Josée Gervais
Associée
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Au cours des dernières années, la compréhension et la gestion des secrets commerciaux a pris une importance accrue, notamment en raison de la compétition féroce qui règne au sein de l'économie du savoir entre entreprises. Cependant, la valeur financière des secrets commerciaux demeure sous-estimée comparativement aux formes « traditionnelles » d'actifs de propriété intellectuelle (brevets, marques de commerce et droits d'auteur), que ce soit dans les secteurs de la technologie, de la fabrication ou des services.
FPC/FJC :
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Benoit Yelle
<00:00:15> Bonjour on est de retour. Je sais que le micro dans la première partie était moins évident pour moi. C'est dommage. Je n'ai presque rien à dire dans la deuxième partie. Mais sinon, je dois faire du voice over sur le [inaudible]. Vous l'écouterez. Ça va être mieux. C'est ça, donc, de retour de la pause.
<00:00:36> Comme on disait, là, on va focuser davantage sur les aspects de droit corporatif et les aspects de litige. Et Naïm, je te laisse déjà commencer avec tout ça.
Naïm A. Antaki
<00:00:48> Parfait. Merci beaucoup Benoît. La question qu'on aimerait discuter avec vous pour débuter la deuxième partie, c'est qu'est-ce qui se passe quand on veut développer quelque chose conjointement. Ce qui est différent évidemment d'une situation où on veut simplement acheter l’innovation, mais on veut la développer conjointement.
<00:01:11> Alors, ça peut arriver dans divers cadres. Par exemple, peut-être qu'il y a un professeur dans une université qui a une expertise particulière dont vous voulez profiter et vous voulez avoir une entente avec cette personne-là ou ça peut être avec un tiers, une entreprise disons commerciale.
<00:01:29> Pour la question de l’université, encore là, je reviens toujours à la question de incentive, donc d’incitatifs. Je pense que c'est important de toujours voir quel est le but de la personne, qu'est-ce qui va aider la personne le plus possible de l'autre côté pour aligner vos objectifs communs.
<00:01:51> Quand on parle d'universités, moi, la chose qui me vient souvent à l’esprit, c'est expression qui est de publier ou périr, publish or perish. Le problème avec nous, si on parle d'un secret commercial, c'est que to publish is to perish. Alors comment est-ce qu'on peut faire pour s'organiser ensemble pour respecter, disons, ce genre de choses.
<00:02:16> Thierry, je pense que tu as de l’expérience dans le domaine. Si tu peux peut-être nous donner tes idées par rapport à ça.
Thierry Paul
<00:02:24> Oui, bien en fait, dans une vie antérieure, je ne parlerai pas pour le contexte de CAE. Dans une vie antérieure, j'étais au bureau de la recherche d'une université montréalaise pour s'arrêter là. Donc, ce que je peux donner comme information par rapport à ça…
<00:02:38> Ce qui est difficile en fait dans ce contexte-là, mettons un professeur justement qui fait affaire avec une entreprise ou une autre université, c'est le côté, l’équilibre entre le secret commercial, l'information confidentielle si on veut, et le savoir-faire. Donc, dans le fond, on a l’expérience d'un professeur qui, lui, veut publier, veut être capable de bonifier ses résultats de la recherche.
<00:03:03> Mais en même temps, entreprise veut peut-être vouloir garder des secrets de commerce ou même, dans un contexte que le professeur veut garder certains secrets de commerce. Donc, c'est là qu’on ne veut pas lobotomiser les gens puis leur enlever ce qu'ils ont appris.
<00:03:15> Il y a toujours aussi le contexte de quand on dit : on veut publier. Mais publier quoi dans le fond. Je vais faire un parallèle avec le côté brevets. On peut avoir une solution brevetée qui va quand même être autour d'un secret commercial. C'est-à-dire que quel est le niveau de publication, qu'est-ce qu'on doit faire pour la rendre intéressante cette publication-là.
<00:03:36> Donc, il faut au préalable, avant même que le projet se mette en branle, ce sont des choses qu'il faut discuter au départ. Il ne faut pas attendre d'être arrivé au délai de publication. Souvent, dans le contrat, on va voir qu'il y a 45 jours pour que l’entreprise révise. Puis l’entreprise se rend compte que : bien non, ça, ça ne peut pas sortir de nos murs. C'est impossible. Il faut déjà mettre des balises claires dès le départ.
Naïm A. Antaki
<00:03:59> Merci beaucoup Thierry. Donc, qu'est-ce qu'on va mettre dans le contrat. J'imagine que si on travaille avec ou si on veut faire affaire avec une université ou un professeur, ça va être une partie importante du contrat. Puis, non seulement pour le professeur, mais aussi pour les étudiants à la maîtrise ou au doctorat qui ont peut-être encore plus besoin eux de publier pour justement pouvoir devenir professeur puis acquérir de la notoriété qu'ils ont.
<00:04:29> La raison pour laquelle je voulais où je pensais qu'on pouvait commencer avec cette question au début de la deuxième période, c'est que Montréal, à l’international, aime beaucoup se présenter comme un pôle de centre d'excellence, notamment pour la qualité de ses universités et tout, et tout. Donc, on a vraiment, je pense, une chance à Montréal de pouvoir profiter de ce genre de choses là.
<00:04:58> Alors, évidemment, dans un monde idéal, tout est dans le contrat, n'est-ce pas, pour garder les choses simples. La question qui peut, disons, avoir lieu, c'est, très souvent… puis ça, j'ai déjà entendu ça de mon côté quand on faisait des négociations avec des universités. Ce n'était pas avec Thierry, où les gens disent, on va simplifier les choses, on va tout détenir conjointement. Alors, quand je dis : on va tout détenir conjointement, Benoit et puis tous mes collègues en propriété intellectuelle viennent de tomber de leur chaise. C'est quelque chose qui est tout à fait un cauchemar.
Benoit Yelle
<00:05:40> Bien, en fait, c'est que la plupart des contrats de détention de propriété intellectuelle conjointe ne vont pas spécifier suffisamment en détail qu'est-ce qui arrive au cours de la vie de la propriété culturelle. Qui va payer pour l’obtention. Qui va avoir le droit d'usage. Est-ce qu'il y a une licence explicite, implicite. On peut tous les deux l'utiliser. Est-ce qu'on peut émettre des licences chacun de notre côté. Après ça, il y a un compétiteur sur la place publique qui met en place la technologie. Qui a le droit de poursuivre. Sur quelle base. Est-ce qu'il faut tous les deux être d'accord avant de poursuivre. Une université qui va aller poursuivre, bon, ce n'est pas toujours dans la culture. Des fois, ça va bien, des fois, ça va moins bien.
<00:06:20> Donc, il y a tellement de détails à gérer et puis quand on a une propriété conjointe, inévitablement, ça ralentit le processus d'affaires. Finalement, on a manqué l’opportunité dans bien des cas.
Thierry Paul
<00:06:31> Moi, j'irai avec une analogie frappante, quand on dit conjoints, on bâtit un projet, c'est comme bâtir une maison. Qui va avoir les clés de la maison à la fin. Si vous dites que c'est conjoint, qui va occuper quelle pièce, à quel moment, qui va avoir les droits de pouvoir y entrer. Qui va avoir le terrain. Donc, pour s'éviter beaucoup de problèmes, c'est mieux d'avoir de bonnes balises en place.
Benoit Yelle
<00:06:51> Ou, sinon, carrément… Ça, c'est la suggestion, toujours, c'est d'établir dès le départ la valeur que ça pose pour chacun des intervenants et de résoudre ce problème de valeur dès le départ. Comme ça, il y a une seule des parties impliquées qui va ultimement avoir le contrôle complet sur la propriété intellectuelle.
Naïm A. Antaki
<00:07:09> Oui, merci. Donc, le fait de détenir conjointement ne règle pas le problème. Et la question la plus importante, je reviens à la base toujours. Mon secret commercial s'il est divulgué, la valeur n'existe plus. La raison pour laquelle c'est important d'avoir un contrat écrit, c'est que la jurisprudence ne va pas nécessairement vous donner une alternative qui va être aussi forte et aussi bonne qu'un contrat bien rédigé, pour vous assurer que ce secret commercial qui été développé conjointement va avoir les balises nécessaires.
<00:07:48> Alors, je vais vous donner quelques exemples puis ces exemples vont… Je vais vous donner quelques exemples qui vont [inaudible].
Benoit Yelle
<00:08:02> Je ne sais pas où tu es rendu. [Inaudible].
Naïm A. Antaki
<00:08:07> Je suis rendu à la jurisprudence. Alors, en gros, c'est exactement ça, merci beaucoup. Alors, vu l’état de cette jurisprudence, la meilleure des choses, c'est d'avoir un contrat écrit. Pourquoi? Parce que c'est difficile, très difficile de trouver une autre cause d'action, que ce soit en droit civil ou en common law, qui nous permettrait de dire : je n'avais pas un contrat qui était bien écrit, mais selon les usages ou autrement, il y a une théorie qui fait que les personnes devraient garder les choses confidentiellement.
<00:08:44> Alors, qu'est-ce que ça veut dire. On sait tous qu'un administrateur à une obligation fiduciaire, une obligation de loyauté, etc. envers l’entreprise. Est-ce qu'on pourrait dire que deux coentreprises qui travaillent ensemble pour un appel d'offres conjoint ou qui vont développer quelque chose ensemble dans le cadre d’une nouvelle possibilité. Est-ce qu'il y a une obligation fiduciaire entre ces deux personnes-là ? La réponse, en gros, c'est que, à moins de circonstances très particulières, ce n'est pas le cas.
