Révision de la loi chinoise sur les marques de commerce

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06 février 2020

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Ayant fait l'objet d'une quatrième révision, la nouvelle version de la Loi sur les marques de commerce de la République populaire de Chine (RPC) est entrée en vigueur le 1er novembre 2019. Il s'agit d'un exemple de plus qui démontre l'évolution du cadre régissant la protection de la propriété intellectuelle en Chine.



Les modifications apportées à cette loi s'arriment aux recommandations formulées par l'Association internationale des marques de commerce (International Trademark Association ou INTA) en vue de contrecarrer les demandes de dépôt de mauvaise foi et de lutter contre la contrefaçon de marques de commerce. Ces révisions législatives visent trois objectifs principaux :

  • fournir des motifs d'opposition à l'égard des dépôts de mauvaise foi;
  • responsabiliser davantage les agences de marques de commerce; et
  • augmenter le montant des pénalités imposées aux contrefacteurs.
  1. La lutte contre les dépôts de marques de commerce de mauvaise foi et l'invalidation d'une marque déposée sont maintenant possibles

Les nouvelles modifications permettent de s'attaquer à la problématique des « squatteurs » de marques de commerce, qui existe depuis très longtemps en Chine. Antérieurement, selon le système du premier déposant, un tiers pouvait faire enregistrer des marques de commerce liées à des marques bien connues en Chine, sans pour autant avoir à démontrer d'intention d'exploitation de la marque. Même s'il existait des motifs juridiques permettant aux titulaires légitimes de contester la validité de ces marques de commerce, le processus était souvent long et dans de nombreux cas, le titulaire choisissait plutôt d'acheter ces marques. Mais dorénavant, on pourra faire opposition aux marques de commerce visées pour faire face à ce genre de situation.

Ce nouveau recours est devenu possible grâce à l'ajout du libellé suivant à l'article 4 de la Loi sur les marques de commerce de la RPC : « toute demande d'enregistrement de marque déposée de mauvaise foi dans un but autre que celui de l'exploitation sera rejetée ». [traduction]

À lui seul, cet ajout aurait peu d'intérêt, puisque compte tenu du volume considérable des demandes d'enregistrement de marques de commerce qu'il reçoit, l'Office des marques de commerce ne serait pas en mesure d'examiner des éléments de preuve permettant de tirer des conclusions quant à l'intention d'exploitation. Toutefois, aux termes de l'article 33, on prévoit maintenant que « toute personne affirmant qu'une marque de commerce ayant fait l'objet d'une approbation préliminaire et ayant été publiée dans la Gazette des marques est en violation de l'article 4 (...) peut intenter une procédure d'opposition auprès de l'Office des marques de commerce dans un délai de trois mois suivant la date de publication dans la Gazette. » [traduction] Ceci signifie que le seul motif de la mauvaise foi suffit maintenant pour faire opposition à une demande d'enregistrement.

L'article 44 prévoit qu'une action en invalidation (laquelle peut être intentée à tout moment après le dépôt d'une marque de commerce) peut également être intentée pour motif de mauvaise foi :

« Lorsque le dépôt d'une marque de commerce est en violation des dispositions de l'article 4 (…) ou qu'il a été obtenu par la fraude ou par d'autres moyens illicites, l'Office des marques de commerce déclarera l'invalidation de la marque déposée; toute autre organisation ou personne peut demander à ce que ladite marque de commerce soit déclarée invalide par le Conseil d'examen et d'arbitrage des marques de commerce. » [traduction]

Bien que ce type de recours était permis auparavant, la modification législative codifie l'invalidation fondée sur la mauvaise foi.

  1. Les agences de marques de commerce participant aux dépôts de mauvaise foi se verront imposer des pénalités

Selon une nouvelle exigence formulée à l'article 19, on interdit à tout agent de marques de commerce de déposer une demande d'enregistrement lorsqu'il sait, ou devrait savoir, que celle-ci est « visée par la description de circonstances figurant à l'article 4… ». [traduction] La nouvelle modification portée à l'article 4 signifie que les agents de marques de commerce doivent s'assurer que leurs clients ont bel et bien l'intention d'exploiter les marques de commerce qu'ils cherchent à faire enregistrer, et refuser de traiter leur demande si ce n'est pas le cas.

