Au Canada, les entreprises lancent souvent des campagnes publicitaires comportant des déclarations environnementales « vertes » pour attirer les consommateurs, qui sont de plus en plus soucieux de l’environnement et exigent des entreprises qu’elles adoptent des pratiques écoresponsables. Toutefois, les promesses environnementales non respectées et les déclarations publicitaires mal formulées peuvent s’avérer une arme à double tranchant.

Dans un article précédent (en anglais), nous expliquions qu’en raison des récentes modifications à la Loi sur la concurrence (la « Loi ») au Canada, l’écoblanchiment est devenue une pratique à hauts risques au pays. Rappelons que l’écoblanchiment consiste généralement à faire des allégations publicitaires fausses, trompeuses, exagérées ou non corroborées sur le caractère écologique d’une entreprise ou d’un produit. Le 20 juin 2024, de nouvelles dispositions ciblant explicitement l’écoblanchiment ont été ajoutées à la Loi. Celles-ci accompagnent une série d’autres modifications considérables, y compris en ce qui a trait aux sanctions et recours disponibles.

Compte tenu de ces nouveautés, les organismes de réglementation, les concurrents, les consommateurs, les groupes de défense de l’intérêt public et les organismes non gouvernementaux disposent maintenant de plus de moyens pour aller à l’encontre des entreprises soupçonnées d’écoblanchiment.

Ces dernières auraient donc intérêt à faire des déclarations environnementales qui soient conformes à la loi.

Nouvelles dispositions en matière d’écoblanchiment

Les nouvelles dispositions législatives visant l’écoblanchiment sont entrées en vigueur le 20 juin 2024. Dorénavant, les entreprises doivent fournir des preuves pour étayer et justifier certaines de leurs déclarations environnementales.

Auparavant, les pratiques d'écoblanchiment étaient assujetties à des interdictions générales visant les pratiques commerciales fausses et trompeuses. Mais dans le cadre des récentes modifications, la portée des dispositions relatives à la commercialisation trompeuse a été élargie comme suit : 

  1. Les promesses publicitaires faisant la promotion des avantages d’un produit pour la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux, sociaux et écologiques des changements climatiques doivent se fonder sur une épreuve suffisante et appropriée.
  2. Les promesses publicitaires faisant la promotion des avantages de l’activité d’une entreprise pour la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux et écologiques des changements climatiques doivent se fonder sur des éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale.

Dans le cadre des nouvelles contraintes susmentionnées, il incombe aux entreprises de prouver que leurs déclarations publicitaires environnementales sont fondées sur une épreuve suffisante et appropriée.

Le 22 juillet 2024, le Bureau de la concurrence a lancé une consultation publique (qui prend fin le 27 septembre  2024) concernant les nouvelles dispositions relatives à l’écoblanchiment afin d’éclairer ses orientations en matière d’application de la loi. En attendant la publication de telles orientations, le Bureau a publié Le recueil des pratiques commerciales trompeuses — Volume 7, qui fournit des conseils généraux pour aider les entreprises à se conformer à la Loi lorsqu’il s’agit de déclarations environnementales.

Sanctions et recours modifiés

Les dispositions relatives à l’écoblanchiment font partie d’une série de modifications importantes qui ont récemment été apportées à la Loi. Des sanctions administratives pécuniaires et des droits privés d’action de portée élargie ont été notamment ajoutés, ce qui rend beaucoup plus risquée la pratique de l’écoblanchiment, comme nous l’expliquons ci-dessous. 

Sanctions pécuniaires

En 2022, le montant des sanctions administratives pécuniaires visant les pratiques commerciales trompeuses constituant une infraction d’ordre civil a augmenté considérablement. Celles-ci sont applicables aux nouvelles infractions d’écoblanchiment prévues par la Loi.

Aux termes de la Loi modifiée, les amendes maximales suivantes peuvent être imposées, en fonction de la valeur du bénéfice tiré du comportement trompeur ou des recettes globales brutes annuelles d’une entreprise :

  1. dans le cas d’une personne physique, le plus élevé des montants suivants :
    1. 750 000 $ (pour toute ordonnance subséquente, 1 000 000 $); et
    2. Trois fois la valeur du bénéfice tiré du comportement trompeur, si ce montant peut être déterminé raisonnablement.
  2. dans le cas d’une personne morale, le plus élevé des montants suivants :
  1. 10 000 000 $ (pour toute ordonnance subséquente, 15 000 00 $); et
  2. Trois fois la valeur du bénéfice tiré du comportement trompeur, ou, si ce montant ne peut pas être déterminé raisonnablement, trois pour cent des recettes globales brutes annuelles de la personne morale.

