Kathleen M. Ritchie
Associée
Chef du groupe Droit des affaires de Toronto
Article
L'éclosion de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) et sa propagation, qui ont donné lieu à la déclaration d'une urgence de santé publique par l'Organisation mondiale de la santé, ont déjà eu des conséquences importantes sur les plans humain, politique et économique aux quatre coins du monde. La propagation de la COVID-19 continue d'évoluer et il est encore impossible de déterminer l'ampleur de son impact. Toutefois, au nombre de ses effets dans un large éventail de domaines figurent la volatilité des marchés financiers, les baisses de taux d'intérêt, la perturbation de la circulation des biens et des personnes et la perte de confiance des consommateurs.
Les sociétés ouvertes canadiennes qui préparent des documents d'information – pour dépôt annuel et trimestriel ou en lien avec des placements de titres – devraient envisager de divulguer l'information sur tout effet que la COVID-19 a eu ou aura probablement sur leurs activités, leur rendement financier et leurs perspectives, ainsi que les risques et les incertitudes auxquels elles font face.
Si les autorités canadiennes en valeurs mobilières n'ont pour l'heure pas encore émis de directives au sujet de la communication de l'information sur la COVID-19, la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis a abordé cette question le 30 janvier 2020[i] et 19 février 2020[ii] (en anglais seulement). Néanmoins, nous constatons que les sociétés ouvertes canadiennes commencent déjà à inclure l'information sur la COVID-19 dans les documents qu'elles déposent. Entre le 1er janvier et le 3 mars de cette année, 161 sociétés ont déposé au total 271 documents auprès des autorités canadiennes en valeurs mobilières qui contenaient les termes « coronavirus » ou « COVID-19 ». Certaines sociétés ont communiqué des renseignements détaillés sur les incidences réelles et possibles de la COVID-19 sur leurs activités et leur industrie, tandis que d'autres ont présenté des renseignements généraux sur les conditions d'ensemble et les événements imprévisibles. Pour les sociétés ayant des liens avec la Chine et avec d'autres pays touchés, il peut être plus facile d'évaluer ces incidences et ces risques. Pour les autres, compte tenu de l'évolution rapide de la situation, la tâche peut s'avérer plus difficile.
Un rapport de gestion est une description narrative, du point de vue de la direction, des résultats obtenus par la société pendant une période donnée et de ses perspectives d'avenir. Les sociétés ouvertes canadiennes sont tenues de décrire les tendances et les risques raisonnablement susceptibles d'avoir des conséquences sur leurs états financiers, ainsi que les événements et les incertitudes raisonnablement susceptibles d'avoir des conséquences sur leur entreprise. Les risques et les incertitudes peuvent être évoqués dans le contexte des activités, des liquidités ou des ressources en capital de la société.
En voici quelques exemples :
La notice annuelle est un document qui donne de l'information importante sur une société et ses activités à un moment donné, dans le contexte de son développement passé et de ses possibilités de développement futur. Ce document décrit la société, ses activités, ses perspectives d'avenir, les risques auxquels elle s'expose et les autres facteurs externes qui ont une incidence particulière sur elle. En particulier, les sociétés sont tenues de divulguer les facteurs de risque pour la société et ses activités, y compris toute question susceptible d'influer sur la décision d'un investisseur raisonnable d'acquérir ou de conserver ses titres. Les facteurs de risque doivent être indiqués par ordre décroissant de gravité et leur gravité ne doit pas être atténuée par l'inclusion de mises en garde ou de conditions excessives. Dans la mesure du possible, la description des facteurs de risque doit être précise et pertinente et doit s'éloigner des généralités.
