Naïm Alexandre Antaki
Associé
Chef du groupe de droit des sociétés et droit commercial - Montréal
Webinaires sur demande
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Naïm Antaki
Comme on disait dans la salle avec les présentateurs, on a le meilleur des deux mondes aujourd'hui : un très beau soleil et l'air conditionné. Donc, good move pour toutes les personnes qui sont venues en personne, aujourd'hui. J'espère aussi que les personnes qui nous écoutent en mode hybride sont aussi confortables à la maison.
On est vraiment choyé de vous avoir avec nous cette année encore. L'année passée avait été un beau succès et on a hâte de vous présenter les différents panels qu'on aura aujourd'hui. Je me présente, je m'appelle Naïm Antaki, je suis associé du groupe des Technologies à Montréal et en Droit des affaires. Je suis aussi le cochef du groupe national d'Intelligence artificielle. Je ne suis qu'une seule personne. On a un très beau groupe multidisciplinaire. Vous pourrez le voir dans tous les domaines, que ça soit le domaine vie privée, litige, droit de l'emploi, fiscal, propriété intellectuelle, etc. On a aussi des invités externes qu'on a hâte d'entendre aujourd'hui. Donc, merci encore pour votre présence.
Pour ceux qui connaissent peut-être un peu moins Gowling WLG, nous sommes un bureau international. Comme vous le savez, avec la technologie, on doit souvent parler avec les collègues d'autres juridictions pour vraiment comprendre les tendances, puis être capables aussi de voir d'un point de vue opérationnel comment les clients peuvent vraiment trouver des solutions pratiques à leurs problèmes. Donc, on parle régulièrement avec nos collègues à Londres, à Dubaï, à Paris et j'en passe, etc.
Naïm Antaki
Pour aujourd'hui, la présentation ou les présentations seront principalement en français. That having been said, some people will switch to English, just like I did right now. So I hope that's okay for everyone. Je sais qu'on est à Montréal, donc normalement ça ne devrait pas être un problème. Ceci dit, de la même manière, si vous avez des questions – if you have questions – n'hésitez pas, que ça soit en français or if it's in English. Je sais très bien, on le fait tous. Moi, je suis Francophone, mais des fois il y a des mots qui me viennent plus facilement en anglais, simplement parce que la technologie est comme ça. Par contre, on fait un effort quand même pour trouver les bons mots en français.
Alors, les rappels logistiques autres que ceux-ci, il va y avoir une pause après les deux premiers panels, pour que vous puissiez vous parler ensemble puis rencontrer les autres membres de notre équipe qui sont aussi ici. Je vois notamment Marc et James, qui ont les chaises les plus cool de la salle, à l'arrière, n'est-ce pas? Et d'autres personnes, Pierre Pilote, notre associé directeur de Montréal, Daniel Hessel, Matt Roy et plein d'autres qui sont là aussi, Mathieu Santos-Bouffard. Donc, n'hésitez pas, c'est vraiment une discussion et puis ç'a été l'approche qu'on voulait avoir l'année passée et cette année. Ce n'est pas vrai que les avocates, les avocats ont toutes les réponses. Tout comme les gens de technologie, les développeurs, les développeuses n'ont pas les toutes les réponses non plus. Et les gens d'affaires qui sont très importants aussi n'ont pas toutes les réponses. Il faut qu'on se parle.
Tout bouge. Tout bouge, que ça soit les affaires, l'inflation, etc., que ça soit la technologie qui bouge rapidement, que ça soit les lois qui sont en train de se bousculer actuellement. On espère que vous allez apprécier cette présentation. Pour le premier panel, je vais inviter Chloé Archambault et Dominique Payette à se joindre à moi.
Naïm Antaki
Merci beaucoup. Alors, pourquoi ce premier panel? Il y a plein technologies. Les technologies changent toujours, n'est-ce pas? Tout le monde a entendu parler beaucoup et même probablement trop de l'intelligence artificielle (IA). Mais veut, veut pas, il faut répondre aux questions qu'on a dans nos entreprises ou avec les collègues. On a une technologie qui a un niveau d'engouement extrême presque, n'est-ce pas? D'un autre côté, on a l'informatique quantique. L'informatique quantique, on en avait parlé aussi lors de notre première édition l'année passée. Le One-O-One, si vous voulez, l'année passée. Mais on voulait avoir un regard aussi qui est vraiment sur le terrain. Il y a des gens qui investissent déjà dans l'informatique quantique, notamment le Fonds d'investissement de Chloé, et c'est pour ça qu'on s'est dit, ce serait bien, au lieu de parler d'informatique quantique, maintenant que vous avez peut-être une petite idée de ce que c'est – on va vous faire un rappel de toute façon – de comprendre comment les entreprises l'utilisent, pourquoi on peut déjà mettre de l'argent dans des technologies comme celle-ci, puis essayer de faire les liens entre deux technologies qui sont à des niveaux de vagues qui sont un peu différents, n'est-ce pas?
Sur ce, je vais peut-être me tourner vers Dominique et Chloé pour vous demander, plutôt que je fasse un long speech pour vous présenter, de vous présenter vous-mêmes, peut-être avec un petit mot sur vos passions, pourquoi vous êtes intéressées par les technologies. Alors, peut-être Chloé, si tu peux commencer.
Chloé Archambault
Donc, Chloé Archambault. Je suis associée dans une firme de capital de risque qui s'appelle Quantacet, qui investit dans spécifiquement les startups qui développent des technologies quantiques. Donc, si tu veux qu'on parle un petit peu de nos passions, bien, évidemment, la mécanique quantique, les technologies quantiques, ça fait partie de mes passions. Je suis tombée dedans assez vite. Je suis une formation de génie physique. Je suis tombée dans le bain des technologies dès le début, puis je suis tombée en amour avec cette technologie, cette science, parce que c'est la base. Pour moi, comprendre la mécanique quantique, c'était comprendre la base du fonctionnement de la nature autour de nous. Il y a plein de comportements de la matière qui sont assez contre-intuitifs, donc c'est assez passionnant. Ça, c'est mon côté plus formation, donc très théorique en physique, mais très rapidement dans ma carrière, en fait de génie. En fait, il n'y avait pas de job là-dedans quand j'ai gradué. C'est assez simple. Donc, je me suis tournée plus vers l'industrie. J'ai occupé différents postes, j'ai travaillé en transfert de technologies, j'ai acquis différentes compétences en propriété intellectuelle, en développement des affaires, en négociation d'ententes commerciales, etc. Un petit parcours, différentes choses, un saut dans une startup éventuellement, puis là je suis un petit peu de retour à mes premiers amours avec les technologies quantiques en apportant l'expérience, le bagage que j'ai accumulés à travers tous ces périples relatifs aux entreprises.
Naïm Antaki
Merci beaucoup, Chloé. Côté scientifique mais aussi côté fonds d'investissement, qui va être très, très intéressant. Dominique.
Dominique Payette
Merci, Naïm. Je suis avocate en droit de la vie privée avec une expertise en intelligence artificielle. Je pratique dans le milieu bancaire depuis environ sept ans. Il y a sept ans, je suis devenue très passionnée du Responsible AI, Ethical AI, puis je me suis penchée, certes, sur les affaires – pardon, les points juridiques du Responsible AI. Mais le Responsible AI, ça déborde les questions juridiques. Ça va dans l'éthique, ça va dans l'opérationnel, dans la gouvernance. Puis je me suis intéressée à comment ça prend forme, comment ça prend vie un programme de Responsible AI dans une institution financière et dans d'autres types d'organisations. Parce que de passer de la théorie à la pratique, c'est vraiment un exercice qui peut avoir beaucoup de défis. Donc, je me suis intéressée aux aspects juridiques et non juridiques du Responsible AI, les biais algorithmiques. J'ai fait de la recherche sur ce que ça voulait dire. Je travaille beaucoup avec les gens plus techniques si on veut, pour essayer de m'intéresser à la technologie elle-même pour être capable de donner des conseils qui sont, comme, on point.
Naïm Antaki
Merci beaucoup, Dominique. Donc, point de vue juridique, point de vue, Alain dans l'entreprise aussi. Comment est-ce que les projets peuvent croître? Les achats de solutions aussi, donc il y a cet aspect aussi. Merci beaucoup. Je vais vous rappeler quelque chose que vous avez peut-être déjà vu sur l'écran, mais je pense que c'est important parce qu'on est avocat. On m'a demandé de faire ce rappel qu'évidemment chacun d'entre nous, we're gonna go out on a limb a little bit on these panels, right, that's the whole point of it. Donc, on va peut-être vous donner nos idées personnelles par rapport à comment on voit les technologies, les aspects juridiques, mais tout ça on est en train de le découvrir. C'est quelque chose qui bouge tout le temps. Donc, nos points de vue personnels plutôt que les points de vue qui représentent ceux de nos employeurs. Voilà. Passons maintenant aux choses plus intéressantes. Où est-ce qu'on en est sur le terrain, Chloé, par rapport à la quantique? Puis si tu peux, peut-être nous rappeler un peu, quand on parle de quantique, ce que ça veut dire.
Chloé Archambault
On ne se le cachera pas, on est quand même dans le début de la courbe d'adoption des technologies quantiques, mais reste que ce n'est plus des technologies seulement de laboratoire. À une certaine époque, c'était dans les universités. Là, on voit de plus en plus de compagnies. C'est pour ça que je suis dans un fonds d'investissement. C'est parce qu'il y a de plus en plus de startups dans lesquelles on peut investir et donc on passe à une voie qui est plus commerciale. Reste que ce n'est pas nécessairement pour demain matin, il faut être conscient de ça. Bon, puis plein de gens vont vous dire, ah c'est pour dans 10 ans, c'est pour dans 15 ans. Je suis plus ou moins d'accord. Il y a des bénéfices à court terme, il y a des bénéfices qui vont être plus à long terme. En fait, il ne faut pas mettre tout dans le même chapeau. Naïm a parlé d'informatique quantique; moi, j'aime mieux parler de technologie quantique parce que l'informatique quantique, c'est en fait juste une catégorie de ce que, nous, on appelle les technologies quantiques.
Il y a aussi les communications quantiques, un peu comme les réseaux de télécom qu'on a aujourd'hui, mais la prochaine évolution de ça pourrait être basée sur des technologies quantiques. Il y a aussi les capteurs quantiques. Donc, dans vos téléphones, dans vos voitures, dans vos maisons, il y a des capteurs partout, mais là il y a plein d'équipes qui commencent à développer des capteurs comme ça, mais basés sur des phénomènes quantiques qui sont plus sensibles, plus précis, plus robustes, etc. C'est un peu les trois catégories. Les trois catégories n'en sont pas au même stade d'un point de vue commercialisation. On entend beaucoup parler de l'informatique quantique. C'est un petit peu le Saint-Graal, l'ordinateur miraculeux qui va faire des miracles dans 10, 15 ans, effectivement. Mais quand on parle de capteurs ou de communication quantique, il y a des applications beaucoup plus à court terme. Il y a des compagnies qui vendent des produits aujourd'hui. Encore là, je suis en train de généraliser parce que dans chacune de ces catégories, il y a du plus court terme, puis du plus long terme. Même en informatique quantique, en fait, il y a des compagnies qui sont beaucoup plus court terme que d'autres. Puis en communication quantique, il y a aussi du long terme. Donc, ça reste très nuancé, tout ça.
Mais si on regarde les compagnies, la plupart des compagnies en ce moment, en fait, sont au stade du délai de précommercialisation où ils ont quand même des discussions avec des vrais clients, mais disons que c'en est plus au stade ou de réaliser des proof of concepts, des projets de démonstration ou des pilotes souvent financés avec des financements publics privés. Certaines compagnies commencent à dire qu'ils apportent un réel avantage financier à leurs clients, donc ils produisent quelque chose à moindre coût ou ils font un calcul plus vite, par exemple, qu'un autre ordinateur le ferait. Ça, on en voit de plus en plus; je suis convaincue qu'on va en voir de plus en plus dans les prochaines années. Ça reste dans des applications sur des problèmes assez spécifiques, assez nichés. On n'est pas encore dans « je résume n'importe quel problème 10 fois plus vite que les technologies compétitives », mais on commence à voir un avantage monnayable qui apparaît ici et là. Il faut faire attention. Vous avez peut-être entendu parler dans les dernières années, il y a eu des grandes démonstrations que l'ordinateur de Google puis un autre faisaient un calcul en une fraction de seconde qui aurait pris 10 000 ans à rouler sur l'ordinateur le plus puissant aux États-Unis. C'est vrai. C'est une très, très belle avancée scientifique. C'était un problème purement théorique qui n'a absolument aucune application dans la vraie vie. Ça fait qu'il faut faire attention quand même à ce qu'on dit. C'est un bel exploit scientifique. Maintenant, nous, on essaie plus de se concentrer sur des compagnies qui résolvent des vrais problèmes et on arrête un peu de se comparer à ce super ordinateur. Il y en a un à Oak Ridge aux États-Unis, il y en a plusieurs – les méga Super Computer qu'on appelle – dans le monde. On essaie plus de comparer, est-ce que la compagnie peut offrir un avantage à son client par rapport aux méthodes qu'il utilise habituellement? Parce qu'il ne roule pas ses calculs tous les jours sur la plus grosse machine au monde aux États-Unis. Donc, on essaie de rendre les choses un petit peu plus pragmatiques, puis je trouve que les choses avancent dans la bonne direction.
Naïm Antaki
Merci beaucoup, Chloé. Dominique, du côté de l'intelligence artificielle, sur le terrain, de ce que tu vois, où est-ce qu'on rendu?
Dominique Payette
Oui. Je vais faire un disclaimer que ma perspective est de mon industrie. Donc, je vais piggyback un peu sur ce que Chloé a dit. Il n'y a pas vraiment un État qui est vrai pour toutes les industries. On peut avoir l'impression que c'est super avancé si on regarde Big tech, si on essaie ChatGPT, qui est quand même assez impressionnant, si on regarde Elon Musk, ce qu'il dit et ce qu'il fait avec Tesla. Cependant, il y a certaines industries qui ne sont pas à ce niveau-là. C'est les industries qui sont plus traditionnelles, qui ont plus de bagage, de legacy. Donc, la transformation numérique et ensuite la transformation IA prend plus de temps. Je dirais que c'est plus avancé que l'informatique quantique, le stade proof of concept est terminé, les gens sont prêts à passer en production, mais ce n'est pas nécessairement répandu. Maintenant, il y a des industries que je connais moins, l'industrie de la santé semble avoir beaucoup d'avancées. C'est vraiment à géométrie variable, dépendant de l'industrie.
Ce qui est important de tenir compte à titre de conseiller, c'est de s'adapter au stade de l'industrie ou s'adapter au stade de l'organisation. C'est important de ne pas essayer de trop mettre de bloquants quand l'organisation n'est pas un stade avancé, parce qu'effectivement on peut remplir le stéréotype que les avocats vont comme ralentir la technologie, ce qui n'est pas le cas. On a plein de bons conseils à apporter pour le déploiement responsable et donc bénéfique de l'IA, mais c'est important d'être proportionnel puis de s'adapter au stade de l'organisation elle-même.
Naïm Antaki
Merci beaucoup, Dominique. Maintenant, prenons tout ça du point de vue vraiment de l'entreprise. Dominique, t'as déjà commencé par rapport à ça. Quels seraient les facteurs que vous avez vus encore sur le terrain, qui vont vraiment faire la différence pour qu'une entreprise dise, oui, là c'est le temps de commencer avec un proof of concept peut être en quantique ou bien generative AI ou d'autres types d'intelligence artificielle, et c'est le moment peut-être de voir de l'interne un peu comment vous voyez ça. Peut-être Chloé, si tu as des commentaires par rapport à ça.
Chloé Archambault
Bien, c'est sûr qu'il y a beaucoup de faux mots. Il y a beaucoup de compagnies qui nous arrivent, j'en ai entendu parler, il faut l'essayer. Ça fait partie de notre travail aussi de leur expliquer l'état de la situation. Tant mieux s'il y en a plein qui veulent l'essayer, il faut qu'ils l'essaient pour les bonnes raisons. C'est ça qui est important pour moi. Il y a beaucoup de compagnies d'intelligence artificielle qui viennent me voir en me disant, j'ai trop de data, je n'arrive pas à compiler toute ma data, je veux rouler ça sur un ordinateur quantique. Ça, c'est la mauvaise approche, parce qu'à court terme ça ne va pas régler leurs problèmes. Entre autres, j'ai plein de startups qui m'arrivent. T'es une startup, t'as d'autres problèmes à régler avant de t'embarquer dans cette aventure. Donc, il ne faut pas aborder les technologies quantiques comme quelque chose qui va nous apporter un bénéfice à long terme. À court terme, il faut justement le voir comme un investissement à long terme. Ce qu'on dit souvent, en fait, c'est que, parce que programmer un ordinateur quantique, ça ne fonctionne absolument pas de la même façon que programmer un ordinateur normal. Juste s'éduquer à l'interne, tester certaines choses. Il y a plusieurs types d'ordinateurs quantiques. Juste tester, voir, mon application, sur quel type d'ordinateur quantique je devrais le tourner, la rouler pour avoir le meilleur bénéfice. Juste ça, ça va prendre quelques années à une compagnie de s'approprier toutes ces connaissances. Donc, ce qu'on leur dit, c'est qu'aujourd'hui la technologie n'est peut-être pas prête à résoudre votre problème exactement comme vous le voudriez, mais peut-être que dans trois ans ou dans cinq ans elle va être là. Mais ça risque de vous prendre de toute façon de trois à cinq ans à acquérir l'expertise pour le faire. Donc, la proposition de valeur souvent qu'on vend, c'est de dire, bien, il faut que vous commenciez à vous intéresser maintenant pour que dans trois ans, quand les machines vont être assez puissantes, vous êtes up and running, puis vous avez un avantage sur votre compétiteur, lui qui n'a pas encore commencé à regarder ça, puis là il s'y met juste à ce moment-là. Déjà, vous allez pouvoir profiter du bénéfice à ce point-là. Je pense que c'est un peu la bonne façon de… C'est la même chose aussi – on en parle aussi beaucoup – avec le côté défensif. Vous avez probablement entendu parler de l'ordinateur quantique qui pourrait craquer – et va, à mon avis, certainement dans le futur – un peu tous les systèmes de cryptographie qu'on utilise aujourd'hui. Ce n'est pas demain que ça va arriver, il ne faut pas avoir peur de l'apocalypse, mais il y a des données – par exemple, nos données médicales, nos numéros d'assurance sociale – on va avoir le même dans 10 ans. Si dans 10 ans il y a un ordinateur quantique assez puissant pour le briser, en fait, la réalité c'est qu'il y a certainement des gens en ce moment, des hackers, qui volent des données, qui les storent, ils sont incapables de les décrypter, ils attendent juste le jour où l'ordinateur quantique va être assez puissant pour les décrypter. Donc, en fait, c'est déjà aujourd'hui qu'il faut commencer à se protéger contre ça, pour les données les plus sensibles. Pas nos messages texte puis nos emails, je pense, qu'on envoie à nos amis, mais des données sensibles qui vont encore avoir de la valeur dans 10 ans, il faut commencer tout de suite à les sécuriser.
