Le droit de préemption des autorités publiques : un outil de planification urbaine qui complique les transactions immobilières

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20 avril 2023

Cet article a été initialement publié par JBC Média dans le magazine Immobilier Commercial.

Le droit de préemption est un droit de préférence permettant à son bénéficiaire d'acquérir certains immeubles situés sur son territoire au prix et aux conditions de l'aliénation projetée en se substituant au promettant-acheteur. Si la ville de Montréal bénéficie de ce droit depuis septembre 2017, la quasi-totalité des municipalités, villes et sociétés de transport en commun du Québec peuvent maintenant s'en prévaloir, et ce, depuis le 10 juin 2022.



Afin d'être en mesure d'exercer son droit de préemption, l'autorité publique en question doit d'abord (1) déterminer par règlement le territoire sur lequel elle peut exercer son droit de préemption et les fins pour lesquelles des immeubles peuvent être ainsi acquis, et (2) identifier spécifiquement les immeubles assujettis à ce droit en notifiant au propriétaire un avis d'assujettissement et en inscrivant cet avis au registre foncier contre les immeubles concernés.

Le propriétaire d'un immeuble visé par un avis d'assujettissement ne peut pas vendre ou autrement aliéner son immeuble sans d'abord avoir notifié à l'autorité concernée un avis d'aliénation, sous peine de nullité de la transaction. À la suite de la notification de l'avis d'aliénation, l'autorité a 60 jours pour exercer son droit de préemption.

Les articles de loi qui créent ce droit sont silencieux à l'égard de nombreuses situations qui surviennent fréquemment dans le contexte de transactions immobilières. Ce silence a pour effet de compliquer les transactions immobilières comme, par exemple, dans les cas suivants :

  • Immeubles vendus en bloc : Si une promesse d'achat a pour objet des immeubles assujettis au droit de préemption et d'autres qui ne le sont pas, et si une autorité achète seulement les immeubles assujettis, le promettant-acheteur pourrait ne pas vouloir acheter les immeubles restants. Ainsi, le propriétaire perdrait à la fois l'occasion de se départir d'un plus grand nombre d'immeubles et la portion du prix de vente attribuée aux immeubles non-vendus.
  • Vente d'actions : S'il semble clair dans le texte de la loi que le droit de préemption vise uniquement l'aliénation d'immeubles, les parties à une transaction peuvent néanmoins être réticentes à l'idée de procéder par vente du capital-actions de la société par actions propriétaire d'un immeuble assujetti, de peur que la transaction soit contestée par l'autorité.
  • Engagements du promettant-acheteur : Les articles de loi ne traitent pas spécifiquement des cas où une autorité exerce son droit de préemption à l'égard d'un immeuble dont le prix de vente est réduit parce que le promettant-acheteur s'engage à réaliser des travaux (de réhabilitation environnementale, par exemple) sur l'immeuble à l'intérieur d'un certain délai après la vente, mais que cet engagement ne concorde pas avec les projets projetés par l'autorité sur l'immeuble.

En conclusion, pour les propriétaires d'immeubles assujettis au droit de préemption, et pour le promettant-acheteur, et leurs conseillers juridiques et courtiers immobiliers respectifs, l'existence de ce droit peut compliquer le processus de négociation, avoir des impacts concrets sur la structure de celle-ci et augmenter les risques de perdre une belle opportunité d'affaires, tant pour le propriétaire que pour le promettant-acheteur. 


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