Dans les notices annuelles déposées récemment, les sociétés font référence à la COVID-19 dans le contexte de questions propres à leur entreprise et à leur industrie, ainsi que dans une perspective plus large. Par exemple :
En plus de leurs obligations d'information continue par l'intermédiaire notamment du rapport de gestion et de la notice annuelle, les sociétés ouvertes canadiennes sont tenues de déclarer, dans le cadre d'une communication d'information occasionnelle, tout changement important. Lorsqu'il devient manifeste que les risques se sont concrétisés par un changement touchant l'activité, l'exploitation ou le capital de la société dont on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'il ait un effet significatif sur le cours ou la valeur des titres de la société, celle-ci doit déposer un communiqué de presse immédiatement; de plus, une déclaration de changement important doit être déposée dans les 10 jours auprès des autorités en valeurs mobilières compétentes. Lorsque la situation évolue rapidement, il peut être difficile de déterminer avec précision le moment auquel la communication d'information occasionnelle s'impose. Une communication d'information prématurée pose également certains problèmes. Une vigilance accrue contribuera à réduire les risques en matière de communication d'information. Il pourrait être utile d'évaluer les politiques de la société en matière de communication de l'information et le caractère approprié des procédures de déclaration à l'interne et de s'assurer que le comité responsable des communications de la société demeure disponible à court préavis.
Les sociétés ouvertes canadiennes sont encouragées à inclure de l'information financière prospective dans leurs documents d'information si elles ont un motif raisonnable de le faire. Ceci dit, toute communication d'information financière prospective doit comprendre les éléments suivants : une déclaration à l'effet que l'information est prospective; une indication des facteurs qui pourraient entraîner une différence notable entre les résultats réels et l'information financière prospective; une description des hypothèses importantes, et une communication du risque appropriée, accompagnée des mises en garde de rigueur. Lorsqu'elles mettent à jour l'information sur les risques, les sociétés ouvertes canadiennes doivent également évaluer s'il est approprié d'actualiser les mises en garde accompagnant la communication de l'information financière prospective.
Lors de la préparation de leurs documents d'information, les sociétés ouvertes canadiennes doivent tenir compte des risques et des incertitudes ayant eu ou pouvant avoir une incidence sur leur rendement financier et sur leurs perspectives d'avenir. Qu'il s'agisse d'un effet particulier sur une chaîne logistique, d'autres relations opérationnelles clés, du prix, des marchés, du chiffre d'affaires, de la continuité des opérations, de la réputation ou, plus largement, de risques pour l'économie mondiale, l'évolution de la crise de la COVID-19 est un élément que les sociétés ouvertes canadiennes doivent prendre en considération dans leurs documents d'information.
Il leur faut notamment examiner si les facteurs de risque mentionnés dans les précédents documents déposés reflètent adéquatement les risques auxquels elles doivent actuellement faire face en raison de la COVID-19. Il leur faudra également revoir l'information liée à la COVID-19 dans leurs documents déposés ultérieurement afin de s'assurer qu'elle demeure exacte compte tenu de la rapidité de l'évolution de la situation.
[i] Le 30 janvier 2020, la SEC notait que les effets de la COVID-19 « pourraient être difficiles à évaluer ou à prévoir de façon raisonnablement précise tant de façon générale que pour un secteur d'activité ou un émetteur en particulier. La réponse à cette question est incertaine, car les effets réels dépendront d'un grand nombre de facteurs indépendants de la volonté et de la connaissance des émetteurs. Cela dit, les choix que font les émetteurs en matière de planification en fonction de cette incertitude et de réponse aux événements lorsqu'ils se produiront revêtent une importance primordiale pour toute décision d'investissement. » [Traduction]
[ii] Le 19 février 2020, la SEC notait que « les sociétés cotées aux États-Unis (y compris les sociétés ayant leur siège social aux États-Unis ou en Chine et celles dont le siège social n'est ni aux États-Unis, ni en Chine) peuvent avoir un volume d'activité important en Chine et dans d'autres pays pouvant être touchés par la COVID-19. De plus, les sociétés qui ne sont pas directement actives en Chine ou dans les autres pays pouvant être touchés peuvent être tributaires d'entreprises qui ont des activités dans ces régions, y compris en tant que fournisseurs, distributeurs ou clients. » [Traduction] La SEC soulignait également, entre autres choses, « le besoin de prendre en considération la possibilité de communiquer l'information sur les événements subséquents dans les notes afférentes aux états financiers... ». [Traduction]
[iii] Voir l'Annexe 51-102A1 – Rapport de gestion.
[iv] Voir l'Annexe 51-102A2 – Notice annuelle.
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