Lobbying auprès des gouvernements : survol des mises à jour au Canada

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27 février 2023

Dans le présent article, nous nous penchons sur les modifications proposées à l'édition de 2015 du Code de déontologie des lobbyistes, la nouvelle plateforme du registre des lobbyistes du Québec ainsi que les changements à l'enregistrement des lobbyistes de la Ville d’Ottawa.



1. Modifications proposées à l'édition de 2015 du Code de déontologie des lobbyistes

Les comités parlementaires ont été très occupés depuis la reprise des travaux. En effet, de nombreux enjeux sont passés sous la loupe, y compris la troisième édition du Code de déontologie des lobbyistes (le « Code ») que la commissaire au lobbying au Canada, Nancy Bélanger, a soumis au Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique le 15 novembre 2022, conformément au paragraphe 10.2 (3) de la Loi sur le Lobbying.

Toute personne — lobbyiste-conseil ou lobbyiste salarié — payée pour communiquer avec des fonctionnaires, des ministres de la Couronne, des députés, des sénateurs ou des membres de leur personnel politique est tenue de s'enregistrer en tant que lobbyiste en vertu de la Loi sur le lobbying et de respecter le Code de déontologie des lobbyistes. Cette nouvelle mouture du Code vise à clarifier les exigences et les règles en matière de lobbying, tant pour les lobbyistes que pour les titulaires de charge publique.

Les groupes de pression et les ONG de la société civile sont préoccupés par certaines des règles du Code renouvelé, mais pour des raisons différentes. En effet, soit les nouvelles règles sont trop strictes pour certains ou pas assez pour d'autres. Parmi les plus controversées figure la nouvelle règle sur les cadeaux et les marques d'hospitalité et la réduction des périodes de restriction pour les lobbyistes effectuant des activités politiques.

La nouvelle règle sur les marques d'hospitalité empêche un lobbyiste d'offrir de la nourriture et des boissons à consommer à un titulaire d'une charge publique lors d'une réunion en personne, d'une journée de lobbying, d'un événement ou d'une réception. La limite de faible valeur est de 40 $ en dollars de 2023 et la valeur combinée des marques d'hospitalité ne peut dépasser la limite annuelle de 80 $ en dollars de 2023 au cours d'une année civile. La même règle s'applique aux cadeaux.

Le Code renouvelé propose une période de restriction de 24 mois pour les activités politiques qui constituent « des travaux stratégiques, d'une forte visibilité ou importants pour un candidat, un fonctionnaire ou un parti politique ». La nouvelle version du Code propose également une période de restriction de 12 mois en ce qui a trait à « toute autre activité politique », qui n'est pas de nature stratégique, « qui implique des interactions fréquentes ou étendues avec un candidat ou un fonctionnaire, ou qui est réalisée à temps plein ou presque à temps plein pour un candidat, un fonctionnaire ou un parti politique. »

La commissaire Bélanger a traité ces deux règlements en profondeur lorsqu'elle s'est présentée devant le Comité le 3 février 2023. Selon elle, le règlement portant sur les périodes de restrictions proposées pour les activités politiques est « raisonnable », « approprié » et « repose sur une base constitutionnelle solide ». Invoquant un avis juridique qu’elle a reçu portant sur la conformité au règlement en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, la commissaire Bélanger estime que les tribunaux concluraient probablement que la violation de l'alinéa 2b) de la Charte (liberté d’expression) est justifiée en tant que restriction raisonnable en vertu de l'article 1 de la Charte parce que le règlement a été soigneusement élaboré pour établir et délimiter les restrictions touchant la liberté d'expression d'un lobbyiste. [1]

La commissaire Bélanger a insisté sur le fait que le Code renouvelé, parce qu'il s'agit d'un texte réglementaire, ne comble pas les lacunes de la Loi sur le Lobbying. Notamment en ce qui a trait, par exemple, aux différentes exigences en matière d'enregistrement pour un lobbyiste-conseil et un lobbyiste salarié relativement à l'octroi de contrats – ce dernier étant admissible seulement à l'atteinte du seuil de lobbying de 20 pour cent. Seules des modifications à la Loi sur le Lobbying peuvent changer les exigences légales de la Loi. La dernière révision de la Loi sur le Lobbying remonte à 2012.

La commissaire Bélanger a accepté d'attendre les suggestions et recommandations potentielles du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique sur le Code renouvelé. Le Comité est conscient du fait que la Commissaire Bélanger souhaite qu'il soit mis en œuvre à la fin de l'exercice financier du 31 mars, ou au début du prochain, le 1er avril. Le Comité a poursuivi son étude du Code après le 3 février et s’est engagé à envoyer une lettre à la commissaire Bélanger le 7 mars. Compte tenu du calendrier de travail du Comité, il est peu probable que la troisième édition du Code de déontologie des lobbyistes entre en vigueur avant le mois d'avril. En attendant, les lobbyistes sont tenus de continuer de se conformer aux normes de l'édition de 2015 du Code de déontologie des lobbyistes.

2. La nouvelle plateforme du registre des lobbyistes du Québec : Carrefour Lobby Québec

À l'automne 2022, le gouvernement du Québec a lancé Carrefour Lobby Québec, la nouvelle plateforme du registre des lobbyistes. Les lobbyistes enregistrés au Québec avaient jusqu'au 10 décembre 2022 ou au 13 janvier 2023 — s'ils obtenaient une prolongation du commissaire au Lobbying — pour y effectuer leur enregistrement.

