Ce qui se cache derrière les aubaines du Vendredi fou : conseils d’avocates en publicité

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17 novembre 2023

D’abord il y a la rentrée scolaire, puis l’Halloween suivie du plus grand événement de l’année pour les publicitaires : le Vendredi fou et le Cyberlundi! Alors que les consommateurs se préparent à faire des achats extraordinaires et que les spécialistes du marketing se lancent dans la création de stratégies pour séduire les acheteurs, vous êtes-vous déjà interrogé sur les aspects juridiques qui encadrent ces événements promotionnels? Dans cet article, nous ferons la lumière sur les principes de légalité des promotions du Vendredi fou et du Cyberlundi et vous donnerons des conseils utiles pour vous guider dans le dédale des considérations juridiques.

Les indications relatives aux prix et aux épargnes sont régies par la Loi sur la concurrence du Canada et par les lois provinciales sur la protection des consommateurs. D’ailleurs, les autorités de réglementation fédérales et provinciales assurent activement le respect de ces obligations, et au cours des dernières années nous avons constaté une augmentation des recours collectifs concernant les pratiques et les indications relatives au prix. Alors que les entreprises et les spécialistes du marketing se préparent à la frénésie du Vendredi fou qui précède les Fêtes, il est indispensable de tenir compte des éléments suivants :



Transparence et exacttitude des prix : s'assurer d'une justification adéquate

Afin de se conformer à la loi, la condition essentielle voire primordiale pour organiser des promotions du Vendredi fou est la transparence et l’exactitude des prix. Bien qu’il soit tentant d’augmenter le prix initial d’un produit ou d’un service afin de présenter des réductions plus importantes, de telles pratiques sont illégales et constituent des tactiques publicitaires trompeuses. Les indications relatives aux épargnes doivent être correctement justifiées, ce qui, en vertu de la loi fédérale sur la concurrence, exige de se conformer soit au critère de période, soit au critère de quantité.

Pour pouvoir annoncer une « vente » ou des prix réduits, les marques et les détaillants doivent s’assurer que les économies annoncées sont réelles par rapport au prix habituel correctement établi, lequel peut être déterminé à l’aide de l’un des deux critères suivants :

  • Le critère de période: Le produit doit avoir été proposé à la vente au prix habituel ou à un prix supérieur, de bonne foi (c’est-à-dire à un prix qui, selon les prévisions du fournisseur, serait validé par le marché et, idéalement, un prix auquel des ventes ont effectivement été réalisées) pendant une période importante précédant ou suivant immédiatement la communication des indications. Ainsi, le critère de période sera satisfait si le produit est proposé à la vente, de bonne foi, à un prix égal ou supérieur au prix habituel plus de 50 % du temps au cours des six (6) mois précédant ou suivant son annonce; ou,
  • Le critère de quantité: Une quantité importante du produit doit avoir été vendue au prix habituel ou à un prix supérieur pendant une période raisonnable. Le critère de quantité est satisfait si plus de 50 % des ventes sont réalisées à un prix égal ou supérieur au prix habituel au cours des douze (12) mois précédant ou suivant la communication des indications.

Les Lignes directrices – Indications relatives au prix habituel du Bureau de la concurrence, lesquelles peuvent être consultées ici, donnent à l’industrie des exemples utiles de différentes indications relatives au prix et permettent de veiller à ce que les règles soient respectées.

Tenez compte de l’impression générale : les titres des événements ont leur importance!