<00:09:20> Et je vais vous donner quelques exemples qui, moi, m'avaient surpris très honnêtement quand on avait regardé ça un peu de plus près. Dans l’affaire Visagi(?) contre TVX Gold(?), de la Cour d'appel de l’Ontario, il y avait eu deux compagnies minières qui avaient conclu une entente ensemble. Une personne avait des lieux qui étaient très intéressants et une autre personne avait la technologie pour voir, bon, est-ce que c'est un bon endroit où est-ce qu'on peut… Pour développer peut-être [inaudible].
<00:09:54> Et l’idée dans tout ça, c'était de voir s'ils pouvaient ensemble acheter une entreprise. L’accès a été donné. Finalement le RST (?) n'a pas marché parce qu'ils ont décidé de ne plus continuer ensemble dans le cadre de ce RST. Et la personne qui avait eu accès a pris les données puis il les a utilisées pour acheter par lui-même l’entreprise après.
<00:10:26> Alors évidemment, la personne… Il y en a un des deux qui n'était pas content et qui a poursuivi en disant qu'il y avait effectivement peut-être une question d'obligation fiduciaire. Et la Cour d'appel de l’Ontario avait trouvé qu'effectivement il n'y en avait pas, en fait, dans ce cadre-là. Et que c'était uniquement régi par les dispositions du contrat.
<00:10:48> Est-ce qu'on pourrait dire, évidemment, au Québec, ou même dans d'autres juridictions… Est-ce qu'on pourrait dire oui, dans le contrat, j'ai ce qui est explicite, mais j'ai aussi ce qui est implicite. Est-ce qu'on peut parler des usages de l’industrie pour dire que dans une situation en particulier, j'ai une obligation qui fait que, clairement, ce qui a été développé conjointement ne devrait pas être utilisé sans le consentement de deux personnes.
<00:11:13> Et on a un exemple aussi de l’OntarioUp Financial contre Molinaro (?). Ici, on n'est pas dans une situation de haute technologie. Ce sont deux courtiers en assurances qui s'étaient associés à un courtier principal. Il y avait une question de la liste des clients qui avait été développée ensemble. Donc, conjointement. Évidemment, les deux sont partis et puis ils ont décidé de solliciter ces clients. Malheureusement, ils avaient le droit de le faire. Malheureusement. Heureusement pour un, mais malheureusement pour l'autre. Donc, rien dans l’entente entre les parties, la nature de leur relation ou leur comportement n'a créé une obligation de confidentialité.
<00:11:55> Il y a souvent dans la jurisprudence des batailles d'experts sur est-ce que c'est vraiment un usage, est-ce que c'est quelque chose qui est tellement répandu dans l’industrie qui fait que c'est clair qu'il y avait une obligation implicite. Ça n'est pas quelque chose qui est facile.
<00:12:15> Si vous allez voir Alexandre avec ça, il va vous dire, ça va prendre plus de temps. Puis il préférera peut-être que j'aie passé plus de temps dans mon contrat pour lui faciliter la tâche plus tard.
<00:12:29> Pour l’approche aux États-Unis puis au Royaume-Uni, pour vous donner un autre exemple, Loki Marten(?) contre Racion Company(?). Donc, dans cette affaire, Lockeed voulait empêcher utilisation par Racion d'information qui avait été développée encore là dans le cadre d'une coentreprise. Le contrat parlait de restrictions d'utilisation puis de divulgation, mais c'est uniquement avec les tiers. Mais il n'y avait rien dans le contrat qui parlait de ce qui se passe entre les deux entreprises qui formaient cette autre entreprise. Malheureusement, en regardant le contrat et puis toutes les circonstances, il n'y avait pas eu de possibilité justement de restreindre la divulgation de cette information.
<00:13:23> Un dernier exemple qui est un exemple qui est plus PEM, mais qui est très important. Donc, disons que vous vous êtes chacun, chacune assis à une table et assise à une table. Disons que vous décidez de partir une entreprise avec vos voisins et vos voisines de la table. Alors, à qui appartient l'information qui est développée conjointement entre vous pendant que vous êtes en train de négocier votre convention entre actionnaires, pendant que vous êtes en train de préparer un plan d'affaires, pendant que vous êtes en train d’aller voir peut-être des investisseurs pour financer votre projet qui est en devenir.
<00:14:01> Et dans cette situation-là, ce qui s'était passé, c'est qu’une personne avait été écartée. Cette personne-là n'était pas contente. Elle avait dit : vous n'avez pas le droit d'utiliser l’information qu'on a développée conjointement parce que ça m'appartient aussi. Ici, la question des usages était différente. Alors, la cour avait trouvé que, pour les usages, c'était tout à fait normal que dans le cadre d'un développement d'une entreprise puis de négociations au début que les partenaires d'affaires, les associés, les actionnaires, des fois, c'est possible qu'ils changent selon le développement du plan d'affaires. Donc, il avait été écarté de l’affaire complètement.
<00:14:47> Pour peut-être passer à un prochain qui est la question de financement. At the end of the day, your trying to make money. On essaie tous évidemment de pouvoir faire des profits quand on est en entreprise. Est-ce possible si j'ai un secret commercial de le faire financer. Parce que si je ne suis pas capable de le faire, évidemment, ça va me limiter et me menotter beaucoup dans le développement des affaires que je veux faire.
<00:15:17> Alors, au point de vue du Québec, selon la cause que vous voyez à l’écran. Donc, Collège d'enseignement général et professionnel de Trois-Rivières contre LeBlanc et LeFrançois. La question était en fait devenue une question philosophique assez importante parce qu'on essaie d'être pratique, mais il faut toujours évidemment regarder le côté qui est peut-être un peu plus académique ou juridique, théorique.
<00:15:44> Est-ce que c'est un secret commercial ou une information confidentielle, c'est de la propriété? Ou bien, c'est simplement le droit à un usage? Et est-ce que le deuxième alinéa de l’article 2680 permet, qui parle uniquement des brevets, à titre d'exemple de ce qui peut être hypothéqué, mis en hypothèque, est-ce que ça a pour effet d'écarter le secret commercial?
<00:16:15> Ce que la cour a déterminé, c'est qu'elle a décidé de ne pas aller trop dans tout ce qui était philosophique et a dit que, de toute façon, un secret commercial peut être sujet d'hypothèque. Ça peut être l’objet d'une hypothèque. Par contre, il va falloir faire attention à la rédaction. Parce que, effectivement, si on le voit comme un droit de propriété ou qu'on le voit comme un usage et l’article en particulier qu'on va utiliser. À ce moment-là, il faut faire attention. Et la manière de mettre en œuvre ce financement va changer aussi.
Il y a aussi des considérations qui sont similaires aux États-Unis, aussi en Ontario. Tout ça pour dire que the details, les détails sont très importants quand on parle de financement.
Thierry Paul
<00:17:08> J'ai une question par rapport à ça.
Naïm A. Antaki
<00:17:09> Oui.
Thierry Paul
<00:17:10> Dans le domaine du côté brevets, on le patent valuation, c'est-à-dire qu'on peut estimer que la valeur d'un brevet à un moment donné, on fait une photo, admettons que le contrat va durer cinq ans. Voici sa valeur, où on veut l’hypothéquer comme tel. Est-ce qu'il y a des dispositions similaires au niveau des secrets commerciaux? Est-ce que c'est possible de déterminer une valeur d'un secret commercial?
Naïm A. Antaki
<00:17:29> C'est une question qui est très difficile, mais c'est une question qui est très importante parce que, évidemment, on ne veut pas donner accès au secret commercial, n'est-ce pas, à un tiers pour faire cette évaluation. Ou bien, si on le fait, il faut faire très attention à qui on va faire affaire.
<00:17:47> Dans la jurisprudence de ce qu'on a vu, très souvent, une approche qui est utilisée, puis je m'excuse de l'anglicisme, ou de le dire en anglais, c'est de <00:17:57> the BOT for approach, c'est-à-dire que si le secret commercial n'existait pas, si ça n'était pas un secret, comment est-ce que la personne pourrait procéder? C'est-à-dire, est-ce que j'ai besoin de six mois avec dix personnes ou uniquement deux si c'est Benoit et Thierry qui s’en occupe ou est-ce que c'est quelque chose qui est beaucoup plus compliqué. Et sur cette base-là, ça fait partie de tout ça.
<00:18:23> Maintenant, je vous parle de manière très générale. Mais quand Josée et Alexandre vont parler des dommages, on parlait de credible straight (?)<00:18:29> un peu plus tôt, n'est-ce pas? Donc, qu'est-ce qu'on peut aller chercher. Ça, j'ai bien hâte en fait d'entendre Josée et Alexandre sur ce point-là.
<00:18:40> On parle de considérations lors aussi de l’achat d'une entreprise. Si on veut acheter une entreprise qui a un secret commercial, à quoi est-ce qu'il faut penser. Évidemment, il y a la vérification diligente des contrats. Et encore là, je reviens sur ce dont on a parlé au début, n'est-ce pas. Est-ce que toutes les politiques internes sont en place. Est-ce que pour la technologie et pour les gens tout ça, c'est en place. Parce que, sinon, on peut acheter quelque chose dont la valeur est beaucoup moindre que ce qu'on croyait. Est-ce que j'ai des représentations et garanties très fermes sur le fait que ces secrets commerciaux n'ont jamais été divulgués, etc., etc.
<00:19:20> Puis je vais un peu plus vite, maintenant. Évidemment, une des choses qui est très importante quand on parle des gens, c'est une clause de non-concurrence. Donc, on a dit en première partie qu’un NDA, une entente de confidentialité, ce n'est pas du tout la même chose qu'une clause de non-concurrence.