Naïm Antaki
Merci, Chloé. Notamment, on va parler au quatrième panel de questions de secrets commerciaux. Ce n'est pas seulement d'un point de vue de renseignement personnel où il faut penser à long terme, mais aussi de certains items qui sont très importants pour les entreprises, justement, comme les secrets commerciaux. De ton côté, Dominique, l'interaction peut-être entre la R et D, le côté juridique, les opérations, quand tu vois différents projets d'intelligence artificielle, si tu peux nous amener avec toi un peu dans cette aventure.
Dominique Payette
Oui. Ce n'est pas facile parce que, vraiment, ça peut être tellement différent, même dans une organisation. Ça dépend des équipes qui sont en place, ça dépend de la culture de l'équipe, ça dépend des executive sponsors. Je ne veux pas minimiser les proof of concept, ça peut être très difficile juste partir un proof of concept, mais c'est un petit peu la partie facile. Quand on est au stade de passer d'un proof of concept très contained, qui n'est pas déployé au grand public à la mise en production, c'est vraiment là que viennent les bouchées doubles, je dirais.
En termes de comment les gens vont faire ça, c'est sûr – Chloé, tu l'as bien dit – <indiscernable> ça joue vraiment un rôle, mais avec raison. L'intelligence artificielle a énormément de potentiel. De là à l'amener à un proof of concept, à quelque chose qui soutient un produit, un service qui est monnayable, c'est vraiment là le nerf de la guerre. Les facteurs clés que j'ai vus, c'est les équipes internes, c'est la culture. Un executive sponsor qui est capable d'avoir cette attitude dont tu parlais, Chloé, de voir à long terme : je ne vais pas nécessairement voir des profits cette année ou je ne vais pas nécessairement voir des gains en efficience cette année, peut-être même pas l'année prochaine. C'est comme un peu un long term play également. Et puis c'est sûr, je répète, que ça dépend de l'industrie, parce qu'il y a des industries qui sont plus en avance que d'autres. Mais je parle, disons, pour l'organisation médiane au Québec. Je pense que c'est vraiment une attitude comme, je veux me transformer, je veux bénéficier de cette technologie-là, mais il faut que je sois prêt à un peu absorber les coûts pendant quelques années.
Naïm Antaki
Si tu me permets des questions de suivi, est-ce que le bloqueur sera surtout cet executive sponsor, comment est-ce que tu fais? Est-ce que ça va être, you have to convince the executive sponsor first, ou bien juste…? Il y a des questions d'éthique, il y a des questions de risque. Normalement, where does it actually stop?
Dominique Payette
C'est une excellente question. Il y a beaucoup le débat du by-design. Est-ce que, les avocats, les fonctions de risque devraient être là tôt dans les projets ou non? Puis je suis mitigée face à la réponse, maintenant. Je pense que le by-design c'est un super bon concept, mais les projets d'intelligence artificielle c'est difficile à partir en ne tenant même pas compte des aspects juridiques et éthiques, obtenir la donnée, avoir les bonnes ressources en place. Moi, j'ai appris avec l'expérience que l'executive sponsorship du début, c'est vraiment, vraiment important. Quand on se rend, quand on est assez mature, le projet est assez mature pour discuter des aspects juridiques, des aspects éthiques, c'est super important de l'adresser d'une manière customized. On entend parler des biais algorithmiques, par exemple, comme problème avec le déploiement clients. Est-ce que ça s'applique au use case, au projet en tant que tel? Ça se peut que non. Donc, il faut vraiment s'adapter à la réalité du projet. Je dirais que les points clés ou les moments clés viennent un petit peu plus tard que la R et D pour les interventions juridiques et les fonctions de risque.
Naïm Antaki
Merci beaucoup. On parlait de long-term play. I'm zooming out a bit. Il y a certaines technologies qui permettent aux startups de commencer avec presque rien, d'aller rapidement à un proof of concept. Tu nous as parlé du fait, Chloé, que les technologies quantiques, c'est diverses choses, il y a diverses catégories. Il y a l'informatique, il y a les capteurs, etc. Est-ce que tu vois le quantique comme étant un long-term play comme le cleantech, par exemple? Ou bien c'est quelque chose où les gens peuvent assez rapidement déterminer, disons, trouver des solutions to the big problems?
Chloé Archambault
Bien, je reviens un peu à ce que j'ai dit tout à l'heure, il faut le prendre au cas par cas. Ce qui est du court terme pour moi peut être du long terme dans une autre industrie, par exemple, comme en AI. Moi, en fait, c'est un petit peu ce qu'on vise à faire avec notre fonds d'investissement, parce que, bon, je pense qu'avec ce que je vous ai expliqué, vous voyez que c'est une industrie assez risquée, c'est du long terme. Reste que mon travail, c'est de rapporter du rendement à mes investisseurs. Je n'ai pas le choix de considérer vraiment les aspects commerciaux, l'opportunité d'affaires. Une de nos façons de dé-risquer le portefeuille dans un contexte qu'on pourrait voir comme un peu plus risqué, c'est justement de taper dans les différentes catégories dont je vous ai parlé tout à l'heure, puis d'essayer de balancer ce qui est plus court terme avec le plus long terme, sachant que, comme je disais, le court terme pour moi, ça peut être du long terme pour d'autres. Court terme, pour moi, c'est une compagnie qui peut faire des ventes d'ici 18-24 mois. Faire des ventes, ça ne veut pas dire avoir 100 000 000 de chiffre d'affaires non plus. Ça veut dire en faire, commencer à en faire à gauche, à droite. Ça, c'est du court terme, pour moi. Donc oui, on vise de taper là-dedans, en tapant en même temps sur le long terme parce que, veut, veut pas, le long terme c'est le high risk, high reward, donc on essaie de balancer tout ça.
L'autre chose qu'on essaie de balancer, sachant que le marché est incertain, les compagnies ont beau nous faire des belles projections de vente de go to market, etc., il faut encore que le marché se place pour que tout ça se déploie réellement. Une façon de gérer ça, pour nous, bien, c'est de choisir des compagnies dans lesquelles on investit qui sont vraiment basées sur des technologies plateformes. Même si finalement le plan de match initial s'écrase parce que les choses ne passent pas comme ils voulaient, si la technologie à la base est assez solide puis permet de pivoter vers d'autres applications, d'autres marchés, bien, ça fait que la compagnie peut rester à flot. C'est aussi, contrairement à d'autres fonds d'investissement, on est encore très axés sur la technologie. C'est pour ça que dans notre fond, en fait, sur trois associés, deux des trois, on a un background en technologie quantique et un background technique, parce qu'on est encore à un stade où l'évaluation des compagnies et tout ça reposent beaucoup sur la technologie. Il faut comprendre ce qu'ils font pour l'évaluer, mais aussi pour pouvoir les aider.
Naïm Antaki
Merci. Je vais ajouter que c'est fascinant. Je parlais avec Yasmina que certains d'entre vous ont vue l'année passée avec Matt Roy aussi, juste le côté technologique de l'informatique quantique, pensée de manière complètement différente. Ce n'est pas des uns et des zéros, n'est-ce pas? Il faut vraiment y penser d'une manière complètement différente. Donc, justement, peut-être l'importance, comment est-ce que vous évaluez la propriété intellectuelle par rapport à ces projets-là? Est-ce que c'est un élément clé? Parce que je me dis, si vous investissez, vous devez investir dans les entreprises qui, selon vous, vont être là à long terme. Moi, si de mon côté je suis une entreprise qui regarde pour le quantique, je veux aussi m'assurer que ce n'est pas un fly-by-night. Alors, le but de ces questions, c'est simplement de voir qu'est-ce que vous faites de votre côté – puis peut-être c'est la propriété intellectuelle, peut-être c'est autre chose – qui fait que si éventuellement comme entreprise je voulais essayer un proof of concept de quantique, à quoi est-ce que je dois penser? Alors, je ne sais pas si tu peux en parler.
Chloé Archambault
La propriété intellectuelle est super importante. Ça revient un peu, bien, tu sais, quand je parlais de technologie plateforme qui peut pivoter, bien, à la base de ça souvent c'est de la propriété intellectuelle, c'est une propriété intellectuelle forte qui fait que justement on peut pivoter puis qu'on définit un avantage concurrentiel, on parle de technologie très complexe. Donc, typiquement il y a de la propriété intellectuelle. C'est quelque chose dans les projets de proof of concept qui est à négocier à chaque fois entre le client et le fournisseur de technologie. Évidemment, les startups, leur intérêt, c'est de garder au maximum leur propriété intellectuelle. Le client, bien, ça dépend. Est-ce que c'est quelque chose qu'il veut acquérir à l'interne ou pas? Donc, c'est toujours un enjeu assez important, oui.
Naïm Antaki
Parfait. Merci. Dominique, pour revenir à l'intelligence artificielle, ce n'est pas évident, très très honnêtement. L'intelligence artificielle bouge à 200 000 milles à l'heure, n'est-ce pas? Generative AI, on parle de ChatGPT, mais c'est déjà en novembre de l'année passée, maintenant il y a plein d'autres solutions. Donc, d'un côté, vous avez la technologie qui avance très rapidement. D'un autre côté, le cadre juridique, lui aussi est en train de changer. Est-ce que tu peux peut-être nous parler de ça? Qu'est-ce que tu vois comme étant les items clés d'un point de vue cadre juridique, puis comment est-ce qu'on fait pour gérer avec deux trains qui ne vont pas nécessairement dans la même direction, à la même vitesse?
Dominique Payette
Oui. C'est très difficile de se situer dans le cadre. Il y a beaucoup de parties du cadre normatif autour de l'intelligence artificielle qui n'est pas encore loi. C'est propre à chaque entreprise, à chaque organisation. Si on veut se prêter à l'exercice, par exemple, d'un framework comme NIST, il y en a beaucoup à travers le monde. Il faut se ramener à où on est, dans quelle juridiction. Moi, je suis devenue avocate en droit de la vie privée parce qu'il y a de très grandes connexions avec le droit à la vie privée. Ce n'est pas la seule connexion avec le droit, il y en a plein d'autres dont vous allez entendre parler aujourd'hui. Mais le droit à la vie privée au Canada, PIPEDA, les lois commerciales ou le GDPR en Europe informent beaucoup ce qui se passe autour de l'intelligence artificielle. Donc, ça, ça serait l'étape numéro un.
L'intelligence artificielle, bottom line, c'est l'utilisation de données, très souvent de données personnelles. La base, c'est le droit à la vie privée. Maintenant, il y a aussi par exemple les biais algorithmiques. Le cadre juridique au Canada en ce moment en place, ce sont les droits à l'égalité dans les différentes lois. Maintenant, il y a AIDA qui s'en vient, le AI and Data Act.
Naïm Antaki
C'est ça, la Loi sur l'intelligence artificielle et les données, en français.
Dominique Payette
Oui. Qui est un projet de loi, qui est au fédéral, qui impose pour l'intelligence artificielle à haut impact un test sur : est-ce que votre intelligence artificielle, votre modèle, crée un biais algorithmique qui est discriminant selon la loi? Donc ça, ça va venir imposer une couche additionnelle. Il y a des entreprises qui le font déjà, il y en a d'autres pour lesquelles ça va être complètement nouveau. Ça fait que ça, ça va être une autre partie à tenir en compte pour le cadre juridique.
Ensuite, il y a le droit commun. La responsabilité, les ententes commerciales entre les différents stakeholders, le supply chain. Ça fonctionne beaucoup par fournisseur, l'intelligence artificielle. Donc, comment on négocie les droits, qui est responsable. Ça, c'est hyper important. Ça aussi, ça trouve source dans le droit à la vie privée parce que les organisations, quand elles contrôlent les données personnelles, doivent s'assurer que quand elles ont des fournisseurs, il y ait le même niveau de contrôle lorsqu'elles partagent. Donc, moi, je suis beaucoup impliquée dans la négociation de contrats avec des fournisseurs d'intelligence artificielle. Puis il y a des nouvelles nuances qui sont très difficiles à aborder, parce qu'il y a des clauses contractuelles usuelles qui ne se prêtent pas bien maintenant aux débats qu'on peut avoir autour, par exemple, de l'anonymisation de la donnée, à quel point ça peut être anonymisé si le fournisseur doit se servir de la donnée.
Ensuite, on en parlait ce matin, la propriété de qu'est-ce qui sort, le output du modèle de l'intelligence artificielle. Tout ça, c'est à négocier, puis c'est un petit peu carte blanche, il n'y a pas beaucoup de benchmark. Les gens essayent de dire qu'il y a du benchmark, mais ce n'est pas vrai. Don't be fooled. C'est vraiment à nous, les conseillers juridiques, de forger ce type de droit en ce moment.
Naïm Antika
Merci. Tu parlais de biais algorithmiques, d'anonymisation et puis aussi de droits par rapport aux données. Si ça ne dérange pas, juste quelques questions de suivi par rapport à ça. Par où on commence? Comment est-ce qu'on peut même savoir s'il y a un biais algorithmique? Comment est-ce que tu choisis quand tu vois différents projets d'intelligence artificielle? Les billets algorithmiques, c'est la question la plus importante, il faut qu'on la règle maintenant tandis que d'autres… Écoute, il y a d'autres choses plus importantes à régler en termes de priorisation.
Dominique Payette
Absolument. Il y a un gros facteur à considérer, selon moi, mon opinion personnelle. C'est l'impact que la décision ou que le modèle a bien sur la personne. Malgré que ça pourrait, si on étire la sauce, avoir un impact. Les recommandations que YouTube Music me fait sur la musique, ça n'a pas un grand impact sur moi. Il y a des décisions médicales, financières, gouvernementales qui ont beaucoup d'impact. C'est vraiment comme un impact-based approach, selon moi. Encore une fois, les lois sur la vie privée essaient tant bien que mal, a little bit clumsily, d'adresser cet enjeu-là avec les droits autour des décisions automatisées. On voit dans le GDPR, on voit dans la loi québécoise, la loi 25, et également dans le C-27 qui s'en vient au fédéral, les décisions qui ont un impact sur les gens, mais les entreprises doivent avoir plus de transparence maintenant sur comment elles en sont venues à cette décision-là. Je veux préciser que ces dispositions-là sont agnostiques à la technologie, qu'il y ait AI ou non en arrière. Mais certainement ça aide un petit peu avec la transparence et à adresser et à penser au impact-based approach.
Naïm Antika
Merci beaucoup. Chloé, si tu me permets. On a parlé jusqu'ici de quantique, d'un côté, puis d'intelligence artificielle, de l'autre. Est-ce que tu as vu, dans le cours de ce que tu vois, des vases communicants entre les deux technologies?
Chloé Archambault
Eh bien, d'un point de vue technologique, il y en a. Il y a quelque chose qui s'appelle le quantum machine learning. C'est comment faire du machine learning sur un ordinateur quantique. À l'inverse, il y a plein de compagnies quantiques qui utilisent l'IA pour mieux développer leurs produits, pour développer du code informatique… code quantique de façon automatique. Donc, il y a l'IA pour le quantique et il y a la quantique pour l'IA. Après ça, je pense qu'il y a plein de parallèles qu'on peut faire aussi d'un point de vue des deux industries, je dirais. L'industrie quantique est probablement là où l'IA était il y a 15 ans peut-être. Je pense qu'on a beaucoup de choses, on parlait d'éthique ici, on en parle beaucoup, beaucoup en ce moment autour de l'IA. En quantique, ça commence à se parler aussi. Je pense qu'on a beaucoup de choses à apprendre. Le problème n'est pas aussi éminent dans notre cas, mais il ne faut pas s'asseoir puis attendre, puis se réveiller dans 10 ans et dire, oh, merde, je n'ai pas pensé, je n'ai pas considéré ces aspects-là. Ça fait que c'est maintenant qu'il faut penser à tout ça.
Naïm Antika
Merci beaucoup. Justement, les leçons, est-ce que… Évidemment, l'intelligence artificielle est à un stade plus avancé. Qu'est-ce que vous voyez comme leçon qu'on pourrait peut-être tirer de ce qui a été fait en intelligence artificielle, et même ce qui n'a pas été fait? On peut parler du cadre juridique, mais on peut parler de l'environnement d'affaires, le soutien par différents gouvernements, l'adoption, etc. Puis qu'on pourrait appliquer aux quantiques? Parce que – Dominique en parlait puis Chloé aussi ce matin –, qu'un projet marche ou pas, il y a toujours quelque chose à en tirer. Donc, qu'est-ce qu'on peut tirer de l'IA, puis qu'on pourrait éventuellement appliquer aux quantiques?
