Le 27 mars 2024, le Projet de loi 42, ou la Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail (le « Projet de loi »)[1] a été sanctionné par l'Assemblée Nationale du Québec.

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Le Projet de loi a notamment pour but de renforcer les mesures de prévention et les recours associés au harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail. À cette fin, le Projet de loi modifie plusieurs lois touchant au droit de l'emploi, de la Loi sur les normes du travail (la « LNT »)[2] à la Loi sur la santé et sécurité du travail (la « LSST »)[3], en passant par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la « LATMP »)[4].

Certaines dispositions du Projet de loi sont entrées en vigueur dès le 27 mars 2024, tandis que d'autres dispositions entreront progressivement en vigueur jusqu'au 1er octobre 2025. Le présent bulletin vise à offrir aux employeurs un tour d'horizon de ces changements.

A. Politique en matière de harcèlement au travail : ajout obligatoire de nouvelles modalités dès le 27 septembre 2024

L'un des changements majeurs instauré par le Projet de loi réside dans l'obligation pour les employeurs d'inclure à leur politique contre le harcèlement psychologique une série de nouveaux éléments. À ce jour, le contenu d'une telle politique était plutôt laissé à la discrétion de chaque employeur, la principale obligation étant de mettre en place une telle politique et de la diffuser.

À cet égard, le Projet de loi modifie la LNT et les employeurs ont jusqu'au 27 septembre 2024 pour modifier leur politique de harcèlement afin d'y inclure les modalités obligatoires suivantes :

  1. les méthodes et techniques utilisées pour identifier, contrôler et éliminer les risques de harcèlement psychologique, dont un volet concernant les conduites qui se manifestent par des paroles, des actes ou des gestes à caractère sexuel;
  2. les programmes d'information et de formation en matière de prévention du harcèlement psychologique qui sont offerts aux travailleuses et travailleurs ainsi qu'aux personnes désignées par l'employeur pour la prise en charge d'une plainte ou d'un signalement (nous notons que l'étendue et le contenu de ces formations n'a pas encore été spécifié en date de publication du présent bulletin);
  3. les recommandations concernant les conduites à adopter lors de la participation aux activités sociales liées au travail;
  4. les modalités applicables pour faire une plainte ou un signalement à l'employeur ou pour lui fournir un renseignement ou un document, la personne désignée pour en prendre charge ainsi que l'information sur le suivi qui doit être donné par l'employeur;
  5. les mesures visant à protéger les personnes concernées par une situation de harcèlement psychologique et celles qui ont collaboré au traitement d'une plainte ou d'un signalement portant sur une telle situation;
  6. le processus de prise en charge d'une situation de harcèlement psychologique, incluant le processus applicable lors de la tenue d'une enquête par l'employeur; et
  7. les mesures visant à assurer la confidentialité d'une plainte, d'un signalement, d'un renseignement ou d'un document reçu ainsi que le délai de conservation des documents faits ou obtenus dans le cadre de la prise en charge d'une situation de harcèlement psychologique, lequel doit être d'au moins deux ans.

Cette nouvelle politique en matière de harcèlement devra également être incluse dans le programme de prévention ou le plan d'action de l'établissement concerné, et ce dès le 1er octobre 2025.

B. Autres modifications en vigueur depuis le 27 mars 2024

Le Projet de loi prévoit qu'il sera désormais interdit aux employeurs d'exercer des mesures de représailles à l'égard d'une personne salariée qui dénonce une situation de harcèlement dont elle a été témoin ou qui collabore au traitement d'une plainte[5].

Le Projet de loi prévoit par ailleurs que l'imputation du coût des prestations liées aux lésions professionnelles découlant de la violence à caractère sexuel sera répartie automatiquement à l'ensemble des employeurs, dérogeant ainsi à la règle générale établie par la LATMP[6].

Le Projet de loi a également introduit une définition de « violence à caractère sexuel » à la LSST, laquelle se lit comme suit :

« toute forme de violence visant la sexualité ou toute autre inconduite se manifestant notamment par des gestes, des pratiques, des paroles, des comportements ou des attitudes à connotation sexuelle non désirés, qu'elles se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, ce qui inclut la violence relative à la diversité sexuelle et de genre ».

Nous notons d'emblée que cette nouvelle définition élargira considérablement les obligations des employeurs en ce qui a trait à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs en vertu de la LSST.

C. Autres modifications en vigueur à partir du 27 septembre 2024

Le Projet de loi offrira une protection plus étendue aux personnes salariées victimes de violence à caractère sexuel au travail, notamment par le biais de nouvelles présomptions légales.

De fait, la blessure ou la maladie d'un travailleur sera présumée être survenue par le fait ou à l'occasion de son travail lorsqu'elle résulte de la violence à caractère sexuel subie par ce dernier et commise par son employeur, l'un des dirigeants de ce dernier dans le cas d'une personne morale ou l'un des travailleurs dont les services sont utilisés par cet employeur[7].

De plus, la maladie d'un travailleur qui survient dans les trois (3) mois après que ce dernier a subi de la violence à caractère sexuel sur les lieux du travail sera présumée être une lésion professionnelle[8].

Le Projet de loi modifiera également les modalités d'accès au dossier médical d'un employé, dans le cadre d'une contestation par l'employeur d'une réclamation pour lésion professionnelle. Ainsi, un professionnel de la santé, dès lors qu'il divulgue de l'information médicale concernant un employé, pourra uniquement communiquer à l'employeur les informations nécessaires pour lui faire un résumé du dossier aux fins de cette contestation[9]. L'accès au dossier médical complet d'un employé par l'employeur s'en trouvera en conséquence restreint. 

Les professionnels de la santé faisant défaut de se conformer à cette obligation ainsi que les employeurs cherchant à accéder indûment au dossier médical d'un employé en contravention de cette nouvelle disposition s'exposeront à des amendes pouvant aller jusqu'à 10 000 $ dans le cas d'une personne morale[10].

Enfin, le délai pour produire une réclamation pour une lésion professionnelle résultant de la violence à caractère sexuel passera de 6 mois à 2 ans[11].

Conclusion

La Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail démontre une véritable volonté du législateur de sensibiliser les employeurs et autres parties prenantes aux dangers que peuvent représenter ces phénomènes pour la santé et la sécurité des travailleurs québécois.

En ce sens, tous les employeurs faisant affaire au Québec devront redoubler de vigilance afin de se conformer aux nouvelles dispositions du Projet de loi et d'adapter en conséquence non seulement leurs processus de traitement des plaintes, mais également leurs méthodes de gestion des dossiers médicaux et disciplinaires impliquant des éléments de harcèlement psychologique et de violence à caractère sexuel.  

Pour toute question au sujet des implications du Projet de loi, notamment en ce qui a trait à la rédaction adéquate de la politique de prévention du harcèlement au travail, veuillez communiquer avec le groupe Travail, emploi et droits de la personne de Gowling WLG.

 

[1] Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail, 1re sess., 43e légis. (Qc).

[2] RLRQ, c. N-1.1.

[3] RLRQ c. S-2.1.

[4] RLRQ c. A-3.001

[5] Précité, note 1, art. 33.

[6] Précité, note 1, art. 12.

[7] Précité, note 1, art. 4.

[8] Ibid.

[9] Précité, note 1, art. 7.

[10] Précité, note 1, art. 16.

[11] Précité, note 1, art. 10.