<00:19:38> Josée va parler un peu plus de la distinction pour les clauses de non-concurrence. Je vais simplement dire ici que quand on est dans le cadre d’un achat d’entreprise, c'est bien important de faire la distinction entre la non-concurrence parce que je vends l’entreprise versus la non-concurrence à titre d'employé qui pourrait continuer. Parce que la flexibilité qui est permise par les tribunaux, et vous serez très surpris de l’apprendre, est beaucoup plus large ou il y a beaucoup plus de souplesse dans le cadre d'un achat d'entreprise que dans le cadre des employés.
<00:20:17> Du point de vue du vendeur. Alors, vous avez une entreprise. Vous êtes très fier de votre entreprise. Vous l'avez bâti sur la base d'un secret commercial. Vous avez décidé votre stratégie sur un secret commercial, ou peut-être que vous êtes en train de l’évaluer. Est-ce que je vais rester en secret commercial ou pas?
<00:20:36> Votre horizon, c'est de vendre cette entreprise dans les deux à trois ans, ou dans les quatre à cinq ans. Quel est l’impact d'avoir choisi comme stratégie le secret commercial sur la valeur de l'entreprise quand vous la vendez. Il y a en fait des études économiques sur le sujet. D'un côté, disons que tout dépend de la situation. Alors, selon cette étude économique, si vous êtes dans un cadre où il y a une grande mobilité des employés, avoir un secret commercial qui, effectivement, est bien gardé, bien ficelé avec tout ce qu'on a entendu va vous donner une valeur qui est accrue. Donc, c'est une bonne chose par rapport à ne pas avoir un secret commercial ou ne pas avoir, disons, pris le temps de faire ce que vous deviez faire.
<00:21:28> D'un autre côté, si vous êtes dans une industrie où c'est beaucoup plus difficile d'évaluer la vraie valeur d'une entreprise, so there is a high risk of, you know, of uncertainty in value, à ce moment-là, un acheteur potentiel va en fait se détourner d'une entreprise qui a choisi le secret commercial parce qu'il n'y a pas autre chose qui permet de le rassurer ou de la rassurer sur la valeur de l'entreprise.
<00:22:00> Donc, je pense que quand vous parliez plutôt d'une stratégie hybride, où il y a une partie qui est secret commercial et une partie qui est brevet, c'est peut-être une possibilité de vous laisser le plus de possibilités possible quand vous allez éventuellement à la vente de l’entreprise.
<00:22:18> C'est important aussi dans le cas de vente de l’entreprise de penser à la divulgation. Alors, très rapidement, ce n'est pas parce qu'on a signé une entente de confidentialité que le lendemain, on devrait tout divulguer, n'est-ce pas. J'ai été impliqué dans la dernière dans laquelle j'ai été appliqué très récemment, je peux vous dire qu'il était 11 heures 35 le soir avant que le vendeur – j'étais pour l’acheteur –avant que le vendeur ait finalement décidé de divulguer des informations financières très stratégiques sur l’entreprise. C'était uniquement une fois que tout le reste était ficelé. Donc, il faut vraiment le faire par étapes.
<00:23:00> L'autre chose, c'est pour l’évaluation du secret commercial. Si vous êtes un vendeur, peut-être que vous pouvez penser à un… Il y a des concepts de [inaudible] <00:23:08> ou de black box, des concepts de tiers qui peuvent faire des vérifications, qui peuvent vous aider à ne pas divulguer le tout.
<00:23:18> Alors, suite à ça, on a parlé de la technologie, on a parlé des gens. Mais on ne peut pas parler des gens sans parler des employés. Et de ce qui se passe quand malheureusement le contrat n'est peut-être pas parfait. Alors, Josée, si tu pouvais nous en parler s'il te plaît.
Josée Gervais
<00:23:34> Oui. Donc, on va se transporter du côté du droit du travail. Je veux juste… Ce n'est pas parce que ce n'est pas joli. C'est parce que je ne vois pas.
Thierry Paul
<00:23:41> Pendant que tu fais ça, j'ai une question pour Naïm.
Josée Gervais
<00:23:44> Allez-y.
Thierry Paul
<00:23:44> En fait, je me demandais, si on n'est pas acheteur puis on n'est pas vendeur, mais on est un licencié. Moi j'ai un licencié, ça me prend le secret commercial. Ça me prend quand même une définition de secret commercial pour pouvoir l’opérer puis pouvoir vendre mes produits. Comment est-ce que ça se passerait dans ce cadre-là?
Naïm A. Antaki
<00:24:00> Je te dirai en fait, c'est que si j'agis du côté du licensor, du concessionnaire de licences, je ne voudrais pas licencier mon secret commercial. Ce que je voudrais faire, c'est chez mon secret commercial, la manière de préparer quelque chose puis ensuite j'ai ce qui va devenir public et ce qui va être public est l’équivalent d'un code objet par rapport à un code source ou autrement. Donc, c'est ça que j'aimerais licencier. Mais je ne voudrais absolument pas divulguer à un licencié le secret commercial. C'est, disons, la recommandation que je ferai par rapport à ça.
Thierry Paul
<00:24:39> Tout à fait d'accord.
Naïm A. Antaki
<00:24:40> Donc, faire une distinction entre l’interne puis l’externe.
Thierry Paul
<00:24:43> OK. Tout à fait d'accord. Excuse-moi.
Josée Gervais
<00:24:46> Ce n'est pas un problème. Donc si on revient au droit du travail, le secret commercial va être abordé de façon globale comme étant inclus dans les informations confidentielles auxquelles un employé va avoir accès dans le cadre de son emploi. Donc, la distinction entre le secret commercial, informations confidentielles, elle est faite parfois, mais souvent, on va traiter en fait ces informations-là comme un tout et on va regarder en fait si l’employé a contrevenu à ses obligations envers son employeur.
<00:25:16> Donc, Thierry et Benoit en ont parlé tout à l'heure, mais contrairement à ce que les employeurs aimeraient, ce ne sont pas toutes les informations qui portent sur l’entreprise qui vont être considérées comme confidentielles.
<00:25:26> Donc, l’information qui est connue dans le milieu propre à l’entreprise ou qui est accessible facilement, on pense à Internet ou même par le biais des clients d'un employeur, ne sera pas considérée comme de l’information confidentielle dans le cadre de la relation d'emploi.
<00:25:40> Donc, à l’inverse, l'information qui est difficile à acquérir ou à reconstituer va tendre à être reconnue comme étant confidentielle par les tribunaux.
<00:25:50> Je vous ai mis des exemples ici dans notre présentation. On parle, par exemple, des états financiers qui seraient non publiés, des listes de clients. Et les listes de clients, ça revient énormément dans la jurisprudence. C'est souvent le nerf de la guerre quand les employés quittent pour des concurrents. Les stratégies de mise en marché où tous les mémos internes qui parlent des développements futurs ou des plans d'expansion de l’entreprise.
<00:26:12> Pour illustrer en fait comment les tribunaux vont déterminer dans un contexte d'emploi si l’information est confidentielle ou non, on a retenu deux exemples jurisprudentiels. Le premier, c'est une décision qui avait été rendue dans l’affaire Improtech, ou en fait un employeur cherchait à empêcher un extérieur-employé d'utiliser chez son nouvel employeur les renseignements que lui considérait comme confidentiels.
<00:26:33> Donc, la fonction qui était occupée par l’employé en question en était une de directeur des ventes dans une entreprise spécialisée dans le secteur de l'imprimerie. Donc, ce que l’employeur venait prétendre ici, c'est que, à titre de directeur des ventes, l’employé avait accès aux méthodes de travail ainsi qu'aux secrets qui étaient qualifiés dans l’industrie de l’imprimerie, aux particularités de cette industrie. Et ce que l’employeur prétendait, c'est qu'il disait dans le fond, cet employé-là a eu accès à toutes nos tactiques pour nous permettre d'être agressifs sur le marché et d'aller chercher la clientèle. Donc, c'est ce qui avait été mis en preuve devant le juge.
<00:27:12> Et ce que le juge va conclure en fait, c'est que l’approche de l’employeur en question en était une somme toute assez simple, c'est-à-dire d'être très agressif en offrant un service de qualité à la clientèle et une technologie de pointe.
<00:27:24> Donc, quand on le vulgarise de cette façon-là, il n'y a pas d'information confidentielle. Évidemment, oui, l’employé a appris des techniques pour faire concurrence alors qu'il était à l’emploi. Mais il ne s'agit pas d'un avantage qu'il ne pouvait utiliser au profit d'un nouvel employeur. Donc, la cour a conclu qu'il n'y avait rien de confidentiel à protéger et que l’employé pouvait tout à fait utiliser les tactiques qu'il avait apprises chez un nouvel employeur.
<00:27:50> Dans la deuxième décision qui est la décision rendue dans DLC construction, au contraire, l'employé occupait un poste à titre d'estimateur dans une entreprise de construction. Donc, c'est lui qui préparait toutes les soumissions. Donc, vous savez, les soumissions, les appels d'offres. Évidemment, dans ce contexte-là, la cour a dit, évidemment, le contenu des soumissions qu'il a faites pour son ancien employeur fait partie du domaine confidentiel. Il ne peut utiliser pour son propre compte ou pour le profit d’un nouvel employeur suite à la fin de son emploi.
<00:28:23> Au niveau du secret commercial comme tel, évidemment, la définition en droit du travail va rejoindre celle que Benoît et Thierry ont abordée plus tôt. On parle de formule chimique, de recettes, de procédés de fabrication. Évidemment, les secrets commerciaux, généralement, ça va être seulement quelques employés clés et névralgiques dans l'entreprise qui vont y avoir accès.