Tout enregistrement importé de l'ancienne plateforme qui ne figurait pas dans Carrefour Lobby Québec aux dates limites du 10 décembre 2022 ou du 13 janvier 2023 peut faire l'objet d'une demande de correction au titre de l'article 21 de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme (la « Loi »). En effet, en vertu de cet article, « les corrections requises doivent être apportées dans un délai de 20 jours de la demande du commissaire. Le commissaire peut refuser ou radier, partiellement ou totalement, la déclaration ou l'avis si les corrections requises ne sont pas apportées dans le délai imparti ». En attendant les corrections, l'enregistrement importé sera radié de Carrefour Lobby Québec et le lobbyiste -conseil, le lobbyiste d'entreprise ou le lobbyiste d'organisation ne pourra se livrer à ses activités de lobbying.

Selon le nouveau système d'enregistrement, un lobbyiste doit se créer un Espace professionnel ainsi que créer ou rejoindre un Espace collectif.

L'Espace professionnel contient les renseignements personnels utilisés par Lobbyisme Québec pour confirmer l'identité du lobbyiste.

Veuille noter que la création d'un Espace professionnel n'équivaut pas à un enregistrement de lobbying. Il ne s'agit que d'une étape préliminaire qu'un lobbyiste doit prendre avant que le plus haut dirigeant de l'entreprise ou de l'organisation ne divulgue les rôle et fonctions du lobbyiste relativement aux activités de lobbying (appelées mandats) de l'entreprise ou de l'organisation dans l'Espace collectif qui figure dans Carrefour Lobby Québec.

Mentionnons également qu'un lobbyiste-conseil doit s'inscrire dans l'Espace collectif de son cabinet-conseil et non dans l'Espace de son client, pour divulguer les activités de lobbying qu'il exerce pour ses clients.

Une fois que tous les champs d'information requis ont été remplis, le plus haut dirigeant de l'entreprise ou de l'organisation (ou son représentant) ou le lobbyiste-conseil (ou son représentant), selon le cas, doit attester de la véracité des informations contenues dans l'enregistrement.

Cette même personne peut ensuite procéder à l'enregistrement. Lobbyisme Québec effectue cette démarche instantanément, sans validation préalable, sauf indication contraire.

3. Modifications à l'enregistrement en matière de lobbying à la Ville d'Ottawa

Au début du mois de janvier, Karen E. Shepherd, commissaire à l'intégrité et registraire des lobbyistes de la Ville d'Ottawa, a annoncé des modifications au Règlement sur le registre des lobbyistes (Règlement no 2012-309) (le « Règlement ») et au Code de déontologie des lobbyistes.

Parmi les modifications au Règlement, on retrouve la suppression de la clause 4(i) qui représentait une dérogation au Règlement et se lisait comme suit : « La communication d'une personne avec le titulaire d'une charge publique au nom d'un particulier, d'une entreprise ou d'un organisme en réponse directe à une demande écrite du titulaire d'une charge publique » [TRADUCTION].

Ce changement n'a aucune incidence sur la définition de lobbying dans le Règlement.

« "lobbying"  se dit de toute communication entre un titulaire de charge publique et une personne rémunérée ou qui représente des intérêts financiers ou commerciaux dans le but d'influencer toute mesure législative, y compris la rédaction, la présentation, l'adoption, le rejet, la modification ou l'abrogation d'un règlement municipal, d'une motion ou d'une résolution, ou le résultat d'une décision sur toute question présentée au Conseil, à un comité du Conseil, à un conseiller de quartier ou à un membre du personnel détenant des pouvoirs délégués »;

Le changement réduit la liste des exemptions de l'application du Règlement.

De plus, le Règlement comprend l'ajout d'une exigence de vérification du profil en vertu du paragraphe 6(6), comme suit : « Les lobbyistes doivent vérifier leur profil tous les six (6) mois pour s'assurer qu'il est complet et à jour ».

Qui plus est, le paragraphe 6(7) clarifie l'application du Règlement à toute personne qui a effectué du lobbying sans être inscrite : « Une personne qui s'adonne à des activités de lobbying aux termes du présent Règlement est tenue de se conformer à celui-ci, qu'elle soit ou non un lobbyiste inscrit. »

Enfin, notons l'ajout de l'article 7 au Règlement qui traite des restrictions imposées à certains titulaires de charge publique à la Ville après la fin d'un emploi. En voici l'énoncé :

RESTRICTIONS SUR LE LOBBYING APRÈS LA FIN D'UN EMPLOI
7.

(1)      Quiconque a été titulaire d'une charge publique à la Ville ne peut s'adonner à des activités de lobbying dans l'année suivant la fin de son emploi à titre

(a)        de titulaire d'une charge créée par une loi, ce qui comprend :

  1. Le trésorier municipal
  2. Le greffier municipal
  3. Le vérificateur général
  4. le commissaire à l'intégrité
  5. le chef du service du bâtiment

(b)        de directeur municipal

(c)         de membre de l'équipe élargie de la haute direction, y compris les directeurs et les gestionnaires

(d)        de représentant élu

(e)        de membre du personnel d'un représentant élu

Le paragraphe 5(3) du Code de déontologie des lobbyistes a été modifié pour empêcher « les lobbyistes qui sont rémunérés pour conseiller la Ville […d'] exercer de pressions sur les titulaires d'une charge publique pour le même sujet. »

Les professionnels de Gowling WLG aident les clients à comprendre les multiples exigences en matière d'enregistrement des activités de lobbying ainsi qu'à s'y conformer, et ce, dans toutes les juridictions canadiennes. N'hésitez pas à nous contacter si vous avez besoin de conseils juridiques pour vous y retrouver dans le dédale des règles et exigences en matière de lobbying aux niveaux fédéral, provincial et municipal.


[1] R c. Oakes, 1986 CanLII 46 (CSC), [1986] 1 RCS 103.


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