Imaginez ceci : vous parcourez les offres du Vendredi fou et une bannière attire votre attention : « Vendredi fou – Offre exclusive! » ou « Événement du Vendredi fou! ». Cela semble prometteur, n’est-ce pas? C’est normal, car ces titres suggèrent quelque chose qui sort de l’ordinaire. Lorsque les entreprises utilisent des titres aussi alléchants, il ne s’agit pas seulement d’apposer la mention « Vendredi fou »; mais bien de proposer des offres de qualité qui se démarquent des offres habituelles. Pensez par exemple à une offre groupée ou à une promotion « exclusive au Vendredi fou » – une offre qui tranche de l’habituel et qui vous donne un petit plus durant l’événement, un petit plus que vous ne pourriez pas obtenir immédiatement avant ou après le Vendredi fou. En effet, si l’on qualifie à tort des offres ou des promotions ordinaires d’extraordinaires ou de limitées dans le temps, les consommateurs risquent d’être quelque peu induits en erreur. Par conséquent, lorsque le titre vante le caractère unique de l’événement, assurez-vous que l’offre est à la hauteur des attentes et de l’impression générale qu’elle donne au consommateur moyen. Votre offre du Vendredi fou devrait, au minimum, présenter un avantage additionnel qui la distingue des promotions habituelles.

Les mentions légales? Elles servent à clarifier les choses, pas à voler la vedette.

N’oublions pas les notes légales. En tant que juristes, nous avons une affinité pour les mentions légales. Toutefois, si de telles notes peuvent contribuer à atténuer les risques, elles ne peuvent en aucun cas remédier à certains des aspects les plus importants d’un message ou les contredire. Pour être efficace, une mention légale ne peut pas aller à l’encontre de l’impression générale véhiculée par la promesse publicitaire; elle doit plutôt servir à clarifier une ambiguïté relativement mineure. La question de savoir si une indication est trompeuse est évaluée du point de vue de l’« impression générale » qu’elle crée chez le consommateur moyen, défini par la Cour suprême du Canada dans la décision Richard c. Time Inc. (2012 CSC 8) comme un « acheteur ordinaire pressé » qui est à la fois « crédule et inexpérimenté » et « qui ne prête rien de plus qu’une attention ordinaire à ce qui lui saute aux yeux lors d’un premier contact complet avec une publicité ».

Dans le monde de la publicité, les mentions légales sont vos alliées, et non votre issue de secours. Étant donné que de telles mentions et les informations marquées d’un astérisque ou d’une note de bas de page ne doivent pas contredire les aspects plus importants d’un message, inscrire certains types de renseignements dans une telle mention n’offre pas de réelle protection juridique lorsque ceux-ci contredisent l’impression générale véhiculée par la publicité – en particulier lorsque ces renseignements se rapportent à une indication matérielle (telle que le prix d’un produit, une condition d’achat minimum, etc.). Il est essentiel de veiller à ce que votre message soit clair, véridique et qu’il communique toutes les conditions, restrictions et exclusions importantes de l’offre. De même, vous devez vous demander si votre produit est soumis aux exigences prescrites en matière de placement de l’information et de mise en évidence. Un exemple clair est la règle, au Québec, selon laquelle le prix de vente global d’un produit doit ressortir de façon plus évidente que les sommes qui le composent, les versements périodiques ou les paiements de location. Par conséquent, avoir recours à des mentions légales, pour communiquer des conditions d’offre importantes ou des informations qui doivent respecter les exigences de mise en évidence, peut accroître les risques.

Une solution unique peut ne pas convenir à tous. Vous devrez peut-être également adapter l’information en fonction de la plateforme publicitaire. Demandez-vous par exemple si vous devez recourir à des avertissements visuels, sonores ou simultanés (visuels et sonores) pour assurer une communication efficace des informations importantes adaptée au support. L’absence de transparence dans l’information fournie peut provoquer une certaine confusion chez les clients, voire créer d’éventuels problèmes juridiques.

Attention aux délais : annoncer lees offres à durée limitée sans faire de fausses déclarations.

Lorsqu’il s’agit d’offres à durée limitée, rien ne vaut l’honnêteté. Si vous envisagez de proposer une offre promotionnelle d’un seul jour pour le Vendredi fou, évitez de la prolonger jusqu’au Cyberlundi. L’utilisation de comptes à rebours pour créer l’anticipation en indiquant le temps qui reste avant la fin d’une vente peut involontairement créer un faux sentiment d’urgence. Cela est particulièrement vrai si la marque a l’intention de prolonger l’offre au-delà du Vendredi fou. Poussés par le décompte des heures, les clients, ayant l’impression de manquer de temps, peuvent se laisser influencer et prendre une décision d’achat à laquelle ils auraient davantage réfléchi si un faux sentiment d’urgence n’avait pas été créé.