<00:28:43> Et ce qui est surtout intéressant et important à retenir pour les employeurs, c'est comment les tribunaux vont identifier une information comme étant un secret commercial. Donc confidentielle. La cour va utiliser ou les tribunaux vont utiliser sept critères en fait. Et c'est comme employeur que vous devez garder en tête lorsque vous voulez vous assurer qu’une information qui est pour vous confidentielle ou qui constitue un secret commercial va être traitée comme telle par les tribunaux au moment venu.
<00:29:09> Donc, on parle, premièrement, de la mesure dans laquelle l’information est connue à l’extérieur de l'entreprise et ça rejoint le caractère public ou non. La mesure aussi dans laquelle information est connue au sein des employés et également des autres partenaires d'affaires, des autres personnes qui gravitent autour de l'entreprise. L’étendue des mesures prises par l’employeur pour protéger le secret des informations. La valeur des informations, non seulement pour l’employeur, mais également pour les concurrents. Quelle serait la valeur de cette information si elle venait à être entre les mains des concurrents. Les montants d'argent qui ont été engagés par l’employeur pour le développement de ces informations-là et la facilité ou encore la difficulté avec laquelle les informations peuvent être correctement acquises ou reproduites par d'autres personnes. Et finalement si le titulaire du secret, on parle ici de l’employeur, et le preneur du secret, généralement l’employé, vont avoir traité l'information comme étant secrète et confidentielle.
<00:30:04> Donc, en résumé, en droit du travail, je vous dirai que l’information confidentielle ne sera pas généralement un secret commercial, mais tout secret commercial va être considéré comme étant de l’information confidentielle.
<00:30:18> Comme employeur, ce que vous voulez faire pour protéger votre entreprise dans un premier temps, c'est cibler les employés qui sont des employés clés et qui ont un accès privilégié à vos informations et qui, donc, peuvent vous causer un tort important s'ils venaient à vous concurrencer soit par le biais d'une entreprise qu'ils démarreraient eux-mêmes ou en quittant pour un concurrent.
<00:30:40> Donc, le scénario idéal dans lequel on se trouve à peu près jamais, nous, en litige, c'est celui où en fait l’employé clé en question a signé l’entente de confidentialité, au moment, généralement, dans un contrat d'emploi, au moment de son embauche, concernant l’accès aux informations confidentielles et si évidemment le poste de l'employé le justifie –et je vais en revenir – il a également signé une clause de non-concurrence qui va en fait le limiter dans sa possibilité de quitter pour un concurrent suite à la fin de son emploi.
<00:31:13> Si on débute par la clause de non-concurrence, c'est un outil qui peut être fort utile pour l’employeur afin de limiter en amont la possibilité qu'un employé, non seulement divulgue ses informations confidentielles, mais carrément mette au profit d'un concurrent l'expérience qu'il a acquise chez l’employeur.
<00:31:32> Par définition, donc, une clause de non-concurrence va être une clause par laquelle un employé va s’engager, advenant son départ de l’entreprise, à ne pas travailler soit à son compte, ou pour le compte d'un autre employeur dans le même secteur d'activité.
<00:31:46> L’article 2089 du Code civil énonce les critères qui sont assez stricts pour la validité d'une clause de non-concurrence. Et la raison est simple, c'est que vous venez limiter en fait la possibilité de l’employé de gagner sa vie littéralement suite à la fin de son emploi chez vous. Donc, c'est sûr que les tribunaux vont scruter ces clauses-là avec attention pour s'assurer qu'elles ne sont pas abusives pour l’employé.
<00:32:09> Les critères, je les ai repris. En fait, la clause doit s'insérer premièrement dans un contrat écrit. Donc, on ne pourrait pas parler d'une entente verbale même si plusieurs ou la majorité des contrats d'emploi sont simplement verbaux. On ne pourra pas avoir de clauses restrictives d'emploi dans un contrat comme celui-là.
<00:32:26> L’engagement de l’employé à ne pas concurrencer doit être exprès. Donc, c'est-à-dire que les termes utilisés doivent être clairs. Et la clause doit être limitée sous trois aspects. Elle doit être limitée quant à la durée de temps pendant laquelle l’employé ne pourra pas faire concurrence. Quant au lieu, dont le territoire où il ne pourra pas faire concurrence. Et quant au genre de travail qui ne pourra effectuer.
<00:32:45> Et même lorsque ces trois critères sont rencontrés, il y a un critère additionnel qui s'ajoute, qui est le critère de la raisonnabilité. C'est donc dire que même si vous avez les meilleurs avocats en ville qui vous ont rédigé la meilleure clause possible, si à sa face même, le poste qu'occupait l’employé au sein de votre entreprise ne justifiait pas l’imposition ou la conclusion d'une clause de non-concurrence parce que le tort que peut vous causer cet employé est somme toute assez minime. Et bien, sur ce seul aspect-là, il est possible que votre clause tombe devant les tribunaux et que vous ne puissiez pas vous en prévaloir.
<00:33:20> Donc, les tribunaux lorsqu'ils sont saisis de la validité des clauses de non-concurrence doivent mettre en fait deux enjeux en perspective, soit la protection des intérêts commerciaux d'un employeur, ce qui est pour l’employeur le plus important. Et évidemment, le droit de l’employé qui est quasiment fondamental, de travailler, de gagner sa vie et d'être mobile également sur le marché du travail.
<00:33:46> Si un seul des critères que je vous ai mentionnés plus tôt n’est pas rencontré ou si la cour juge généralement que ce sont des critères qui vont être jugés trop larges, par exemple, si vous avez indiqué comme territoire le monde entier. Évidemment, ce qui va arriver, c'est que la clause au complet va tomber. Donc, elle est réputée non écrite, inexistante. Et on ne peut pas, même si on l'inscrit dans le contrat, là, on le voit souvent, les contrats vont autoriser le juge à intervenir et à réduire la clause de façon à la rendre applicable. Les juges n'ont pas l’autorité de le faire. Donc, ça ne sert à rien de l’écrire. Vous êtes mieux de vous limiter vous même. Quitte à être plus restrictif que ce que vous pourriez peut-être faire, mais au moins de vous assurer que votre clause, le moment venu, va être applicable.
<00:34:28> Pour illustrer ces critères-là, j'ai retenu une décision que je trouvais intéressante, qui est la décision rendue dans la compagnie à numéro [inaudible]. En fait, la compagnie à numéro, c'est l’entreprise Rona qu'on connaît bien. Donc, Rona, dans cette décision-là, avait tenté de faire respecter une clause de non-concurrence qui avait été signée par son directeur des ventes qui avait ensuite décidé de quitter pour Matériaux Bonhomme, qui est un concurrent direct on pourrait dire de Rona.
<00:34:51> Donc, suite à la démission du salarié, Rona a institué un recours afin de faire respecter la clause. Et juste pour que vous puissiez vraiment apprécier les critères que prévoyait la clause, c'est dans un premier temps, que l’employé ne pouvait pas participer de quelque façon que ce soit à toute entreprise concurrente à Rona. Et ce sur tout le territoire de la province de l’Ontario et du Québec et pendant une période de 12 mois suivant la cessation de son emploi.
<00:35:14> À la lumière des critères de l’article 2089, je pense que vous vous en douterez, la clause a été jugée comme étant déraisonnable. Premièrement, au niveau de la limite dans le temps. Je vous dirai que de façon générale, les clauses qui sont de 12 mois au moins vont être légales et applicables. Le problème dans ce cas-ci, c'est que monsieur avait un contrat à durée déterminée de 18 mois. Donc, évidemment, ça change un petit peu la perspective. Quand on engage un employé pour 18 mois, mais après, on le limite dans la possibilité de gagner sa vie pour 12 mois. Donc, juste à ce niveau-là, la cour a jugé ça déraisonnable.
<00:35:48> Au-delà de la durée, il y avait également la question de la limite territoriale. On parle de la province au complet du Québec et de l’Ontario. Ce qui veut donc dire que monsieur, qui a, avant d'arriver chez Rona, quand même développé des habilités comme vendeur et des aptitudes, ne peut pas les utiliser à moins de déménager dans un lieu assez éloigné. Et c'est ce que la cour… En fait, la preuve va démontrer, c'est que la succursale où travaillait monsieur desservait une clientèle qui se situe à peu près à 100 km autour de la succursale. Donc, il n'y avait pas de motifs. Et c'est l’analyse que vous devriez faire comme employeur en amont. Il n'y avait pas de motifs de limiter le salarié au-delà de ce périmètre-là parce que, au-delà, il n'y avait pas d'intérêt légitime à protéger pour l’employeur.
<00:36:28> Et finalement, quant au genre de travail, je vous l'ai dit, la clause empêchait monsieur de travailler à quelque titre que ce soit dans une entreprise concurrente. Donc, monsieur n'aurait pas pu laver les vitres chez Matériaux Bonhomme. C'était contre sa clause de non-concurrence. Donc, à ce niveau-là, également, la cour a dit : non, non, vous auriez dû indiquer qu'il ne pourra occuper un poste dans le domaine des ventes. Mais vous ne pouvez pas là empêcher s'il a envie d'avoir un poste de concierge chez le concurrent, il pourra très bien la faire sans contrevenir à ses obligations. Donc, dans ce dossier-là, la cour a jugé que le droit fondamental de l’ancien employé de travailler et de gagner sa vie devait l’emporter.