Chloé Archambault
C'est quelque chose qu'on a vu beaucoup, le côté humain, je dirais, autour de l'IA. C'est le brain drain, tous nos talents qu'on avait au Québec, qui se sont fait recruter de l'autre côté de la frontière. C'est quelque chose auquel on est très sensible, je dirais, en quantique. On commence à le voir, parce que la réalité, c'est que les ingénieurs quantiques, l'offre est définitivement en bas de la demande. Donc, les jeunes graduent, puis ils se font offrir des jobs à 150 000 aux États-Unis à 23 ans. Donc, il faut y faire attention. Je n'ai pas la solution miracle. Je serais très heureuse d'apprendre de la communauté d'IA les leçons à apprendre. Moi, je dirais, notre approche, c'est d'essayer de créer un écosystème complet au Québec qui leur donne le goût de rester au Québec, qui n'est pas une entreprise unique qui embauche tout le monde, mais un écosystème de joueurs avec différents services, etc. Donc, c'est un petit peu là-dessus qu'on mise, mais on a certainement beaucoup à apprendre aussi de l'IA.
Naïm Antika
Merci. Dominique, qu'est-ce que t'en penses, de ton côté?
Dominique Payette
Ta réponse est super intéressante. Je n'avais pas pensé à cet angle-là, qui a été et qui est encore un gros problème en intelligence artificielle. Je vais donner une réponse avec la perspective du Responsible AI, qui est peut-être un petit peu plus mature que les conversations. Donc, tu dis, il y a beaucoup de conversations autour de l'éthique. Moi, deux grandes leçons ou deux et demie grandes leçons que j'applique maintenant suite à mon cheminement puis les erreurs que j'ai commises à essayer de mettre en place de tels programmes. Premièrement, c'est de ne pas adresser ça en vase clos ou en vacuum, on comme on dit en anglais, comme si Responsible AI, c'était quelque chose d'entièrement nouveau. Ce n'est pas vrai, il y a plein de composantes qui existent déjà. Le droit à la vie privée, c'est mon exemple numéro un. Mais dans les banques, il y a toute une équipe autour des risques de modèles. Donc, la modélisation est réglementée par OSFI, il y a une équipe de validation. Ça, c'est un autre exemple. La propriété intellectuelle. Tous ces aspects-là, moi-même j'ai commis des erreurs. Au début, on pensait au Responsible AI comme quelque chose de totalement nouveau, quand ce n'est pas le cas. On aurait dû impliquer dès le début tous les experts. Peut-être qu'ils ne se connaissent pas en IA, mais qui sont tellement knowledgeable dans ces domaines-là. Ça, c'est ma première leçon.
La deuxième, c'est de ne pas mettre une solution sans problème. J'en ai parlé un petit peu au début. C'est important d'être proportionnel dans nos efforts, de conseiller et puis de ne pas mettre un énorme plan de gouvernance en place quand l'entreprise a de la difficulté à partir un proof of concept. Il faut s'adapter au stade et à l'évolution de l'intelligence artificielle. On peut être très enthousiasmé sur l'éthique, c'est important puis il faut tout vérifier, mais ça peut mettre un sérieux frein à l'innovation si on met, comme je dis, la solution gouvernance avant même que la compagnie soit en mode déploiement.
Naïm Antika
Merci beaucoup, Dominique. Chloé, est-ce qu'il y aurait une ou deux choses dont les entreprises devraient se rappeler? Je sais qu'on a fait un très beau tour d'horizon. Merci beaucoup à vous deux. Un message clé, quelque chose? Une priorité par rapport au quantique, si je suis une entreprise, je suis intéressée par le quantique? Je comprends que c'est différent, puis que ce n'est pas la même chose que les ordinateurs actuels. Quelles seraient peut-être les prochaines étapes pour moi?
Chloé Archambault
C'est des technologies qui peuvent faire peur, parce que oui c'est très complexe. L'important, c'est de s'entourer. Il y a plein d'experts, il y a des compagnies qui se spécialisent à accompagner d'autres compagnies dans cette transformation pour se familiariser avec les technologies. Donc, il ne faut pas essayer de faire les choses tout seul dans son coin, puis il faut aller chercher les expertises là où elles existent.
Naïm Antika
Parfait. Dominique, je me rappelle bien de tes deux conseils et demi.
Dominique Payette
Tant mieux.
Naïm Antika
J'aimerais beaucoup les entendre.
Dominique Payette
Encore une fois, je piggyback sur toi, Chloé, avec l'angle de Responsible AI, c'est de ne pas avoir peur de la multidisciplinarité. À titre de conseiller juridique, parfois il y a un réflexe de vouloir juste répondre de notre angle, parce que c'est un des angles les plus importants, mais c'est important de travailler avec les gens qui font la technologie, de bien la comprendre. C'est important de travailler avec les autres fonctions de risque. Parce que c'est impossible de répondre à une question, par exemple, autour des biais algorithmiques sans avoir ton counterpart qui a développé la technologie. C'est trop complexe, c'est trop sophistiqué pour y répondre juste de manière juridique. La réponse va être trop théorique. Donc, c'est vraiment de ne pas avoir peur de travailler de manière multidisciplinaire.
Naïm Antika
Parfait. Je vous remercie beaucoup pour votre générosité par rapport au marché, où on est rendu, puis ces conseils très, très pratiques autant pour le quantique et l'intelligence artificielle. Honnêtement, c'était un défi pour ce panel, comment est-ce qu'on peut parler de quantique et d'intelligence artificielle en même temps. J'apprécie beaucoup vos commentaires.
Période de questions non transcrite
Panel 2 – L'intelligence artificielle : quels sont vos risques en tant que fabricant, développeur et commerçant?
Milan Caplan, associée
Julia Kappler, avocate
Naïm Antika
Je vais inviter Mila Badran, qui est associée en litige, et Julia Kappler , qui avocate en droit de la publicité à venir nous joindre pour un deuxième panel, où on va parler à ce moment-ci de l'intelligence artificielle et de la question des risques. Puis encore là, pourquoi est-ce qu'on a pensé à ce panel? Très souvent, on pense à l'intelligence artificielle comme étant quelque chose de complètement intangible. Les logiciels, etc. Mais c'est rare que ça soit uniquement le cas. Très souvent, c'est intégré dans des produits, c'est intégré dans quelque chose de physique. Puis, traditionnellement du moins, il y a trop longtemps, quand j'étais à l'école, à l'université, à la faculté de droit, on parlait de la responsabilité du fabricant, les produits. Puis ensuite, les services, c'était quelque chose de complètement différent. Maintenant, on le sait très bien, les gens qui vendent des produits veulent que ça soit des services. Les gens qui vendent des services veulent que ça soit des produits. Laura est en train d'avoir peut-être une apoplexie d'un point de vue du droit fiscal, parce que c'est une grande différence pour les deux. Mais c'est dans cette optique qu'on se disait, bien, qu'est-ce qui se passe quand un logiciel est intégré à un produit? Alors, sur ce, Mila et Julia.
Julia Kappler
Merci, Naïm. Bonjour à tous. Dans notre époque caractérisée par des avancées technologiques rapides, la convergence de l'intelligence artificielle et des produits physiques a donné naissance à une nouvelle vague d'innovations et de possibilités. Les dispositifs et systèmes alimentés par l'IA sont désormais intégrés de manière transparente dans les produits de tous les jours, qu'il s'agisse de véhicules autonomes, d'appareils ménagers intelligents, d'appareils médicaux ou de certaines applications sur nos téléphones cellulaires. Ces avancées promettent de nouvelles opportunités dans tous les secteurs, mais elles soulèvent également des questions cruciales sur la responsabilité des fabricants, développeurs et commerçants qui offrent ces produits. Quant à l'encadrement juridique de ces avancées, comme est souvent le cas, la technologie évolue plus vite que la loi. Certaines juridictions à travers le monde ont récemment commencé à réglementer de manière explicite l'intelligence artificielle. Par exemple, en 2021, la Commission européenne a proposé la Loi sur l'intelligence artificielle. Cette loi demeure toujours en processus d'adoption, mais, si adoptée, constituera le premier cadre à grande échelle au monde sur l'utilisation de l'IA.
Au Canada, comme mentionné lors de la dernière présentation, le gouvernement fédéral a récemment présenté la Loi sur l'intelligence artificielle et les données contenue dans le projet de loi C-27. Mais lorsqu'on parle de responsabilités du fabricant ou du vendeur régies par le droit provincial, on voit qu'il n'existe aucun régime analogue au Québec. La province a récemment adopté ou proposé des lois qui touchent à l'utilisation de l'IA dans quelques contextes très précis. On peut penser, par exemple, aux règles sur la prise de décisions automatisées impliquant des renseignements personnels contenus dans la Loi 25, aux restrictions sur l'obsolescence programmée se trouvant dans le projet de loi 29 qui a été déposé plus tôt cet été.
Mais sur la question de la responsabilité générale d'un fabricant, développeur ou commerçant lors de la mise en marché et la promotion des produits incorporant l'IA, il n'existe pas encore de cadre juridique particulier au Québec. Afin d'analyser les risques et de déterminer la marche à suivre, il sera donc nécessaire d'appliquer le régime général à cette nouvelle sphère, ce qui laisse place à beaucoup d'interprétations et d'incertitudes. Avec vous aujourd'hui, nous aborderons la responsabilité des fabricants, développeurs et commerçants en deux temps : lors de la vente des produits incorporant l'IA et, ensuite, lors du marketing de ces produits. Pour vous parler du premier sujet, je vais céder la parole à ma collègue, Mila.
Mila Badran
Bonjour, tout le monde. Comme Julia vient de mentionner, il n'y a pas encore vraiment de décision des tribunaux du Québec qui s'est penché sur le régime juridique qui est applicable en matière de produits et services qui intègrent l'intelligence artificielle. On est encore dans un flou juridique actuellement et on va appliquer les règles pour l'instant générales. Aujourd'hui, je vais aborder ça en deux temps. Un, je vais aborder trois types de contrats qui, selon nous, sont les plus communs dans lequel l'intelligence artificielle pourrait être intégrée. Et, dans un deuxième temps, je vais passer à travers les régimes de responsabilité qui sont applicables pour ces trois types de contrats. Évidemment, vu le temps limité, je vais vraiment y aller juste de manière en survolant les principes généraux.
La qualification du contrat intégrant l'IA, c'est vraiment la première étape. Comme on disait, il reste encore une incertitude sur comment les tribunaux du Québec vont qualifier le contrat qui intègre l'intelligence artificielle. On peut considérer l'IA comme faisant partie intégrante d'un bien ou d'un service et, donc, on le voit vraiment comme un tout. C'est l'approche que je vais prendre aujourd'hui, quand je vous explique les exemples, parce que, je pense, c'est peut-être la façon la plus logique. Par contre, il va être intéressant de se demander, si plutôt de le voir comme un tout, est-ce qu'on pourrait vraiment qualifier le système d'intelligence artificielle vraiment comme un système distinct en soi et on le voit vraiment juste comme un algorithme ou une formule? Ça va probablement faire l'objet d'un débat, mais pour l'instant allons-y par analogie et hypothèse, et ça va vraiment être une analyse au cas par cas.
Premier exemple. Un bien physique qui intègre l'IA. On prend, par exemple, un système d'intelligence artificielle qui est intégré vraiment dans un bien physique. On va voir que l'IA ajoute seulement une fonctionnalité au bien. Le bien conserve ses propriétés. Donc, on va toujours le considérer comme un bien et donc ça va être le contrat de vente d'un bien qui va s'appliquer. Des exemples. Il y a le cas classique de la voiture autonome. On va que l'IA va être seulement une fonctionnalité qui est ajoutée au véhicule. Donc, ça ne change pas son essence, ça reste une voiture. Dans ce cadre-là, on peut penser à la caméra de reculons ou qui délimite l'environnement, qui va aider le conducteur à stationner. On peut penser aussi à l'autopilote qui va faire conduire de manière autonome la voiture. Actuellement, par exemple, aux États-Unis, notamment au Texas, il y a des recours qui ont été intentés par des consommateurs contre des fabricants de véhicules autonomes, parce qu'ils allèguent qu'il y a une défaillance dans l'autopilote, parce que ç'a créé des accidents et ç'a causé des dommages. On imagine qu'un jour, lorsque ça va arriver au Québec, ça va être le même cas. On peut penser aspirateur robot. Ils vont utiliser des algorithmes pour cartographier les espaces et éviter les obstacles. Dans les entreprises, il y a des robots industriels qui vont être utilisés pour optimiser la fabrication et l'assemblage. Ça, c'est tout ce qui est bien physique qui intègre l'IA.
Un autre exemple, ce serait des logiciels ou des applications dans lesquels l'IA est intégrée. Ici, on serait en présence d'un contrat de licence, dans la mesure où le développeur ou concepteur du logiciel ou de l'application va demeurer propriétaire du logiciel et l'utilisateur va seulement avoir un droit d'usage du logiciel selon certaines modalités, ou selon certains paiements si le logiciel est payant. La ligne est mince à tracer entre un contrat de licence ou un contrat de service. Par exemple, un logiciel de traduction qui utilise l'intelligence artificielle, on voit ça de plus en plus, dans ce cadre-là le logiciel qui utilise l'intelligence artificielle, on voit qu'apparemment ça peut traduire très de 30 000 mots la minute. On voit vraiment qu'il peut y avoir un avantage. Mais avec ce qui est dit dans les décisions des tribunaux dans les dernières années et tout ça, lorsque le contrat va prévoir que le logiciel doit être adapté aux besoins spécifiques d'un client où on offre des services de consultation ou d'intégration du logiciel dans un environnement spécifique au client, on va être plutôt dans un contrat de service et pas nécessairement un contrat de licence. Donc, c'est vraiment une analyse au cas par cas et, de plus en plus, on va peut-être aller plus vers le contrat de service parce que les logiciels vont être amenés à offrir aussi là d'autres services de mise à jour, de hosting et tout ça.
Un développement récent au Québec, qui est intéressant à souligner. Vous avez peut-être entendu parler de l'action collective au Québec qui a été intentée contre le concepteur de jeux vidéo Fortnite. En fait, les demandeurs, c'est des parents d'enfants mineurs qui poursuivent et allèguent que le jeu Fortnite crée une dépendance, une haute dépendance qui pourrait être semblable à la cocaïne. Pour l'instant, il n'y a pas de jugement sur le fond du dossier, mais au stade de l'autorisation de l'action collective, la Cour supérieure, le juge Lussier est venu dire qu'un jeu vidéo doit être considéré comme un bien. Il est à noter que le concepteur Epic Games est allé en appel de la décision et la Cour d'appel a, heureusement ou malheureusement, rejeté l'appel, ce qui fait en sorte concrètement que si on commence à traiter un jeu vidéo ou peut-être éventuellement un logiciel ou une application mobile comme un bien, à ce moment-là ça va être les règles du régime de la vente et du fabricant qui va s'appliquer. Comme on va voir dans les prochaines minutes, si on est considéré comme un fabricant au Québec, bien, on a beaucoup de responsabilités et il y a de lourdes conséquences. Pour l'instant, on va évidemment suivre l'évolution de ce dossier, mais ça pourrait changer la donne.
Prochain type de contrat, ça pourrait être le service qui était l'IA. L'IA va être étudiée pour améliorer du service à la clientèle ou va permettre une assistance dans la prise de décision. On serait en présence d'un contrat de service dans ce cas-là. On peut prendre l'exemple de ChatBot sur un site Internet, où on voit le pop-up qui sort sur le côté du site Internet, qui dit « Bonjour, comment puis-je vous aider? » Et là, ça peut être l'intelligence artificielle qui est utilisée pour répondre à vos questions. Un autre exemple, il y a le fameux ChatGPT, vraiment qui a un peu propulsé l'IA dans les derniers mois, qui va donner une assistance à différents sujets, une assistance à créer des documents ou du contenu. Donc, ça pourrait être aussi vu comme un contrat de service. Et vous avez peut-être entendu parler de l'application Parky.AI dans les derniers mois. C'est une application mobile qui a été développée par une entreprise montréalaise. Ç'a passé dans les journaux et à la télévision, et là on voit quelques exemples de l'application mobile qui utilisent l'intelligence artificielle pour lire et déchiffrer des panneaux de stationnement à Montréal. Comme on sait, c'est très difficile souvent de comprendre les panneaux. Donc, l'entreprise montréalaise a créé cette application qui utilise l'intelligence artificielle. Ce qui est intéressant avec cette application, ils offrent une assistance virtuelle à vous aider à stationner. Mais on va voir dans les termes et conditions et avant que vous preniez la photo pour le panel, ils vont vous dire que la supervision humaine est encore nécessaire. Donc, vous prenez la décision ultime de stationner, de regarder aux alentours, est-ce qu'il y a des signaux temporaires et ainsi de suite. Donc, vous êtes encore le seul qui prenez la décision, mais à tout le moins ça aide et apparemment ça aide beaucoup, parce que beaucoup de gens l'utilisent.
Donc, une fois qu'on parle des types de contrats, appliquons ça au régime de responsabilité. Encore là, c'est un peu ce qu'on voit actuellement, mais ça pourrait très bien changer à travers le temps puis selon ce que les tribunaux vont déterminer. Qu'est-ce qui arrive dans le cas où le système d'intelligence artificielle fait défaut? Il y a une défaillance. Est-ce qu'on va être tenu responsable? Une chose, c'est si ça cause un préjudice à un tiers, on pourrait être tenu responsable envers ce tiers. Exemple classique, voiture autonome qui fonce chez le voisin. Le voisin pourrait très bien poursuivre le fabricant automobile pour dire, bien, ton autopilote ne fonctionnait pas bien. Il pourrait y avoir aussi la possibilité où on soit tenu responsable envers notre client, donc celui qui a acheté ou qui utilise le bien ou service. Un point qui est important, c'est que la loi qui va être applicable va dépendre du type de client. Probablement vous savez, si on est dans le cadre d'un client qui est une entreprise, c'est les règles générales du Code civil du Québec qui vont s'appliquer. Mais si le client est un consommateur, à ce moment-là, on va aussi avoir la Loi sur la protection du consommateur qui va s'appliquer de manière obligatoire et automatique. On ne pourra pas y déroger. Il y a aussi des règles spécifiques pour d'autres types de contrats que je ne vais pas aborder aujourd'hui, je vais vraiment me concentrer sur les trois types de contrats dont je vous ai parlé.
