Un Administrateur Peut-Il Cotiser À Un Celi Au Moyen D’Actions De La Société?

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03 juin 2022

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Les contribuables canadiens peuvent profiter de divers régimes enregistrés offerts par le gouvernement du Canada, notamment les régimes enregistrés d’épargne-retraite (« REER ») et les comptes d’épargne libre d’impôt (« CELI »). Ils doivent s’assurer que les placements cotisés à ces régimes sont des placements admissibles, comme le prévoit la Loi de l’impôt sur le revenu (« LIR ») et ses règlements.

La plupart des titres cotés sur une bourse de valeurs désignée, comme les actions de sociétés, sont considérés comme des placements admissibles. Toutefois, il existe des cas où la LIR peut juger que certaines actions d’une société constituent un placement interdit.

Comme l’explique le Folio de l’impôt sur le revenu S3-F10-C2 de l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») : « Pour un régime enregistré, un placement interdit désigne généralement un placement relativement auquel le participant contrôlant du régime est étroitement lié. La [LIR] prévoit deux impôts spéciaux au cas où un régime enregistré détiendrait un placement interdit : (i) un impôt de 50 % sur la valeur du placement, qui est remboursable dans certaines circonstances; (ii) un impôt de 100 % sur tout revenu ou gain en capital tiré du placement. »

Le paragraphe 207.01(1) de la LIR définit un placement interdit pour un régime enregistré comme l’un des éléments suivants : a) une dette du particulier contrôlant du régime; b) une action du capital-actions ou une dette d’une des entités ci-après ou une participation dans une de ces entités : (i) une société, une société de personnes ou une fiducie dans laquelle le particulier contrôlant a une participation notable, (ii) une personne ou une société de personnes ayant un lien de dépendance avec le particulier contrôlant; c) un intérêt ou, pour l’application du droit civil, un droit sur une action, une participation ou une dette visée aux alinéas a) ou b), ou un droit d’acquérir une telle action, participation ou dette; d) un bien visé par règlement.

Cet article se concentrera sur une étude de cas récente visant une action d’une personne avec laquelle le particulier contrôlant a un lien de dépendance.

Dans le cadre d’une vérification récente menée par l’ARC, le particulier contrôlant d’un régime enregistré (« particulier contrôlant ») a reçu de l’ARC une lettre proposant d’établir une cotisation pour le particulier contrôlant en se fondant sur le fait que les actions d’une société (« SoCan ») cotisées au CELI du particulier contrôlant constituaient un placement interdit. Le particulier contrôlant était un administrateur de la SoCan. L’ARC a soutenu que, étant donné qu’il était un administrateur de la SoCan, le particulier contrôlant avait un lien de dépendance avec la SoCan.

Toutefois, savoir si un administrateur de société n’a pas de lien de dépendance avec la société est une question de fait. Les faits suivants ont été soulignés comme étant pertinents dans la présente affaire. La SoCan est une société inscrite à la cote d’une bourse canadienne. Le particulier contrôlant était l’un des six membres indépendants du conseil d’administration de la SoCan. Il n’a jamais été l’un des dirigeants de la SoCan. Le rôle du particulier contrôlant en tant que membre du conseil d’administration ne nécessitait qu’environ 25 heures de son temps par année. Enfin, le particulier contrôlant détenait une quantité négligeable d’actions ordinaires de la SoCan (c’est-à-dire très inférieur à 1 %).

La Cour canadienne de l’impôt s’est penchée sur la question de savoir si un administrateur de société avait ou non un lien de dépendance avec la société dans les affaires Gestion Yvan Drouin Inc. c. La Reine [1] et Del Grande c. La Reine [2]. Dans l’affaire Gestion Yvan Drouin, le juge Archambault a statué : [Traduction] « Je ne crois pas que, en l’absence d’autres circonstances particulières, le fait qu’un contribuable ait été à la fois actionnaire, administrateur et dirigeant d’une société signifie forcément qu’il y avait une relation de fait avec lien de dépendance entre le contribuable et la société. » Le juge Archambault a ensuite fait référence à la décision du juge Bowman dans l’affaire Del Grande où il a conclu qu’un actionnaire, administrateur et dirigeant d’une société détenant 25 % des actions ordinaires de cette société, avec une option d’achat d’actions lui permettant d’augmenter sa participation à 50 %, ne faisait pas affaire avec la société autrement que sans lien de dépendance immédiatement après l’octroi de l’option.

L’appelant dans l’affaire Del Grande faisait manifestement affaire avec la société dont il était administrateur de façon plus rapprochée que le particulier contrôlant qui faisait affaire avec la SoCan dans notre étude de cas. Étant donné que l’appelant dans l’affaire Del Grande a été tenu comme n’ayant pas de lien de dépendance avec la société en question, cela permettrait de déterminer que le particulier contrôlant n’avait certes pas de lien de dépendance avec la SoCan. Par conséquent, le placement des actions de la SoCan dans le CELI du particulier contrôlant ne devrait pas être considéré comme un placement interdit.

D’après notre expérience de situations comme celle-ci, les vérificateurs de l’ARC peuvent parfois faire des déterminations préliminaires erronées lorsqu’ils examinent une question de fait, comme celle de savoir si un administrateur a, ou n’a pas, un lien de dépendance avec une société. Une analyse correcte exige un examen des faits, ainsi que de la jurisprudence pertinente, au lieu de simplement se fier aux publications de l’ARC telles que les Folios de l’impôt sur le revenu. Oui, ces publications de l’ARC sont des outils utiles, mais elles ne traitent pas toujours en profondeur de la question en cause et sont en définitive des sources secondaires qui n’ont pas préséance sur la jurisprudence. Cette étude de cas sert à rappeler qu’un examen détaillé des faits et de la jurisprudence à l’étape de la vérification, plutôt qu’après l’émission d’un avis de nouvelle cotisation et la préparation d’un avis d’opposition, peut permettre aux contribuables d’éviter, en plus des pertes de temps et d’argent, de vivre un stress inutile.

Si vous avez des questions portant sur des éléments de cet article ou si vous souhaitez en discuter davantage, n’hésitez pas à communiquer avec l’auteur ou avec un membre de notre groupe Règlement des différends fiscaux.

 


[1] [2001] 2 CTC 2315 [Gestion Yvan Drouin].

[2] [1993] 1 CTC 2096 [Del Grande].


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