<00:37:04> Et un mot pour vous dire que les clauses de non-concurrence ont aussi des limites intrinsèques qui sont prévues au Code civil. C'est-à-dire que vous ne pourrez vous en prévaloir que si l’employé démissionne ou si vous mettez fin à l’emploi pour un motif sérieux. Ce qu'on appelle généralement le congédiement pour cause. Oui.
Invité
<00:37:22> J'ai une question. Qu'est-ce qui en est des softwares as service, où est-ce que la clientèle normalement est mondiale. Puis on a des gens qui travaillent pour des compagnies dont les compétiteurs sont mondiaux?
Josée Gervais
<00:37:32> C'est une des exceptions où on peut aller beaucoup plus large. Il y en a des clauses. Je pense à une affaire, IBM notamment, où le territoire qui était, je pense, pas loin de la planète entière, honnêtement, avait été jugé comme valide étant donné le secteur très, très, très particulier. Mais, encore une fois, c'est l’analyse que vous devez être en mesure de faire en amont. Puis, posez-vous la question comme employeur, dans un domaine comme celui-là, vous êtes capable de le justifier au moment où vous concluez l’entente.
<00:37:57> Mais lorsqu'on parle vraiment d'un emploi plus dans une succursale ou quelque chose comme ça, évidemment, vous allez devoir regarder elle est où la clientèle. Et généralement, la clientèle, ça arrive, mais ne se situe pas partout au Canada ou partout aux États-Unis et au Canada. Mais c'est vrai qu'il y a une exception importante à ce niveau-là, qui est reconnue d'ailleurs par la jurisprudence.
<00:38:19> Donc, en plus d'une clause de non-concurrence ou si une clause de non-concurrence ne s'avère pas justifiée à la lumière du poste qui est occupé par l’employé, vous avez également la possibilité comme employeur de prévoir une clause de confidentialité ou ce qu'on appelle de non-divulgation.
<00:38:35> Elles sont généralement incluses dans des contrats d'emploi qui vont prévoir les différentes conditions de travail de l’employé. Et même si elles ne sont pas traitées comme tel au Code civil du Québec, la jurisprudence va appliquer les mêmes critères que ceux qui sont prévus à 2089. Et c'est un peu surprenant parce que 2089 fait vraiment référence à la clause de non-concurrence.
<00:38:55> Mais au niveau surtout de la raisonnabilité, c'est-à-dire que même s'il s'agit d'une clause qui empêche simplement l'employé de divulguer l’information confidentielle suite à la fin de son emploi, bien, généralement pendant et après son emploi, elle va devoir répondre à un critère de raisonnabilité.
<00:39:14> Donc, la décision que j'ai mise en illustration, c'est une décision où justement la cour est venue invalider une clause qui prévoyait que l’employé suite à son emploi, pour toujours et même après sa mort, ne pourra jamais dévoiler l’information mise à sa disposition.
<00:39:29> L’entreprise, c'était une entreprise de gestion de personnel. Dans le fond, l’information dont on parlait, c'était des listes de clients, des listes de services. Dans ce dossier-là, en fait, la cour a dit : ce n'est pas vrai que vous pouvez faire survivre pour des informations comme celles-là l’obligation de confidentialité ad vitam æternam. Donc, étant donné qu'elle n'est pas limitée dans le temps, elle est invalide et jugée comme inexistante.
<00:39:51> Évidemment, c'est là qu'il va y avoir des adaptations selon importance et les mesures prises. Et on revient toujours aux mêmes éléments. Si vous avez mis des mesures en place pour démontrer l’importance de cette information-là chez vous, comme employeur. Si on parle de la fameuse recette de Coca Cola, il est bien possible que vous puissiez être en mesure de démontrer que c'est à vie que l’employé s'est engagé à ne pas la divulguer. Mais il y a une marge entre un secret commercial de cette nature-là et une liste de clients qui, de toute façon, dans le temps, à une durée de vie sommes toute assez limitée.
<00:40:22> Donc, ce sont les deux moyens, je vous dirai, qui sont les plus efficaces pour protéger l’employeur, même si évidemment, il en existe d'autres au niveau notamment de la non-sollicitation.
<00:40:32> Et j'avais envie de demander à Thierry, étant donné justement le nombre d'employés importants chez CAE, comment est-ce que vous gérez justement la protection de vos renseignements confidentiels au niveau de votre relation avec les employés chez CAE?
Thierry Paul
<00:40:45> Au niveau de la relation avec les employés, chaque employé signe une convention d'emploi, c'est-à-dire que, au niveau de la confidentialité, au niveau de la non-concurrence aussi. Donc, c'est sûr que c'est bien beau de signer un contrat parce que c'est sûr, quand on a un employé qui commence, il est bien content. Il signe son contrat puis tout est beau. Il en garde peut-être une copie qu'on lui a quand même donnée [inaudible].
<00:41:06> Mais une chose est importante à faire, c'est… On parlait plus tôt de la formation continue puis de mettre l’employé au centre de tout ça. Donc, nous, c'est la formation continue. On leur dit, voici ce à quoi vous avez affaire – donc de l'information confidentielle ou des secrets commerciaux. Mais aussi, une autre chose, c'est de tourner ça positivement. Parce que nos employés vont à des Trade Shows, vont à des conférences, participent à certains événements. Donc, c'est de voir, à travers leurs yeux, leur donner une responsabilité qui sont, un, les gardiens de notre information confidentielle, les secrets commerciaux. Mais aussi, ce sont eux sont capables de percevoir si quelqu'un d'autre les utilise à mauvais escient. Donc, c'est de le mettre au centre de tout ça. Les mettre d’un côté positif.
<00:41:47> L'autre chose aussi, c'est de savoir ce sur quoi nos employés ont travaillé. Dans le fond, sans être un Big Brother, les employés travaillent. On n'en a 8 500 à travers le monde. Savoir dans quels projets ils ont été attitrés et puis aussi quelle importance est leur travail.
<00:42:01> Il y a aussi la possibilité, je dirais, si j’y pense bien, au niveau entrevue de sortie aussi. Tout dépendamment de l’importance du travail de l’employé, c'est de savoir ce à quoi il a touché, mais aussi de faire certains rappels. Encore une fois, un contrat est là. Mais des rappels et leur verbaliser est encore plus percutant.
Josée Gervais
<00:42:21> Donc, je vous l'ai dit, le scénario idéal, c'est celui où l’employé à signé une clause de non-concurrence, une clause de non-sollicitation, une clause de confidentialité. Mais malheureusement, c'est rarement le cas pour le motif que la majorité des contrats d'emploi au Québec sont des contrats verbaux. Donc, évidemment, on ne pourrait pas avoir des clauses restrictives d'emploi dans des contrats qui sont verbaux.
<00:42:46> Donc, si comme employeur, vous n'avez pas la possibilité de vous appuyer sur de telles clauses, pas de panique, ou en fait, pas trop de panique, vous avez quand même la possibilité de vous prévaloir de l’obligation générale de loyauté qui est prévue à l’article 2088 du Code civil du Québec.
<00:43:04> Donc, une obligation de loyauté, elle s'applique à tous les employés, peu importe les fonctions qu'ils occupent. Sauf qu'elle va être modulée justement en fonction de l’importance des responsabilités et le contact de ces employés-là aux informations privilégiées de l’employeur.
<00:43:22> Ce que va venir faire l’obligation générale de loyauté, en fait, c'est qu'elle empêche, d'une part, l’employé tant pendant que pendant une durée raisonnable après l’emploi, de nuire indûment à son employeur. On peut parler de tout ce qui pourrait porter atteint à la réputation de l’employeur. Mais également, va l’obliger à un devoir de discrétion et de confidentialité par rapport à l’information qui a été mis en sa possession dans le cadre… ou à laquelle il a eu accès dans le cadre de son emploi.
<00:43:53> Donc, l’obligation de loyauté, elle existe – le côté pratique, c'est quand qu'il ne soit nécessaire que l’employé l’accepte ou y souscrive par écrit. Donc, elle existe, peu importe le poste occupé par l’employé. Et même dans l’éventualité où vous aviez été proactif et aviez fait signer une clause de confidentialité, une clause de non-concurrence qui, en bout de ligne, s’avère invalide parce qu'elles ne rencontrent pas les critères qu’on vient d'aborder, vous pourrez toujours vous rabattre comme employeur sur l’obligation générale de loyauté.
<00:44:21> Elle vise tout salarié. Évidemment, on va trouver des modulations en fonction du poste occupé. Où est le nerf de la guerre au niveau d’obligation de loyauté, c'est que le Code civil dit qu'elle survit pendant une période raisonnable suite à la fin de l’emploi. Évidemment, vous vous en doutez, les tribunaux ont eu à traiter énormément de la question : quelle est cette période raisonnable au cours de laquelle, comme employeur, je peux m'attendre à ce que mon ancien employé, qui est sûrement rendu chez mon plus grand concurrent aujourd'hui, va respecter son obligation de loyauté.
<00:44:54> Les employeurs auraient bien aimé qu'on puisse étendre cette obligation à plusieurs années suivant la fin de l’emploi. Mais ce que la Cour d'appel est venue établir, c'est que, évidemment, il n'y a pas de durée fixe parce que ça dépend du poste occupé par l’employé. Mais tout au plus, l’obligation de loyauté va survivre quelques mois. Donc, c'est faux comme employeur de penser que ça nous donne une protection suffisante à long terme.
Ça nous donne une protection vraiment, peut-être dans les mois qui vont suivre la fin d'emploi.
