Giovanna Spataro
Associée
Agent de marques de commerce
Balados
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Delphine Robert
Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode de Format Légal, le balado de l’actualité juridique en 8 à 14 minutes proposé par Gowling WLG, cabinet juridique international. Pensez à nous suivre pour ne manquer aucun épisode et visitez notre site Internet, gowlingwlg.com pour consulter toutes nos ressources et connaître les dernières nouvelles juridiques.
Voilà plus d’un an que la Loi sur les marques de commerce du Canada a été mise à jour, plus précisément c’était le 17 juin 2019, ça paraît même plus vieux qu’il y a un an. Mais depuis cette réforme, de nombreux changements continuent d’être mis en place, et notamment l’ajout d’un nouveau critère d’examen, le caractère distinctif inhérent, ainsi que la prolongation des délais. On va aujourd’hui en discuter pour y voir plus clair dans ces changements, on va aborder des détails et surtout nous allons vous donner des conseils judicieux pour développer les bonnes stratégies de dépôt de vos marques de commerce.
Je suis Delphine Robert et je suis aujourd’hui en compagnie de Giovanna Spataro, associée et agente de marques de commerce chez Gowling WLG à Montréal ainsi que Philippe Matziorinis, avocat au sein du groupe de propriété intellectuelle également à Montréal.
Bonjour Giovanna, bonjour Philippe.
Giovanna Spataro
Bonjour Delphine
Delphine Robert
Alors je commence tout de suite dans le vif du sujet, ça va être une question pour toi Giovanna, quels sont les aspects pratiques des principaux changements à la Loi sur les marques de commerce, un an plus tard?
Giovanna Spataro
Ce qu’on voit aujourd’hui c’est beaucoup d’objections soulevées en lien avec ce nouveau critère d’examen qui est le caractère distinctif inhérent d’une marque. Alors on voit que les examinateurs soulèvent cette question souvent, et on a encore peu de guides à savoir qu’est-ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas en termes d’arguments, mais on va y revenir plus tard.
Ce qu’on constate également c’est la confirmation d’une tendance, c’est-à-dire que les examinateurs sont beaucoup plus sévères dans l’application des critères d’examen, par exemple le caractère descriptif ou clairement descriptif d’une marque, la présence d’une marque qui est constituée d’un surnom ou du nom d’une personne. C’est des critères qui sont appliqués de manière plus stricte et c’est souvent plus difficile de surmonter ces objections-là.
Delphine Robert
Est-ce que tu peux peut-être nous décrire ce protocole relatif à l’Arrangement de Madrid et des applications de marques de commerce internationales?
Giovanna Spataro
Oui, bien en fait le protocole de Madrid, qui est entré en vigueur au Canada avec les amendements, permet l’enregistrement d’une marque internationale à partir d’une marque canadienne. En fait on n’obtient pas tant un enregistrement international que c’est plutôt une façon de produire une demande dans plusieurs pays par le biais du protocole, par le biais d’un seul dépôt en désignant les pays où on veut obtenir une protection et tout ça se fait à partir d’une demande ou d’une marque nationale.
Donc, pour une entreprise canadienne, il faudrait d’abord avoir soit une demande en instance au Canada ou un enregistrement émis au Canada pour ensuite pouvoir déposer une demande internationale, identifier les pays dans lesquels on aimerait obtenir une protection et ces pays vont tour à tour examiner notre demande et il se peut très bien que la demande soit acceptée dans un pays et refusée dans un autre.
C’est un processus qui est facilité par le fait qu’on a un seul dépôt à faire, un seul enregistrement à gérer.
Delphine Robert
Ok, donc dans le fond, de ce côté-là ça simplifie la tâche aux entreprises qui font des demandes de dépôt. Donc il y a des avantages et des inconvénients.
Giovanna Spataro
Exactement.