Combien en reste-t-il? Tenez compte de vos niveaux de stock.

Avant d’entrer dans les détails de votre offre promotionnelle, faites le point sur vos niveaux de stocks. Si vous prévoyez une augmentation de la demande pendant la promotion, vous devez vous assurer de disposer d’un stock suffisant pour y répondre.

Vous craignez que votre stock ne suffise pas à satisfaire la demande à laquelle vous pouvez raisonnablement vous attendre (dont l’estimation relève à la fois de la science et de l’art)? La transparence est primordiale. Veillez à ce que votre matériel promotionnel mentionne clairement et visiblement toute limite de quantité éventuelle. Le Québec, en particulier, va plus loin : si les stocks sont limités, votre publicité doit non seulement l’indiquer, mais aussi préciser le nombre réel d’unités disponibles.

Pas deee surprises à  la caisse : le prix affiché est le prix à payer

Le Québec exige depuis longtemps que les prix indiqués aux consommateurs incluent tous les frais obligatoires qui peuvent s’appliquer, à l’exception des taxes, des droits exigibles en vertu d’une loi fédérale ou provinciale qui doivent être facturés directement aux consommateurs pour être remis à une autorité publique, et des consignes remboursées au consommateur lors du retour des produits.

Alors que les indications de prix tout inclus constituaient une bonne pratique courante dans les provinces qui, en dehors du Québec, n’avaient pas adopté leurs propres règles en la matière, elles sont désormais inscrites dans la législation fédérale! En juin 2022, la Loi sur la concurrence a été modifiée pour y inclure des dispositions reconnaissant explicitement l’« indication de prix partiel » comme une pratique commerciale préjudiciable et prévoit désormais que les indications de prix qui ne sont pas atteignables « en raison de frais obligatoires fixes » constituent une indication fausse ou trompeuse, sauf si « les frais obligatoires ne représentent que le montant imposé sous le régime d’une loi fédérale ou provinciale ».

La pratique d’« indication de prix partiel », qui consiste à « proposer un produit ou un service à un prix qui n’est pas atteignable parce que les consommateurs doivent également payer des frais supplémentaires pour l’acheter », est au centre des mesures d’exécution de la loi que le Bureau de la concurrence prend depuis dix ans. Bien que la Loi sur la concurrence ait été récemment modifiée pour interdire plus directement les « prix partiels », le Bureau se fondait auparavant sur des interdictions bien établies en matière de publicité trompeuse pour cibler l’exclusion des frais inévitables des prix annoncés. Autrement dit, la disposition récemment adoptée « pour plus de certitude » équivaut, juridiquement, à tirer un trait sur le passé et à officialiser la pratique.

Pour les indications de prix nationales, cela devient un exercice de précision. Vendre à travers le Canada revient à miser sur le plus grand dénominateur commun. Le but est de faire en sorte que tout Canadien, d’un océan à l’autre, puisse entrer chez n’importe quel détaillant ou cyberdétaillant et payer le prix annoncé, voire moins, mais jamais plus. La seule marge de manœuvre? Les « frais obligatoires » qui sont « imposés » par la loi. Pour calculer le prix total, il faut savoir quels sont ces frais.

Si les promotions du Vendredi fou et du Cyberlundi sont d’excellents outils pour stimuler les ventes et mieux fidéliser les clients, il est essentiel, pour en assurer le succès, de s’orienter dans le cadre juridique de manière stratégique et réfléchie. Si vous avez des questions concernant vos stratégies ou votre matériel promotionnel préparé pour le Vendredi fou et le Cyberlundi ou si vous avez besoin d’aide en matière de conformité à la réglementation et d’atténuation des risques juridiques, nous vous invitons à communiquer avec l’équipe Publicité et réglementation des produits de Gowling WLG.


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