<00:45:21> Et dans cette affaire-là, à laquelle je réfère, c'est l’affaire Dion, qui avait été rendue en 2012 par la Cour d'appel. En fait, l’employeur tentait d'obtenir par la Cour d'appel une injonction pour que trois de ses employés qui avaient quitté ne puissent pas concurrencer pendant une période de 15 mois suivant la fin de l’emploi. On est dans une situation où il n'y a pas de clause de non-concurrence. Il avait quand même obtenu l’employeur en Cour supérieure une interdiction pour ces employés-là de concurrencer pendant trois mois, ce qui était quand même pas si mal, mais lui, il demandait à ce que ça soit étendu à une période de 15 mois étant donné la sensibilité des informations avec lesquelles ces employés-là avaient été en contact.
<00:46:01> Et ce que la cour va venir dire, c'est que bon, évidemment, elle va refuser la requête de l’employeur et elle va dire que, sous réserve de l’obligation de loyauté qui a quand même ses limites, le principe de la libre concurrence en droit du travail est un principe fondamental. Donc, un ancien employé est libre de concurrencer librement et on dit même vigoureusement et énergiquement son ancien employeur sans que cela ne soit une contravention à son obligation de loyauté. Et c'est cet élément-là qui parfois, pour les employeurs, peut-être difficile à comprendre.
<00:46:30> Ce que l’obligation de loyauté va empêcher de faire, c'est de faire de la concurrence déloyale, c'est-à-dire que si moi je quitte un employeur pour un concurrent avec les listes de prix et les listes de clients pour contacter systématiquement ces clients-là pour le compte de mon nouvel employeur en offrant des prix moins élevés parce que, évidemment, j'ai la liste des prix. Là, évidemment, j'ai un avantage déloyal sur mon ancien employeur. Ça va être de la concurrence déloyale qui va contrevenir à mon obligation de loyauté.
<00:47:01> Outre les fonctions qui sont occupées par le salarié, qui vont venir faire varier l’intensité de l'obligation, il y a évidemment la particularité des informations avec lesquelles l’employé a été en contact. Les motifs et le contexte du départ de l’employé. On a souvent des situations où l’employé va non seulement quitter chez un concurrent, mais va amener trois, quatre, cinq, six collègues avec lui.
<00:47:20> Évidemment, ce ne sont pas des facteurs qui sont très sympathiques pour l’employé lorsqu’après ça, il y a un recours qui est entrepris. Également, le secteur dans lequel évolue l’employeur et le niveau de la concurrence dans ce secteur-là.
<00:47:37> La difficulté avec l’obligation de loyauté, c'est que l’employeur va rencontrer souvent des difficultés à démontrer le non-respect de l’obligation de loyauté par un ancien employé parce qu'il va avoir le fardeau de preuve. Un petit peu comme l’obligation de bonne foi où on suppose que les gens sont de bonne foi. Ici, on suppose, on prend pour acquis que l’employé est loyal. Donc, c'est à vous comme employeur de démontrer qu'il est déloyal.
<00:47:58> Il va falloir, premièrement, démontrer que l’employé avait accès à de l’information qui était confidentielle. Et on en revient aux critères que j'ai abordés plus tôt sur qu'est-ce qui est confidentielle et qu'est-ce qui ne l’est pas même si moi, comme employeur, je suis persuadé que mon information est privilégiée. Souvent, elle ne l'est pas dans une industrie particulière.
<00:48:16> Et ensuite, on va devoir démontrer que l’employé à utilisé ou divulgué cette information-là en contravention de son obligation de loyauté. Donc, c'est très, très difficile à démontrer pour l’employeur.
<00:48:27> En cas de doute, vous vous en douterez, étant donné la nature de cette disposition-là, les tribunaux vont interpréter l’article 2088 de façon restrictive parce qu'on dit, en fait, la survie d'une obligation contractuelle au-delà de la vie du contrat d'emploi est exceptionnelle en droit civil. Donc, en cas de doute, si on n'a pas de preuves concluantes, on va conclure qu'il s'agit de concurrence dans un libre marché.
<00:48:52> Finalement, l’élément qu'il est important de comprendre pour l’employeur parce qu'il y a beaucoup, beaucoup de litiges qui vont se jouer autour de cette problématique-là, je vous dirai, c'est que la ligne est souvent mince entre, d'une part, les renseignements confidentiels qui appartiennent à l’entreprise et qui, oui, sont protégés par l’obligation de loyauté et, d'autre part, les connaissances personnelles que l’employé va acquérir, qui font partie de lui. Donc, ces aptitudes, sa compétence, que, oui, il a apprises chez l’employeur, mais qu'il est en droit de mettre au profit d'une nouvelle entreprise.
<00:49:25> Donc, la tentative d'un employeur de protéger son information confidentielle peut donner lieu à différents litiges et Alexandre, une fois que l’employeur réalise qu’un employé va probablement divulguer l’information confidentielle ou les secrets commerciaux auxquels il a eu accès dans le cadre de son emploi, que doit-il faire pour réagir rapidement?
Alexandre Sami
<00:49:44> Alors, pour répondre à la question, Josée, revenons à notre ami Thierry, chez CAE. Thierry est sur le terrain de soccer le soir où il est très tard et il reçoit un appel d’un vice-président exécutif qui lui dit : Thierry, on a un problème. Un employé clé, celui qui détient les codes de notre simulateur vient de nous quitter pour la compétition. Alors, c'est la panique. Mais il y a une lueur d'espoir. Thierry connaît d'excellents avocats chez Growling WGL. Alors, quel est ton premier réflexe?
Thierry Paul
Bien, mon premier réflexe, c'est de savoir ce à quoi… Excuse-moi. Je suis encore en train de me remettre de la présentation de la question. Écoute, mon premier réflexe, c'est de savoir dans quel contexte cet employé-là travaille, quelle est l’information à laquelle il a eu accès. C'est de savoir aussi quel est le compétiteur, quel dommage ça pourrait nous faire. Cet employé-là quitte. Et s'il a quitté, c'est de fermer tous ses accès aussi, contacter IT. Je contacte bien sûr ma collègue Maryse Marco par rapport à ça. Ça, c'est mon premier réflexe. À sept heures et cinq, je m'en remets puis je respire. Puis je regarde ma fille compter un but en même temps.
Alexandre Sami
<00:50:57> C'est parfait. Donc, c'est un excellent premier réflexe. Aller chercher l’information, de se renseigner, d'essayer d'avoir le plus d'information possible et après, ton deuxième réflexe, bien entendu…
Thierry Paul
<00:51:04> Mon deuxième réflexe, c'est que, là, il va être rendu à peu près 10 h 30 le soir. Je vais avoir pris le temps de souper. Puis là, étant donné que je me dis que je connais Alex. Ça fait que je vais appeler Alex. Il est dans ma liste de numéros de téléphone et je le contacte pour avoir plus d'informations et savoir comment me prémunir par rapport à certains dommages.
Alexandre Sami
<00:51:21> Excellent deuxième réflexe. Parfait. Donc voilà. Donc, vous vous trouvez dans cette situation. Essentiellement, à ce stade-là, il y a potentiellement deux recours vont s'appliquer. D'abord, un recours en injonction qui te permet d'agir en amont et d'empêcher la divulgation du secret ou de la faire cesser. Et le recours qui est aussi connu comme étant l’arme nucléaire, c'est l’ordonnance Anton Piller. L’ordonnance Anton Piller, c'est essentiellement une perquisition dans un contexte civil. Ça te permet de débarquer chez ton ancien employé et d'aller saisir chez lui, avec aide d'un huissier, même la police, des documents qui t’appartiennent, soit des documents physiques ou sur support informatique, le tout dans le but de prévenir leur destruction. On va en parler un petit peu avec des exemples plus tard.
<00:52:13> Mais si, malheureusement, il est trop tard et que ton secret est dévoilé et que tu n'as plus recours à l’injonction ou l’ordonnance Anton Piller, à ce moment-là, il y a le recours en dommages dont Josée va nous parler.
<00:52:25> Mais revenons à ton employé, Thierry, qui a quitté pour un compétiteur. Il détient des codes de ton simulateur et il est possible que tu n'aies pas la preuve qu'en raison de son nouvel emploi, il va nécessairement divulguer des secrets à son nouvel employeur. Tu n’as aussi possiblement pas signé de clause de non-concurrence. Mais tu nous as dit que tu étais très diligent à cet égard, mais on ne sait jamais. Il se peut qu'une clause de non-concurrence n’ait pas été signée.
<00:52:56> Ça ne veut pas dire que tu es sans recours. Il y a, comme vous le voyez un écran, cette doctrine de la divulgation inévitable. C'est-à-dire que même si l’employé est de bonne foi et qu'il n'a pas l’intention de divulguer ou d'utiliser les secrets commerciaux de son ex-employeur, il peut, dans le cadre de ses nouvelles fonctions chez le compétiteur, lui être impossible de respecter cette obligation de loyauté. C'est-à-dire qu'il utilisera inévitablement l’information confidentielle et les secrets commerciaux qu'il a acquis dans le cadre de ses nouvelles fonctions.
<00:53:27> Donc, la doctrine permet d'atténuer si on peut dire le fardeau de preuve de l’ex-employeur, car il n'a pas à prouver que l’ex-employé a posé des gestes de concurrence déloyale. Il suffit d’établir que l’employé ne pourra faire abstraction des informations confidentielles qu'il a acquises dans le cadre de son emploi chez toi.
<00:53:46> Donc, c'est une doctrine qui a été élaborée aux États-Unis dans une décision qui est parfois reprise, même au Québec, qui est l’affaire Pepsi Co contre Redmond. Il s'agit d'une affaire dans laquelle Pepsi demande une injonction pour interdire à son directeur général des ventes d'exercer des fonctions auprès d'un compétiteur principal qui était Quaker Oats.
