Alors que la conscientisation vis-à-vis l'urgence climatique s'accroît avec des événements tels que le record de chaleur de l'été 2023 ou les incendies de forêt dévastateurs, les pays investissent davantage dans la transition énergétique, mettant l'accent sur les énergies propres. Le Québec, bien que dans une situation favorable en raison de son utilisation précoce de l'hydroélectricité, ne s'assoit pas pour autant sur ses lauriers quant à sa position enviable : la province veut intensifier ses efforts pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.
Récemment rendu public, le Plan d'action 2035 – Vers un Québec décarboné et prospère (« Plan d'action ») d'Hydro-Québec s'insère dans cet élan, considérant que cette société d'État québécoise joue un rôle central dans la décarbonisation du Québec et dans la stimulation de l'économie.
Pour Hydro-Québec, cela passe par un important effort d'électrification qui se traduira par une hausse considérable de la demande d'électricité. D'ici 2035, Hydro-Québec planifie l'ajout de 60 TWh, soit entre 8 000 et 9 000 MW de puissance additionnelle. Cet ambitieux projet se décline selon cinq priorités que nous résumons ici et qui visent toutes à relever deux grands défis : la transition énergétique et les besoins des clients.
Priorité # 1 : améliorer la qualité du service
Les changements climatiques mettant à l'épreuve la résilience des installations, des investissements accrus sont nécessaires pour assurer un service fiable. Le Plan d'action vise donc à réduire les pannes d'électricité de 35 % d'ici 7 à 10 ans, avec des investissements de 45 à 50 G $ d'ici 2035, notamment pour renforcer le réseau et maîtriser la végétation. Ceci représente des investissements en moyenne de 4 à 5 G$ par année soit presque le double des investissements en pérennisation des trois dernières années.
Hydro-Québec prévoit aussi accélérer le traitement des demandes d'alimentation en électricité, tout en améliorant l'expérience client. L'objectif fondamental est d'offrir un service plus fiable, plus simple et plus abordable à la clientèle.
Priorité # 2 : encourager l'efficacité énergétique
Hydro-Québec s'engage aussi à encourager une consommation plus efficace de l'électricité. L'objectif est de doubler les économies d'énergie de ses clients d'ici 2035, libérant ainsi de 1 600 à 1 800 MW de puissance supplémentaire (total de 3 500 MW) qui contribueront à répondre à la demande croissante d'électricité. Les initiatives comprennent la création d'une équipe dédiée pour offrir des conseils personnalisés à tous les clients, des incitatifs financiers pour l'installation d'équipements écoénergétiques et des options tarifaires flexibles pour déplacer la consommation d'électricité en dehors des périodes de pointe.
Malgré tous ces investissements, Hydro-Québec mise sur l'établissement d'un cadre tarifaire plus flexible où les hausses tarifaires pour la clientèle résidentielle seraient limitées à 3 %. Quant aux tarifs industriels et commerciaux, il est question de maintenir la position concurrentielle du Québec.
L'objectif global est de sensibiliser la clientèle à une consommation plus efficace et de créer des incitatifs pour atteindre ces objectifs.
Priorité # 3 : augmenter la production d'électricité
Reconnaissant que l'optimisation et la réduction de la consommation ne suffiront pas à répondre à la demande croissante en électricité due à la transition énergétique, Hydro-Québec s'engage à augmenter significativement sa capacité de production, en misant toujours sur l'hydroélectricité et l'énergie éolienne, tout en explorant diverses options.
Les engagements visent donc à tripler sa capacité de production éolienne afin de combler des besoins en puissance à hauteur de 1 500 à 1 700 MW. Hydro-Québec compte intégrer plus de 10 000 MW de nouvelles capacités éoliennes d'ici 2035. Ces ajouts représentent plus de 30 G$ en investissements privés et publics. C'est l'énergie hydroélectrique qui est considérée afin de complémenter l'éolien.
À ce titre, l'on prévoit augmenter de 3 800 à 4 200 MW la puissance des centrales hydroélectriques existantes et construire de nouvelles centrales, y compris des centrales à réserve pompée. De 35 à 45 G$ d'investissements sont prévus pour réaliser les ajouts de capacité hydroélectrique.
À cela s'ajoute l'énergie solaire et le stockage par batterie, ainsi que la possibilité de convertir au gaz de source renouvelable la centrale thermique existante de TransCanada Énergie à Bécancour afin de répondre aux besoins aux heures de pointe. Hydro-Québec prévoit également explorer d'autres filières énergétiques en développement dans le monde et étudie même ses options du côté du nucléaire.
Afin de maximiser l'accès à cette nouvelle production, des investissements de 45 à 50 G$ sont prévus dans le réseau de transport, avec une planification plus transparente pour permettre aux acteurs du marché de mieux planifier leurs activités en connaissant les zones où la capacité est disponible. Le PDG de la société d'État, M. Michael Sabia, a récemment évoqué la construction de près de 5 000 km de lignes de transport, auprès des membres de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Les investissements visant à répondre à la demande croissante s'élèveront en moyenne entre 7 et 9 G$ par année pour les actifs requis tant au niveau de la production, du transport que de la distribution.
Priorité # 4 : collaborer plus étroitement avec les communautés autochtones
Admettant les impacts des projets antérieurs sur des territoires autochtones, Hydro-Québec s'engage à une réconciliation économique avec les Premières Nations et les Inuits. Les efforts incluent la création de partenariats financiers afin de faciliter la participation économique des communautés autochtones dans de nouveaux projets énergétiques, et ce, à toutes les phases des projets, de la conception à l'exploitation.
Priorité # 5 : devenir une organisation agile, innovante et transparente
Afin d'atteindre les objectifs de décarbonation et de croissance économique, Hydro-Québec reconnaît la nécessité de transformer ses méthodes. Les engagements incluent notamment la création d'un pôle d'expertise en collaboration avec le gouvernement du Québec pour élaborer une feuille de route, la collaboration avec des partenaires externes pour intégrer rapidement des innovations permettant d'accélérer la concrétisation de ses ambitions et la simplification des pratiques et de la gouvernance.
Ces engagements ambitieux pour mettre en œuvre le Plan d'action représentent au total entre 155 et 185 G $ d'ici 2035 (soit en moyenne de 12 à 16 G$ par année). Ces investissements devraient certainement générer des retombées économiques importantes pour le Québec, mobilisant une main-d'œuvre considérable estimée à 35 000 travailleurs.euses de la construction.
Toutefois, selon Hydro-Québec, des ajustements aux cadres législatifs et réglementaires seront toutefois nécessaires afin de faciliter cette transition énergétique, notamment une plus grande flexibilité dans les processus d'approvisionnement énergétique et une simplification des processus d'octroi de permis gouvernementaux. Un dialogue ciblé avec les parties prenantes, telles que les communautés autochtones, les municipalités, les experts du secteur énergétique, les acteurs des milieux des affaires, syndicaux, environnementaux, de la construction ainsi que les représentants des consommateurs, est prévu de novembre 2023 à mars 2024, avec la présentation des résultats au printemps 2024.
Le Plan d'action 2035 d'Hydro-Québec et un Aide-mémoire de celui-ci sont accessibles en ligne.