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Modifications proposées aux règles sur les options d'achat d'actions
À l’approche de l’élection fédérale de 2015, la plateforme électorale du gouvernement actuel contenait une promesse de limiter ou de plafonner la disponibilité de la déduction pour options d’achats d’actions des employés prévue aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la « LIR »). Toutefois, les budgets fédéraux déposés entre 2016 et 2018 sont restés muets sur la question. Sans pour autant fournir trop de détails en la matière, le Budget 2019 a réexaminé la question et a déclaré l’intention du gouvernement d’imposer une limite annuelle de 200 000 $ sur les déductions pour options d’achat d’actions pour les employés de grandes entreprises matures et bien établies. Le 17 juin 2019, le ministre des Finances a déposé un avis de motion de voies et moyens contenant les modifications proposées, lesquelles devraient être appliquées aux options accordées après 2019. Dans le présent article, nous analyserons les changements proposés et formulerons des observations sur ceux-ci.
Les règles actuelles
Selon les règles actuelles, on peut obtenir une déduction égale à 50 pour cent de l’avantage résultant de l’exercice ou de la disposition des options d’achat d’un employé. Ce taux d’inclusion de 50 pour cent signifie que l’employé est imposé au même taux qu’il ne l’est pour les gains en capital. Les règles actuelles ne prévoient aucune limite quant au niveau de revenu de l’employé qui demande la déduction pour options d’achat d’actions, à la quantité ou la valeur des options accordées, ni à la taille, la maturité ou la rentabilité de l’entreprise qui accorde les options. Elles ne permettent généralement pas à l’employeur d’obtenir une déduction pour l’octroi ou l’exercice des options.
Les règles actuelles distinguent les options accordées par une société privée sous contrôle canadien (« SPCC ») de celles accordées par d’autres sociétés et fiducies de fonds communs de placement.
Pour les options accordées par des sociétés qui ne sont pas des SPCC, l’employé aura généralement droit à la déduction de 50 pour cent si :
- Le prix d’exercice de l’option n’est pas inférieur à la juste valeur marchande (« JVM ») du titre sous-jacent à la date à laquelle l’option est accordée;
- L’employé n’a pas de lien de dépendance avec la personne qui accorde l’option immédiatement après le moment de l’octroi; et
- L’action sous-jacente à l’option satisfait aux critères des « actions visées par le règlement » énoncés dans les règlements de la LIR, qui visent à garantir que l’action sous-jacente est une action ordinaire « normale ».
Pour les options accordées par une SPCC, l’employé aura généralement droit à la déduction de 50 pour cent si :
- La personne qui accorde l’option est une SPCC au moment de l’octroi;
- L’employé n’a pas de lien de dépendance avec la personne qui accorde l’option immédiatement après le moment de l’octroi;
- L’option est exercée et les actions sont acquises et détenues deux ans avant la disposition ou l’échange des actions.
Un employé détenant des options accordées par une SPCC peut également demander la déduction en satisfaisant au critère plus rigoureux des options accordées par des sociétés qui ne sont pas des SPCC.
Les modifications proposées
Les modifications proposées ne changent pas les règles actuelles en ce qui concerne les options accordées par une SPCC. De plus, elles ne s’appliqueront pas aux options accordées par des « sociétés en démarrage, en émergence ou en expansion ». Les modifications ne proposent pas de définitions pour ces termes, et le gouvernement a lancé une consultation publique afin d’en déterminer les paramètres. Il sera intéressant de voir si le gouvernement propose des distinctions basées sur des critères objectifs, comme la maturité de l’entreprise, le nombre d’employés, les revenus, les profits, etc. ou sur des critères plus subjectifs ou même la discrétion du ministère. Dans tous les cas, les options accordées par des SPCC ou par des sociétés en démarrage, en émergence ou en expansion (appelées « personnes non déterminées ») continueront d’être régies par les règles actuelles décrites plus haut.
Pour toutes les autres options, soit celles accordées par des « personnes déterminées », les modifications proposées apportent des changements importants, tant pour les employés que pour les employeurs.
Le plafond annuel
Le concept d’un plafond d’acquisition annuel de 200 000 $ est proposé. Un employé n’aura droit à la déduction de 50 pour cent pour options d’achat d’actions acquises au cours de la même année civile que si leur valeur est de 200 000 $, un montant fondé sur la JVM des actions sous-jacentes aux options. Toute option qui dépasse ce plafond sera considérée comme une « option non admissible ». Si une personne est employée par plus d’un employeur, et que ces employeurs n’ont pas de lien de dépendance entre eux, l’employé aura droit à des plafonds annuels distincts pour chaque employeur.