<00:54:12> Alors, dans ce cas-ci, le directeur des ventes connaissait toutes les stratégies, les plans de marketing, les stratégies d'affaires, les objectifs financiers, les stratégies de fabrication, de production, etc., de Pepsi. Et il allait participer à des décisions en matière de marketing chez Quaker. Pepsi n'a pas prétendu que des secrets commerciaux avaient été volés, mais plutôt que dans son nouveau rôle, l’employé allait nécessairement divulguer… Il serait inévitable que cet employé divulgue les informations dans le cadre de la stratégie de marketing chez Quaker et anticiperait les stratégies de Pepsi puisqu’il les connaissait toutes.
<00:54:55> Donc, ce qui est intéressant, c'est que l’employé qui avait quitté Pepsi, qui était rendu chez Quaker, avait signé une entente de confidentialité chez Quaker qui lui interdisait essentiellement de divulguer tout renseignement confidentiel appartenant à Pepsi. La cour a néanmoins conclu qu'il existait un danger d'appropriation illicite des secrets commerciaux et a donc accordé l’injonction qui a interdit à l’employé de travailler pendant six mois chez Quaker et de divulguer les secrets commerciaux. Et la décision a été confirmée en appel. Donc, c'est un principe qui a été souvent utilisé dans différentes juridictions américaines.
<00:55:35> D'autres, comme la Californie, l’État de New York ou la Floride n'ont pas adopté cette doctrine en raison des restrictions qu'elle apporte à la liberté de commerce. Et c'est également le cas pour les tribunaux ontariens.
<00:55:48> Donc, c'est important de retenir que dans l’application de cette doctrine, il y a des intérêts importants qui s'opposent, d'un côté, bien entendu, l’intérêt de l’employeur, de protéger ses innovations et ses inventions qui a développés au prix d'efforts et d'investissements considérables et aussi de continuer d'innover en ayant l’assurance que ses secrets commerciaux seront protégés. D'un autre côté, bien entendu, l’intérêt ou le droit de l’employé à la mobilité sur le marché du travail et son droit de gagner sa vie.
<00:56:19> Au Québec, cette doctrine a été appliquée en tenant compte des obligations de loyauté et de confidentialité dont Josée nous a parlé et dictées à l’article 2088 du Code civil.
<00:56:31> Deux éléments principaux sont analysés par la cour. Les renseignements que l’ex-employeur cherche à protéger doivent être des secrets commerciaux ou des renseignements qui justifient une protection et la divulgation de ces secrets ou de ces informations doit être inévitable et imminente.
<00:56:48> Donc, je vous donne deux exemples. Donc, l’affaire Lawrence Home Fashion. Dans cette affaire, la cour a émis une ordonnance de sauvegarde empêchant au défendeur Seawell de travailler pour un nouvel employeur qui était dans ce cas-ci Sheftech malgré l’absence d'une clause de non-concurrence ou de confidentialité. La cour a conclu que même avec les meilleures intentions et en présumant de la bonne foi de Seawell, il pourrait lui être très difficile, sinon impossible, de ne pas faire usage d'une façon ou d'une autre des informations confidentielles qu'il avait acquises chez Lorenz Fashion Home. Notamment dans le cadre d'une stratégie pour obtenir plus d'affaires d'un client important. Dans ce cas-ci, c'était Sears et au détriment de Lorez Fashion Home.
<00:57:33> Donc, la cour a dit que tant que ces informations-là n'étaient pas périmées ou rendues inutiles, Shefteck, le nouvel employeur aurait alors un avantage important et injuste sur Lawrence concernant ce client important qui était Sears. Donc, il est vrai que Seawell n'avait pas signé de clause de non-concurrence ou de non-sollicitation avec Lawrence Fasion Home et que la libre concurrence est la règle et non l’exception. Néanmoins, la cour a établi que la libre concurrence avec des limites et que, dans un tel contexte, on ne pouvait nier que la concurrence que ferait Seawell serait déloyale et par conséquent illégale. La cour a donc accordé l’injonction.
<00:58:18> Dans la deuxième décision, Éditions CEC, encore une fois, un cas d'application de doctrine inévitable, mais la cour l’a rejeté. En fait, elle l’a considéré, mais elle l’a rejeté. Et madame Hox, dans cette affaire, avait quitté Éditions CEC pour aller chez un compétiteur. Alors qu'elle était chez CEC, vice-président et rendu chez le nouvel employeur, également vice-président et en charge de la création du nouveau matériel pédagogique de ce concurrent.
<00:58:49> Donc, CEC a fait valoir que le fait de travailler sur ce projet, ce nouveau matériel pédagogique entraînerait inévitablement l’utilisation ou la divulgation de l’information confidentielle qu'elle aurait obtenue dans le cadre de son emploi précédent. Ainsi, elle violerait sans doute son engagement de confidentialité, son obligation de loyauté.
<00:59:10> Donc, elle n'avait pas signé d'entente de non-concurrence. Mais la cour considère la doctrine de la divulgation inévitable et souligne qu'il faut démontrer la présence de quatre conditions. Essentiellement, que l’ex-employé a fait preuve de mauvaise foi ou de conduite répréhensible, des secrets commerciaux qui doivent être protégés, que l’ex-employé occupe un poste similaire chez le nouvel employeur et que le nouvel employeur et l’ancien employé sont des concurrents.
<00:59:37> Donc, la cour a rejeté dans ce dossier-ci, l’injonction permanente, vu l’absence de mauvaise foi de l’ex-employé, l’absence d'une clause de non-concurrence et a énoncé que plusieurs principes fondamentaux du droit civil québécois seraient violés dans ce cas-ci : la présomption de bonne foi, le principe de liberté de travail et le principe de la libre concurrence.
<00:59:56> Donc, même si la doctrine a été reconnue, ça demeure toujours un défi de convaincre la cour qu’elle devrait s'appliquer en l’absence de clause, en l’absence d'un contrat et de ne plaider que la doctrine de la divulgation inévitable en jonction avec l’article 2088.
Josée Gervais
<01:00:15> Donc, avant que j'aborde la question des recours en dommages-intérêts, Alexandre, tu nous as parlé, tu nous as glissé un mot sur le recours en injonction et le recours Anton Piller. Le recours en injonction, c'est souvent le premier réflexe parce qu'on veut stopper l’hémorragie. Peux-tu nous dire un peu concrètement les critères que l’employeur va devoir rencontrer s'il veut se prévaloir et justifie une ordonnance comme celle-là?
Alexandre Sami
<01:00:38> En fait, pour l’injonction, c'est définitivement le premier réflexe, c'est la première chose qu'il faut considérer. Et il faut, disons, l’évaluation, de décider si oui ou non, il faut prendre un recours en injonction et fixer les critères que vous connaissez sans doute : l’apparence de droit premièrement. Si vous avez une clause de non-concurrence, évidemment, ça va être beaucoup plus facile d'établir une apparence de droit.
<01:00:58> Ceci étant dit, même en absence d'une clause, avec les dispositions légales, on peut faire la preuve d'une apparence de droit. Donc, démontrer un droit clair.
<01:01:06> Le préjudice sérieux, c'est-à-dire qu'il est sérieux ou irréparable, qui ne peut être compensé en dommages. C'est assez facile de l’établir, c'est-à-dire que dans un cas d'injonction comme ça, convaincre la cour que le secret, une fois divulgué, va causer un préjudice sérieux parce qu'on ne peut pas revenir en arrière, on ne peut pas compenser monétairement.
<01:01:28> La prépondérance des inconvénients. Quelle partie subira le plus grand préjudice si on accorde ou on refuse l'injonction. Ici, ça risque d'être plus difficile parce que, comme je vous ai dit tantôt, dans la balance, il va y avoir le droit de l’employé de gagner sa vie, la libre concurrence versus la protection de l’information.
<01:01:44> Donc, c'est souvent à ce niveau-là que ça peut jouer. Et pour l’injonction provisoire, il faut démontrer l’urgence qui peut résulter de l’imminence d’un vol de secrets commerciaux si vous agissez assez rapidement ou parfois pour éviter la divulgation imminente du secret commercial.
<01:02:03> Donc, je dirais que par expérience, si vous n'êtes pas assez confiant d'avoir gain de cause sur l’injonction provisoire, il faut quand même bien y penser parce que ça peut avoir l’effet d'un coup d'épée dans l’eau si vous n'êtes pas assez solide et que vous intentez une injonction, qu’elle est rejetée au stade provisoire. Alors là, ce qui arrive, c'est que non seulement vous n'aurez pas d'ordonnance. Mais encourager le fautif, l’ex-employé de continuer dans ses démarches. Et vous risquez de vous retrouver plusieurs mois plus tard, car là, une fois que la provisoire n’est pas accordée, les délais reliés au processus judiciaire peuvent faire en sorte que vous ne vous retrouverez pas devant la cour à nouveau avant quelques mois. Pendant ce temps-là, la divulgation se sera faite et le dommage sera fait. Donc, ce sera plus un recours en dommages que vous allez pouvoir considérer.
<01:02:47> Donc, c'est important pour l’injonction d'être bien armée, d'avoir bien étudié les critères et d'avoir, je dirais, essentiellement, les bons conseils et remplir tous les critères. Ça, je vous donne dans les exemples jurisprudentiels deux exemples. Le premier, Deschênes et fils, une affaire dans laquelle le salarié avait travaillé pendant 22 ans comme directeur du service à la clientèle chez la demanderesse et il a quitté la demanderesse pour se joindre à une entreprise concurrente à titre de directeur des ventes.