Premier. Responsabilité du fabricant, vendeur professionnel. Ce régime s'applique à toute la chaîne de distribution, qu'on parle du vendeur professionnel, du distributeur du bien ou du fabricant. Selon la LPC, on va parler plutôt de commerçant, mais c'est la même chose. Pour les fins d'aujourd'hui, je vais parler de fabricant pour que ça soit plus facile à comprendre. Le fabricant est tenu à des garanties légales de qualité. En d'autres mots, c'est des garanties contre les vices cachés. Le bien, en d'autres mots, doit fonctionner selon un usage normal et pendant une durée raisonnable. En matière d'IA, ce qui est intéressant à se demander, c'est quel est l'usage normal? On sait qu'IA est une machine learning, c'est un algorithme qui est basé sur des probabilités. On sait tous qu'actuellement ce n'est pas très fiable toujours et qu'il y a un risque d'erreur.
Est ce qu'on pourrait dire que l'usage normal, c'est normal qu'il y a des erreurs et à ce moment-là le fabricant pourrait dire « bien, c'est normal qu'il y a des erreurs, donc je ne suis pas responsable s'il arrive quelque chose »? C'est sûr que le fabricant pourrait dire, c'est comme s'il y a un consentement implicite au risque parce que tu le sais que tu l'utilises, mais que ce n'est pas fiable. C'est des questions intéressantes qui ne sont évidemment pas encore répondues. On va voir avec le temps comment les tribunaux vont interpréter ça.
Autre point qui est très important au Québec et qui distingue les provinces de common law et quand des fabricants et entreprises viennent me voir, ils sont très, très surpris avec ça. C'est ce qu'on appelle le régime de présomption légale, au Québec, qui est très, très distinct du reste des provinces.
Première présomption, c'est que le bien est présumé affecté d'un vice, lorsque le bien est se détériore prématurément à comparer à des biens similaires. Concrètement, ce que ça veut dire, c'est qu'un acheteur achète un bien, ça ne fonctionne pas bien après quelque temps, donc il doit seulement prouver que le bien a fait défaut de manière prématurée. À ce moment-là, il y a un renversement du fardeau de la preuve. Ce que ça veut dire, c'est que c'est le fabricant qui doit démontrer que la cause ne lui est pas imputable et doit prouver c'est quoi la cause, comparativement aux autres provinces où c'est le demandeur qui doit prouver c'est quoi la cause de la problématique. Donc, ce qui fait en sorte que si le fabricant n'arrive pas à trouver la cause parce que le bien a brûlé, par exemple, il va être tenu responsable malgré tout.
La deuxième présomption, c'est que le fabricant est présumé connaître le vice, donc un peu comme s'il est de mauvaise foi. Concrètement, ce que ça veut dire, c'est qu'il va non seulement être responsable des dommages sur le bien, par exemple il doit réparer le bien, le remplacer, rembourser, mais aussi il va être responsable des dommages accessoires. Par exemple, pour une entreprise, si elle a une perte de profit, une perte de revenus, le fabricant peut être tenu responsable aussi de ces dommages-là à cause de la présomption légale.
Un autre point important du fabricant, c'est qu'il est responsable en cas de défaut de sécurité, notamment en raison d'un vice de fabrication ou de conception ou, par exemple, s'il n'a pas suffisamment fourni des indications sur les risques et dangers de son produit ou sur les moyens pour les éviter. En pratique, le fabricant va remplir son devoir d'information en remettant, par exemple, un manuel d'instruction avec les consignes d'utilisation, les consignes d'entretien sur l'étiquetage, des autocollants sur le bien dans le contrat ou dans les termes et conditions. Dans le cadre de l'intelligence artificielle, si on transpose ça, un des conseils qu'on pourrait vous donner, c'est qu'il serait prudent, selon nous, que le fabricant divulgue l'ensemble des risques et dangers du système d'IA. Donc, indiquer clairement que l'intelligence artificielle est intégrée au bien, indiquer c'est quoi les risques, les limites de l'intelligence artificielle. Même dire que le résultat n'est pas garanti, n'est pas exempt d'erreurs. Parler du degré ou du niveau d'autonomie, est-ce qu'on a encore besoin d'une supervision humaine? Qui prend la décision ultime? C'est tous des éléments qui devraient être inclus pour à tout le moins limiter les risques.
Est-ce que tous ces avertissements dans un contrat vont suffire pour décharger le fabricant de toute responsabilité? En toute honnêteté, probablement non, mais selon le degré de sécurité ça peut à tout le moins limiter les risques. Si on parle, par exemple, un degré de sécurité par rapport à une voiture autonome versus une télévision qui a un système d'intelligence artificielle qui est intégré et qui va juste suggérer des films ou des émissions, le degré de sécurité aussi est différent.
Moyen d'exonération pour le fabricant, on vient d'en parler, démontrer que la cause du problème est externe. Par exemple, l'utilisateur n'a pas suivi les consignes d'utilisation ou d'entretien. Un autre moyen qui est intéressant, c'est que le fabricant démontre que le vice ne pouvait pas être découvert lors de la mise en marché du produit, parce que l'état des connaissances scientifiques et techniques ne le permettait pas. C'est un moyen d'exonération qui a été soumis par la Cour suprême. Par contre, en pratique, dans les faits, le test est extrêmement élevé et il a été extrêmement rare où les tribunaux ont permis cet argument, parce qu'ils considèrent que le fabricant est un expert ultime et il a pu faire tous les tests possibles avant de mettre en marché son produit. Malgré tout, dans le cas de l'intelligence artificielle, ce moyen d'exonération est peut être intéressant parce qu'on sait tous qu'actuellement l'intelligence artificielle est encore en plein dévotement et en pleine expansion. Reste à voir si les tribunaux vont rester aussi sévères avec un fabricant qui intègre l'intelligence artificielle.
Dernier point qui est important. Sachant tout cela, est-ce que le fabricant peut exclure ou limiter sa responsabilité par une clause contractuelle ou même plafonner sa responsabilité? Réponse courte, non. En vertu de la LPC, une telle clause de limitation de responsabilité n'est pas valide. En vertu du Code civil, compte tenu que le fabricant est réputé avec la présomption que je vous expliquais un peu plus tôt, il est réputé connaître le vice, puis à ce moment-là il ne peut pas non plus exclure ou limiter sa responsabilité par une clause contractuelle, parce qu'il est comme un peu de mauvaise foi, parce qu'il est présumé connaître qu'il y a un vice qui affecte son bien au moment de la vente. La seule petite exception qu'on pourrait voir, c'est si finalement le fabricant arrive à démontrer qu'il ignorait le vice à cause de l'état des connaissances scientifiques et techniques. Mais comme on vous expliquait, en pratique, c'est pratiquement impossible.
Je vous parlais un peu plus tôt du contrat de licence, contrat de service. Les règles sont sensiblement similaires. Le contrat de licence, par contre, ce qui est intéressant de noter, c'est un contrat innommé. Ce n'est pas prévu spécifiquement dans le Code civil du Québec. Donc, on va appliquer les règles de droit commun qui sont prévues dans le Code civil. Les obligations du développeur vont trouver leur source dans le contrat. Il est très important que le contrat soit bien rédigé dans le cas d'un contrat de licence, notamment au niveau de ce que le développeur est tenu de fournir, mais aussi prévoir les spécifications, les fonctionnalités, les modalités d'utilisation, d'entretien, qu'est-ce qui arrive s'il y a des arrêts de service, les mises à jour. Comme je vous indiquais un peu plus tôt, aussi il faudrait émettre des réserves sur les capacités et les limites de l'intelligence artificielle qui est intégrée dans un logiciel. Tout ça pour, en fin de compte, limiter le plus possible les représentations et garanties et limiter les risques au niveau de la fiabilité du système qui intègre l'intelligence artificielle.
Il y a aussi des obligations implicites, évidemment : bonne foi, agir avec équité. Dans le cas où c'est un logiciel qui est offert plutôt à un consommateur. Souvent, on parle d'un logiciel qui est développé pour un marché de masse. C'est un peu la même chose, le développeur va être responsable en vertu de la LPC des représentations et garanties qui sont données et des conséquences de son fait personnel, en l'occurrence le logiciel qui est offert. Si on prenait l'exemple un peu plus tôt du logiciel de traduction d'intelligence artificielle, si on le considère comme un contrat de licence, ça pourrait être aussi un contrat de service dans certains cas, ce que je suggérerais, ce serait utile d'indiquer par exemple dans les termes et conditions et dans un contrat que le client va rester responsable de relire et de s'assurer que la traduction fonctionne. S'il y a une erreur dans la traduction, est-ce que le développeur va être responsable? La réponse va sûrement être notamment dans le contrat ou aussi, par exemple, le nombre d'erreurs. Finalement, si dans le document qui est traduit il y a une ou deux erreurs, on va dire, bien, c'est normal, c'est l'IA. Mais si c'est bourré de fautes, le document n'est même pas utilisable, bien, en quelque sorte le logiciel n'est pas fonctionnel. Donc, il y a des distinctions ici à faire.
Finalement, il y a le contrat de service. C'est régi, par contre, par le Code civil, et le prestataire de services est tenu au mieux des intérêts du client avec prudence et diligence. Les obligations vont être aussi prévues dans le contrat. Donc, toujours important d'avoir un contrat qui est bien rédigé. Il va avoir aussi des obligations implicites : règles de l'art, normes de l'industrie. Il est intéressant de noter que les tribunaux ont déjà reconnu et déterminé que la conception et l'installation d'un logiciel afin de le rendre fonctionnel dans un environnement spécifique au client est une obligation de résultats, ce qui fait en sorte que le développeur est obligé à un résultat, que le logiciel soit fonctionnel et la seule manière pour s'exonérer, le développeur du logiciel peut prouver la force majeure.
Parfois, on va voir le prestataire de services plutôt comme avoir une obligation de moyens, donc prendre les moyens raisonnables. À ce moment-là, je pense que ça pourrait s'appliquer à l'IA, parce qu'on sait que c'est basé sur des algorithmes et que ce n'est pas nécessairement fiable. Donc, peut-être que les tribunaux vont dire, bien, à ce moment-là on est plus avec une obligation de moyens et donc on doit juste prouver qu'on était prudent et diligent et on n'est pas tenu à une obligation de résultat.
Pour finir, est-ce qu'une clause de limitation des responsabilités serait valide dans le cas d'un contrat de licence, contrat de service? La réponse courte, c'est : ça dépend. Si c'est un contrat de gré à gré, un contrat qui a été librement négocié entre deux entreprises, une clause de limitation pourrait être valide sous réserve des exceptions qui sont prévues par la loi. Tu ne peux pas te dégager de ta responsabilité si c'est un préjudice physique, moral, pour une faute intentionnelle comme la fraude, ainsi de suite. Si on est dans un contrat d'adhésion, donc le développeur, le prestataire de service a imposé son modèle de contrat sans pouvoir négocier, une telle clause n'est pas valide. Finalement, pour la LPC ce n'est jamais valide. Si on prend l'exemple d'un assistant virtuel sur un site Internet et on lui demande, bon, bien, je veux tel ou tel produit, combien ça coûte? Il te donne une réponse. Finalement, il y a une erreur dans le prix, il manque un zéro. Est-ce qu'ils vont être obligés de donner le prix qui est affiché, donc un prix plus élevé? C'est une intéressante question. Je vais laisser ma collègue Julia y répondre.
Julia Kappler
Oui, bien, en fait, les représentations concernant les prix sont réglementés expressément par la LPC, laquelle prévoit qu'il est interdit de vendre à un prix supérieur à celui annoncé. Donc, ici, si on est en train de donner un prix sur notre site Web, mais de charger plus cher au moment de la vente de l'achat, on ne sera pas conforme à la loi. Si le logiciel qui a donné ce prix a été créé par un tiers, ça se peut que le commerçant aurait un recours contre lui, selon les principes que Mila vient de discuter. Mais face au consommateur qui utilise son site puis qui essaie de faire l'achat, puis tu peux être chargé plus cher, c'est sûr que le commerçant pourrait se retrouver en infraction.
Mila Badran
OK. Justement, en parlant de représentation qui était effectuée au moment de la vente, c'est important de voir à ce moment-là quelles sont les représentations et garanties qui sont faites aussi lors de la publicité et des techniques de marketing. Je vais laisser céder la parole à ma collègue pour cette partie-là.
Julia Kappler
Merci, Mila. Comme nous l'avons mentionné tantôt, ces jours-ci l'intelligence artificielle est vendeur, c'est sexy. Dans leur quête pour conquérir le marché, des entreprises cherchent à capitaliser sur l'attrait indéniable de l'IA. Mais bien que l'intelligence artificielle peut être une alliée puissante de ceux qui veulent vendre leurs produits, lorsqu'on en parle, il faut quand même respecter les règles générales régissant la publicité et les déclarations faites au public. Au Québec, ces règles émanent de la Loi sur la protection du consommateur, ou LPC, ainsi que de la Loi sur la concurrence fédérale. Comme commentaire préliminaire, les règles dont nous allons discuter aujourd'hui s'appliquent aux publicités de manière générale. La LPC définit un message publicitaire comme étant un message destiné à promouvoir un bien, un service ou un organisme au Québec. Cette définition a donc une portée très large. En plus de la publicité au sens traditionnel, comme des panneaux d'affichage ou des annonces à la télévision ou à la radio, ça englobe aussi des choses comme des sites Web d'entreprises, le contenu publié sur leur compte de médias sociaux et même les emballages de produits. Nous allons maintenant aborder rapidement quelques-unes des principales règles à considérer lorsque vous annoncez vos biens ou vos services qui incorporent l'IA.
Tout d'abord, la règle d'or régissant la publicité au Canada, c'est qu'il est interdit de faire une représentation fausse ou trompeuse sur un point important. Pour évaluer la véracité d'une représentation, il faut considérer deux choses : 1) le sens littéral des mots utilisés, et 2) pour citer la Cour suprême, l'impression générale que la représentation est susceptible de donner au consommateur crédule et inexpérimenté qui ne prête rien de plus qu'une attention ordinaire à ce qui lui saute aux yeux lors d'un premier contact. Il s'agit donc d'un seuil très bas. La question n'est pas quelle sera l'impression donnée à une personne qui lit attentivement chaque détail du message ni celle qui sera donnée à un consommateur qui connaît bien votre industrie ou vos produits, ou aussi qui est expert en intelligence artificielle. C'est un seuil beaucoup plus bas que ce que l'on retrouve dans certains autres pays. Au Canada, les déclarations sont interprétées de manière littérale. Il n'y a pas de place pour l'exagération. De plus, toute représentation que vous faites sur le rendement, l'efficacité ou la durée de vie utile d'un produit doit être basée sur une épreuve suffisante et appropriée.
Prenons l'exemple d'un dispositif de détection de piétons dans une voiture. Ceci est un système qui utilise l'intelligence artificielle pour détecter les piétons et freiner automatiquement lorsque quelqu'un est détecté dans la trajectoire du véhicule. Si on était pour faire une déclaration à l'effet que, par exemple, ce système détecte 99 % des piétons qui se trouvent à 3 mètres ou moins du véhicule. On doit avoir fait des tests selon des méthodes appropriées qui démontrent bien que cela est le cas. Il ne suffit pas d'être convaincu sans avoir testé ou d'avoir des données anecdotiques qui indiquent que ce soit le cas. On ne peut pas non plus attendre de se faire questionner avant d'effectuer les tests, on doit les faire en amont avant de faire la représentation.
Un autre point à considérer est l'utilisation des mentions légales ou des disclaimers. Ici, la règle, c'est qu'une mention légale peut être utilisée pour clarifier un message ou pour y faire des ajouts, mais ne peut pas contredire le message contenu dans une annonce. Donc, si on reprend notre exemple, on ne pourrait pas affirmer que le système d'intelligence artificielle détecte les piétons en tout temps et ensuite inclure une mention légale à l'effet que le dispositif ne fonctionne pas s'il pleut, s'il neige ou si la visibilité est autrement réduite. Cette mention vient rendre fausse la déclaration. Le système ne détectera pas les piétons en tout temps. Il faudra donc modifier l'affirmation pour que ce soit véridique.
Voici rapidement quelques-uns des principes généraux à garder en tête lorsque vous annoncez des biens incorporant l'intelligence artificielle. Bien sûr, les règles qu'on vient de mentionner ne sont que la pointe de l'iceberg. Il existe de nombreuses autres considérations qui vont dépendre de la nature du produit que vous vendez, la façon dont vous l'annoncez, etc. On abordera maintenant quelques considérations qui vont s'appliquer lorsque vous utilisez l'intelligence artificielle pour créer vos messages publicitaires. C'est sûr que l'essor de l'IA générative offre de nombreuses possibilités aux entreprises désirant promouvoir leurs produits. Mais encore une fois, l'utilisation de cette nouvelle technologie n'est pas sans risque. Les pièges potentiels sont nombreux et on ne pourra pas tous les adresser ce matin. Nous allons limiter notre discussion aux risques inhérents au matériel en soi. Parce que les images sont plus parlantes que les mots, nous allons illustrer les risques à travers deux exemples de publicité créées par l'intelligence artificielle. On ne peut malheureusement pas vous jouer les vidéos, mais on vous invite fortement à aller les voir sur Internet vous-mêmes.
