Céline Bey
Associée
Co-managing partner (France)
Représentant devant la JUB
Article
4
Par un arrêt du 11 janvier 2024 rendu dans l'affaire Mylan c/ Gilead, C-473/22, la CJUE a jugé conforme à l'article 9, paragraphe 7, de la Directive 2004/48/CE la législation finlandaise prévoyant la responsabilité sans faute du demandeur de mesures provisoires ultérieurement annulées dès lors que le juge national peut adapter le montant des dommages-intérêts en tenant compte des circonstances de l’espèce.
Alors que Gilead avait obtenu l'exécution de mesures provisoires dans le cadre d'une action en contrefaçon intentée contre Mylan sur la base d'un CCP, celles-ci ont été annulées conjointement au CCP invoqué. Mylan avait dès lors sollicité le versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice causés par ces mesures, occasionnant une question préjudicielle quant à la conformité de la réglementation finlandaise à l'article 9, paragraphe 7, de la Directive 2004/48/CE.
Cet arrêt, en opposition avec les conclusions de l'Avocat général M. Szpunar, vient compléter l'arrêt Bayer du 12 septembre 2019 (C-688/17). Aux termes de cette précédente décision, la CJUE avait jugé que l’article 9, paragraphe 7, ne s’oppose pas à une réglementation nationale excluant l'indemnisation du préjudice subi consécutivement à l'exécution de mesures provisoires par suite annulées lorsque ce préjudice aurait pu être évité ou limité par sa victime, pour autant que cette réglementation permette au juge de tenir compte de toutes les circonstances de l’affaire.
A l'occasion de l'arrêt du 11 janvier 2024, la CJUE rappelle que le risque pris par le demandeur à des mesures provisoires n'est que le pendant du risque pris par le défendeur commercialisant un produit possiblement contrefaisant.
Les réglementations françaises et allemandes sont de ce point de vue conformes à l'arrêt du 11 janvier 2024. En effet, l'une comme l'autre consacrent un principe de responsabilité sans faute de la partie obtenant l'exécution de mesures provisoires par la suite annulées, tout en permettant à leurs juridictions respectives d'évaluer souverainement le quantum de la réparation, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
Notons à cet égard une grande diversité de réglementations à l'échelle mondiale. Ainsi, dans certains Etats dont le système juridique s'inspire de la common law (parmi lesquels le Royaume-Uni ou le Canada), une large marge d'appréciation est laissée aux juridictions nationales – le principe étant qu'à moins que la juridiction sollicitée n'en dispose autrement, la partie qui sollicite une mesure provisoire doit, en contrepartie et dans les conditions déterminées par la juridiction, s'engager à indemniser la partie adverse pour le préjudice éventuellement subi. A l'inverse, en Chine où l'annulation d'un droit de propriété intellectuelle n'est pas rétroactive, la partie exécutant des mesures provisoires ne peut voir sa responsabilité engagée que si celles-ci ont été obtenues de mauvaise foi.
Si vous avez des questions concernant les sujets abordés dans cet article, veuillez prendre attache avec Céline Bey ou Alexis Augustin.
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