Les amendes sont donc beaucoup plus élevées qu’avant, tant pour les personnes morales que pour les personnes physiques.

Notons aussi qu’aujourd’hui, en raison des nouvelles amendes maximales, une multinationale pourrait se voir obligée de payer un montant disproportionnellement élevé par rapport à ses recettes canadiennes si la valeur du bénéfice tiré de son comportement trompeur ne peut être déterminée, et que par conséquent, une amende est imposée selon ses recettes globales brutes.

Droit privé d’action

Avant les récentes modifications à la Loi, le recours à un droit privé d’action n’était possible qu’en cas de publicité trompeuse constituant une infraction criminelle. Ce droit était réglementé dans le cadre des interdictions de publicité trompeuse prévues par la Loi, et les parties privées ne disposaient d’aucun droit privé d’action à l’égard des infractions d’ordre civil.

Actuellement, les concurrents et les consommateurs confrontés à une infraction de publicité trompeuse d’ordre criminel disposent d’un droit privé d’action limité. Pour s’en prévaloir, ils doivent démontrer que l’annonceur a fait des allégations fausses ou trompeuses « sciemment ou sans se soucier des conséquences », que les allégations sont fausses ou trompeuses sur un point important (c’est-à-dire d’une manière qui risque d’influencer le comportement ou la décision d’achat du consommateur), et que ce comportement a causé un préjudice ou une perte réels au concurrent/consommateur.

Une fois la preuve établie, le concurrent/consommateur pourra toucher des dommages-intérêts équivalant au montant de la perte ou des dommages qu’il est reconnu avoir subi (ainsi que certains frais juridiques). Ainsi, lorsqu’il s’agit de publicité environnementale trompeuse, les concurrents et les consommateurs disposent d’un champ d’action limité, que ce soit dans le cadre d’un recours individuel ou d’un recours collectif.

Toutefois, dès le 20 juin 2025, les parties privées pourront demander au Tribunal de la concurrence la permission d’intenter une action pour infraction d’écoblanchiment d’ordre civil, à condition de démontrer que cela sert « l’intérêt public ». Point important : dans une poursuite civile visant ce genre d’infraction, il n’est pas nécessaire de démontrer qu’un annonceur a agi « sciemment ou sans se soucier des conséquences ». Par ailleurs, le critère de prise en compte de « l’intérêt public » n’exige pas spécifiquement qu’une partie privée ait été lésée par le comportement susceptible d’examen.

La portée des recours accessibles aux parties privées en cas d’écoblanchiment a également été élargie. En vertu des modifications à la Loi, un tribunal pourra ordonner à une personne qu’elle estime avoir adopté un comportement susceptible d’examen de cesser d’adopter ce comportement, de publier un avis correctif ou de payer une sanction administrative pécuniaire jusqu’à concurrence des valeurs maximales mentionnées ci-dessus (comme nous l’avons expliqué, cette sanction peut être déterminée en fonction des recettes globales brutes d’une entreprise).

Une partie privée peut aussi demander restitution (en se fondant sur les dispositions générales de la Loi visant les infractions civiles de publicité trompeuse) sous la forme d’un montant à répartir entre les personnes à qui on a vendu des produits à l’égard desquels l’infraction a été commise. 

Comme les justiciables ont maintenant un accès élargi aux recours liés à l’écoblanchiment, les entreprises concurrentes, les particuliers et les parties privées (notamment les groupes de défense de l’intérêt public et les organisations non gouvernementales) auront vraisemblablement plus de facilité à s’opposer aux entreprises soupçonnées d’écoblanchiment.

L’importance de réévaluer le niveau de risque de se voir accuser d’écoblanchiment

En raison de la réforme du droit de la publicité environnementale, le risque de se voir accuser d’écoblanchiment s’est considérablement accru. Pour se protéger au maximum, les entreprises ont intérêt à réévaluer le niveau de risque de leurs allégations « vertes » (y compris celles qui figurent dans leurs rapports sur les facteurs ESG et autres communications semblables) et à actualiser leurs programmes et politiques de conformité.

Pour en savoir plus sur l’incidence potentielle de ces modifications législatives sur votre entreprise ou vos campagnes publicitaires, veuillez contacter vos conseillers et conseillères juridiques de Publicité et réglementation des produits chez Gowling WLG.