La première publicité pour une marque de bière fictive illustre un barbecue entre amis dans la cour arrière d'une résidence. On voit la gang entrer, en train de profiter d'un après-midi ensoleillé et de prendre quelques bières. Mais à un moment donné, certaines séquences deviennent un peu bizarres. Rendu à la fin du clip, pour des raisons qu'on ignore, la cour semble être en feu.
Pour le prochain, le créateur a obligé un robot logiciel à écouter plus de 1 000 heures de publicité pour la chaîne de restauration américaine Olive Garden, puis lui a ensuite demandé de créer sa propre publicité Olive Garden à partir de ce qu'il avait vu. Le résultat est une scène dans laquelle un groupe d'amis dîne ensemble au restaurant. On leur sert des plats tels que Pasta Nachos, Lasagna Wings with extra Italy, a Gluten Classico. À la place de ressembler à ça, les plats ressemblent plutôt à ça. Le vidéo se termine aussi par le slogan When you're here, you're here.
Comme vous pouvez voir, il y a encore des risques à ce que l'IA peut faire. Se fier à l'intelligence artificielle pour créer du matériel promotionnel sans implication humaine suffisante, entraîne tant des risques de marketing que des risques juridiques. Quant à leur impact marketing, je ne sais pas pour vous, mais personnellement ce qu'on vient de voir ne me donne pas trop le goût d'aller manger du Gluten Classico ou de boire une bière qui mettra le feu à ma cour arrière. Les risques juridiques sont nombreux aussi. Si on considère le premier vidéo, la publicité sur l'alcool est strictement réglementée au Québec. Par exemple, il est interdit dans une publicité d'inciter des personnes à consommer des boissons alcoolisées de façon non responsable. Dans le vidéo ici, ce ne serait pas difficile de prendre la position que la consommation d'alcool montrée en plus d'être bizarre est irresponsable. Il existe aussi des restrictions sur montrer des personnes mineures ou associer la consommation à la conduite d'un véhicule motorisé. Bien que ce vidéo ne semble pas enfreindre ces règles, il se peut facilement que du matériel, créé par intelligence artificielle qui ne considère peut-être pas toutes les exigences applicables, pourrait contrevenir à ces interdictions ou les nombreuses autres qui existent. Par ailleurs, les règles générales dont nous avons discuté tantôt demeurent applicables au matériel préparé par l'IA. On ne peut pas prendre la position que parce que notre matériel a été créé par une machine plutôt que par un humain, on n'en est pas responsable. On est responsable de ce qu'on met sur le marché, point.
Si on considère le deuxième vidéo, Olive Garden, celui-là mentionne des produits qui n'existent pas dans la vraie vie. J'aurais de la misère à concevoir qu'un visiteur au restaurant voudrait commander des Pasta Nachos ou des Lasagna Wings with extra Italy, mais en principe, si on annonce de tels produits, on doit être en mesure de les offrir. L'impression générale qui dégage d'une publicité est que le commerçant vend les produits qui y figurent. Montrer des faux produits inventés par l'IA serait donc trompeur et interdit. Il y a aussi des considérations moins loufoques. Il existe de nombreux rapports et témoignages indiquant que l'intelligence artificielle crée parfois du contenu raciste ou sexiste. Ceci pourrait mener à des résultats catastrophiques tant sur le plan relations publiques que le plan juridique. Il y a aussi des risques que l'intelligence artificielle exagère les capacités ou habilitées d'un produit. L'élaboration d'une publicité basée sur le rendu informatique d'un produit plutôt que sur le vrai produit lui-même pourrait conduire à la création d'images qui ne seraient pas possibles à créer dans la vraie vie. Par exemple, dans le but de montrer une voiture dans un paysage magnifique, il se peut que le logiciel pourrait la montrer en train de conduire sur des terrains pour lesquels elle n'est pas équipée, par exemple à travers des chaînes de montagnes que les pneus ne peuvent pas franchir. Si on était pour tourner un vidéo dans la vraie vie, on n'aurait jamais pu faire ça. Ceci montre qu'il serait donc trompeur et encore une fois contraire à la loi.
Bref, bien que l'utilisation de l'IA pour élaborer vos campagnes de marketing présente de très belles opportunités, il existe de nombreux risques à garder en tête lors de la création de ce matériel. Voici un bref survol. Il y a of course énormément d'autres considérations. Ça me fera plaisir d'en discuter avec vous lors de la pause.
Mila Badran
Un peu juste pour conclure, c'est sûr que le sujet de l'intelligence artificielle est nouveau. Comme on a dit, on n'a pas vraiment de loi qui est applicable au niveau provincial et ni des décisions des tribunaux. C'est des pistes de discussion qu'on vous a soumises. On va évidemment suivre les développements du droit à ce niveau-là. Comme je l'ai indiqué, on demeure disponible à répondre à vos questions ou en discuter à la pause.
Naïm Antika
Un grand merci, Mina et Julia. When you're here, you're here. And I'm glad that I'm here.
Mila Badran
On vous invite à aller regarder les vidéos. Ils sont très, très drôles. Ça dure quelques minutes.
Julia Kappler
Oui, ils ne sont pas très longs.
Mila Badran
Ils ne sont pas très longs, mais c'est vraiment drôle comment les vidéos sont faits.
Période de questions non transcrite
Panel 3 – Conformité dès la conception : l'intégration du juridique dans le développement technologique
Laura Gheorghiu, Associée
Frédéric Bolduc, Avocat
Nayla El Zir, Avocate
Naïm Antika
On recommence. Panel numéro 3. J'ai la chance d'avoir avec moi trois collègues que j'estime aussi beaucoup. Laura Gheorghiu, qui fait partie de notre groupe de droit fiscal, celle qui avait des problèmes chaque fois que je parle des produits qui deviennent des services et des services qui deviennent des produits. Frédéric, de notre groupe de droit de l'emploi. Alain, quand vous posiez votre question par rapport à droit de l'emploi, vous avez la bonne personne pour poser ces questions par rapport à l'intelligence artificielle. Nayla, qui fait partie de notre groupe de droit de la vie privée. Alors, c'est très éclectique, puis on aime ça comme ça, parce qu'on s'est dit, le but n'est pas nécessairement de vous présenter les choses d'un point de vue des avocats, mais plus du point de vue de l'entreprise. Si vous vous rappelez, l'année passée, un des panels, on avait un peu comment on avance sur un axe de temps, et le début, c'est la conception. Je vais vous dire la raison pour laquelle on a décidé de faire ce panel. C'est qu'à un moment donné, Laura est arrivée dans mon bureau, elle n'était pas contente du tout parce qu'elle m'a dit : Naïm, j'ai un client qui vient de m'appeler, puis ils ne vont pas pouvoir vendre leur produit à cause de raisons fiscales. J'ai dit : comment est-ce qu'on ne peut pas vendre notre produit à cause de raisons fiscales? Alors, on s'est dit, finalement, quand on parle de la conception, c'est vrai qu'on ne va pas nécessairement appeler Laura chaque fois qu'on pense à un nouveau projet, mais l'idée simplement de dire, bon, que ce soit d'un point de vue pour Nayla de la vie privée – vous avez peut-être déjà entendu parler du concept de privacy by design –, que ça soit par rapport à Frédéric pour les employés, que ça soit par rapport à Laura pour le droit fiscal, à quel moment est-ce qu'on pourrait éviter que l'une de ces trois personnes vienne dans mon bureau puis dire, pourquoi est-ce que le client ne m'a pas appelée au bon moment? Alors, je vous laisse la parole.
Laura Gheorghiu
Merci, Naïm. The example that Naïm is referring to is one that I found very disheartening because, as a tax planner, I always want to plan into the problems and not fix them after the fact. That's for the tax litigators out there. And I'll give you a little bit more of the background. It was a platform that was supposed to, let's say, help restaurants sell products, right? So it sounded like a good idea. It was a startup, they didn't have a lot of money, they didn't want to talk to the lawyers until they're ready to go. And they came to us and said, hey, we're doing this service facilitation of <indiscernible 02:23:39> restaurants that sell food packages and discounts, and we just want to know, do we have to charge sales tax on our fee? And the people who know, they come to me in tax, have a small tax question, I usually have a long tax answer. So I said, well, you know, the question, that's not a hard question to answer. I can answer that question. But the question you really need to be asking yourself is, are you acting as a digital or a platform? And are you supposed to be the one that needs to decide how to tax the packages that your restaurants are selling? What kind of rates of tax to collect? And how to deal with those discounts and how do you invoice the client? And once I said that to them, they got really discouraged and realized that they had to go back to the drawing board and redesign how the software worked. Because if they had to comply not only with their own tax obligations, but also help the client comply with its tax obligations, they hadn't planned into it. I have a twin sister who is a software developer. So when she describes to me having to fix issues that people did not – use cases, they call them – where they had not thought about this problem, it is always hectic, it is always last minute and it is always a patchwork kind of solution. And what happened for this client is it delayed launching the product because they couldn't go to market, because they were not tax compliant from day zero. And why were they not tax compliant? Because they came to look at the regulatory legislative framework too late in the process. – I'm told there's a button. Here we go. You already have it up here. – This is just one example that I've patched up from different things you can find for free online about how products are designed, right?
I found it very instructive – because as lawyers, we don't usually get to be part of this process – that people sit down, they think of a problem to solve. They do a target market analysis, consumer profile functionality analysis, SWOT analysis, what's the business use case for this. And then they'll sit down with stakeholders and they'll make a list of requirements and what is the technological restrictions, what are the logistics issues, what are the marketing risks, what are the things that this thing needs to do? And then we go in, we develop and we design and we make a plan for how we're going to distribute it and how we're going to… what's the value proposition and what are the success matrix of this project. And then on and on it goes, and the testing and then we're ready to go to market with the minimum viable products and we're very happy. And then somewhere along the line, as we're starting to commercialize, somebody says, ah, we should get each country to validate what are the legal requirements in terms of terms and conditions and contracts. Just get all the countries to review that. We'll just get a Canadianization of some US model we pulled off the Internet. And that's when they call the in-house council sometimes, especially in a smaller shop where they'll – and they start to speak with different advisors, and sometimes they call us. That's not what we're trying to do anymore. Because what happens is we often are there trying to fix problems after the fact, and it doesn't go very well. I know we had some discussion in the first panel, but what's the right time to be bringing in compliance? And what is this concept of compliance by design and what does it really mean?
But I think what we'll show you today through three very distinct examples, and when we put together this conference, it was hard because tax, employment and privacy, they don't necessarily make a conference very easily. But what they do is to show that depending on what you're designing, you might have a problem in the field that you don't usually get to interact with, and you want to be looking at those requirements really early on. I did some very good design work here, you see. You call us a commercialization or you call your legal team there. What we want people to start thinking about as they're designing their products, is about including some of the key legal requirements into the phase – I can see it here too – of analyse des besoins. What are the product requirements, the legal requirements? Some of them are so important, as we will demonstrate through an example, that they actually need to be on that list of key stakeholders and key product needs.
You may not believe us like that. I don't know if I've convinced you yet. So we've come up with an example in the biometric field. This is not a real example. So any similarity to real life is strictly accidental, because I didn't Google it enough to make sure. Si on change à la prochaine diapositive. Merci. Ça, c'est ma partie en français que je vais faire. Si vous avez des questions en français, je suis très à l'aise à vous répondre en français aussi.
Alors, comme je disais, en fonction du produit qu'on veut commercialiser ou qu'on veut développer, il y a différentes exigences légales qui doivent être prises en compte. On prend l'exemple de la biométrie, parce que c'est un sujet très d'actualité puis il y en a beaucoup à dire. Exemple, on a une compagnie préventive, elle s'appelle InventCo, puis elle veut développer une nouvelle technologie de lecture d'empreintes digitales, qu'on appelle PalmOne. Supposons, en outre, que le logiciel de PalmOne comprend aussi une composante de collecte et analyse des données des utilisateurs. L'équipe d'InventCo a identifié deux profils de clients éventuels. Le premier, c'est les employeurs souhaitant identifier leurs employés lorsqu'ils se présentent au travail ou restreindre l'accès à des zones de travail et des ordinateurs clés. C'était la question tout avant. Alors ça, c'est une des use case. Le deuxième, c'est les magasins et les restaurants souhaitant remplacer leur caisse par une méthode de paiement instantanée. Donc, tu mets ta main, tu payes, tu sors, c'est terminé.
Déjà, juste en regardant ces deux use cases, on peut voir que l'équipe de gestion de développement d'InventCo doit prendre en compte différents profils de clients et les différents risques quand ils déterminent la stratégie et comment ils vont répondre à ces risques-là. Alors, si on regarde le premier use case, le domaine du travail, Frédéric, est-ce que tu peux nous parler un peu des règlements ou des lois qui pourraient avoir un impact sur le développement du produit?
Frédéric Bolduc
Oui, absolument. Merci, Laura, pour cette question. Évidemment qu'il va y avoir plusieurs exigences qui vont être pertinentes à l'étape de la conception de cette solution. En l'occurrence, une solution qui fait appel à la biométrie dans le milieu de travail. Bon, évidemment, on n'entrera pas dans tous les détails, ce n'est pas le but de notre conférence, c'est plus de vous donner des exemples. Évidemment, le hasard fait bien les choses, on est trois avocats membres du Barreau du Québec, donc on va vous parler des exemples du Québec. Mais si on pensait à toute autre juridiction, je prends un exemple au hasard, la France, je suis persuadé qu'on trouverait plein d'exemples français aussi. Autrement dit, tous les marchés auxquels vous pouvez être intéressés vont comporter tout un lot d'exigences qui peuvent être pertinentes, de garder en tête, au niveau de la conception.
Si on parle d'un système qui utilise la biométrie dans un milieu de travail, donc l'utilisation de différentes caractéristiques, par exemple physiques, de salariés pour les identifier, que ce soit par exemple pour contrôler le temps de travail, l'accès à des lieux, les considérations pertinentes qui vont rapidement faire surface vont être liées de près ou de loin au droit à la vie privée des salariés. Évidemment, dans notre juridiction au Québec, c'est un droit qui est très important parce que c'est un droit qui est enchâssé dans deux textes législatifs très importants, qui sont notamment – je dis « notamment », mais en fait les deux sont le Code civil du Québec et la Charte des droits et libertés de la personne. Donc, protéger de façon générale comme ça, mais aussi de façon spécifique dans différentes lois particulières dont on est là pour vous en parler un peu plus, mais qui s'appliquent dans des contextes plus particuliers. Ce qui est important de comprendre, c'est que c'est un cadre juridique qui vise la protection de la vie privée et non pas la facilitation de l'implantation de différentes technologies dans un milieu donné. C'est un élément qui est important à comprendre, parce que c'est vraiment ça qui va conditionner la façon avec laquelle les tribunaux, puis aussi les différents organismes réglementaires et les organismes administratifs, vont envisager l'utilisation d'une technologie comme ça, qui fait appel à la biométrie. Donc, de façon plus large, à la collecte de renseignements personnels sur notamment des salariés. Comme je vous dis, il y a un cadre juridique qui vise la protection de la vie privée. Par conséquent, le législateur nous exige de justifier l'atteinte à la vie privée qu'on souhaite, disons, qu'on envisage par l'utilisation d'une technologie particulière, à titre d'exemple.
Pourquoi je vous parle de tout ça? C'est parce que des fois le caractère attrayant d'une nouvelle technologie, notamment la biométrie, par exemple, ou des systèmes qui font appel à la biométrie, on peut tout de suite avoir en tête des avantages, notamment, en termes de gains d'efficacité ou d'économie de coûts, ou de fiabilité, par exemple, si on parle d'identification de salariés. Mais ces différents avantages, ces technologies ne vont pas toujours être alignés avec les contraintes juridiques applicables justement à ces technologies, notamment, comme je vous disais, en termes de vie privée.
Laura Gheorghiu
Yeah. So, sometimes we get really excited as a business developer, about how this thing could do this business solution. That's not a necessity that you're talking about and how the courts are interpreting that, right?
Frédéric Bolduc
Exactement. Je vais y toucher peut-être un peu plus tard, mais effectivement, l'un des critères importants pour déterminer si une collecte de renseignements personnels, notamment, à propos d'employés est justifiée. C'est ce qu'on appelle justement le critère de nécessité. Donc, il faut que ce soit nécessaire et non pas simplement utile, commode ou plus efficace, etc. Le seuil est un petit peu plus, autrement dit.
Une autre des considérations importantes, évidemment, je parle d'un point de vue de droit du travail et de l'emploi, dans un milieu de travail va pouvoir être, notamment, si vous considérez votre clientèle cible, est-ce que les employés sont syndiqués ou non? Pourquoi je vous mentionne ça? C'est que ça peut avoir une influence sur le potentiel que l'implantation d'une technologie comme ça dans un milieu de travail donné débouche sur une situation litigieuse. Pourquoi? Parce que, bon, évidemment, par exemple, les employés syndiqués vont avoir accès à une procédure simple, efficace et rapide de contester une situation donnée dans un milieu de travail qui est la procédure de grief, par exemple. Pendant que je vous parle de ça, j'ai en tête l'exemple. Dans les dernières années, il y a eu beaucoup de décisions d'arbitre de grief qui ont porté sur l'installation de caméras de surveillance dans l'habitacle des camions. Donc, dans différentes entreprises, que ce soit dans le secteur de la livraison, différentes entreprises qui utilisent des camions. On pouvait avoir toutes sortes d'objectifs en tête en faisant ça, notamment, par exemple, économiser sur des coûts d'assurance. Ça pouvait même aussi être des fois la surveillance des employés. Donc, les arbitres ont dû évaluer chaque situation, puis déterminer effectivement, comme je disais tantôt, si l'atteinte à la vie privée des salariés dans une situation donnée était justifiée à la lumière de l'ensemble des circonstances. Un exemple que je vous donne. Pourquoi je vous parle de ça? C'est qu'évidemment, si vous connaissez bien les contraintes juridiques auxquelles sont assujettis votre clientèle cible ou vos clients effectifs, peut-être que ça peut vous aider à mieux répondre à leurs besoins, puis à mieux orienter votre produit et votre technologie.
