Malgré l'optimisme dont font preuve les administrateurs de multinationales à l'égard du marché chinois, il est rare que ces derniers songent à y déployer une stratégie de propriété intellectuelle (PI). Or, enregistrer leurs actifs de PI dans ce pays devraient être un réflexe.
En effet, les statistiques entourant ce phénomène en Chine sont ahurissantes.
En 2018, les inventeurs établis en Chine ont enregistré le deuxième nombre le plus important de demandes de brevets aux termes du Traité de coopération en matière de brevets (Patent Cooperation Treaty ou PCT), soit une augmentation de 9 % par rapport à l'année précédente. On prévoit que ce nombre dépassera facilement celui des États-Unis d'ici deux ans.
Le marché intérieur chinois a littéralement explosé : l'augmentation de dépôts de demandes de brevets y a atteint des sommets depuis 2010, pourtant, parmi les 432 000 octroyés l'année dernière, seulement 25 % étaient étrangers.
On constate la même augmentation pour les marques de commerce, alors pourquoi certaines sociétés étrangères ne prennent-elles toujours pas au sérieux le marché de la PI en Chine?
Où est la PI?
Notre enquête et notre rapport sur l'impact de la technologie perturbatrice (article en anglais seulement) sur la PI ont révélé que malgré le fait que le marché chinois soit reconnu comme un marché clé, il reste qu'un nombre étonnamment faible de sociétés y assure une présence en PI.
Le rapport de l'enquête auprès de 400 cadres supérieurs et de professionnels juridiques au sein d'importantes multinationales démontre que plus des deux tiers de toutes les sociétés estiment que le marché chinois est soit « important » ou « très important » pour leur stratégie en matière de PI.
Pourtant, seulement 34 % ont procédé à des enregistrements d'actifs de PI dans ce pays.
« La Chine est devenue une véritable puissance en ce qui a trait aux enregistrements de PI et l'un des plus importants pays que les multinationales devraient couvrir. Lorsqu'elles enregistrent des brevets à l'échelle internationale, la plupart effectuent presque automatiquement des enregistrements en Chine », explique Jian Xu, directeur juridique, avocat et agent de brevets chez Gowling WLG au Royaume-Uni.
Les innovations comme l'IA, la technologie blockchain et l'Internet des objets perturbent les marchés établis et déplacent la valeur d'entreprise reposant sur des biens corporels à des biens incorporels.
Et il est indéniable que la PI jouera un rôle central dans cette nouvelle économie mondiale future.
Impossible donc d'ignorer cette transformation de taille, à savoir le passage de la Chine du statut de pays manufacturier à celui de pays innovateur.
Effectivement, les inventeurs phares en Chine se spécialisent dans les domaines très pertinents aux technologies perturbatrices, comme les communications numériques et l'IA. Huawei, le déposant le plus actif aux termes du PCT du monde, a déposé près du double du nombre de brevets en comparaison à Mitsubishi qui, elle, occupe la deuxième position.
Comprendre le modèle chinois
La réputation de la Chine en matière de PI a cependant encore besoin d'un coup de pouce.
« Il y a beaucoup de rapports dans les médias qui prétendent qu'il est impossible de protéger la PI en Chine, mais c'est entièrement faux », explique Jian.
« C'est tout à fait possible, mais il y a certaines différences sur le plan de la procédure ».
Il est maintenant plus facile de lancer une action en litige civil ou même de poursuivre les contrefacteurs au criminel, selon Jian, attirant l'attention sur les procédures douanières très efficaces de ce pays qui aident les propriétaires de marques en procédant à la saisie de produits contrefaits à la frontière.
Même si des améliorations considérables ont été apportées aux tribunaux de PI et aux processus de dépôts et de protection, il reste que les anciens problèmes persistent.
Les sociétés étrangères demeurent vulnérables au piratage de PI pouvant être notamment perpétré par des fournisseurs chinois qui enregistrent la PI de leurs clients étrangers à leur insu et sans leur permission.
« C'est vraiment très simple – si vous n'enregistrez pas votre PI, d'autres personnes pourraient le faire à votre place et vous pourriez avoir des problèmes plus tard », explique Jian.
« Mais au bout du compte, si vous respectez le système en place et embauchez de bons avocats locaux, vous pourrez avoir beaucoup de succès en Chine. Et à des coûts bien moindres qu'aux États-Unis ».
Faire des choix plus intelligents dans une période mouvementée
Pour une perspective approfondie sur l'importance de procéder à des enregistrements de PI en Chine, téléchargez notre rapport Multiplicité : faire des choix intelligents dans une période mouvementée. (Article en anglais seulement).