Afin d'appuyer ce principe, on prévoit à l'article 68 des mesures d'exécution à appliquer lorsqu'une agence de marques de commerce commet une « violation des dispositions de l'article 4 ». [traduction] Le cas échéant, l'agence « recevra un avertissement ainsi qu'une amende pouvant varier de 10 000 RMB à 100 000 RMB ». [traduction]

En outre, « la/les personne(s) responsable(s) à qui incombe une responsabilité directe, et tout autre membre du personnel auquel incombe une responsabilité directe recevront un avertissement ainsi qu'une amende pouvant varier de 5 000 RMB à 50 000 RMB ». [traduction]

Normalement, il devrait s'agir d'une bonne nouvelle pour les agences de marques de commerce et pour le marché en général, qui constituait jadis un oligopole formé d'entreprises sanctionnées par l'Office des marques de commerce de la Chine (CTMO). Les agences seront donc motivées à améliorer leurs aptitudes professionnelles afin de limiter leur propre responsabilité légale tout en continuant de fournir leurs services en matière de dépôt de marques de commerce.

On craint toutefois que des personnes souhaitant faire des demandes de dépôts de bonne foi se retrouvent elles-mêmes aux prises avec des agents de marques de commerce faisant preuve d'une vigilance excessive. En effet, voulant éviter d'être pénalisés par le CMTO, des agents pourraient refuser de déposer une marque de commerce en craignant indûment que le CMTO déclare qu'il s'agit d'une demande de mauvaise foi (par exemple, si la marque de commerce est trop similaire à une marque de commerce déjà déposée en Chine) ou d'une marque de commerce qu'on ne prévoit pas exploiter (par exemple, dans le cas d'une personne cherchant à obtenir une protection accrue en faisant une demande visant des classes de produits ou services qui ne seront pas utilisés). Dans les faits, il faudra attendre pour connaître les mesures d'application pratique de cette modification; on ne sait pas encore comment le CTMO sera avisé des demandes de mauvaise foi ni exactement quels recours les titulaires de marques de commerce légitimes pourront utiliser pour obtenir réparation.

  1. Le montant des pénalités imposables aux contrefacteurs a augmenté

Le montant pouvant être octroyé au titre des dommages-intérêts est déterminé en fonction « des pertes réelles subies » ou « des gains tirés par le contrefacteur ». [traduction] L'article 63 a été modifié de façon à augmenter le montant maximal des dommages-intérêts préétablis, lequel est passé de 3 millions RMB à 5 millions RMB. En outre, « dans les cas sérieux » [traduction], la loi permet d'accorder des dommages-intérêts punitifs totalisant jusqu'à cinq fois ce montant (antérieurement le maximum était de trois fois le montant des dommages-intérêts préétablis). Ceci dit, cette « multiplication punitive » est rarement appliquée, car il est déjà difficile en soi de calculer le montant des pertes réelles ou des gains tirés. Par conséquent, on prévoit que c'est l'augmentation des dommages-intérêts préétablis qui aura la plus grande incidence.

De plus, une nouvelle disposition de l'article 63 prévoit un recours additionnel permettant aux tribunaux « d'ordonner la destruction des marchandises portant une marque de commerce déposée contrefaite (… ) [et] du matériel ainsi que des outils principalement utilisés pour fabriquer les marchandises portant une marque de commerce déposée contrefaite. » [TRADUCTION] En outre, les tribunaux peuvent dorénavant interdire l'entrée dans les circuits commerciaux de ces marchandises même si la marque de commerce contrefaisante en a été retirée.

En résumé, il est clair que l'évolution constante des lois chinoises favorise les titulaires de marques de commerce, donnant à ces derniers plus de possibilités et d'autorité pour agir contre les contrefacteurs. Pour les titulaires de marque de commerce présents sur le marché mondial, il est donc important de tenir compte de cette réalité et de faire enregistrer leurs droits en Chine.


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