Est-ce que la nouvelle toilette de la station spatiale internationale est brevetable?

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21 octobre 2020

La grande nouvelle tant attendue est enfin arrivée : une nouvelle toilette sera bientôt déployée à la station spatiale internationale (SSI)! Formellement baptisée « système universel de gestion des déchets » (SUGD), la nouvelle toilette spatiale est plus petite de près de 65 % que celle qui se trouve actuellement à la SSI. Elle est également plus légère de 40 %.

Dans cet article, nous nous intéressons à la brevetabilité du nouveau système de toilettes spatial. Évidemment, pour qu'une technologie soit brevetable au Canada, il faut qu'elle soit nouvelle, inventive et utile. Il ne fait aucun doute que le nouveau système sera particulièrement utile à la SSI!



Comme nous aimons souvent le souligner, un brevet est un outil d'affaires et c'est dans cette optique que nous allons en discuter. La protection par brevet est soumise au cadre juridique territorial où le brevet a été obtenu. Ces lois donnent des recours au titulaire du brevet en cas de violation de son brevet dans ledit cadre juridique. Comme l'espace est fondamentalement extraterritorial à tous les cadres juridiques territoriaux en droit international, il peut être plus complexe que prévu de déterminer l'étendue de la protection du brevet[1]. Intéressons-nous au cas où un compétiteur détient un ou plusieurs brevets sur la technologie sous-jacente à la toilette spatiale dans un certain pays ou territoire. Est-ce que son brevet sera applicable une fois la technologie déployée à la SSI? Est-ce que son brevet sera applicable si la toilette spatiale entre ou transite par le pays ou territoire où le brevet a été déposé? La réponse n'est pas si évidente!

Selon le droit international de l'espace, l'État où l'objet spatial est enregistré conserve à son sujet compétence et droit de regard. Ainsi, et en vertu de différents accords internationaux, les objets spatiaux enregistrés sont traités comme étant quasi-territoriaux aux fins de la propriété intellectuelle.

Dans le cas spécifique de la SSI, les pays participants (États-Unis, Russie, Japon et UE) se sont entendus pour que les activités de contrefaçon soient réputées se dérouler dans le pays sous lequel ce module particulier de la SSI est enregistré. Plus précisément, si la technologie sous-jacente à la toilette spatiale est protégée par un brevet aux États-Unis et que ladite toilette se trouve dans un module appartenant aux États-Unis, alors cette dernière peut être considérée comme étant en contrefaçon d'un brevet applicable des États-Unis. La question qui se pose est si la contrefaçon pourrait être évitée en déplaçant simplement la toilette spatiale vers un module où la technologie sous-jacente n'est pas protégée par des droits de propriété intellectuelle. Supposons maintenant que durant ce déplacement, la toilette spatiale passe par le module des États-Unis, est-ce que la toilette spatiale sera en contrefaçon? Là aussi, la réponse n'est pas évidente!

Une piste de réflexion serait la doctrine de la « présence temporaire » qui a été établie dans l'article 5ter de la Convention de Paris[2] pour la protection de la propriété intellectuelle. Cette doctrine prévoit, dans l'intérêt public, certaines limitations aux droits exclusifs conférés par un brevet afin de garantir la liberté de transport. Pour éviter les responsabilités en vertu de cette doctrine, le moyen de transport doit répondre à certaines conditions.  Premièrement, le moyen de transport doit être un vaisseau, navire, aéronef ou véhicule terrestre.  Deuxièmement, il doit entrer dans un autre pays de la Convention de Paris sur une base temporaire ou accidentelle. Enfin, l'appareil breveté doit être utilisé exclusivement pour les moyens de transport.

On peut se demander ce qu'on pourrait bien faire transporter à la toilette spatiale pour la considérer comme moyen de transport – nous vous laissons imaginer des hypothèses. Par ailleurs et sur une note plus sérieuse, l'applicabilité de la doctrine de la présence temporaire aux objets spatiaux demeure pour le moment théorique, car aucune décision n'est encore intervenue à ce sujet[3][4].



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