100 000 $ par jour : Ottawa menace d'imposer de lourdes amendes aux employeurs fédéraux qui enfreindraient la législation anti‑briseurs de grève

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19 décembre 2023

Le 9 novembre 2023, le ministre du Travail Seamus O'Regan a déposé le projet de loi C-58, la Loi modifiant le Code canadien du travail et le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles, qui vise à renforcer les règles entourant le recours à des travailleurs de remplacement (souvent appelés « briseurs de grève ») pendant une grève ou un lock-out, dans les lieux de travail sous réglementation fédérale.

Sachant que ce projet de loi aura un impact considérable sur les employeurs assujettis à la réglementation fédérale, le présent bulletin vise à leur fournir une vue d'ensemble du PL C-58 et de ses implications potentielles.



Vue d'ensemble

Point le plus important, le PL C-58 propose d'élargir considérablement le champ d'application de l'interdiction de recourir aux travailleurs de remplacement qui figure dans le Code canadien du travail.

Sous sa forme actuelle, le PL C-58 vise à interdire aux employeurs d'utiliser, pour l'exécution de la totalité ou d'une partie des tâches d'un employé d'une unité de négociation visée par une grève ou un lock-out, les services des personnes suivantes[1] :

  1. tout employé de l'unité de négociation en grève ou en lock-out;
  2. tout employé qui a été embauché après la date à laquelle l'avis de négociation collective a été donné ou toute personne qui occupe un poste de direction ou un poste de confiance comportant l'accès à des renseignements confidentiels en matière de relations du travail et qui a été embauchée après cette date;
  3. tout entrepreneur autre qu'un entrepreneur dépendant ou tout employé d'un autre employeur, sauf si l'employeur utilisait déjà les services de telles personnes avant la date à laquelle l'avis de négociation collective a été donné[2].

En ce qui concerne cette dernière disposition, notons que les employeurs qui utilisent les services d'un entrepreneur ou d'un employé d'un autre employeur doivent le faire de la même manière, dans la même mesure et dans les mêmes circonstances qui prévalaient avant la date à laquelle l'avis de négociation collective a été donné.

En outre, le PL C-58 propose l'abrogation de l'exigence selon laquelle les syndicats doivent démontrer qu'un employeur a eu recours à des travailleurs de remplacement pour miner la capacité de représentation d'un syndicat plutôt que pour atteindre des objectifs légitimes de négociation[3].

Exceptions

Le Code canadien du travail prévoit déjà que les employés de l'unité de négociation en grève doivent continuer à travailler dans une mesure suffisante pour prévenir un risque imminent et grave pour la sécurité ou la santé du public[4].

Qui plus est, le PL C-58 précise qu'un employeur peut utiliser les services d'une personne visée aux paragraphes ci-dessus si ces services sont utilisés uniquement pour parer à des situations qui présentent ou pourraient vraisemblablement présenter l'une ou l'autre des menaces imminentes ou graves suivantes[5] :

  • une menace pour la vie, la santé ou la sécurité de toute personne;
  • une menace de destruction ou de détérioration grave des biens ou des locaux de l'employeur;
  • une menace de graves dommages environnementaux touchant ces biens ou ces locaux.

Pour se prévaloir de cette exception, les employeurs devront toutefois démontrer l'impossibilité de faire appel à une autre personne pour se protéger contre les menaces susmentionnées. 

Sanctions

Enfin, le PL C-58 prévoit également de nouvelles sanctions applicables à l'employeur qui ferait appel à des travailleurs de remplacement. En effet, suite au dépôt d'une plainte à ce sujet, le Conseil canadien des relations industrielles pourra ordonner à un employeur de cesser d'utiliser les services de travailleurs de remplacement illégaux[6].

Le PL C-58 prévoit également des sanctions pénales à l'encontre des employeurs qui utilisent des travailleurs de remplacement en violation du Code. Sous sa forme actuelle, le PL C-58 stipule que tout employeur qui utilise illégalement les services de travailleurs de remplacement est coupable d'une infraction et passible d'une amende maximale de 100 000 $ pour chacun des jours au cours desquels se commet ou se poursuit l'infraction[7].

Des sanctions administratives seront également prévues par voie de règlement. Mentionnons toutefois qu'au moment de la publication du présent article, la réglementation en question n'avait pas encore été publiée. Il convient de noter que les procédures pénales et administratives n'auront pas d'effet cumulatif pour une même infraction.

 

[1] Loi modifiant le Code canadien du travail et le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles, C-58, art. 9 (2).

[2] Loi modifiant le Code canadien du travail et le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles, C-58, art. 9 (2).

[3] Loi modifiant le Code canadien du travail et le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles, C-58, art. 9 (1).

[4] Canada Labour Code, R.S.C., 1985, c. L-2, art. 87.4 (1).

[5] Loi modifiant le Code canadien du travail et le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles, C-58, art. 9 (2).

[6] Loi modifiant le Code canadien du travail et le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles, C-58, art. 10.

[7] Loi modifiant le Code canadien du travail et le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles, C-58, art. 12


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