D'autre part, et je sais que Nayla va vous en parler un petit peu plus amplement plus tard, mais juste pour vous mentionner au passage, quand on parle de vie privée puis de différentes pièces de législation qui s'appliquent justement à cet égard-là, notamment en termes de collecte de renseignements personnels, il faut savoir qu'il y a un organisme réglementaire administratif qui s'appelle la Commission d'accès à l'information (CAI), qui agit un peu à titre, comme on dit, je vous mets ça entre guillemets, de chiens de garde de ces différents textes législatifs, qui s'assurent qu'ils sont respectés dans les milieux donnés. C'est important, notamment en matière de biométrie. Si on revient à notre exemple que moi je vois là, mais que vous voyez ici, la biométrie, la Commission d'accès à l'information dispose de pouvoirs assez étendus en vertu de la loi pour empêcher ou restreindre l'utilisation de systèmes qui comportent la cueillette de renseignements de nature biométrique. Sur quelle base elle peut justement empêcher ça? Je reviens justement à notre critère de nécessité. J'en ai touché un petit peu, donc je ne vais pas trop m'étendre là-dessus. Comme je vous disais, pour justifier une collecte de renseignements personnels, notamment des renseignements biométriques, il faut démontrer que c'est nécessaire. Comme je vous disais, on oppose souvent ça quand on lit les décisions applicables en jurisprudence à la simple commodité. Des fois on peut dire, regardez, c'est plus efficace, ça va mieux comme ça. Ce n'est pas des arguments valables pour faire une démonstration que notre collègue est nécessaire au sens de la loi.
D'autre part, un autre élément important et qui peut être contraire à une certaine croyance populaire, ce critère de nécessité s'applique même si on a le consentement des personnes concernées. Autrement dit, si on va à la Cour devant la Commission d'accès à l'information, puis on dit : oui, c'est vrai, peut-être que ma collecte n'est pas nécessaire au sens de la loi, mais j'avais le consentement de toutes les personnes concernées à collecter leurs renseignements. Eh bien, ça, ça ne sera pas une justification, ça ne sera pas un argument qui va faire en sorte qu'on respecte la loi. Donc, le critère de nécessité s'applique toujours. Je vous dis ça, puis peut-être pour illustrer un peu le caractère exigeant du test qui est appliqué quand un tribunal ou justement la Commission d'accès à l'information se penche sur une situation donnée pour déterminer si le critère de nécessité est rempli. C'est un test à deux volets, dont le deuxième volet se démultiplie en trois critères. Mais dans un premier temps, il faut démontrer qu'en collectant des renseignements personnels, on poursuit un objectif illégitime, réel et urgent. Alors, il faut que ce soit fait pour une bonne raison. Des fois, certaines entreprises vont périr juste à ce premier critère. Le deuxième critère, il y a une espèce d'exercice de mise en balance des intérêts, donc ils se demandent, est-ce que les avantages justement de cette collecte de renseignements personnels surpassent les inconvénients subis dans mon cas à moi par les salariés, justement, par l'atteinte à la vie privée qu'ils subissent? Ça, ça se fait par la démonstration de trois choses. Dans un premier temps, il faut démontrer que la collecte des renseignements, c'est un moyen efficace d'atteindre l'objectif qu'on poursuit. Il faut en deuxième temps qu'on prouve que c'est une atteinte qu'on a minimisée. On a pris les moyens raisonnables pour que l'atteinte soit la plus petite possible. Finalement, je vous disais, l'exercice de mise en balance. Il faut que les avantages qu'on met de l'avant par notre solution soient plus importants, pèsent plus lourd dans la balance que les inconvénients subis par les salariés.
Laura Gheorghiu
You have a couple of examples that you can…
Frédéric Bolduc
Absolument. Évidemment, ça peut sembler un peu abstrait et juridique. Mais j'ai deux exemples concrets de décision de la Commission d'accès à l'information qui s'est penchée sur des cas où des employeurs voulaient installer dans leur milieu de travail – voulaient ou avaient déjà installé –un horodateur biométrique. Donc, un horodateur, un système qui contrôle l'arrivée, la sortie du lieu de travail, puis qui contrôle aussi les heures de travail. Dans deux cas, la Commission d'accès à l'information s'est penchée sur des situations, notamment une décision de 2022 qui impliquait l'Auberge du lac Sacacomie. Dans cette affaire, la Commission d'accès à l'information examinait un système biométrique qui utilisait la forme du visage des employés. Donc, on met notre visage en face de la machine, ça prend l'empreinte, puis ça nous reconnaît de cette façon. Ce qui est intéressant, je vous parlais tantôt des différents critères applicables, c'est le cadre d'analyse évidemment auquel a fait référence la Commission d'accès à l'information. L'objectif principal que l'employeur mettait de l'avant auprès de la Commission à ce moment-là, c'était de dire, c'est un moyen qui est plus efficace pour le traitement de la paye, donc j'ai mis ça en place pour cette raison spécifique. Eh bien, ça, peut-être que vous pouvez vous douter où est-ce que je m'en vais avec ça, la Commission a dit ça, bien que ce soit un objectif légitime dans un milieu de travail, ce n'est pas un objectif qui est suffisamment important pour justifier de collecter des renseignements biométriques sur des personnes.
D'autre part, une autre chose qui est intéressante puis je sais qu'elle va en parler un petit peu plus, plus tard, la Commission souligne que les renseignements biométriques, donc les caractéristiques notamment corporelles sur des personnes, ce sont des renseignements sensibles. Dans notre exercice de mise en balance, il faut qu'on mette beaucoup d'avantages dans la balance pour que le plateau monte et que la Commission considère qu'on rencontre notre critère de nécessité.
Si je fais un résumé de tout ça. Au terme de son analyse, la Commission – comme je vous disais, l'objectif, on a dit qu'il n'était pas suffisant, on considère que l'atteinte est trop grande pour cet objectif – dit, dans ce cas précis, le critère de nécessité n'est pas rencontré. Qu'est-ce qu'elle fait avec ça? Elle ordonne à l'employeur, d'une part, de cesser de collecter ces renseignements sur la forme du visage de ses employés et, dans un deuxième temps, de détruire sa base de données de renseignements biométriques. Donc, à toutes fins pratiques, de cesser d'utiliser son système de collecte …
Laura Gheorghiu
Yeah. So basically, in that case, all of a sudden, our InventCo imaginary company here, they've just closed off that market. They've lost that client, but also they have a problem because they hadn't anticipated this. We talked a lot, and there's no real answers about how can you switch and make the product work differently? How can you prove this necessity? Can you embed it into the product? Can you embed it into your marketing? Can you help your clients build their own case for why it's necessary? Not a, as I say, a business use necessity, but under law. We don't have tons of time, but you had mentioned there's another case where they were using the shape of the hand, and the Commission said that's fine, because il y a du vol de temps, there's an issue here, a real issue that you're addressing. But of course, that's hard to know. What we're trying to say is not that there's a real answer and if only you had known, you would have fixed it, but if you can at least think about it at the early stages, it might make some influence on how you design and how your market the product.
And on that, Nayla, I just want to turn to you on privacy side. There's tons of issues. Maybe you can talk about a few of them that you would want this team to be thinking about right away.
Nayla El Zir
Absolument. En fait, il faut savoir qu'au Québec, au moins, il y a deux lois qui s'appliquent aux renseignements biométriques. C'est marrant, parce qu'il n'y en a aucune qui offre une définition claire des renseignements biométriques. Dans la première, qui est la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information, on va dire que c'est des caractéristiques biométriques qui vont servir à identifier ou authentifier la personne. Dans la seconde, qui est la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, on va dire que ce sont des renseignements, comme Frédéric le mentionnait, sensibles, puis on ne va pas définir la finalité pour laquelle ils sont utilisés.
Ceci étant dit, sachant qu'il y a au moins deux lois au Québec qui vont s'appliquer aux renseignements biométriques, on s'attend à ce qu'il y ait beaucoup d'obligations à respecter puis à penser au niveau de la conception. Je pourrais rester ici avec vous toute la journée à vous en parler à mon plus grand plaisir, mais je ne pense pas que le plaisir serait très, très partagé. Donc, je vais me limiter à trois obligations essentielles. La première, c'est d'obtenir le consentement express des personnes de qui on est en train de collecter ces données hautement sensibles. Qui dit consentement express, dit le droit à ne pas consentir. Il faut vraiment pouvoir prévoir une alternative aux personnes qui ne consentent pas – PalmOne, par exemple –, qui ne vont pas consentir à mettre leurs mains pour se faire identifier. Donc, une alternative pour se faire identifier, par exemple, des cartes d'accès pour accéder à leur lieu de travail. Une autre chose aussi. Qui dit consentement express dit, on ne peut pas collecter la donnée à l'insu de la personne. Donc, on ne peut pas concevoir une technologie qui va collecter ces données puis qui va permettre à l'employeur de collecter la donnée à l'insu de la personne. Ça, c'est la première obligation.
La seconde obligation à laquelle je pense, c'est de donner aux individus leurs droits qui sont prévus dans la loi. Le Code civil du Québec, les lois sur les protections des renseignements à la vie privée. Maintenant, la nouvelle loi 25, à partir du 22 septembre 2023, prévoit beaucoup de droits aux individus de qui on collecte les données, dont notamment le droit à l'accès, le droit à la rectification des données, le droit de recevoir les données de manière structurée sur un support technologique. Donc, si on ne les prévoit pas au moment de la conception, il y a à un moment donné quelqu'un qui va nous appeler avec une grande panique parce que, par exemple, ces droits sont associés à des délais très serrés. Quelqu'un qui demande une demande d'accès au public, on doit lui répondre en 20 jours. Au privé, on doit lui répondre en 30 jours. Il y a quelqu'un qui va stresser quelque part, puis on ne veut pas que ce soit à ce moment-là qu'on y pense.
La troisième obligation à laquelle je pense, c'est les mesures pour les protections des renseignements personnels, puis la protection des renseignements biométriques qu'on a plusieurs fois répétée qui sont hautement sensibles. Qui dit hautement sensible dit, on doit prévoir des mesures très, très fortes pour les protéger. Ces mesures vont vraiment dépendre, par exemple, du support sur lequel on va les conserver, si on va faire affaire avec un fournisseur infonuagique ou sur l'appareil même, comment on va les détruire. Une des considérations auxquelles je pense, c'est si on fait affaire avec un fournisseur qui est à l'extérieur du Québec pour conserver nos données. Les données vont être transférées à l'extérieur du Québec. On ne parle pas à l'extérieur du Canada, juste à l'extérieur du Québec même. Il va falloir faire une évaluation des facteurs à la vie privée, puis déterminer si les mesures que l'autre juridiction a mises en place sont assez adéquates puis assez équivalentes, je vous dirais, à ce qu'on a ici au Québec. Malheureusement, on n'a pas une liste de ces pays ou de ces juridictions. Je ne suis pas membre du barreau de la Corée du Nord, admettons, mais on pourrait potentiellement penser que ça ne ferait pas partie de la liste des juridictions qui auraient des mesures adéquates, justement. L'importance de penser à ces trois obligations et à toutes les autres obligations qui sont prévues dans les lois au moment de la conception, c'est vraiment pour au moins trois raisons.
La première raison, c'est que quand on installe des systèmes de collecte de données biométriques, il va falloir le notifier à la CAI. Puis quand on l'a notifié, il va falloir remplir un formulaire, et les questions dont on vient de parler seront posées dans ce formulaire. Ce n'est vraiment pas le moment de retourner à la table à dessin, surtout si on a déjà vendu le PalmOne, par exemple, ou le projet à des clients, et d'aller fixer tout ce qu'on devait justement prévoir ou inclure.
La deuxième raison, c'est que souvent c'est des obligations qui vont être aussi imposées à l'acheteur de la technologie. Comme je vous parlais du droit d'accès, je peux vous parler aussi du transfert des données à l'extérieur du Québec. Si on parle d'un logiciel qu'on va vendre comme un logiciel comme un service, un SAS (Software as a service), l'acheteur va vouloir faire un contrat de service avec nous. Obligatoirement, dans la loi, c'est prévu qu'il va prévoir des mesures de protection des données. Donc, si on y a pensé, on a pensé pour lui, et nous, ça nous avantage aussi que nos mesures de protection d'un côté marketing et d'un côté légal soient déjà à la hauteur.
La dernière raison, je pense que c'est la plus importante, c'est les pénalités qui sont associées à ça. Avec la nouvelle loi qui entre en vigueur le 22 septembre 2023, les pénalités sur le plan administratif peuvent aller jusqu'à 10 000 000 $, soit 2 % du chiffre ou 2 % du chiffre d'affaires mondial des entreprises. Sur un côté pénal, ça peut aller jusqu'à 25 000 000 $, soit 4 % du chiffre d'affaires des entreprises. Donc, c'est ça, trois bonnes raisons pour y penser d'avance.
Laura Gheorghiu
Merci. And it's really the business world is littered with situations and examples where people did not think of these obligations ahead of time, and it had an impact on the result. In my practice, I love to take notes. I'm an old-school person on paper, and there's this wonderful E Ink solution that I shall not name. But unfortunately, one of the great things about it is, you know, you write your notes on there and it sends it to the cloud in the US, and then the cloud sends it to your computer in Canada. And of course, as a lawyer, I cannot send my data to somebody else's database. But there's no real good way around that. So, you could just see that the seller of that product cannot target a lot of regulated industries because they cannot comply. And it's really hard to redo your solution so that it has a way around that; there is no way around it so far. So, it's very easy to see examples like that where you just can't sell.
I think another one we saw was when the French language rules were a little bit more strengthened, there were a number of businesses who were selling online to Quebec and didn't have to comply because they had no physical presence. And some of them decided, hey, this is a great market, I'm selling really well. I need to maybe you open a store. So they open the store and then they call the Quebec lawyer and they were told, okay, you can't sell on your website anymore until you translate it all. So now you have a small store, but you've lost your online market for a while. And those customers are not happy. They're not coming back in six months as quickly as if they could have continued.
So speaking of the retail example, I'm gonna do a little bit of a sales scare with tax. You know, that's all we do in tax, scare people, although those penalties sound worse than tax ones. So I don't know anymore.
You'd say, okay, PalmOne retail store example, how does it have an impact? So already, I think some of you might be cluing in where I'm going, you know, sales tax compliance. Right now, if you're using something like this to sell physical products, the new rules that we're seeing coming in about electronic commerce and collection and acting as a platform may not apply to you. But those rules in general, and they're not just in Quebec or Canada or British Columbia, or they're everywhere. The US has some sort of rules; Europe has; other countries do as well around Australia, India, you name it, because the tax authorities are seeing that there's a role for intermediaries that have enough function and power – control over the transaction – to be doing their sales tax collection for them. And so, they're redefining these rules about who needs to collect sales tax and creating this concept of intermediary with enough control over the transaction. And as they grow and can develop, they want to expand that further because what they're trying to do is use these intermediaries to do their tax collection for them.
And so, you would see that if it's anticipated this product might be used in retail context where these rules might come in, you would want to be already thinking about what kind of data are you collecting? Where – what kind of outputs, what kind of connect, what kind of platform, and in what code did you code this? Is it Java? Is it something else? Is it really hard for that language to speak to another language? Is it really hard for your type of database to speak to another database? And there's other rules as well that could come into play.
So I don't know if folks know, but when you go to a restaurant here in Quebec or you go to a bar, you always get that really cool invoice and has a little barcode at the bottom, right? And that's because a few years ago, Quebec implemented rules about – let me get the right word for it – I don't even know. Sales re- it's a hard one – sales recording modules, right? So they're basically a black box that's supposed to be tracking your sales concurrently as you're doing it on your own sales systems, and it's sort of a place that the tax authorities can go and validate that you're not defrauding the government with your reported restaurant sales or bar sales.
All right. So what does that mean? If we're doing this PalmOne product and we need to sell it to a restaurant, that product needs to talk to the sales recording modules that are already certified by the Quebec government. And to show how much of an impact that can have, when the sales recording module rules came into play, there were a number of very large franchise businesses in Quebec whose own sales systems were not compliant with the sales recording modules that were authorized. And so, what that meant is that day one, every store that they had in Quebec was not compliant and therefore should not be selling anything, right? And at the time, we had to get special dispensations because what the sales software companies were telling us is it's going to take us months to code into this new hardware so that the two can speak to each other. How can that be? That's how it works because a lot of the privacy comes into play as well.
And the one last rule I want to raise that has not come to Canada yet, but has really made waves around the world, is this concept of e-invoicing and e-reporting. That doesn't mean a PDF email of the invoice; that means that instead of having sales being a sale and an invoice from one supplier to a customer, now the intermediary that gets the data first is the tax authority. So if you're in Brazil, if you're in Mexico, if you're in certain countries in Europe, and they're all coming around by the next 2-3 years because of a directive that they have – so France, for example, will have these rules by 2025 – and you make a sale, your invoice first goes to the tax authority's computers, gets processed there, transformed into something else, gets a special code, what have you, and they're the ones who send your invoice to your customer. So you can imagine – and there were quite issues with this – but they're in place in some countries. Brazil has had it for quite a while, actually. You can imagine you need to be collecting the right kind of data and sending it and be able to speak to whatever computer system the tax authorities are using. Is it important in Canada right now? We haven't heard about it, but it's expected by 2030 all countries will have some sort of rules like this.
And so how do they enforce it? Instead of asking you how's your tax return at the end of the year and is it accurate, I'll ask you, how's you're reporting every invoice? Is it accurate? And if not, I will penalize you. So every invoice you're sending is possibly creating a liability for you.
So, that's all for tax. Let's go back to something interesting, because we already we raised it earlier, right? Compliance by design. It's maybe an interesting new concept, but in the privacy space, privacy by design has actually been something we've been discussing. So maybe you could just give us a little more of what does that mean, how does it work, and do you have any examples to this retail space here that we're dealing with?