Par exemple, supposons qu’un employé se voit accorder des options en vue d’acquérir 10 000 actions, dont la JVM en date de l’octroi est de 80 $ l’action, et que toutes ces options sont acquises et peuvent être exercées immédiatement. La valeur de l’action sous-jacente, 800 000 $, est quatre fois supérieure au plafond annuel, de sorte que le ¾ des options sera « non admissible ». Supposons par ailleurs que l’employé exerce les options à un moment où la valeur de l’action a augmenté à 90 $ l’action, donnant lieu à un avantage de 100 000 $. L’employé aura seulement droit à la déduction de 50 pour cent pour le quart de l’avantage, ou 25 000 $. Le taux d’imposition normal s’appliquera au 75 000 $ restant de l’avantage. Si, les 10 000 options devaient plutôt être acquises durant une période de quatre années, chacune de ces années aurait un plafond annuel distinct de 200 000 $, de sorte qu’aucune des options serait « non admissible ».
Établir un plafond annuel est un intéressant choix de politique. Dans le document d’information qui accompagne les modifications proposées, le gouvernement affirme que les règles actuelles avantagent injustement les Canadiens les mieux nantis : six pour cent des demandeurs reçoivent les deux tiers des 1,3 milliard $ en déduction pour options d’achat d’actions. Toutefois, plutôt que d’imposer un plafond annuel basé sur le niveau de revenu du demandeur, les modifications proposées imposent un plafond annuel à tous les demandeurs se voyant accorder des options par des personnes déterminées. Cela pénalise certainement les employés qui ne figurent pas parmi les « Canadiens les mieux nantis », mais pour qui la déduction de 50 pour cent représente un élément important de leur rémunération globale.
L’établissement de l’année d’acquisition
Si la convention d’achat d’actions précise l’année civile durant laquelle le droit d’acquérir l’action peut être exercé pour la première fois (autrement qu’à cause d’un événement qui est raisonnablement imprévisible au moment de l’octroi), cette année est alors considérée comme l’année d’acquisition aux fins de l’application du plafond annuel. Dans tous les autres cas, l’année d’acquisition sera la première année civile durant laquelle il est raisonnable de s’attendre à ce que le droit d’acquérir l’action puisse être exercé. Si un octroi d’options ne précise pas la période d’acquisition des options attribuées, ces dernières peuvent techniquement être exercées immédiatement, mais il n’est pas certain que l’on puisse toujours raisonnablement s’attendre à ce qu’elles le soient durant l’année d’attribution. Il convient également d’examiner la façon dont les critères d’acquisition autres que ceux liés au temps seront interprétés aux fins de l’application de cette règle.
Les règles concernant l’ordre de l’acquisition
Lorsqu’un employé détient des options admissibles et non admissibles, on considérera qu’il a d’abord exercé les options admissibles.
La déduction de l’employeur
Les modifications proposées permettent à une personne déterminée de demander une déduction pour les entreprises en ce qui concerne les options non admissibles, et ce, pour un montant égal à l’avantage des options d’achat d’actions tiré par un employé. La déduction est prévue dans le calcul du revenu imposable, plutôt qu’en modifiant l’alinéa 7(3)(b) de la LIR, qui a traditionnellement été à l’origine du refus de la déduction d’une entreprise à l’égard des options d’achat d’actions d’un employé. La personne déterminée doit satisfaire aux exigences concernant les avis (dont il est question ci-après) afin de pouvoir demander la déduction. Celle-ci ne sera accordée que si le titulaire d’options est l’employé de la personne déterminée, de sorte qu’aucune filiale canadienne ne pourra demander de déduction pour des options non admissibles accordées par une société mère étrangère. De plus, les personnes non déterminées ne sont pas autorisées à « adhérer » au nouveau régime afin de demander une déduction.
