La responsabilité du fabricant : Les lois québécoises peuvent s'appliquer à votre situation sans que vous ne le sachiez

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03 juin 2021

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Il n'est peut-être pas surprenant que les lois du Québec en matière de responsabilité du fait des produits favorisent les consommateurs, les acheteurs et les victimes dans les réclamations. Par conséquent, les fabricants et les vendeurs professionnels (par exemple les distributeurs, les grossistes et les détaillants) auront tendance à se tourner vers une loi hors Québec pour régir leurs relations. Tel que le suggère le titre de cet article, un fabricant ou un vendeur professionnel peut être tenu responsable, et possiblement être poursuivi au Québec, même si un contrat de vente indique qu'il est régi par les lois d'une autorité autre que le Québec.



Tout d'abord, le Code civil du Québec stipule qu'un consommateur résidant au Québec sera protégé par les lois du Québec, si ce consommateur a commandé un produit donné alors qu'il était au Québec et qu'il y avait une offre ou une publicité particulière au Québec, ou si la commande a été reçue au Québec, malgré une désignation différente dans le contrat (article 3117 C.c.Q.).

De plus, le Code civil prévoit que le demandeur peut choisir que ce soient les lois du Québec qui régissent la responsabilité du fabricant d'un bien meuble, quelle qu'en soit la source, si le fabricant a son établissement au Québec ou si le produit a été acquis au Québec, malgré une désignation différente dans le contrat (article 3128 C.c.Q.). 

Par exemple, un fabricant a été jugé responsable des retards de livraison d'une pièce en vertu des lois du Québec, même si le véhicule avait été acheté et livré en Ontario, puisque ledit fabricant avait un établissement d'affaires au Québec et que c'est également au Québec que les plaintes étaient traitées.

Par ailleurs, puisque l'acheteur a un droit d'action contre tous les intervenants de la chaîne d'approvisionnement, et que ceux-ci peuvent être tenus solidairement ou conjointement responsables envers le demandeur, un fabricant ou un vendeur professionnel qui n'a pas contracté directement avec le demandeur peut être un défendeur nommé dans une action judiciaire au Québec, même si son contrat ne prévoyait pas qu'il soit régi par les lois du Québec.

Enfin, au Québec, les fabricants et les vendeurs professionnels peuvent être tenus responsables des dommages pour la responsabilité extracontractuelle (délictuelle), notamment en ce qui concerne un défaut de sécurité, si « l'acte ou l'omission qui a causé le préjudice » ou le préjudice est survenu au Québec (article 3126 C.C.Q.). En effet, dans ces cas, il n'y a pas de contrat entre le demandeur et les défendeurs, et donc, aucune possibilité de déterminer les lois applicables.

Quelles sont les particularités au Québec?

Essentiellement, vous devez connaître les présomptions légales qui favorisent les acheteurs et renversent le fardeau de la preuve sur les fabricants et les vendeurs professionnels. En outre, comme nous l'avons souligné plus haut, le demandeur peut poursuivre quiconque dans la chaîne d'approvisionnement jusqu'au fabricant, et les défendeurs peuvent être tenus solidairement ou conjointement responsables. Enfin, si les lois du Québec régissent le contrat de vente, la clause de limitation de responsabilité peut être jugée inapplicable, comme expliqué ci-après.

Garantie légale de qualité : présomptions légales

Conformément au Code civil du Québec, le vendeur garantit que le produit est exempt de vice caché et est donc responsable de la réparation ou du remplacement du produit. Si le vendeur avait connaissance (ou aurait dû avoir connaissance) d'un défaut au moment de la vente, il peut également être responsable des dommages indirects au-delà de la réparation ou du remplacement du produit. Le Code civil et la jurisprudence au Québec édictent des présomptions légales contre les fabricants et les vendeurs professionnels, qui sont favorables aux acheteurs, aux consommateurs et aux utilisateurs finaux.

Selon le Code civil, si un produit fonctionne mal ou se détériore prématurément, il existe une présomption légale qu'un défaut existait au moment de la vente. La Cour d'appel[1] a également confirmé l'existence d'une présomption de causalité, c'est-à-dire que le défaut présumé a causé les dommages allégués. La présomption légale d'un défaut existant peut être réfutée, si le fabricant ou le vendeur professionnel démontre que le produit a été mal utilisé, ou que le dysfonctionnement est dû à l'intervention d'un tiers.  

De plus, il existe une présomption légale selon laquelle le fabricant et les vendeurs professionnels auraient dû avoir connaissance du défaut, ce qui permet de réclamer des dommages et intérêts au-delà de la valeur du produit, y compris des dommages indirects. La présomption légale de connaissance est plus difficile à réfuter, puisque le vendeur professionnel doit démontrer qu'il n'était pas au courant du défaut, et qu'un vendeur professionnel dans les mêmes circonstances, agissant raisonnablement, n'aurait pas pu avoir connaissance du défaut. Le fabricant doit démontrer qu'il ignorait le défaut et qu'il n'aurait pas pu le découvrir même s'il avait pris toutes les précautions que tout acheteur attendrait d'un vendeur raisonnable dans les mêmes circonstances. Le plus souvent, un rapport d'expert est nécessaire pour en faire la démonstration.

Clauses de limitation de responsabilité

La présomption de connaissance donne non seulement lieu à une réclamation en dommages-intérêts indirects, mais elle peut également rendre la clause de limitation de responsabilité inapplicable. En effet, l'article 1733 du Code civil du Québec prévoit ce qui suit :

« 1733. Le vendeur ne peut exclure ni limiter sa responsabilité s'il n'a pas révélé les vices qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer et qui affectent le droit de propriété ou la qualité du bien. »

Si et quand les fabricants et les vendeurs sont réputés avoir eu connaissance d'un défaut, la clause de limitation de responsabilité est inapplicable à moins qu'ils ne réussissent à réfuter la présomption légale de connaissance du défaut.

En conclusion, la connaissance du défaut est primordiale. En effet, le simple fait de connaître les spécificités du Québec en matière de droit de la responsabilité du fait des produits vous permettra d'évaluer certains des principaux risques liés à cet enjeu. Il est important que les conseillers juridiques de votre entreprise et les équipes commerciales chargées des ventes et du service à la clientèle connaissent les lois applicables. Veuillez noter que cet article n'aborde qu'une portion de la législation sur la responsabilité du fait des produits et ne doit pas être interprété comme étant un avis juridique. En demandant l'aide juridique d'un avocat expérimenté de Gowling WLG au Québec dès que possible, vous augmentez vos chances d'éviter les litiges et vous limitez les risques.

 

[1] CNH Industrial Canada Ltd. c. Promutuel Verchères, société mutuelle d'assurances générales (2017 QCCA 154)


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