Delphine Robert
Et donc on disait plutôt qu’il y a beaucoup de demandes d’enregistrement de marques de commerce au Canada faites en vertu de ce protocole relatif à l’Arrangement de Madrid, est-ce que tu peux nous en dire un peu plus?
Giovanna Spataro
On s’attendait à ce que l’entrée du Canada dans le protocole de Madrid soit un élément déclencheur de popularité si on veut, mais on ne s’attendait pas nécessairement aux chiffres que l’on voit aujourd’hui. En date d’aujourd’hui, il y a un peu plus de 21 000 dépôts internationaux qui désignent le Canada. Ça veut dire que si chacune de ces marques-là est acceptée au terme du processus d’examen au Canada, on a 21 000 nouvelles marques étrangères essentiellement, provenant d’entreprises étrangères qui seront protégées au Canada, c’est énorme!
Delphine Robert
Donc pour revenir sur le protocole de Madrid, quels sont les principaux avantages et désavantages dans un sens de ce protocole?
Giovanna Spataro
L’avantage principal c’est justement que l’on a qu’une seule marque à gérer. Donc par exemple si autrefois on voulait enregistrer une marque dans cinq pays ça faisait cinq enregistrements à renouveler. Si l’entreprise vendait la marque, ça faisait cinq sessions à enregistrer dans les cinq pays différents. Par le protocole de Madrid, le renouvellement se fait de manière centralisée. On renouvelle un enregistrement, le renouvellement se fait automatiquement dans tous les pays désignés. Si on veut transférer la marque, c’est la même chose : c’est un transfert et le transfert se fait dans tous les pays désignés. Donc au niveau de la gestion de la marque, ça facilite beaucoup les choses et ça peut avoir des avantages aussi au niveau des frais. Il y a comme un seuil, c’est-à-dire que si on dépose une demande internationale qui ne vise que deux ou trois pays, on n’aura probablement pas d’avantages financiers en termes de coûts plus bas. Mais si par exemple on vise cinq ou six pays, c’est probablement plus avantageux de passer par Madrid au niveau des coûts que si on faisait six demandes nationales dans chacun des pays qui nous intéressent. Donc on niveau des coûts, il peut y avoir un aspect bénéfique au niveau d’une diminution des coûts.
Le désavantage le plus important c’est le risque d’attaque centrale. En fait, ce qu’il faut savoir ce que pendant les cinq premières années de vie de l’enregistrement international, cet enregistrement-là dépend du maintien et la survie de l’enregistrement national qui est son fondement. Donc pour une entreprise canadienne, ça veut dire qu’il faut que votre enregistrement canadien soit en vigueur et valide pendant les cinq premières années de l’enregistrement international. Si par exemple votre enregistrement canadien tombe parce qu’il a été attaqué pour non-usage, à ce moment-là, l’enregistrement international au complet va tomber et alors on perd tout. Mais le risque est mitigé parce qu’il n’existe vraiment que pendant les cinq premières années de l’enregistrement international, donc si on réussit à passer ces cinq premières années, il y a moins de chance que l’on perde tout ce qu’on a fait en termes de protection internationale.
Delphine Robert
Ok et bien c’est très clair. On parlait en tout début de cet épisode des nouveaux changements qui continuent d’être mis en place et notamment un nouveau critère d’examen qui est le caractère distinctif inhérent et on parle beaucoup d’objections pour manque de caractère distinctif inhérent d’une marque de commerce lors des dépôts. Est-ce que l’on peut éclaircir ce point qui est quand même très important parmi les changements? Alors là je m’adresse à Philippe.
Philippe Matziorinis
Oui en fait c’est vraiment une nouvelle objection qui donne à l’examinateur une grande discrétion dans l’analyse d’une marque de commerce. Le caractère distinctif permet à s’assurer qu’une marque est en mesure de distinguer les produits et services d’une personne de ceux des autres. Donc dans le fond, comme le régisseur a déjà émis une marque de commerce, pour le caractère distinctif inhérent, il faut qu’on s’assure que le consommateur n’a pas une référence à une multitude de sources et qu’à la lumière des produits et services qui sont liés à cette marque, le consommateur est capable de vraiment l’associer à une personne.