Nayla El Zir
Absolument. Privacy by design, on en a entendu beaucoup parler. Avant, c'était peut-être un avantage. Maintenant, on va le voir encore plus enchâssé dans les lois, les obligations des lois. Par exemple, on va penser à la collecte minimale de données. Au lieu de prendre l'empreinte digitale de la main au complet, on va penser à prendre l'empreinte d'un seul doigt si ça suffit à identifier la personne, par exemple. On va penser à la transparence, mettre de l'avant les politiques et les procédures qu'on a mises en place pour la gouvernance de la donnée qu'on va collecter. Justement, sur ce point, je voulais apporter le rôle primordial du responsable à la protection des renseignements personnels, qui va venir non seulement approuver ces procédures et ces politiques, mais qui doit être consulté au début de projet, soit d'acquisition, soit de développement, soit de refonte des projets technologiques qui vont collecter de la donnée, les utiliser ou les transférer. Je ne sais si j'ai encore du temps.
Laura Gheorghiu
Oui, c'est ça. I'm getting signs. But – Because we talked about a really interesting on this responsable de la vie privée. Some people got a promotion last year when those rules came in. Because there is, I understand… If you don't name somebody, the highest responsible person in the business or the CEO is de facto the person responsible. You guys did a study to see how well people are complying. What did you find?
Nayla El Zir
Exactement. Et comment le Québec était en train de se préparer justement à la mise en vigueur de ces lois. C'est un sondage qu'on a fait sur plus de 100 organisations qui sont dans différents secteurs, à travers le Canada. Vous me permettrez de lire mes notes. Je vais vous lire rapidement le sondage. On dit que moins d'un quart des répondants ont indiqué que le responsable de la protection des renseignements personnels s'acquittait personnellement de toutes les obligations que la loi lui incombe, sachant que les obligations sont déjà en vigueur depuis l'année dernière; 30 % ont déclaré qu'il serait possible pour le responsable de la protection des renseignements personnels de mener personnellement toutes les activités requises; et 71% ont indiqué qu'il serait possible pour le responsable de la protection des renseignements personnels d'approuver personnellement toutes les politiques et pratiques, tout en supervisant les autres activités. C'est sûr que des guidances plus précises de la CAI pourraient aider. Je vous invite à aller lire le sondage qui regarde plusieurs secteurs et plusieurs obligations de la loi, puis voir comment vos pairs se sentent par rapport à cette obligation.
Laura Gheorghiu
So what we're seeing is that there's this, you know, we're talking about compliance by design as a, as a useful tool into avoiding and, and making the, the products that, that are being developed ready for market faster. But the tax authority is the… the privacy… the different government bodies are looking at compliance by design as a solution that they can integrate into their own legislation, so they don't even let you get around it anymore. And I think that's where we're going to see a lot of these things going into the future.
So I think that's if or us for now, Naïm, I don't know if there's any questions, comments?
Naïm Antaki
My suggestion is that we leave the questions to maybe after the fourth panel.
Alors, je veux vraiment vous remercier, Nayla, Frédéric et Laura, pour cette présentation. J'espère que ce forum vous intéresse jusqu'ici, autant les personnes qui sont dans la salle que les personnes qui sont aussi en ligne. Simplement pour faire une petite récapitulation, au début on a essayé de vous donner une meilleure idée sur le terrain de deux technologies qui sont à deux niveaux. Donc, l'intelligence artificielle et je devrais dire les technologies quantiques parce que j'ai appris que ce n'est pas uniquement l'informatique quantique. Pour le deuxième panel, on a parlé de différents risques, donc d'un point de vue litige, quand on intègre l'intelligence artificielle dans des produits, comment est-ce que ça peut affecter la responsabilité que vous avez, dans quelle mesure est-ce que vous pouvez ajuster ça d'un côté contrat ou pas, et aussi à quoi faire attention pour ne pas avoir des publicités comme celles que vous avez vues juste avant la pause. Dans le troisième panel, nous avons donc parlé de certaines situations qui font que c'est peut-être une bonne idée de lever des drapeaux chez vous à l'interne, que ce soit en droit de l'emploi, que ce soit en vie privée, que ce soit en fiscal, pour être bien sûrs d'aider vos développeurs à ne pas avoir à recommencer tout leur travail. Souvent, la difficulté dans ça, c'est de dire, bien, comment est-ce que je vais dire à mon développeur d'appeler un avocat? Oublie ça., Naïm. De quoi tu parles, right? Je pense, souvent, l'idée, c'est simplement de dire, tout le monde a cette idée d'être axé sur le client, to be customer centric. Je le vois vraiment comme étant un… c'est simplement un pendant, ou ça découle très facilement de ça. Si tu penses vraiment à ton client, tu vas penser à ce qu'il veut faire, mais aussi tu vas penser à ses obligations juridiques, à cette personne aussi. Donc, si c'est un employeur, pour revenir à ce que Frédéric disait, bien, est-ce que cette personne-là va vraiment pouvoir utiliser? Alors, des fois, ça peut être des situations où en parlant avec le client, puis en leur disant, bon, bien, quelles sont vos contraintes à l'interne? On est toujours en train de développer le produit. Quelles sont vos contraintes à l'interne? Puis que ça revienne jusqu'aux développeurs, en passant peut-être par les avocats à un moment donné, ça peut être intéressant. <03:02:58>
Panel 4 – Gestion technologique : conseils essentiels pour consolider votre position en cas de litige de propriété intellectuelle
Jay Zakaïb, Associé
Tina Aswad, Associée
Frédéric Lussier, Associé
Stefan Nasswetter, Associé
Naïm Antika
Pour le dernier panel et non le moindre, je suis très heureux d'avoir avec moi quatre de mes collègues : Tina Aswad, de notre groupe de droit de l'emploi; Jay Zakaïb, de notre groupe de litiges en propriété; Frédéric, aussi du même groupe; et Stefan, mon collègue en droit des affaires. Quel est le but de ce dernier panel? J'aurais beaucoup aimé, à certains moments, avoir dans mon oreille Jay ou Frédéric qui me disent, Naïm, quand tu rédiges ce contrat-là, quand tu négocies ce contrat-là, voici certaines choses qui devraient être importantes pour toi ou peut-être que tu peux laisser aller. Donc, qu'est-ce qu'un avocat ou une avocate en litige en propriété intellectuelle aurait aimé vous dire au moment de la rédaction du contrat? Alors, pour cette discussion, je vais me tourner peut-être vers Stefan qui va démarrer le tout.
Stefan Naswetter
Absolument. On va essayer d'enchaîner les questions pour rester ou respecter un peu plus l'échéancier. Comme le disait Naïm, j'ai le bénéfice de poser des questions, étant l'avocat qui rédige les contrats et les conseils judicieux que j'aurais aimé avoir à l'époque. Non, ce n'est pas vrai, on se parle assez régulièrement. Pour commencer, qu'est-ce qu'on devrait faire au départ pour protéger la propriété intellectuelle?
Frédéric Lussier
Je pense, la première question à se poser pour avoir la meilleure chance de protéger la propriété intellectuelle, c'est quel type de propriété intellectuelle est-ce qu'on cherche à protéger? Il y a plusieurs différents types qui ont tous leurs exigences. On regarde par exemple les brevets, les droits d'auteur, les dessins industriels, les marques de commerce aussi ont tous des lois fédérales qui régissent les exigences, puis qu'est-ce ça nous donne, comment est-ce qu'on peut les faire valoir. Il y a aussi les secrets d'entreprise, les trade secrets. Au Canada, on n'a pas de loi pour trade secrets, malheureusement. Aux États-Unis, il y a une loi fédérale de trade secrets. On en entend parler récemment dans le litige entre les Knicks et les Raptors, pour ceux qui suivent ça, mais on n'a pas l'équivalent canadien. Au Canada, on doit se fier sur une série de lois provinciales, droit de l'emploi, droit, droit des contrats, des obligations et toutes ces choses-là pour faire valoir nos secrets commerciaux.
Donc, au départ, pour être capable de protéger quelque chose, il faut savoir ce qu'on cherche à protéger, puis quel type de droit on veut utiliser, parce qu'évidemment il va y avoir des exigences à rencontrer. Une certaine innovation peut être sujette à plusieurs différents droits. Dans certains cas, si on parle de brevets, les secrets industriels en particulier, si on a des divulgations trop hâtives, ça peut venir éteindre nos droits ou ça peut sévèrement restreindre ce qu'on est capable de protéger ou la valeur du droit qu'on est capable de protéger. Donc, c'est très important de comprendre ce qu'on veut protéger, puis comment le protéger.
Stefan Naswetter
Il ne faut pas le faire trop tard. Si on le fait trop tard, ça peut être, justement, on a perdu les droits. Donc, question stratégique.
Tina Aswad
Si je peux ajouter, Stefan.
Stefan Naswetter
Absolument.
Tina Aswad
Si je peux intervenir ici, en droit de l'emploi, moi, ce qui sonne une cloche ici, c'est aussi de savoir à qui on veut faire signer le contrat. Alors, qui va signer le contrat, qui dans l'entreprise va devoir le signer? Et selon le poste qui sera occupé, évidemment, les obligations qu'on voudra prévoir ne seront pas les mêmes. Alors, l'employé qui va être intimement impliqué dans la préparation du produit, dans le développement du produit, dans la recherche et développement, on voudra avoir des clauses restrictives très strictes. Au Québec, pour une fois, on est dans un sujet où on peut aller plus loin que dans d'autres juridictions au Canada. On a la possibilité de prévoir des clauses de non-concurrence, la protection d'informations confidentielles et de la protection de PI (propriété intellectuelle). Je pense que le plus grand danger, et c'est souvent ce qu'on revoit, c'est que les clients nous appellent puis on veut un template, one size fits all. Le problème, c'est que ça vous protège mal, parce que ça va vous protéger pour un seul fit, puis ça ne vous protégera pas lorsqu'on va arriver en litige lorsque votre employé va quitter, s'en va chez la concurrence et il connaît tous vos secrets commerciaux, il connaît vos milestones, il connaît ce qui s'en vient dans le pipeline. Vous voulez protéger ça. Et comment le faire? Bien, ça sera peut-être en pensant pour cet employé-là de prévoir une clause de non-concurrence.
Pour un autre employé qui travaille ailleurs dans l'entreprise, ce type de clause va être complètement abusive et inappropriée. Alors, il faut vraiment se poser la question : à qui on s'adresse lorsqu'on veut préparer un document juridique? Je vous ne dis pas de ne pas faire de modèle, mais il va falloir les adapter selon votre entreprise, ce que vous voulez protéger. Puis une entreprise en pharmaceutique ne protégera pas la même chose ou de la même façon qu'une entreprise qui fait de la vente au détail, par exemple.
Stefan Nasswetter
C'est juste. Dans une vie antérieure d'ingénieur, quand je travaillais dans les sciences, dans la fabrication plutôt que dans le droit, bien sûr on a vu toutes sortes d'ententes qu'il fallait signer en entrant chez l'entreprise. C'est la meilleure façon de mettre de l'avant les droits de l'entreprise avant le nouvel employé qui embarque. Un de mes anciens employeurs avait un type de contrat où il fallait divulguer sur quoi on travaillait dans notre vie personnelle, divulguer à l'entreprise d'une façon confidentielle dans très peu de mots c'est quoi l'invention ou le secret sur lequel vous travaillez, sans le divulguer en entier bien sûr. Comme ça, l'entreprise peut dire, pour cela, c'est vous qui allez garder le secret que vous m'aviez introduit et que, moi, je vais garder confidentiel. Un engagement réciproque, mais tout ce dont vous faites chez moi m'appartient, l'entreprise. Comme ça c'est clair pour plus tard qui a le droit dans la propriété intellectuelle, qui a le droit de mener les demandes de brevet, les demandes d'enregistrement de droits d'auteur, qui peut garder les secrets confidentiels et qui a le droit d'action contre toutes tierces parties qui obtiennent ces secrets par des moyens, disons, suspects. Alors, c'est très important de bien solidifier qui a le droit et, bien sûr, de garder les documents en litige de brevet. Et je le souligne pour toute la pièce. Quand Chloé a dit, la propriété intellectuelle, c'est la chose la plus importante de l'entreprise, elle avait raison. Pas parce que c'est mon gagne-pain, mais ça aide. Mais parce que, bien sûr, il faut bien le protéger. C'est votre atout contre la concurrence, sans enfreindre la Loi sur la concurrence, bien sûr. Alors, c'est votre atout de concurrence très important, avoir tous les documents pour faire preuve de l'invention ou preuve de l'authenticité de la ligne d'auteur et de création. C'est clé. C'est absolument clé pour plus tard et pour le point de départ.
Dernièrement. Des ententes doivent inclure des obligations de collaboration entre l'inventeur, le créateur et l'entreprise si la PI appartient à l'entreprise, pour être certain que quand ça vient à la poursuite de l'enregistrement d'un droit de pays ou quand ça vient à la poursuite en cours, vous avez la collaboration entière de l'inventeur, même si vous l'avez mis à la porte 15 ans plus tôt. C'est très important.
Tina Aswad
Ça met une puce à l'oreille, en fait. Ça me fait penser à un dossier que Jay et moi, on a eu il y a quelques années. On parle toujours de se protéger pour protéger notre pays à nous plus tard si un employé fait quoi que ce soit, tente de nous dérober notre invention, etc. Mais comment se protéger des litiges qui pourraient venir de notre concurrence? On a un employé qui vient de la concurrence, il se joint chez nous. Comment faire pour réduire les risques? Prévenir encore une fois le document contractuel à l'embauche va être clé, parce que c'est là qu'on va lui demander de déclarer ce que Jay mentionnait, sur quoi tu travailles, pour qui tu as travaillé? On s'assure que tu déclares que tu n'utiliseras rien de chez ton ancien employeur de ce que t'as pu apprendre. Donc, ça sera un document qui, lorsqu'on recevra la mise en demeure du compétiteur puis on va devoir prendre une décision d'affaires, est-ce qu'on conteste ou pas la procédure? Ça va nous aider, puis ça va nous protéger. Au moins, on aura un moyen de défense et la possibilité d'utiliser ce document-là contre l'employé qui aurait pu importer des informations confidentielles d'un concurrent chez nous et sur la base de laquelle on aurait pu créer de nouveaux produits ou de nouveaux documents. Alors, toujours à garder en tête aussi, se protéger contre les procédures de nos concurrents à l'embauche.
Stefan Naswetter
Excellent. Merci pour toutes ces réponses. Je retiens notamment la question de stratégie, l'importance non seulement de la propriété intellectuelle, mais des contrats. Puis je dis ça juste parce que je fais des contrats au jour le jour, et également du côté droit de l'emploi. Sur tant de sujets, de nos jours avec la pandémie, il y a beaucoup d'employés qui travaillent à distance. Est-ce qu'il y a des considérations particulières liées au travail à distance, en lien avec les contributions de ces employés à la PI?
Frédéric Lussier
Du côté propriété intellectuelle, je pense, si on regarde les brevets en particulier, il faut s'assurer de rencontrer les exigences des différentes juridictions. Si on a des employés qui sont soit au Québec, dans d'autres provinces ou même dans d'autres pays, la loi va changer d'une place à une autre, à savoir qui est propriétaire par défaut des contributions, qui est propriétaire par défaut des inventions. Donc, il faut s'assurer d'avoir ça en place. Une autre chose qui arrive, c'est que dans certains pays, l'Allemagne en est un qui me vient en tête, la loi exige des compensations, des royautés payées aux employés qui sont nommés inventeurs sur des brevets. Donc, il faut avoir prévu ces choses-là à l'avance, il faut avoir un plan pour les attaquer pour, quand on dépose une demande de brevet, qu'on nomme les bonnes personnes, celles qui ont besoin d'être là, pas plus, pas moins, puis qu'on met aussi en place toute la paperasse. Dernière chose qu'on veut, c'est d'arriver avec un brevet, peu importe quel droit, arriver en cours, essayer de faire valoir son droit, puis soudainement on réalise qu'on n'en est pas propriétaire ou qu'on n'a pas les bons contrats en place pour démontrer notre propriété de cette chose-là. Donc, quand on travaille dans de multiples juridictions, il faut s'assurer de connaître les exigences de chaque juridiction, où est-ce que chacun des contributeurs est situé.
Jay Zakaïb
Heureusement, la Loi sur les brevets est un petit peu généreuse et je crois aussi que la Loi sur les droits d'auteur est un petit peu généreuse si on n'est pas propriétaire, mais on peut indiquer preuve de licence, d'être licencié ou quoi que ce soit. On peut peut-être jumeler moyens pour être en mesure de faire renforcer nos droits. Frédéric a souligné le fait qu'il y a certains pays qui demandent que le créateur ou l'inventeur obtienne des redevances. Il y a aussi le fait qu'il y a des régimes de propriété qui sont différents, juridiction par juridiction. En Ontario, par exemple, les inventeurs sont peut-être copropriétaires joint tenant, tandis qu'au Québec, est ce que c'est une copropriété divise, est-ce qu'il y a… par quote-part, est-ce qu'il y a un autre moyen de déterminer la division des droits de brevet entre les inventeurs, est-ce que c'est indivisé? Il faut partager et faire un genre de reportage à tous les inventeurs à la fois, qui sont tous propriétaires? C'est complexe. C'est bien de régler à l'avance, tout comme le fait de garder les documents d'invention, de garder tout ce qui est à jour, à la vente, point de départ. Comme ça, plus tard, vous êtes bien en règle pour procéder avec l'acquisition et, bien sûr, le renforcement du droit.
Stefan Naswetter
Parlant de travail à distance, pensons à des sujets qu'on a abordés l'année passée, puis la question du métavers, qu'on est au Forum Tech, est-ce que les considérations supplémentaires en lien avec une contribution à la propriété intellectuelle sur le métavers?
Jay Zakaïb
Le métavers à qui?
