Le temps file! Avez-vous divulgué vos contrats de prête-nom à Revenu Québec?

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23 juillet 2019

L'article qui suit a fait l'objet d'une mise à jour le 9 octobre 2019 compte tenu d'une nouvelle publiée par Revenu Québec à cette date et de la publication du formulaire prescrit, ainsi que le 30 septembre 2020 afin d’indiquer la date à laquelle le projet de loi introduisant les nouvelles mesures a été sanctionné.

Depuis le 17 mai 2019, tous les contrats de prête-nom conclus dans le cadre d'une opération ou d'une série d'opérations doivent être divulgués à Revenu Québec (« RQ ») dans un délai de 90 jours fixé à la plus tardive des dates suivantes :

  • le 90e jour qui suit la date de la conclusion du contrat;
  • le 90e jour qui suit la date de sanction du projet de loi à venir comprenant les nouvelles mesures relatives à l'obligation de divulgation d'un contrat de prête-nom (le projet de loi 42 a été sanctionné le 24 septembre 2020.) (« Nouvelle obligation de divulgation »)

La date limite de divulgation pour les contrats de prête-nom déjà en place le 24 septembre 2020 est le 23 décembre 2020.



Le défaut de se conformer à cette nouvelle obligation de divulgation entraînera des pénalités, incluant des pénalités cumulatives quotidiennes, ainsi que la suspension du délai de prescription.

La nouvelle obligation de divulgation a été annoncée pour la première fois dans le budget du Québec du 21 mars 2019. Le Ministère des Finances a ensuite précisé la portée de cette nouvelle obligation de divulgation dans le Bulletin d'information 2019-5 publié le 17 mai 2019, ainsi que dans l'avis publié le 22 août 2019.

Qu'entend-on par « contrat de prête-nom »?

En droit civil québécois, un contrat de prête-nom est un contrat de mandat en vertu duquel le mandataire agit pour le compte du mandant tout en laissant croire aux tiers qu'il agit en son propre nom. Le mandataire donne plutôt l'impression qu'il agit en son propre nom.

Les parties à un contrat de prête-nom expriment donc leur véritable intention dans un contrat qui reste secret. Ces « contrats secrets » sont licites et communs dans le domaine immobilier.

Compte tenu de la nature des contrats de prête-nom, les relations dans le cadre desquelles le mandataire est divulgué (p. ex., la relation entre un client et son avocat ou son courtier en valeurs mobilières) ne sont pas assujetties à la nouvelle obligation de divulgation. Toutefois, les contrats où seules certaines parties sont au courant de l'existence d'une relation de prête-nom (p. ex., lorsqu'un preneur à bail sait qu'une entente de prête-nom est en vigueur, mais que le grand public est amené à croire que le prête-nom agit en son propre nom) seraient toujours assujetties à la nouvelle obligation de divulgation.

Le formulaire prescrit précise qu'il n'y a pas d'obligation de divulguer un contrat de prête-nom s'il a été conclu par un particulier avec une personne liée à la demande d'une institution financière lors du financement de l'achat d'un immeuble destiné uniquement à l'usage personnel du particulier, pourvu que la personne liée n'ait pas cosigné pour plus de 50 % de la juste valeur marchande de l'immeuble.

En outre, il n'y a aucune obligation de divulguer un contact de prête-nom si ce contrat ne subit pas de conséquences fiscales en matière d'impôt sur le revenu.  Lors d'une conférence donnée le 11 juillet 2019 et organisée par la Fondation canadienne de fiscalité, RQ a précisé que l'expression « conséquences fiscales » doit s'interpréter uniquement en matière d'impôt sur le revenu et non en matière de taxes de vente ou de taxes de mutation. Les indications dans le formulaire prescrit confirment cette information. Ces précisions ne sont pas d'une grande aide, puisque les taxes de vente ou de mutation sont souvent accompagnées de conséquences fiscales en matière d'impôt sur le revenu. RQ a donné l'exemple suivant d'une situation où les conséquences fiscales se poursuivent après le 17 mai 2019 et où il faut impérativement respecter la nouvelle obligation de divulgation :

Le mandataire aux termes d'un contrat de prête-nom acquiert un immeuble locatif en juillet 2018 et détient toujours le titre de propriété sur l'immeuble après le 17 mai 2019. Le mandant, en tant que véritable propriétaire de l'immeuble, perçoit le loyer et engage des dépenses à l'égard de l'immeuble après le 17 mai 2019. Par conséquent, le contrat de prête-nom doit être divulgué.

