Stephen A. Pike
Associé
Article
Guide de lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans votre entreprise et vos chaînes d’approvisionnement
Partie 18
18
Cet article a été initialement publié le 8 mai 2023 puis mis à jour en vue de refléter le fait que le projet de loi S-211 a reçu la sanction royale le 11 mai 2023.
La Loi édictant la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement et modifiant le Tarif des douanes (projet de loi S-211), qui prévoit des obligations d'information ESG sur le risque de recours au travail forcé ou au travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement, entrera en vigueur le 1er janvier 2024. Ayant franchi l'étape de la troisième lecture à la Chambre des communes le 3 mai 2023, le projet de loi S-211 est prêt à recevoir la sanction royale qui en fera une loi fédérale.
Le présent guide vous aidera à lutter contre le travail forcé et le travail des enfants dans vos chaînes commerciales et d'approvisionnement.
Votre entreprise sera assujettie au projet de loi S-211 s'il s'agit d'une personne morale, société de personnes, fiducie ou autre organisation non constituée en personne morale qui satisfait à au moins un des deux critères suivants (A ou B) :
A. Elle est inscrite à une bourse de valeurs canadienne;
B. (i) Elle a un établissement au Canada, y exerce des activités ou y possède des actifs; et
(ii) Selon ses états financiers, elle remplit au moins deux des conditions ci-après pour au moins un de ses deux derniers exercices :
Les entreprises assujetties à ce projet de loi sont des « entités ».
Une entité doit produire un rapport annuel (« rapport sur les risques liés aux chaînes d'approvisionnement ») si elle répond à l'un des critères suivants :
L'entité qui doit préparer, déposer et publier un rapport sur les risques liés aux chaînes d'approvisionnement est désignée ci-après par le terme « entité assujettie ».
Au plus tard le 31 mai de chaque année, l'entité assujettie est tenue de soumettre au ministre fédéral de la Sécurité publique et de la Protection civile un rapport sur les risques liés aux chaînes d'approvisionnement. Elle doit y énoncer les mesures qu'elle a prises au cours de son dernier exercice pour prévenir et atténuer le risque relatif au recours au travail forcé ou au travail des enfants à l'une ou l'autre étape de la production de marchandises qu'elle produit au Canada ou ailleurs, ou de marchandises qu'elle importe au Canada.
L'entité assujettie a jusqu'au 30 mai 2024 pour fournir son premier rapport sur les risques liés aux chaînes d'approvisionnement au ministre fédéral de la Sécurité publique et de la Protection civile et le publier à un endroit bien en vue de son site Web.
Par exemple, advenant que le projet de loi soit adopté le 1er janvier 2024, si le dernier exercice de l'entité assujettie prenait fin le 31 décembre 2023, son premier rapport sur les risques liés aux chaînes d'approvisionnement couvrirait la période allant du 1er janvier au 31 janvier 2023.
L'entité assujettie doit y inclure des renseignements sur :
Le projet de loi S-211 prévoit que le rapport sur les risques liés aux chaînes d'approvisionnement soit approuvé par le conseil d'administration de l'entité assujettie (ou, s'il ne s'agit pas d'une personne morale, par son corps dirigeant). L'approbation doit être attestée par la signature d'un ou de plusieurs membres du conseil d'administration (ou du corps dirigeant). L'imposition de cette obligation met le risque de recours au travail forcé ou au travail des enfants dans les activités ou les chaînes d'approvisionnement de l'entité assujettie entre les mains de la haute direction et en fait un sujet incontournable pour les réunions du conseil d'administration.
Au moment d'analyser et d'approuver le rapport sur les risques liés aux chaînes d'approvisionnement, les administrateurs auront le devoir fiduciaire de faire preuve d'honnêteté et de bonne foi, de servir les intérêts supérieurs de l'entité assujettie et d'agir avec autant de soin, de diligence et de compétence que l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances. Le conseil d'administration pourra s'acquitter de son devoir fiduciaire en prenant en compte non seulement l'intérêt supérieur de l'entité assujettie, mais aussi les intérêts des parties prenantes.