En outre, l’option en question aurait autrement dû être admissible à la déduction de 50 pour cent si le plafond annuel n’avait pas été dépassé. Elle doit donc satisfaire aux critères susmentionnés dans la section « règles actuelles » en ce qui concerne les options accordées par des sociétés qui ne sont pas des SPCC. Par conséquent, aucune déduction ne sera accordée, entre autres, pour :
- les actions dont le prix de base est inférieur à la JVM des actions sous-jacentes à la date de l’octroi;
- les ententes fondées sur des capitaux propres qui reposent sur les règles sur les options d’achat d’actions, mais qui ne donnent pas droit à la déduction de 50 pour cent en vertu des règles actuelles (comme les unités d’action subalternes); ou
- les options dont les actions sous-jacentes ne sont pas des actions visées par le règlement, le test permettant de les définir ayant vraisemblablement été effectué au moment de l’exercice de l’option.
En ce qui concerne ce dernier point, il faut se demander si les modifications proposées pourraient entraîner l’exclusion du traitement fiscal préférentiel, tant pour la personne déterminée que pour le titulaire de l’option. Par exemple, si le prix de base de l’option est égal à la JVM, mais que l’option est non admissible en raison du dépassement du plafond annuel, le titulaire n’aura pas droit à la déduction de 50 pour cent. Toutefois, si un événement fait en sorte que les actions sous-jacentes cessent d’être des actions visées par le règlement avant qu’elles soit exercées, l’employeur ne sera pas admissible à la déduction pour les entreprises. Par conséquent, aucune des deux parties n’aurait droit au traitement préférentiel.
Les modifications proposées précisent que les règles sur les « restrictions quant aux dépenses » de l’article 143.3 de la LIR n’ont pas pour effet d’interdire la déduction pour les entreprises.
Elles élargissent également la définition de « perte autre qu’une perte en capital » donnée dans la LIR de façon à ce qu’une perte engendrée par une demande de déduction pour les entreprises relativement à une option non admissible soit considérée comme une perte autre qu’en capital.
La désignation comme option non admissible
Les modifications proposées permettent à la personne qui accorde l’option de désigner une ou plusieurs options comme non admissibles aux fins des nouvelles règles, ce qui prive l’employé de la déduction de 50 pour cent, et ce, même si les options satisferaient autrement aux critères pour cette déduction et ne dépasseraient pas le plafond annuel. Ainsi, il est possible de demander une déduction pour les entreprises relativement à cette option. Fait intéressant, la désignation ne peut être faite que si la personne qui accorde l’option est l’employeur direct de l’employé. Donc, une filiale canadienne ne peut pas faire une telle désignation si elle rembourse régulièrement à sa société mère étrangère le coût de l’octroi d’options aux employés de la filiale canadienne. Ceci est conforme au libellé des dispositions relatives aux déductions de l’employeur susmentionnées.
Les avis
Les modifications proposées prévoient plusieurs exigences quant aux avis. Tout d’abord, la personne qui accorde l’option doit avertir l’employé par écrit lorsque l’option est non admissible en raison du dépassement du plafond annuel. Cet avis doit être émis à la date à laquelle l’option est accordée, mais n’est pas tenu d’adopter un format particulier.
De plus, si la personne qui octroie l’option choisit de désigner une ou plusieurs options comme non admissibles, cette désignation doit être indiquée dans le document d’octroi, de sorte que l’employé en soit avisé. Finalement, la personne qui octroie l’option doit également aviser l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») que l’option est une option non admissible, pour quelque raison que ce soit, dans un formulaire prévu à cette fin et produit avec sa déclaration fiscale pour l’année durant laquelle elle a accordé l’option. Il est essentiel que cet avis soit émis si elle a l’intention de demander une déduction pour les entreprises. Pensez à la façon dont ces avis seront transmis par une société mère étrangère d’une société canadienne employeuse, lorsque la société mère étrangère ne produit pas de déclaration de revenus canadienne.
Les points à retenir
- Les options accordées par des SPCC ne sont pas touchées;
- Les nouvelles règles s’appliquent aux options accordées après 2019;
- Les sociétés qui ne sont pas des SPCC et qui s’appuient sur les règles actuelles dans le cadre de leurs programmes incitatifs pourraient envisager d’accorder des options supplémentaires avant 2020;
- Nous attendons les résultats de la consultation publique pour avoir plus de détails sur ce qui constitue une entreprise « en démarrage, en émergence ou en expansion »;
- Il faudra établir des procédures internes pour faire le suivi du plafond annuel de chaque employé;
- Que fera le prochain gouvernement avec les modifications proposées?
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