre de solides politiques de conformité et mesures externes d’assurance de la qualité pour veiller à ce que leurs pratiques soient conformes au nouveau régime réglementaire. 

Même s’ils ne sont pas encore finalisés et n’entreront pas en vigueur avant un certain temps, les Règlements proposés nous donnent un avant-goût intéressant du futur régime juridique qui s’appliquera à la production, à la publicité et à la vente de cannabis comestible, des extraits de cannabis et de cannabis pour usage topique au Canada.  

 


[1] Loi sur le cannabis,  C. S 2018, ch. 16, art. 193.1.

[2] Remarque : les Règlements proposés retireraient « l’huile de cannabis » des catégories actuelles de cannabis (permettant ainsi une période de transition de six mois), parce qu’il est fort probable que l’huile de cannabis soit intégrée aux nouvelles catégories de produits du cannabis. De plus, puisque l’expression « concentrés de cannabis » ne serait plus sur la liste des catégories permises de cannabis, les Règlements proposés permettraient néanmoins la production et la vente légale de produits de cannabis à teneur en THC plus élevée.

[3] Les transformateurs autorisés devront faire une demande auprès de Santé Canada pour faire modifier leur licence et prouver qu’ils satisfont à toutes les exigences réglementaires pour les nouvelles catégories de cannabis avant de pouvoir les vendre en tant que produits de cannabis. Ils devront aussi se conformer à certaines exigences comme la production d’avis écrits relativement aux nouveaux produits de cannabis qu’ils souhaitent vendre.

[4] La concentration modeste de 0,5 % p/p dans le cannabis comestible est permise étant donné que l’alcool éthylique est souvent présent comme sous-produit dans les ingrédients ou les produits fermentés (par exemple les vinaigres). 

[5] Tel que ces termes sont définis à l’article 2 de la Loi sur les aliments et les drogues, R.C.S., 1985, ch. F-27.

[6] Tel que ces termes sont définis au paragraphe B.01.001(1) des Règlements sur les aliments et les drogues, C.R.C., ch. 870.

[7] SOR/2018-108.