COVID-19 : Incidences sur les prises de participations dans des crédits notamment immobiliers

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29 avril 2020

Alors que la crise actuelle liée au COVID-19 affecte de plein fouet le marché primaire de la dette, paralysé dans certains cas par la difficulté de réaliser les vérifications (due diligence) nécessaires à la mise en place du financement, le marché secondaire de la dette (la syndication et la titrisation) est également impacté.



L'investisseur souhaitant acquérir une participation dans un crédit devra prendre en compte les risques suivants en particulier :

  • le risque de marché lié à l'actif sous-jacent : la valeur de l'actif sous-jacent pourrait avoir baissé par rapport à la valeur d'expertise arrêtée au moment de la mise en place du financement, certaines classes d'actifs (commerces…) étant plus affectées que d'autres (logistique…) par la crise ;
  • l'impact des négociations en cours entre bailleurs et locataires en vue de reporter jusqu'à six mois de loyers (quand ces loyers ne font pas l'objet d'une franchise en contrepartie de la renonciation à une faculté de résiliation triennale ou du renouvellement du bail) : les prêteurs doivent s'attendre à ce que leurs emprunteurs qui sont bailleurs demandent un aménagement du profil d'amortissement de leurs crédits afin qu'il soit adossé aux reports de loyers consentis, la prorogation consécutive de la date d'échéance finale devant toutefois être inférieure à un an sauf à prendre des dispositions pour renouveler à temps l'inscription de la sûreté hypothécaire (valable seulement un an après la date d'échéance finale initiale) ;
  • le risque d'augmentation des taux : augmentation des taux longs (en cas de prêt à taux fixe) mais aussi augmentation de la prime de risque de crédit et augmentation des coûts de liquidité.

Dans ce contexte de baisse des valeurs et d'augmentation des taux, un investisseur ayant commencé des négociations en vue d'une prise de participation dans un crédit pourrait envisager de ne pas y donner suite, du moins pas sur les mêmes bases. Ce faisant, il devra prendre garde à ne pas engager sa responsabilité délictuelle pour rupture abusive des pourparlers. En effet, aux termes d'une jurisprudence maintenant codifiée à l'article 1112 du Code civil, l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres mais doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. Il faut donc un "motif légitime" pour rompre des pourparlers ; une modification essentielle des prévisions de la partie souhaitant se retirer des négociations est un motif légitime.

Dans ce contexte, il est envisageable qu'un investisseur souhaite acquérir la créance pour un prix légèrement inférieur à sa valeur nominale. Cela est possible du moment que la créance n'est pas litigieuse ; le débiteur d'une créance litigieuse peut la racheter pour le prix à laquelle elle a été cédée augmenté des frais et intérêts aux termes de l'article 1699 du Code civil. L'article 1699 du Code civil n'est pas applicable en cas de prise d'une sous-participation.

S'agissant d'un prêt à une entreprise conclu entre le 16 mars et le 31 décembre 2020 qui est garanti par l'Etat en application de la loi n° 2020-289 de finances rectificative pour 2020 (un "PGE"), seuls les établissements de crédit (français ou européens) et les sociétés de financement qui sont des prêteurs dès l'origine peuvent bénéficier de cette garantie de l'Etat ; le Ministère de l'Economie considère que la garantie de l'Etat ne bénéficie pas aux prêteurs cessionnaires. L'investisseur devra alors envisager de prendre une sous-participation après d'un des prêteurs (lenders of record).

Enfin, on rappellera que l'article L.511-5 du Code monétaire financier interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit ou une société de financement d'effectuer des opérations de crédit à titre habituel, l'acquisition d'une créance non échue constituant une opération de crédit, mais que depuis 2017, l'article L.511-6 du même code permet aux banques, aux compagnies d'assurances, aux fonds de retraite et à un certain nombre d'autres entités et institutions de droit étranger qui n'ont pas le passeport européen, de prendre des participations dans des crédits sans craindre de violer de violer cette interdiction, tant que le débiteur n'est pas une personne physique agissant à des fins non professionnelles.

La crise du COVID-19 peut donc présenter des défis mais également des opportunités pour les investisseurs souhaitant acquérir de la dette.


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