Autrement dit, le CA ne doit pas considérer le rapport annuel sur les risques liés aux chaînes d'approvisionnement comme un exercice de conformité visant simplement à « cocher des cases ».
Par ailleurs, il incombe aux administrateurs de surveiller les moyens pris par la direction pour lutter contre le travail forcé et le travail des enfants dans les activités et les chaînes d'approvisionnement de l'entité. C'est un rôle névralgique, les atteintes aux droits de l'homme dans une entreprise ou ses chaînes d'approvisionnement pouvant occasionner toutes sortes de risques : risque lié à la réputation, risque financier et de crédit, risque d'érosion de la marque, risque de litige, risque lié à la conformité réglementaire, risque d'instabilité des chaînes d'approvisionnement, risque de militantisme des investisseurs, etc.
Tous les rapports sur les risques liés aux chaînes d'approvisionnement seront accessibles au public.
Dans ce contexte exigeant, les conseils d'administration doivent être bien préparés, outillés et engagés à superviser la manière dont l'entreprise gouvernée gère le risque de recours au travail forcé ou au travail des enfants dans ses activités et ses chaînes d'approvisionnement et les mesures prises à cet effet dans sa stratégie organisationnelle et sa stratégie de gestion des risques d'entreprise.
Autrement, ce risque d'ordre opérationnel et juridique ne sera pas géré et atténué comme il se doit.
Le projet de loi S-211 définit un certain nombre d'infractions ayant trait aux rapports sur les risques liés aux chaînes d'approvisionnement, dont les suivantes :
À noter qu'en cas d'infraction, l'administrateur ou le dirigeant qui a ordonné ou autorisé la perpétration ou qui y a consenti ou participé peut en être reconnu personnellement responsable.
C'est du conseil d'administration que relèvera en définitive le rapport sur les risques liés aux chaînes d'approvisionnement. Le conseil doit donc prendre l'initiative de la planification, sur le plan des tâches et des ressources, de sorte que la direction puisse correctement et efficacement s'acquitter des contrôles diligents nécessaires pour déterminer, évaluer et éliminer le risque de recours au travail forcé ou au travail des enfants dans les activités ou les chaînes d'approvisionnement de l'entité assujettie.
Les entreprises feraient bien de cartographier leurs chaînes d'approvisionnement, dans une perspective de diligence raisonnable en matière de risques, afin de retracer leurs intrants, d'en vérifier les sources et de déterminer s'il y a eu recours au travail forcé ou au travail des enfants à une étape ou une autre de la production (des matières premières aux produits finis).
Le 1er juillet 2020, dans le cadre de la mise en œuvre de l'Accord Canada–États-Unis–Mexique, Ottawa a modifié le Tarif des douanes pour interdire l'importation de marchandises (extraites, fabriquées ou produites) issues, en tout ou en partie, du travail forcé. Le projet de loi S-211 modifie lui aussi le Tarif des douanes, cette fois pour interdire l'importation de marchandises extraites, fabriquées ou produites partiellement ou entièrement par des enfants.
Il s'agit de la toute première interdiction au monde à frapper l'importation des marchandises issues du travail des enfants.
Le 28 mars 2023, dans le cadre du budget de 2023, et le 26 avril 2023, lors des débats en troisième lecture du projet de loi S-211, le gouvernement fédéral a annoncé son intention d'introduire, en 2024, une loi qui éliminera le travail forcé des chaînes d'approvisionnement canadiennes et resserrera les mesures interdisant l'importation de marchandises issues du travail forcé.
Le texte pourrait se rapprocher de l'outil législatif de choix en Europe, fondé sur les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme des Nations Unies, c'est-à-dire imposer des mesures législatives en matière de diligence raisonnable selon lesquelles les entreprises seraient responsables des effets négatifs de leurs activités et de leurs chaînes d'approvisionnement sur les droits de l'homme et devraient les repérer, les prévenir et les atténuer.
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Renseignez-vous auprès de l'auteur, Me Stephen Pike , à l'adresse stephen.pike@gowlingwlg.com.
Pour en apprendre davantage, visionnez le plus récent webinaire de Me Pike sur le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement ou les 17 premières parties de notre guide de lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans vos chaînes commerciales et d'approvisionnement :
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