Les objections qui sont soulevées par l’examinateur sont souvent émises d’une façon que c’est leur avis préliminaire de la marque de commerce après une analyse n’a pas de caractère distinctif inhérent. Donc il y a cette absence que l’on doit être capable de surmonter. Et maintenant ce qui rend la tâche un peu plus complexe, c’est que l’examinateur, quand il examine la marque de commerce, il peut faire des recherches Internet. Et tout dépendant des résultats qu’il trouve, il va utiliser ça dans son objection émis par rapport à la marque de commerce.
Donc pour vraiment faire le tour de ce caractère distinctif, comment est-ce que l’on peut le surmonter, si vous voulez le savoir, c’est selon deux moyens principaux, soit que votre marque de commerce a déjà été utilisée au Canada, et une fois qu’elle est utilisée au Canada vous pouvez déposer la preuve démontrant son emploi et son caractère distinctif. Le seul obstacle avec cette méthode de surmonter l’objection est qu’il va falloir que vous fournissiez une preuve d’usage au Canada dans chacune des provinces de l’utilisation de cette marque de commerce en association avec les produits et services pour une période d’au moins cinq ans précédant la date de dépôt de la demande d’enregistrement. C’est quand même une tâche qui nécessite beaucoup de préparation et de documents à soumettre. Toutefois, si la marque n’a pas été utilisée et elle est déposée pour être utilisée dans le futur, là on peut vraiment soumettre des arguments et indiquer que malgré que l’objection de l’examinateur mentionne qu’il y a une absence de caractère distinctif inhérent, on peut fournir des arguments pour démontrer le contraire pour prouver que cette marque de commerce possède ce caractère distinctif.
Delphine Robert
Donc on voit encore une fois toute l’importance de la stratégie et de la réflexion en amont qui est nécessaire dans ces dépôts. Est-ce qu’on pourrait citer des exemples de marques de commerce qui sont considérées comme n’étant pas distinctives?
Philippe Matziorinis
Oui et là le bureau des marques de commerce a fourni plusieurs exemples quant à des marques de commerce qui n’ont pas ce caractère distinctif recherché. Ces exemples peuvent être des lieux géographiques, des noms de couleurs, une lettre ou un chiffre, des titres honorifiques, des déterminants possessifs donc il y a une longue liste d’éléments que l’on considérait autrefois comme manquant de caractère distinctif inhérent. Par exemple, pour un lieu géographique, si on dit Milan, qui est associé à une ville, malgré qu’on l’utilise en association avec un certain produit ou service, le fait que Milan existe comme une ville, l’examinateur va faire une rechercher Internet et va déterminer que c’est bel et bien un lieu géographique et va émettre une objection. Toutefois, pourvu que l’on puisse fournir des arguments pour soutenir que Milan, en association avec ces produits et services est vraiment distinctif et qu’il n’y a pas cette absence de caractère distinctif. Et c’est important de mentionner qu’il faut que le niveau de caractère distinctif ne soit pas absolu, dans le sens que s’il y a le moindre caractère distinctif inhérent, l’examinateur doit permettre à la marque de procéder. Sinon, s’il est d’avis qu’il n’y a aucun caractère distinctif inhérent alors là il est certain que la marque ne pourra pas passer. Donc il faut vraiment faire un effort pour démontrer qu’il y a au moins un minimum de caractère distinctif inhérent pour surmonter cette objection.
