Sanction royale du projet de loi 29 : Priorité à la durabilité, au développement durable et à l'amélioration des droits des consommateurs au Québec

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10 octobre 2023

Le 5 octobre 2023, le projet de loi 29 du Québec, Loi protégeant les consommateurs contre l'obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparabilité et l'entretien des biens (le « projet de loi »; le « projet de loi 29 »), a obtenu la sanction royale. Cette législation transformatrice modifie non seulement la Loi sur la protection du consommateur (la « LPC ») du Québec en interdisant la vente et la fabrication de biens conçus avec obsolescence programmée, mais elle habilite également le gouvernement du Québec à établir des normes techniques et de fabrication pour divers biens de consommation. Ces normes, y compris celles relatives à l'interopérabilité entre les biens et leurs chargeurs, sont sur le point de faire pencher la balance de la dynamique du marché encore plus en faveur des intérêts des consommateurs et de la durabilité des produits.



Si certaines dispositions sont entrées en vigueur dès la promulgation, la plupart d'entre elles seront mises en œuvre par phases progressives au cours des six mois, quinze mois, deux ans et trois ans à venir. Bien que peu de détails concernant la portée précise des dispositions à venir aient été dévoilés pour le moment, on s'attend à ce qu'elles imposent des obligations substantielles aux entreprises engagées dans la vente, la location à long terme et/ou la fabrication de certains biens de consommation au Québec.

Dispositions actuellement en vigueur

Voici les dispositions clés du projet de loi 29 qui sont actuellement en vigueur :

  • Une nouvelle loi « anti-citrons » pour les automobiles gravement défectueuses :

    Le propriétaire ou le locateur à long terme d'un véhicule a dorénavant le droit d'exiger d'un tribunal qu'il le déclare « gravement défectueux » lorsque le consommateur a épuisé un nombre prescrit de tentatives de réparation infructueuses pour la même défectuosité ou des défectuosités autres.

  • Interdiction de réclamer des frais dans le cadre de contrats de louage à long terme :

    L'article 150.9.1 de la LPC interdit maintenant expressément l'inclusion de clauses dans les contrats de louage à long terme permettant à un commerçant de réclamer des frais pour le motif que :

    • la nature ou la qualité d'une pièce ou d'une composante installée dans le cadre du service normal d'entretien ne satisfait pas le commerçant, à moins que le contrat ne prévoie expressément que le bien ne peut être remis qu'avec une composante d'une nature ou d'une qualité déterminée;
    • la pièce n'est pas une pièce d'origine du fabricant ou que le service d'entretien n'a pas été effectué par le fabricant ou un commerçant approuvé par lui.

    Par conséquent, les contrats de louage à long terme devront être examinés et révisés minutieusement pour en assurer la conformité à l'interdiction d'imposer des frais relativement, entre autres, à des pièces qui ne sont pas du fabricant d'origine ou des services d'entretien qui n'ont pas été effectués par un commerçant ou un fabricant approuvé par le fabricant d'origine.

  • Obsolescence programmée :

    Le nouvel article 227.0.4 en vigueur de la LPC stipule que « nul ne peut, par quelque moyen que ce soit, faire le commerce d'un bien pour lequel l'obsolescence est programmée » (c.-à-d. un bien faisant l'objet d'une technique visant à réduire sa durée normale de fonctionnement), que ce soit par fabrication, par offre au consommateur ou par contrat conclu avec un consommateur.

    Alors que la période de prescription générale pour les poursuites pénales en vertu de la LPC est de deux (2) ans, une modification notable de l'article 290.1 de la LPC a étendu cette prescription à un délai exceptionnel de cinq ans, spécifiquement pour les poursuites pénales liées aux violations de l'article 227.0.4 de la LPC.

  • Nouvelle période de réflexion de 10 jours pour les contrats de garantie supplémentaire :

Les entreprises qui vendent des garanties supplémentaires devront réviser leurs contrats pour se conformer à l'article 228.3 de la LPC. En effet, en vertu de cette nouvelle disposition, un commerçant qui offre un contrat de garantie supplémentaire (ou propose des clauses d'un contrat concernant une telle garantie) doit informer les consommateurs qu'ils disposent d'un délai légal de 10 jours (après la conclusion du contrat) pendant lequel ils peuvent résoudre le contrat de garantie supplémentaire (ou les clauses d'un contrat concernant une telle garantie), et ce, sans frais ni pénalité en envoyant au commerçant ou à son représentant un avis écrit à cet effet.

L'article 228.3 de la LPC établit de plus que les contrats de garantie supplémentaire (ou les clauses d'un contrat afférent à une telle garantie) sont « résolus de plein droit à compter de l'envoi de l'avis au commerçant ou à son représentant », et dans de tels cas, « le commerçant doit, dans les plus brefs délais, remettre au consommateur la somme qu'il a reçue de lui en vertu de ce contrat ou de ces clauses ». Cet article ne s'applique cependant pas à un contrat dont le souscripteur est un assureur autorisé en vertu de la Loi sur les assureurs (chapitre A-32.1). 

