Cédric Marsan-Lafond
Avocat
Balados
Delphine Robert
Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode de Format Légal, le balado de l'actualité juridique en 8 à 14 minutes proposé par Gowling WLG, cabinet juridique international. Pensez à nous suivre pour ne manquer aucun épisode et visitez notre site Internet, gowlingwlg.com pour consulter toutes nos ressources et connaître les dernières nouvelles juridiques.
Près d'un an après le début de la pandémie mondiale de COVID-19, le Canada débute massivement sa campagne de vaccination. Mais le début de la vaccination suscite sans aucun doute d'importantes questions en matière de droit de l'emploi, tant du côté des employeurs que du côté des employés. Afin d'y voir un peu plus clair, nous vous proposons aujourd'hui un survol des droits et des obligations de l'employeur ainsi qu'un aperçu de certains points juridiques fondamentaux à ce sujet.
Je suis Delphine Robert et je suis aujourd'hui en compagnie de Cédric Marsan-Lafond, avocat au sein du groupe de droit du travail et de l'emploi chez Gowling WLG à Montréal.
Bonjour Cédric.
Cédric Marsan-Lafond
Bonjour Delphine
Delphine Robert
Alors, allons-y tout de suite avec la première question et le vif du sujet, est-ce qu'un employeur pourrait obliger ses employés à se faire vacciner contre la COVID-19?
Cédric Marsan-Lafond
Et bien en fait, en règle générale la réponse va être non. Le Code civil du Québec prévoit le droit pour tout individu à l'autodétermination des soins, ce qui veut dire qu'on ne peut pas obliger quelqu'un à se soumettre à un vaccin sans son consentement. Un autre aspect qui est important à considérer c'est qu'autant la Charte des droits et libertés de la personne que le Code civil du Québec prévoient le droit à l'intégrité et à l'inviolabilité de la personne. Puis, un troisième point à considérer c'est un employé qui refuserait de se faire vacciner pour un motif de discrimination prohibé en vertu de la Charte. Donc la Charte prévoit des motifs sur lesquels on ne peut pas discriminer en emploi, et j'ai en tête notamment la religion. Donc un employé qui refuserait de se faire vacciner pour des motifs religieux ou un employé dont la condition médicale l'empêcherait de se faire vacciner, et ça pourrait entrer dans une notion de handicap qui a été interprété largement par les tribunaux. Dans ce contexte-là, l'employé serait en droit d'avoir un accommodement raisonnable de la part de son employeur, au niveau de la contrainte excessive pour son employeur, et évidemment, il faudrait que ce soit évalué au cas par cas. On pourrait penser par exemple au télétravail, au fait de changer l'employé de position, etc. Donc c'est vraiment chacun des cas qui serait évalué.
Delphine Robert
Ok. Mais est-ce qu'il y aurait des contextes particuliers dans lesquels l'employeur pourrait tout de même obliger et forcer la vaccination?
Cédric Marsan-Lafond
En fait oui, comme je disais pour forcer c'est plus au niveau de l'autodétermination des soins, on ne pourra jamais obliger quelqu'un à recevoir le vaccin. Mais, on pourrait l'exiger dans le cadre de l'emploi. Un employeur qui voudrait limiter un droit fondamental doit démontrer que la limite est imposée dans la poursuite, mais l'objectif légitime et important et que c'est proportionnel à l'objectif qui est recherché. Donc l'employeur devrait démontrer qu'à cause de la nature de ses activités, la vaccination est nécessaire pour le poste et ça, c'est une évaluation qui va devoir être faite pour chaque emploi, et ne pourra pas être déclarée au niveau de l'entreprise en général, c'est vraiment une évaluation qui doit être faite au niveau individuel. On pense notamment dans le passé à des employeurs qui auraient invoqué cette raison-là en raison d'une interaction du personnel avec une clientèle vulnérable, j'ai l'exemple en tête des CHSLD. Puis il y a beaucoup de directives qui sont sorties récemment sur le sujet donc au départ, au mois de janvier 2021, le comité d'éthique de l'INSPQ, c'est-à-dire l'Institut National de Santé Publique du Québec, avait émis un avis comme quoi la vaccination ne serait pas obligatoire chez les travailleurs de la santé. Et étant donné qu'à ce moment-là, il n'y avait pas vraiment de preuve qui justifiait de manière significative le fait que la vaccination empêchait la transmission du virus vers les usagers du système de la santé. Il convient de mentionner que récemment, le gouvernement du Québec a adopté l'arrêté ministériel 2021-024, arrêté ministériel qui fait en sorte que certains employés du domaine de la santé doivent dorénavant fournir une preuve de vaccination à leur employeur.
Delphine Robert
Ok.