Stefan Naswetter
Bonne question.
Jay Zakaïb
Qui est la personne qui vous fournit l'espace dans laquelle vous allez travailler? Est-ce que c'est une entreprise chinoise? Est-ce que c'est une compagnie privée aux États-Unis? Est-ce que c'est un gouvernement? Est-ce que c'est un palier de gouvernement de façon indirecte? Moi, je n'en sais rien. La divulgation, Frédéric l'a bien dit, c'est l'ennemi de la propriété intellectuelle, sur tous les secrets commerciaux, sur tous les brevets. Alors, utiliser ce genre de plateforme, c'est quoi les protections que vous avez? C'est quoi les risques que vous allez avaler sans le savoir? Alors, à mon avis, je n'y toucherai pas, mais j'attends les commentaires de mes collègues.
Tina Aswad
J'ai un commentaire peut-être plutôt pratique, pour ne pas vous endormir avec des considérations de droit international privé qui vont certainement être trop ennuyantes. Par contre, au niveau pratique, peu importe la loi applicable au contrat, il faut se rappeler que lorsqu'on autorise un employé à travailler dans une autre juridiction, bien des problèmes plus pratiques au niveau d'exécution des jugements ou d'exécution de la mesure du remède qu'on voudra prendre ici, si votre siège social se trouve au Québec, au Canada, c'est une chose de pouvoir prendre un recours, d'avoir un droit contractuel à vouloir exécuter. Mais lorsqu'on autorise notre employé à faire du travail à distance depuis une plage, je ne sais trop où dans quel pays, comment l'exécuter, comment l'interdire, comment aller exécuter notre jugement qu'on pourrait valablement obtenir ici? Alors, c'est une autre considération à garder en tête. Le travail à distance, c'est agréable pour tous, mais gardons toujours ça en tête, si c'est un employé qui est clé. Évidemment, il y a des employés pour qui ce n'est pas une considération. Mais si on veut pouvoir agir, je vous suggère de garder en tête ou du moins de baliser où on pourrait <indiscernable> notre travail, faire notre travail à distance.
Stefan Naswetter
Excellent. Quand il y a de la contrefaçon, qu'est-ce qu'on fait? On commence où?
Frédéric Lussier
On appelle son avocat préféré, puis on identifie la situation. <rire> Je pense, encore une fois, que ça revient à quel droit a été enfreint, est-ce qu'on parle de brevet, est-ce qu'on parle d'un droit d'auteur, est-ce qu'on parle des secrets industriels, pour savoir c'est quoi nos recours applicables. Ensuite, il faut déterminer, si on a besoin de poursuivre quelqu'un, qui est-ce qu'on a besoin d'aller poursuivre? Dépendant de quel droit est-ce qu'on a besoin de faire valoir, ça va changer. Dans un monde idéal, on a un brevet, puis on va poursuivre son compétiteur. Ça nous dérange rarement d'aller poursuivre un compétiteur. Mais si on parle de secrets commerciaux, on a peut-être besoin d'aller poursuivre un de nos propres employés, un ancien employé ou peut-être même un employé actuel, si c'est la cause du prix. Dans certaines situations, on peut penser à des brevets dont les revendications ont été peut-être rédigées rapidement, on est obligé d'aller poursuivre notre propre client parce qu'ils ont peut-être été encouragés à faire de la contrefaçon par un compétiteur, mais c'est le client qui fait la contrefaçon comme telle. Puis ce n'est jamais idéal d'aller poursuivre un de nos clients ou quelqu'un qu'on recherche à avoir comme client. D'une certaine façon, ça revient un peu au début de toute l'analyse, à savoir ce qu'on cherche à protéger puis, ensuite, travailler avec nos avocats, nos agents brevets, nous autres, pour rédiger nos revendications ou pour rédiger nos choses, pour que si jamais on était dans une mauvaise situation, on peut juste aller poursuivre les personnes appropriées, puis aussi qu'on puisse aller poursuivre la personne qui a des fonds pour aller collecter. Tu l'as mentionné, les employés n'ont probablement pas beaucoup de fonds. Si on a des dommages-intérêts de 1 000 000 $, peu d'individus vont être capables de satisfaire ça, mais un compétiteur le serait peut-être. Donc, on essaie d'aller chercher ces recours-là où est-ce qu'on est capable.
Stefan Nasswetter
Il faut savoir, il y a des recours assez puissants derrière les lois de propriété intellectuelle et même pour le secret commercial, si vous pouvez obtenir le recours recherché devant les tribunaux. Par exemple, les dommages-intérêts, les profits de la concurrence qu'eux ont pu faire. Vous aurez non seulement l'argent de votre concurrent, mais vous aurez ses chiffres d'affaires à faire preuve de ses profits. Ça, c'est de l'intelligence compétitive importante. Il y a aussi des recours non monétaires. Par exemple, livraison de la marchandise qui contrefait à vos droits, ou sa destruction. Mais moi je préfère la livraison, parce que j'aime ça voir -ce qu'ils ont fait sur le plan personnel et professionnel. Il y a aussi des moyens de tracer les fonds. Alors, si par exemple les fonds ont disparu d'une entreprise, Monsieur actionnaire numéro 2 ou Madame actionnaire numéro 5, qui est la vice-présidente ou le président ou peu importe de la compagnie, on peut tracer, on peut suivre. Ou s'il y a quatre ou cinq compagnies dans la chaîne d'alimentation des dommages-intérêts, on peut même obtenir une fiducie qui ramasse la collecte de tous ces fonds dans tous ces emplacements-là et nous les remettre. Alors, les recours sont très puissants dans la propriété intellectuelle.
Stefan Naswetter
En fait, est-ce qu'il y a des conséquences à ignorer, dans le fond, une contrefaçon? Ça peut être, disons, ah, bien, ça ne me dérange pas trop, finalement, leur sac ne ressemble pas trop au mien, ça fait que je vais le tolérer, celui-là?
Stefan Nasswetter
Il y a une défense d'acquiescence que vous avez endurée et tolérée de contrefaçon, voulant dire que vous avez en effet permis la contrefaçon. C'est un petit peu difficile à définir parce que c'est défini par des juges et différents juges ont différentes opinions. Mais, cependant, si vous savez, vous avez connaissance qu'il y a contrefaçon de vos droits et vous ne prenez pas d'action, ça se peut que la défense va dire, bon, vous le saviez depuis trois ans, vous n'avez rien fait, ça veut dire que moi j'ai le droit de continuer à ma façon de faire. Premièrement. Deuxièmement, si vous avez envoyé une mise en demeure, vous avez signalé la contrefaçon et, par la suite, par le biais de négociations, il n'y a rien qui s'est enchaîné, il n'y a pas eu de règlement hors cours ou en cours, peu importe, dans ce cas-là, ça se peut que si la situation change puis vous alléguez contrefaçon plus tard, comme par exemple sa quote-part du marché vient de devenir plus intéressante, ça se peut que vous allez faire face à une défense d'acquiescence, que vous avez perdu vos droits.
Stefan Naswetter
Donc, pas nécessairement de petits recours face à une contrefaçon. On a déjà commencé à parler un peu de ce qu'on peut espérer comme remède pour… Je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter là-dessus. On essaie d'abréger le tout, mais sinon …
Jay Zakaïb
Les remèdes interlocutoires, je crois, ça vaut la peine.
Stefan Naswetter
Ok.
Frédéric Lussier
J'étais pour parler des dommages et intérêts, encore une fois, mais parce qu'une nouvelle tendance en droit <indiscernable> des dommages pas si notre innovation revendiquée constitue seulement une partie du produit final ou du service, il y a une question à savoir, bien, est-ce que je peux réclamer des dommages-intérêts ou les profits pour toute l'affaire? Au Canada, notre jurisprudence n'est pas très développée. Aux États-Unis, il y une tendance qui va vers le fait que, OK, on regarde les revendications, voir qu'est-ce qui est revendiqué. Donc, ça peut créer une situation où est-ce que si on a un brevet qui revendique une chip quelconque, puis la chip est utilisée dans une auto, bien, si mes revendications revendiquent seulement la chip, il va falloir que je trouve quel pourcentage de 1 % est-ce que la chip constitue dans l'auto. Mais si je revendique une auto qui utilise la chip, je peux potentiellement aller revendiquer les dommages-intérêts ou les profits sur tout l'auto, même si ma chip, qui est vraiment le point d'innovation, est seulement utilisée quelque part dans le fond puis que ce n'est pas ça qui drive les ventes de l'auto, si on peut dire.
Stefan Nasswetter
Pour les recours interlocutoires, vous ne voulez pas continuer à lâcher votre marché à votre concurrence. Il y a la possibilité d'obtenir une injonction interlocutoire. Maintenant, vous allez tous bien écouter. Les chances de succès sont pauvres, mais j'en ai eu, alors… <rire> Je me vante devant vous, mais pour de vrai, c'est possible. C'est rare, mais c'est possible. Il y a d'autres formes d'injonction interlocutoire également, par exemple des ordonnances qui vont prévenir l'exportation de l'argent vers une juridiction insaisissable qui s'appelle une injonction Mareva. Il y a aussi des injonctions pour divulguer d'autres contrevenants. Par exemple, on peut aller chez Bell, puis on va vous dire qui a téléchargé ce vidéo-là dont je suis le propriétaire du droit d'auteur. On obtient un Norwich order, un genre d'injonction qui va ordonner, forcer Bell ou, peu importe, Videotron ou qui que ce soit, à divulguer à nous tous les gens qui ont divulgué notre chef-d'œuvre protégé par le droit d'auteur. Il y a d'autres recours de ce type pour conserver les droits des ayants droit dans la situation qui nous concerne.
Stefan Naswetter
Une dernière question pour essayer de laisser un petit peu de temps pour les questions. Si on réalise qu'on n'a pas mis en place les meilleures pratiques aujourd'hui, qu'est-ce qu'on peut faire? Qu'est-ce qu'on devrait faire?
Tina Aswad
Les mettre en place.
Stefan Naswetter
Bonne réponse.
Tina Aswad
Peut-être au niveau des mesures qui pourraient être prises en droit de l'emploi. Puis là je vais laisser mes collègues… Lorsque je disais au tout début, gérons chaque employé selon le poste occupé dans l'entreprise, vos employés clés qui eux ont accès aux secrets commerciaux, qui ont accès à la valeur de votre entreprise, c'est primordial de mettre des mesures en place qui incluent un contrat d'emploi, mais qui inclut aussi qu'est-ce qui se passe quand il vous annonce qu'il s'en va? Qu'est-ce que vous faites, vous comme employeur, pour cet employé clé? Puis encore une fois, je ne vous dis pas d'appliquer ça pour tous vos employés dans l'entreprise. L'assistante qui travaille au téléphone puis qui n'a pas accès à aucune information confidentielle, ce n'est pas pertinent. Mais vos employés en R et D, vos employés qui ont accès, ceux qui créent, ceux qui sont des employés clés, bien, prévoyez des protocoles au niveau des fins d'emploi, une entrevue de sortie. Parce que souvent, ce qui arrive, c'est qu'on… il y a une fin d'emploi, deux semaines après, on apprend qui est allé chez la compétition, puis là l'ordinateur, le laptop est déjà rendu chez Gilles, qui est le collègue de travail, qui a déjà commencé à travailler dedans puis à anéantir toute la preuve.
Alors, faites une entrevue de sortie, obtenez l'information. Ça va être de l'information qui va pouvoir être utile plus tard, parce que s'il vous ment lors de cette entrevue de sortie, il ne vous dit pas ses vrais motifs, où il s'en va, on pourra l'utiliser pour essayer d'obtenir une injonction. Puis ça va être beaucoup plus convaincant, un employé qui a menti ad nauseam, lors de l'entrevue de sortie pour dire, voici, il prépare sa sortie, il veut nous faire concurrence, il veut nous voler. Ça va être utile comme information. Je parlais de l'ordinateur. Si vous avez des employés clés et puis vous avez un doute suite à l'entrevue de sortie, que peut-être ce n'est pas tout à fait vrai ce qu'on nous dit, il y a des angles morts dans ce qui a été dit dans l'entrevue de sortie, faites une copie miroir de l'ordinateur. Gardez ça avec votre technicien technologique. On fait une copie miroir. Si une semaine après, vous appelez, Tina, il est rendu chez le concurrent direct, qu'est-ce qu'on fait? Bien, on va pouvoir avoir accès à la preuve, faire des recherches par mots-clés ciblés dans l'ordinateur et voir, est-ce qu'il a envoyé des courriels, est-ce qu'il y a downloadé des informations, est-ce que connecter une clé USB à son ordinateur pour pouvoir tirer les documents? Tout ça découle d'une simple entrevue de sortie, puis d'une copie miroir. Ça aura pris 15 minutes à votre entreprise pour le faire. Alors, voilà, c'est un peu des petits conseils plus pratiques au niveau emploi.
Frédéric Lussier
Côté propriété intellectuelle, ça vaut la peine des fois, de façon régulière, de s'asseoir puis de regarder au Québec, qu'est-ce que j'ai comme propriété intellectuelle? Est-ce que je l'ai adéquatement identifiée? Est-ce que c'est adéquatement protégé? Est-ce que j'ai des demandes de brevet qui auraient pu être faites, qui n'ont pas été faites, qui pourraient peut-être encore être déposées? Si j'ai de l'information confidentielle, des secrets d'entreprise et ces choses-là, c'est critique de les identifier pour être capable de les protéger de façon adéquate. Est-ce que c'est les bonnes personnes qui y ont accès et seulement les bonnes personnes? Ou est-ce qu'on le divulgue, même si c'est seulement à l'interne, à trop de gens? Puis ensuite, de prendre les démarches nécessaires pour rectifier si on trouve où il y a des éléments de propriété intellectuelle qui n'auraient pas été suffisamment protégés. D'aller prendre la prochaine étape, puis de s'assurer qu'on va le protéger.
Stefan Nasswetter
Tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas eu divulgation de quelque chose qui va de façon publique détruire notre capacité de faire quelque chose pour obtenir un droit, nous sommes en mesure de prendre des actions correctives. Alors, c'est clé d'assurer que s'il va avoir une divulgation d'ici trois jours, l'inventeur va publier dans un journal scientifique ou peu importe, appeler l'agent de brevet, déposer une demande de brevet. Si la divulgation n'est pas à la hauteur de l'invention, parfait, on peut retirer la demande de brevet. Mais si on doit avoir une date concrétisée pour protéger quelque chose que nous avons développé, ça peut se faire. On va faire le plus possible pour arranger que vous avez au moins quelques moyens pour obtenir des droits que vous pouvez vraiment utiliser contre les tierces parties qui veulent prendre ce que, vous, vous avez créé.
Stefan Naswetter
Excellent, merci. J'ajouterais peut être juste qu'évidemment, les pratiques contractuelles, s'il y a des contrats qui sont déjà signés, c'est peut-être trop tard, puis on peut essayer de les renégocier, mais ça sera peut-être trop tard pour réaligner le tout. Mais mettre en place de nouvelles pratiques contractuelles pour la suite puis pour les employés, il y a des façons, si vous appelez Tina, de peut-être ajuster le tir. Donc, voilà. Merci beaucoup. Merci beaucoup. Je sais qu'on voulait essayer de raccourcir un peu. On devrait avoir un petit peu de temps pour les questions, peut-être. <03:29:41>
Naïm Antaki
Un grand merci.
Frédéric Lussier
Il y a des questions.
Naïm Antaki
Oui, absolument. Un grand merci, Stefan, Jay, Frédéric et Tina. On va prendre le temps pour les questions, que ce soit pour le panel, maintenant, mais aussi si vous avez des questions pour Laura, l'autre Frédéric et Nayla, ils sont aussi ici, puis ils viendront pour vous répondre. <03:30:12>
Période de questions non transcrite
Naïm Antaki
Je voulais simplement prendre le temps de vous remercier, toutes et tous, d'être ici, que ça soit en personne – je ne vais pas utiliser le mot « présentiel » que je déteste – ou encore de manière hybride, par Zoom. Comme vous l'avez vu, ç'a été un travail monumental par chacun et chacune des panélistes. Il y en a trop pour les nommer, mais vous les avez vus. N'hésitez pas à rester en contact avec nous si vous avez des questions additionnelles. Je veux aussi prendre le temps de remercier notre équipe de marketing, que ça soit Delphine, que ça soit Sonia, que ça soit Julie-Han. Il y Anne aussi qui était là, Alirio qui nous a aidés et toute l'équipe aussi pour tous les aspects techniques ou technologiques. Alors, j'aimerais aussi, si vous le voulez bien, que ça soit déjà un rendez-vous pour l'année prochaine. Si vous avez des suggestions pour d'autres sujets, on est toujours ouverts à ça. En fait, on a pris en compte les commentaires que vous aviez faits l'année passée pour monter les projets, les panels de cette année. Sur ce, je vous souhaite une bonne fin d'avant-midi et n'hésitez pas pour continuer sur d'autres questions pour le groupe. Merci encore.
Nous vous convions à une matinée entièrement dédiée au monde numérique en constante évolution. Vous serez invités à plonger au cœur de domaines en pleine expansion, tels l'intelligence artificielle, les technologies émergentes et l'innovation. Vous aurez également l'occasion de comprendre les impacts de certaines technologies perturbatrices, d'explorer les principes de conformité dès leur conception, d'examiner la responsabilité des fabricants là où le monde physique et le monde numérique se recoupent, et de recevoir des conseils sur comment relever les défis de l'innovation.
Ne manquez pas cette occasion unique d'approfondir vos connaissances, d'élargir votre réseau et de garder une longueur d'avance à une époque marquée par des avancées technologiques rapides!
Les présentations seront données principalement en français, avec documentation et séances de questions-réponses en français et en anglais.
Formation dont l'admissibilité a été confirmée par le Barreau du Québec aux fins de la formation continue obligatoire, pour une durée de 2 h 30.
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