Giovanna Spataro
Et d’où l’importance de ce que Philippe mentionnait, des recherches que les examinateurs vont faire dans l’examen d’une demande, on parlait de Milan, Milan est une ville connue, c’est sûr qu’une marque qui s’appelle Milan ou Milano va automatiquement réveiller l’examinateur à cette objection. Mais même des lieux géographiques qui sont, pour nous Canadiens, plutôt inconnus, le fait que l’examinateur doit faire une recherche et va inclure les résultats de sa recherche au soutien de son objection va faire en sorte qu’un lieu géographique qui est vraiment inconnu, dans la mesure où c’est un lieu géographique, il va quand même soulever l’objection ce qui rend des fois la tâche plus ardue pour soumettre des arguments à l’encontre.
Delphine Robert
Ok. On parlait des délais, est-ce qu’il y a eu des changements au niveau des prolongations de délais?
Giovanna Spataro
Oui en fait le registraire peut modifier sa pratique au niveau des prolongations de délais dans le cadre de la procédure d’examen d’une demande. À partir du 17 janvier, ou en fait les lettres officielles émises à partir du 17 janvier, il est beaucoup plus difficile d’obtenir une prolongation de délais pour répondre à la lettre officielle si on n’a pas de circonstances exceptionnelles au soutien de notre demande de prolongation. Essentiellement, si l’objection est uniquement fondée sur la nécessité de spécifier la nature des produits ou services, il faudra répondre dans le délai de 6 mois qui nous est accordé, à moins que l’on ait une circonstance exceptionnelle que l’on puisse soumettre en soutien à notre demande de prolongation de délai.
Par contre, les objections plus complexes comme par exemple la confusion avec une marque antérieure, ou l’absence de caractère distinctif inhérent, celles-là sont essentiellement considérées comme une circonstance exceptionnelle ou en fait elles ouvrent la porte à une prolongation de délai et donc pour ce genre d’objection là, on est encore capable d’obtenir une prolongation de délai. Mais si tout ce qu’on a à faire c’est vraiment de spécifier la nature des produits ou services, il faudra répondre dans les 6 mois.
Delphine Robert
Ok. On a déjà bien saisi des changements qui sont quand même très importants. Est-ce qu’il y a d’autres éléments à souligner depuis la réforme?
Giovanna Spataro
Un autre élément que je soulignerais qui est quand même utilisé, mais qu’on tant à oublier c’est la possibilité de produire des lettres de protestation, à défaut d’un meilleur terme, où on avise l’examinateur qu’on est titulaire d’une marque qui pourrait porter à confusion avec une marque dont la demande est en instance. C’est un peu comme jeter une bouteille à la mer dans le sens qu’on informe l’examinateur de nos droits, mais ensuite, on est plus dans le portrait. C’est à l’examinateur de décider si oui effectivement il y a lieu de soulever une objection ou non, mais l’examinateur ne nous répondra pas suite à la lettre de protestation. Mais c’est une manière de tenter de bloquer une marque potentiellement gênante pour le client. Donc ça peut être utile dans certaines circonstances.
Delphine Robert
Parfait. Merci beaucoup Giovanna et Philippe, je pense qu’on a un portrait assez détaillé des changements. Dans tous les cas, ce qui apparaît assez clair c’est qu’il faut vraiment adopter une stratégie quand on pense au dépôt d’une marque de commerce. L’enjeu est évidemment très important et le processus est également très important.
Alors merci à vous tous d’avoir écouté cet épisode de Format Légal. Pensez à nous suivre pour ne pas manquer le prochain épisode et pour aller plus loin, rendez-vous sur notre Internet, gowlingwlg.com pour consulter toutes les ressources disponibles sur le sujet.
Depuis la grande réforme de la Loi sur les marques de commerce du Canada le 17 juin 2019, de nombreux changements continuent d’être mis en place, notamment l’ajout d’un nouveau critère d’examen, soit le caractère distinctif inhérent, ainsi que la prolongation des délais.
Dans cet épisode de Format Légal, Giovanna Spataro, associée et agent de marques de commerce et Philippe Matziorinis, avocat au sein du groupe de propriété intellectuelle chez Gowling WLG à Montréal reviennent sur ces changements et vous donnent des conseils afin de développer des stratégies de dépôts optimales.
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