Survol de certaines modifications à venir

  • La garantie légale de « bon fonctionnement » Durées de garantie définies pour des biens de consommation spécifiques : L'un des objectifs principaux du projet de loi 29 consiste à établir une garantie légale de « bon fonctionnement » visant une liste non exhaustive de biens de consommation neufs couramment utilisés, vendus et/ou loués, dont la durée sera établie par règlement. Par conséquent, nous nous attendons à ce que des  règlements détaillés soient rédigés en concertation avec des experts de secteurs pertinents afin de déterminer spécifiquement la durée de la « garantie de bon fonctionnement » pour les appareils domestiques essentiels tels que les cuisinières, les réfrigérateurs, les congélateurs et les lave-vaisselle, ainsi que les appareils de blanchisserie tels que les machines à laver et les sèche-linge, et les appareils de technologie moderne comme les téléviseurs, ordinateurs de bureau, ordinateurs portables, tablettes électroniques, téléphones cellulaires et consoles de jeux vidéo. Même les systèmes de climatisation, y compris les climatiseurs et les thermopompes, entrent dans le champ d'application de la nouvelle garantie. La législation permet également d'inclure « tout autre bien déterminé par règlement. »

Les modifications à venir de la LPC du Québec viennent chambouler le paysage juridique actuel. En effet, la durée spécifique de la garantie légale de « bon fonctionnement » ne sera dorénavant plus soumise à l'interprétation judiciaire. Elle sera plutôt établie formellement par des normes réglementaires, créant ainsi un cadre plus structuré pour régler les questions liées à la garantie sur le marché.

  • La garantie légale de disponibilité – Droit d'accès aux pièces de rechange, aux services de réparation et aux données relatives à l'entretien et à la réparation : L'article 39 de la LPC prévoit actuellement une garantie légale de disponibilité en vertu de laquelle les pièces de rechange et les services de réparation pour les biens qui sont « de nature à nécessiter un travail d'entretien » doivent être disponibles « pendant une durée raisonnable » après la conclusion du contrat. Le projet de loi 29 viendra étendre ce droit aux informations et aux données nécessaires à leur réparation ou à leur entretien, y compris les logiciels de diagnostic et leurs mises à jour, lesquels devront également être disponibles en français. Il est important de noter que le projet de loi prévoit que les pièces de rechange doivent pouvoir être facilement installées à l'aide d'« outils couramment disponibles » (un terme qui pourrait être défini plus précisément par  règlement), afin de préserver la longévité des achats des consommateurs.

En outre, le gouvernement du Québec est susceptible de prescrire le délai pendant lequel certaines pièces et données de réparation doivent être disponibles, ainsi que le délai pendant lequel les commerçants et les fabricants doivent les fournir à la demande du consommateur, et ce, par le biais de règlements à venir.

Bien que les commerçants et les fabricants puissent être libérés de leur garantie légale de disponibilité en avertissant les consommateurs par écrit qu'ils ne fournissent pas de pièces de rechange, de services de réparation ou de renseignements nécessaires à l'entretien ou à la réparation du bien avant la conclusion d'un contrat, cette exception ne s'appliquera pas aux [NM1] fabricants d'automobiles en ce qui concerne l'accès aux données de diagnostic, d'entretien ou de réparation d'une automobile, ni aux commerçants et fabricants spécifiquement identifiés qui seront déterminés par  règlement.

  • Les normes techniques et de fabrication seront prescrites par règlement : Outre les  modifications à la LPC du Québec, le projet de loi 29 octroie aussi au gouvernement provincial le pouvoir d'établir des règlements visant la prescription de normes techniques et de fabrication pour une variété de biens, y compris des normes relatives à l'interopérabilité de biens et leurs chargeurs.
  • Locations d'automobiles : L'une des modifications les plus notables introduites par le projet de loi 29 sera l'exigence pour les commerçants d'offrir aux locataires de véhicules une inspection gratuite du véhicule au moins 90 jours avant la fin de la période de location et, si le consommateur y consent, de remettre le rapport de cette inspection au locataire du véhicule, à défaut de quoi, le commerçant ne pourra réclamer de frais pour usure anormale du bien.
  • Mécanismes d'application améliorés : S'appuyant sur les mécanismes d'application existants de la Loi sur la protection des consommateurs, le projet de loi introduira un cadre de sanctions administratives pécuniaires pouvant aller jusqu'à 3 500 $ par jour et augmentera considérablement les sanctions pénales existantes. Les plus notables sont les amendes maximales pour des infractions spécifiques (y compris celles concernant les pratiques interdites) qui s'élèvent à 125 000 $ ou à 5 % du chiffre d'affaires mondial d'une société pour l'exercice financier précédent (le montant le plus élevé étant retenu).

La suite des choses

Le projet de loi 29 ratisse large et plusieurs de ses aspects les plus importants seront déterminés par des règlements. Ceux-ci porteront notamment sur la durée de la garantie légale de bon fonctionnement pour des catégories prescrites de biens de consommation, les exigences supplémentaires de divulgation avant et après la conclusion d'un contrat pour les commerçants, et les lignes directrices prescrites visant les pièces de remplacement et l'information nécessaire pour l'entretien et la réparation des biens.

L'équipe Publicité et réglementation des produits de Gowling WLG suit de près l'évolution du paysage législatif entourant le projet de loi 29 et fournira des mises à jour au fur et à mesure que le cadre réglementaire continuera de prendre forme.


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