Les danses virales et les hypertrucages troublants abondent en ligne. C’est aussi le cas des poursuites en actions collectives qui visent le marketing d’influence trompeur.

En effet, au courant des six derniers mois seulement, les tribunaux américains ont enregistré une forte hausse d’actions collectives ciblant à la fois des influenceurs et les marques dont ils font la promotion. Tout récemment, un recours de 150 M$ US a été intenté contre Alo Yoga et plusieurs de ses influenceurs. Ces poursuites laissent envisager que les consommateurs canadiens pourraient emboîter le pas et suivre cette tendance.

Alors que le marketing d’influence prend de l’ampleur et que son pouvoir de persuasion est évident, le moment est venu de vous assurer d’adopter une stratégie robuste qui vous mette à l’abri d’une éventuelle action collective.

Que prévoit la réglementation en matière de marketing d’influence?

Tant au Canada qu’aux États-Unis, le marketing d’influence est assujetti aux interdictions générales prévues dans la législation fédérale visant à lutter contre la publicité fausse ou trompeuse.  

Au Canada, on retrouve ces interdictions dans la Loi sur la concurrence. Bien qu’aucune disposition de cette loi ne traite expressément du marketing d’influence, le Bureau de la concurrence (l’organisme de réglementation fédéral responsable de faire appliquer cette loi) estime que tout contenu de marketing d’influence mettant en valeur une entreprise, un produit ou un service, doit faire l’objet d’une divulgation de la nature du lien matériel avec la marque.

Selon le Bureau de la concurrence et Normes de la publicité (l’organisme canadien d’autoréglementation de l’industrie publicitaire), il doit être clair pour les consommateurs que l’influenceur reçoit une forme de compensation monétaire en échange de sa publication ou de son avis. Autrement dit, le marketing d’influence devient problématique lorsque le contenu est présenté comme étant entièrement « naturel ».

Quand un influenceur publie du contenu, il doit clairement indiquer qu’il a été rémunéré pour sa publication. Pour ce faire, il peut avoir recours à des mots-clics largement reconnus, comme #pub, #commandite ou #Partenaire_XYZ, ajouter une mention explicite qui précise qu’il s’agit d’un partenariat rémunéré, ou utiliser d’autres moyens. Normes de la publicité et le Bureau de la concurrence ont tous deux publié des lignes directrices afin d’aider les influenceurs et les marques à comprendre ces obligations et à s’y conformer. Ces ressources présentent des pratiques exemplaires détaillées visant à garantir que les divulgations soient claires, bien visibles et facilement comprises des consommateurs.

Aux États-Unis, des règles et des cadres réglementaires très similaires s’appliquent. D’ailleurs, la Federal Trade Commission (FTC), l’équivalent américain du Bureau de la concurrence du Canada, a publié plusieurs guides, dont « Disclosures 101 for Social Media Influencers », afin de favoriser le respect des lois pertinentes.

Au Canada, les lignes directrices existantes ne sont pas contraignantes et ne sont pas des lois en tant que telles; elles reflètent plutôt la façon dont les organismes de réglementation comptent appliquer la loi dans ce contexte. Tandis que les pratiques commerciales trompeuses des influenceurs font généralement l’objet d’enquêtes et sont régies par les organismes de réglementation, aux États-Unis, elles sont de plus en plus visées par des actions collectives intentées par des consommateurs.

Comprendre les actions collectives aux États-Unis

Jusqu’à récemment, de part et d’autre de la frontière, le marketing d’influence était normalement régi par les autorités de réglementation. Cette situation a commencé à changer en janvier 2025.

Depuis, au moins cinq actions collectives ont été intentées aux États-Unis contre des grandes marques comme Celsius Holdings (fabricant de boissons énergisantes), Revolve Group (détaillant de vêtements en ligne), et plus récemment, Alo Yoga (marque de vêtements athlétiques).

Celsius Holdings

La première de ces actions collectives a été intentée en Californie en janvier 2025 contre Celsius Holdings et trois influenceuses sur les réseaux sociaux, pour le non-respect de l’obligation de divulguer de façon adéquate le lien important entre une marque et un influenceur. Plus précisément, la demanderesse, en son nom et au nom du groupe proposé, alléguait que :

« [A]ucune des influenceuses n’a utilisé la mention ‘partenariat rémunéré’ recommandée par la Federal Trade Commission et, dans certains cas, la mention de divulgation était si discrète qu’il était pratiquement impossible pour une personne utilisant les médias sociaux de savoir que la publication était commanditée. »

Toutefois, il convient de noter que, même si le mot-clic « partenariat rémunéré » a été omis, l’une des influenceuses défenderesses avait inclus le mot-clic #Celsiusbrandpartner dans au moins un des exemples cités dans la plainte. Selon la demanderesse, en plus de l’avoir incitée à acheter les produits Celsius, ces pratiques commerciales trompeuses expliqueraient également pourquoi le prix des boissons de l’entreprise est environ 10 à 15 % plus élevé que le prix moyen d’autres boissons énergisantes de même format.