Cédric Marsan-Lafond
Si jamais cette preuve-là n'est pas fournie, une alternative c'est pour le salarié de se soumettre à des tests de dépistage réguliers qui sont envoyés à l'employeur. Encore une fois, si l'employé n'accepte pas de se soumettre à des tests de dépistage alors à ce moment-là, il faut le déplacer de son milieu dans un autre milieu dans lequel il peut exercer ses fonctions. Si ce déplacement-là n'est pas accepté ou n'est pas disponible, le salarié serait sorti du travail sans rémunération.
Delphine Robert
Ok d'accord. Donc ce que je comprends c'est qu'il y a une première étape qui est vraiment d'évaluer le poste et le degré d'intérêt, d'enjeu relié à la vaccination, ça c'est la première étape pour un employeur.
Cédric Marsan-Lafond
Effectivement, donc si on se replace plus au niveau du contexte général, c'est vraiment important pour un employeur de faire l'évaluation par rapport à la nature de ses activités pour chacun des postes, si la vaccination peut être justifiée en raison de la nature de ces activités et de l'exigence professionnelle justifiée qui en découle.
Delphine Robert
Ok. Et pour revenir à l'obligation de vaccination, donc on comprend que c'est un terrain qui est quand même assez sensible et il y a vraiment plusieurs étapes à franchir avant d'arriver à ce genre de position, mais est-ce qu'il y a des décisions qui sont pertinentes à ce sujet même si évidement la pandémie est assez unique en son genre, mais dans le passé, est-ce qu'on a eu des cas où les employeurs ont pu obliger la vaccination de leurs employés?
Cédric Marsan-Lafond
En fait, il y a très peu de décisions sur le sujet, mais une qui est pertinente, une décision arbitrale de 2008, qui a été confirmée par la Cour Supérieure en révision judiciaire en 2009. Il s'agissait d'un CHSLD qui combattait une éclosion d'influenza à l'époque, donc plusieurs bénéficiaires qui ont contracté la maladie et une des employés qui travaillait là à l'époque et qui avait refusé de se faire vacciner au préalable avait été en contact avec ces bénéficiaires-là. Donc l'employeur, conformément à sa politique, avait retiré la salariée du milieu de travail pour une durée de 72 heures, qui est la durée pendant laquelle on doit évaluer s'il y a des symptômes de l'influenza qui apparaissent, c'était la durée qui était dans la politique. Cette salariée-là a été retournée à la maison et vu qu'elle n'avait plus de congé dans sa banque de maladies et bien ce congé était sans salaire. La salariée a contesté en vertu de la Charte et l'arbitre a rejeté le grief étant donné que c'était nécessaire de protéger les bénéficiaires qui étaient une population vulnérable et que les conséquences de la non-vaccination avaient été communiquées au préalable à la salariée.
Delphine Robert
Ok. Donc on peut s'attendre à ce que cette décision-là soit utilisée dans un futur proche dans le cas de certains litiges reliés à cette question de vaccination.
Cédric Marsan-Lafond
Effectivement, on n'a pas encore de précédents au niveau de la vaccination pour la COVID-19, mais force est de constater que cette décision-là va surement être invoquée dans des litiges qui sont à venir.
Delphine Robert
Parfait. Donc, si l'obligation de vaccination n'est pas acquise et c'est comme on l'a dit un terrain assez sensible, est-ce qu'un employeur peut tout de même faire de la sensibilisation et encourager ses employés à se faire vacciner?
Cédric Marsan-Lafond
Effectivement, c'est vraiment ce qui est recommandé à l'heure actuelle. Il faut continuer de suivre les mesures qui sont recommandées par l'INSPQ et la CNESST dans leurs différents guides, leurs avis. On pense notamment à la distanciation physique entre les travailleurs, l'installation de barrières de Plexiglas, d'éléments physiques entre les différents postes de travail et le port du masque en milieu de travail. En plus de tout ça, les employeurs devraient se doter de politique de vaccination qui favorisent la vaccination de leurs employés et qui prévoient des méthodes pour faciliter l'accès au vaccin pour leurs employés.
Delphine Robert
Ok. Et d'ailleurs à ce sujet, on en a un peu entendu parler aussi parmi le flot de nouvelles à ce sujet, mais est-ce que la vaccination en entreprise est possible?
Cédric Marsan-Lafond
Oui, la réponse simple c'est oui. Le gouvernement du Québec avait sollicité des employeurs afin de participer à l'effort de vaccination. Les employeurs devaient remplir un formulaire pour devenir, ou du moins appliquer pour devenir un pôle de vaccination et par le fait même, s'engageaient à vacciner entre 15 000 et 25 000 personnes dans leur région donc ce n'était pas juste leurs employés, mais c'était la communauté qui les entoure. Ils devaient vacciner au même rythme que les groupes prioritaires identifiés par le gouvernement. Malheureusement, le processus pour appliquer pour devenir un pôle de vaccination a été finalisé à la fin du mois de mars. Le gouvernement a récemment annoncé quelles entreprises allaient devenir des pôles de vaccination, mais on encourage fortement les employeurs à demeurer attentifs aux nouvelles gouvernementales étant donné que la situation peut changer très rapidement et qu'ils pourraient être appelés à s'impliquer plus tard dans le processus de vaccination.