Délais à respecter

Comme indiqué ci-dessus, à compter du 17 mai 2019, il est obligatoire de divulguer les contrats de prête-nom suivants dans les délais prescrits:

  • Les contrats de prête-nom conclus le ou à compter du 17 mai 2019 doivent être divulgués à RQ au plus tard le 90e jour après la date à laquelle ils ont été conclus ou à l'intérieur des 90 jours qui suivent la sanction du projet de loi à venir comprenant les nouvelles mesures, à la plus tardive de ces deux dates.
  • Les contrats de prête-nom conclus avant le 17 mai 2019 lorsque les conséquences fiscales découlant du contrat se poursuivent après le 17 mai 2019 doivent être divulgués à RQ au plus tard dans les 90 jours suivant la sanction du projet de loi à venir comprenant les nouvelles mesures.

Toutefois, de l'avis de RQ, si les parties au contrat de prête-nom avaient aliéné l'immeuble avant le 17 mai 2019, les conséquences fiscales du contrat auraient cessé à ce moment et aucune divulgation du contrat de prête-nom ne serait requise.

Étapes de divulgation

La partie qui divulgue le contrat de prête-nom doit le faire au moyen d'un formulaire prescrit, soit le TP-1079.PN, Divulgation d'un contrat de prête-nom. Selon le formulaire prescrit, il est obligatoire de divulguer ce qui suit :

  • La date du contrat de prête-nom et la date de fin de ce contrat;
  • L'identité des parties au contrat de prête-nom et le nom de tout autre contribuable qui subit les conséquences fiscales découlant de ce contrat;
  • Une description complète des faits de l'opération ou de la série d'opérations à laquelle le contrat de prête-nom se rapporte et l'identité de toute personne ou entité pour laquelle une telle opération ou série d'opérations entraîne des conséquences fiscales.

Il ne s'agit pas d'une obligation récurrente et le formulaire prescrit ne doit être soumis qu'une seule fois. La divulgation d'un contrat de prête-nom par l'une des parties au contrat est réputée avoir été faite par toutes les autres parties. Le formulaire prescrit doit être accompagné d'un exemplaire du contrat de prête-nom.

Auparavant, l'existence et le contenu des contrats de prête-nom, par exemple, dans le domaine immobilier, étaient divulgués à RQ au moyen du formulaire CO-17, Déclaration de revenus des sociétés (« formulaire CO-17 »). Une telle divulgation permettait, notamment, au mandataire d'éviter de payer de l'impôt sur les revenus générés par l'immeuble et facilitait le recouvrement, le versement et la récupération de la TPS et de la TVQ par le mandant, véritable propriétaire de l'immeuble. La nouvelle obligation de divulgation est différente de la divulgation des contrats de prête-nom faite au moyen du formulaire CO-17 et remplace cette dernière. Les parties qui ont déjà divulgué à RQ l'existence et le contenu de leur contrat de prête-nom au moyen du formulaire CO-17 doivent divulguer cette information de nouveau.

Conséquences du non-respect de la nouvelle obligation de divulgation

Si le contrat de prête-nom n'est pas divulgué au moyen du formulaire prescrit à l'intérieur du délai prescrit, les parties au contrat de prête-nom seront solidairement responsables d'une pénalité discrétionnaire de 1 000 $ et d'une pénalité discrétionnaire additionnelle de 100 $ par jour, à compter du deuxième jour de l'omission, jusqu'à concurrence de 5 000 $. Les parties qui ne se conforment pas à la nouvelle obligation de divulgation peuvent demander à RQ de renoncer aux pénalités ou de les annuler en vertu des dispositions générales prévues dans la loi en matière de dispense administrative.

Plus important encore, si la divulgation requise n'est pas faite, les nouvelles règles suspendent indéfiniment la période de prescription relativement aux conséquences fiscales découlant du contrat de prête-nom. En cas de divulgation tardive, le délai de prescription recommence à courir à partir de la date de la divulgation.

Prenons, à titre d'exemple, un immeuble locatif acquis le 17 juillet 2019 assujetti à un contrat de prête-nom. La divulgation du contrat doit être faite au plus tard le 15 octobre 2019, autrement le délai de prescription est suspendu à l'égard des revenus de location gagnés par le véritable propriétaire de l'immeuble pour l'année 2019 et pour toutes les années d'imposition subséquentes, et ce, jusqu'à ce que le contrat de prête-nom fasse l'objet d'une divulgation à RQ.

Compte tenu des commentaires de RQ sur le terme « conséquences fiscales » comme faisant référence uniquement aux « conséquences fiscales en matière d'impôt sur le revenu », les auteures se demandent si la période de prescription sera suspendue à l'égard des seules conséquences fiscales en matière d'impôt sur le revenu ou également à l'égard d'autres conséquences fiscales, notamment, à l'égard de la taxe de vente du Québec applicable au revenu locatif.

Si vous êtes parties à un contrat qui pourrait être caractérisé de « contrat de prête-nom », nous vous invitons à communiquer immédiatement avec vos conseillers en fiscalité afin de vous assurer de vous conformer rapidement à la nouvelle obligation de divulgation.


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