La représentante désignée du groupe de l’action collective cherche à représenter un groupe national de consommateurs ayant acheté des produits Celsius aux États-Unis depuis janvier 2021 jusqu’à ce jour, et ce, que l’acheteur ait été ou non influencé voire exposé à la publicité.

Revolve et Alo Yoga

Les poursuites contre Revolve et Alo Yoga reposent sur des allégations très similaires. La demanderesse soutient avoir été incitée à acheter des vêtements à un prix plus élevé après la parution de la publication d’une influenceuse, et précise qu’elle n’aurait pas acheté les produits de l’entreprise défenderesse si elle avait su que l’influenceuse avait été rémunérée pour cette publication.

Dans le cas de Revolve, il est allégué que des produits identiques offerts sur des sites concurrents étaient généralement proposés à des prix de 10 à 40 % inférieurs à ceux sur le site de Revolve, une stratégie de prix qui n’aurait été rendue possible qu’en raison du caractère persuasif des publications de marketing d’influence. Comme c’est le cas dans l’affaire Celsius, la demanderesse cherche à représenter un groupe national de consommateurs ayant acheté des vêtements de la marque Revolve pendant la période visée par l’action collective. La demanderesse réclame 50 M$ US en dommages-intérêts au nom du groupe.

Dans la plainte contre Alo Yoga, la demanderesse a allégué, de manière similaire, que les publications d’influenceuses et d’influenceurs l’auraient incitée à acheter des vêtements à un prix plus élevé. Dans ce cas-ci également, selon une estimation, les produits Alo se vendaient 10 à 40 % plus cher que ceux des concurrents pour une qualité équivalente. Dans cette affaire, la somme réclamée à titre de dommages-intérêts s’élève à 150 M$ US.

Ramifications possibles pour le Canada

Bien qu’il soit encore trop tôt pour prédire l’issue de ces affaires, cette hausse soudaine de poursuites rappelle que le marketing d’influence peut faire l’objet de contestations tant de la part de parties privées que d’organismes de réglementation.

Au Canada, cette tendance n’a pas fait son chemin et les consommateurs canadiens n’y ont pas encore intenté de telles actions collectives. Toutefois, compte tenu des similitudes entre les règles applicables de part et d’autre de la frontière, des poursuites de même nature pourraient y être intentées.

D’ici là, les spécialistes en marketing et les influenceurs devraient veiller tout particulièrement à ce que leur contenu respecte les interdictions prévues à la Loi sur la concurrence en matière de publicité fausse ou trompeuse.

Les trois règles d’or pour un marketing d’influence conforme

Pour que votre marque se distingue pour les bonnes raisons, voici trois règles pratiques pour veiller à ce que votre marketing d’influence soit conforme à la loi.

  1. En cas de doute, divulguez

    Lorsque l’incertitude plane à savoir s’il existe ou non un lien important entre un influenceur et une marque ou une entreprise, ou s’il est nécessaire de divulguer un tel lien, rappelez-vous qu’un tel lien peut exister même sans entente formelle. Normes de la publicité recommande d’inclure une déclaration même lorsque l’influenceur n’est pas contractuellement tenu de publier du contenu (par exemple, lorsqu’un cadeau a été offert à l’influenceur par la marque).

  2. Assurez-vous que les divulgations soient claires, sans ambiguïté et bien visibles

    Certains mots-clics, comme #pub ou #partenariatrémunéré, sont généralement bien compris du public. Les influenceurs et les marques devraient éviter d’utiliser ceux qui sont moins courants, car ils risquent de ne pas être compris du grand public. D’ailleurs, ceux-ci ne doivent jamais être dissimulés ni se retrouver uniquement dans la légende d’une publication.

  3. N’oubliez pas que la responsabilité est partagée
  4. Ce type de poursuites rappelle que des allégations peuvent viser tant la marque que l’influenceur. En tant que titulaire d’une marque, vous devez veiller à ce que les influenceurs :

    1. Comprennent clairement leurs obligations.
    2. Soient contractuellement tenus, à votre égard, de se conformer à leurs obligations de divulgation.

    En tant qu’influenceurs, vous devez vous assurer de respecter ces exigences. Même si après examen de votre contenu, celui-ci est approuvé par la marque, cela ne vous protège pas nécessairement contre une allégation de pratiques commerciales trompeuses.

Pour obtenir conseil sur vos pratiques de marketing d’influence ou vos stratégies de divulgation, n’hésitez pas à communiquer avec l’équipe Publicité et réglementation des produits de Gowling WLG.