Delphine Robert
Ok et j'imagine que dans l'avenir quand on va avoir plus de vaccins disponibles aussi ça va aider à avoir plus de vaccination en entreprise.
Cédric Marsan-Lafond
Effectivement, donc on ne sait pas ce que l'avenir nous réserve, mais il se pourrait que des mesures additionnelles du gouvernement soient annoncées donc on invite toujours les employeurs à rester attentifs aux annonces gouvernementales.
Delphine Robert
Parfait. Autre question, est-ce qu'un employeur a le droit de demander à son employé ou ses employés une preuve de vaccination pour se rendre sur un lieu de travail?
Cédric Marsan-Lafond
En fait, on ne peut pas demander une telle preuve, à moins que la vaccination soit justifiée en vertu du test de la Charte dont on a discuté plus tôt. Ce qu'il faut comprendre, c'est que les renseignements médicaux sont des renseignements personnels donc il y a une certaine confidentialité qui est attaché à ça. L'autre chose qu'il faut mentionner aussi, c'est qu'en vertu de la Charte et en vertu du Code civil, les employés ont droit au respect de leur vie privée. Un employeur pourrait demander une preuve de vaccination et l'employé pourrait par contre lui dire « j'accepte de donner la preuve de vaccination, voici j'ai été vacciné à tel endroit, j'ai reçu tel vaccin à tel moment ». À ce moment-là, il y a une renonciation du travailleur, mais cette renonciation-là doit être libre et éclairée avec son consentement.
Delphine Robert
Ok.
Cédric Marsan-Lafond
Par contre, si les employés décident de ne pas fournir une preuve de vaccination, ce que l'employeur devrait faire c'est de leur communiquer que, pour les fins de sa politique, il va considérer que les employés sont non vaccinés. Éventuellement, s'il y a des relâchements au niveau sanitaire pour les personnes qui sont vaccinées, alors pour les employés sont considérés comme non-vaccinés. J'ai un exemple en tête, plusieurs gouvernements qui discutent de l'idée d'un passeport vaccinable donc à ce moment-là, on considèrerait que les employés qui ne fournissent pas de preuve de vaccination ne sont pas vaccinés.
Delphine Robert
Ah oui ok. Ce sont des questions qui sont aussi à venir. Donc finalement, comment aujourd'hui, j'imagine que c'est dans les esprits de beaucoup d'employeurs, mais quels sont les meilleurs conseils que l'on peut leur communiquer aujourd'hui à travers notre podcast pour se préparer aux positions à prendre dans un futur proche?
Cédric Marsan-Lafond
Pour les employeurs c'est de prévoir des politiques comme on disait pour faciliter la vaccination donc prévoir comment faciliter la vaccination pour les travailleurs puis évidemment de prévoir les campagnes de communication pour donner toutes les informations nécessaires pour que les travailleurs puissent prendre une décision éclairée par rapport au vaccin.
Delphine Robert
Excellent. Alors merci beaucoup Cédric, voilà qui est quand même bien plus clair. Une chose est sûre c'est qu'il est essentiel pour tous les employeurs de communiquer ouvertement à ce sujet avec leurs employés et évidemment de se tenir informé des derniers développements au fur et à mesure que les connaissances s'enrichissent à ce niveau-là. Nous vous rappelons également que si vous avez des questions concernant vos responsabilités en tant qu'employeur liées à la COVID-19, n'hésitez pas à contacter Cédric ou un autre membre de notre équipe de droit du travail et de l'emploi à Montréal.
Merci à vous d'avoir écouté cet épisode de Format Légal. Pensez à nous suivre pour ne pas manquer le prochain épisode et pour aller plus loin, rendez-vous sur notre site internet gowlingwlg.com pour consulter toutes les ressources disponibles sur le sujet.
Plus d'un an après le début de la pandémie mondiale de COVID-19, une des plus grandes campagnes de vaccination est en cours au Canada. Mais le début de la vaccination suscite d'importantes questions en matière de droit de l'emploi, tant du côté des employeurs que des employés.
Dans cet épisode de Format Légal, Cédric Marsan-Lafond, avocat au sein du groupe de droit du travail et de l'emploi chez Gowling WLG à Montréal, survole les droits et les obligations de l'employeur et donne un aperçu de certains points juridiques fondamentaux à ce sujet.
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