<01:03:23> La demanderesse prétend que le salarié lui livre une concurrence déloyale en sollicitant sa clientèle et ses fournisseurs. Et la cour a donc été appelée à considérer l’application de la divulgation inévitable, mais elle ne l'a pas retenu. Mais par ailleurs, quant à la prépondérance des inconvénients, la cour a jugé qu'elle favorisait l’ex-employé parce qu'il avait le droit de gagner sa vie.
<01:03:43> Donc, la cour a décidé qu'en l’absence d'une clause de non-concurrence, le simple fait pour un employé de solliciter la clientèle de son ex-employeur ne constituait pas en soi une concurrence déloyale. Donc, la cour a rejeté la demande en injonction dans cette affaire qui visait à empêcher l’ex-employé de solliciter la clientèle de son ancien employeur. Mais la cour a néanmoins émis une ordonnance interdisant à l’ex-employé d'utiliser les informations confidentielles appartenant à son ex-employeur. Donc, ce n'était peine perdue dans cette affaire.
<01:04:16> ING Canada, c'est un autre exemple où le défendeur qui était gestionnaire de portefeuille chez ING annonce qu'il va démissionner pour fonder sa propre entreprise et qu’un des clients importants Fonds AGS d’ING va lui confier la gestion de son fonds. Donc, dans ce cas-ci, il y avait une entente de confidentialité qui avait été conclue entre les parties. Et la demanderesse cherchait à obtenir une ordonnance de sauvegarde pour empêcher l’ex-employé d'utiliser des informations confidentielles et des secrets commerciaux.
<01:04:44> Donc, quant à l’information confidentielle, le tribunal conclut qu’ING n'a pas rempli son fardeau de prouver l'existence d'une recette secrète inconnue d'AGS et qui serait la propriété exclusive d’ING. Donc ING n'avait pas établi l’apparence de droit et la cour ajoute même s'il y avait eu apparence de droit, les conclusions qui étaient recherchées par ING étaient beaucoup trop larges et beaucoup trop vagues. Elle a donc rejeté la requête pour l’émission d'une ordonnance de sauvegarde et la Cour d'appel a confirmé cette décision.
Benoit Yelle
<01:05:14> Excuse-moi Alexandre, mais penses-tu que si la documentation entourant le secret commercial avait été peut-être de meilleure qualité ou plus formelle, ça aurait pu avoir une incidence sur la décision?
Alexandre Sami
<01:05:25> Définitivement. Je pense que c'est toujours… Plus on a d’éléments de preuve écrits et le mieux on est placé pour établir, je pense, tous les critères. Si tu n'as pas une clause de non-concurrence, c'est dommage, mais tu peux quand même avoir une clause de confidentialité des renseignements qui va établir quels sont les renseignements confidentiels, qui va vraiment devenir et faciliter le travail du juge.
<01:05:49> Je peux vous dire pour l’avoir fait avec une clause que c'est beaucoup plus facile parce que le juge, sur une provisoire, tout ce qu'il doit décider, c'est : bon, OK, qu'est-ce que je fais?
Benoit Yelle
<01:05:58> Qu’est-ce que je fais.
Alexandre Sami
<01:05:57> Si c'est urgent, la provisoire est valide pendant 10 jours. Ça à l’air d’avoir une apparence de droit. Alors, il va peut-être facilement vous donner gain de cause si votre clause est claire plutôt que si vous y allez uniquement sur les dispositions de la loi. Une fois que vous avez la provisoire, là, vous avez le long bout du bâton. C'est plus facile après ça soit de négocier. Vous vous retrouvez dans le driver seat à ce moment-là. Mais d'expérience, moi, dans tous les cas où j'ai présenté des injonctions avec une clause, j'ai réussi à avoir la provisoire. Sans la clause, là, ça devient beaucoup plus difficile de faire sa cause.
<01:06:38> Là, on est rendu à l’ordonnance Anton Piller. En fait, c'est connu comme l’arme nucléaire des recours parce que c'est une mesure qui tient à la fois de la saisie et de l’injonction et c'est essentiellement un mandat de perquisition qui est obtenu sans préavis, qui est obtenu ex parte. Qui vous permet de pénétrer au domicile ou dans le lieu de travail d'un ex-employé avec un huissier, avec la police, de saisir des documents, de prendre des supports informatiques sur lesquels des éléments de preuve pourraient se trouver et de rapatrier ces éléments-là pour en éviter la destruction.
<01:07:13> Donc, elle n'est accordée que dans des cas très, très exceptionnels. Les conditions qui donnent ouverture sont donc les suivantes : un droit d'action prima fascie. Donc, un commencement de preuve très solide. Un préjudice réel très grave pour le demandeur. Donc, une forte probabilité d'un préjudice ou d'un dommage sérieux et irréparable. Une preuve manifeste que le défendeur a en sa possession des documents pouvant servir de preuve et qu'il est réellement possible ou probable qu'il les détruise. Et une pleine divulgation de faits justifiant la demande, c'est-à-dire qu'il faut avoir une transparence absolument complète quand on se présente devant le tribunal pour une telle injonction. Donc, même, je dirais, mettre de l’avant les points qui peuvent être faibles de notre dossier parce que, sinon, ça peut nous revenir et il peut y avoir des recours en dommages ensuite intentés contre le requérant qui a pris une telle injonction sans être très transparent. Donc, en cas de refus de se laisser saisir, alors, c'est le processus d'outrage au tribunal qui interviendra contre la personne qui est visée par l’injonction. Donc, les effets sont doubles. Protéger des éléments de preuves qui sont nécessaires à un litige et assurer le respect, le droit de propriété, reprendre ce qui nous appartient et qui est en possession du requérant.
<01:08:30> Dans son exemple qui est cité, Aviva contre Achacha, dans cette affaire, l'employeur fabriquait et distribuait des produits pharmaceutiques pour animaux. Il prétend que son directeur scientifique a violé son obligation de non-concurrence, de confidentialité et de loyauté en utilisant sans autorisation des secrets commerciaux de l'entreprise.
<01:08:50> Donc, l'employeur ignore utilisation que l’employé aurait pu faire de ses secrets commerciaux auxquels il a eu accès. Donc, dans ce cas-ci, ce n'est pas le cas d'un employé qui quitte, mais c'est un employé toujours à leur emploi de l’employeur, mais qui, au profit d'une compagnie qu'il a lui-même fondé, utilise les renseignements qui appartiennent à son employeur.
<01:09:09> Donc, la cour en est venue à la conclusion que le droit d'action d’Arriva, qui était a priori solide, et qu'il y avait des éléments de preuve sérieux qui permettaient de croire que l’employé avait contrevenu à ses engagements de non-concurrence et non-sollicitation. Il y avait aussi des bonnes chances que l'employé dans cette affaire détruise des éléments de preuve s'il avait appris qu'un recours était intenté contre lui.
<01:09:30> Donc, la cour a accordé l’injonction et a énoncé des critères, que les conclusions d'une ordonnance Anton Piller doit avoir. Il faut qu'elle soit bien circonscrite. Donc, il faut que le moment où l’ordonnance doit être exécutée soit bien défini. Il faut que les personnes autorisées à faire l’exécution ou la saisie soient bien identifiées. Il faut que les personnes qui agiront à titre de gardien des biens saisis soient bien identifiées également. Il faut que le droit de la personne visée par l’ordonnance à consulter un avocat soit indiqué. L’obligation aussi imposée au saisissant de procéder à l’inventaire des biens saisis rapidement et la nomination d'un avocat indépendant. C'est assez particulier dans le cadre de ce recours-là. Non seulement vous retenez votre avocat, mais il faut qu'il y ait un avocat indépendant qui supervise l’exécution de l’ordonnance.
<01:10:23> Donc, c'est un processus qui, vous le comprendrez, va être très, très coûteux. C'est vraiment une procédure extraordinaire qui exige que des critères absolument stricts soient suivis.
<01:10:35> Donc, si ces deux recours, l’ordonnance Anton Piller et injonction, ne sont plus disponibles soit parce que le secret a été dévoilé où qu'il y a trop de temps qui s'est écoulé, vous allez avoir malheureusement ou peut-être heureusement un recours en dommages. Et Josée, tu vas nous en dire un mot.
Josée Gervais
<01:10:53> Oui. Donc, en plus, évidemment, des recours qu'Alexandre vient d'élaborer plus en détail, il y a toujours le recours en dommages. Mais le défi dans un recours en dommages, c'est de démontrer, oui, la faute du salarié, mais également que cette faute-là a été génératrice de dommages pour l’employeur. Je vais vous illustrer au moyen de causes jurisprudentielles que souvent, malgré les prétentions de l’employeur, l’employeur va être incapable de faire la preuve des dommages subis.
<01:11:24> J'en profite également pour vous mentionner que, comme employeur, vous avez une responsabilité aussi au niveau des employés que vous engagez et qui proviennent de concurrents parce que dans plusieurs décisions en droit du travail où ce sont des recours en dommages, les dommages… En fait, le recours va être pris tant contre l’ancien employé que contre son nouvel employeur.
<01:11:45> Donc, vous ne pouvez pas comme employeur vous laver les mains de la situation. Vous devez être au courant des obligations que votre nouveau salarié avait peut-être à l'égard de son ancien employeur et également vous assurer que votre nouveau salarié va respecter son obligation de loyauté au risque de vous retrouver vous, comme nouvel employeur, condamné à payer, à verser des dommages à l’ancien employeur du salarié.
<01:12:09> Donc, j'ai sélectionné trois causes qui me semblaient intéressantes parce qu'elles illustrent bien les difficultés un petit peu et les causes. Ce sont des causes où les faits sont assez standards. On retrouve plusieurs décisions avec des faits similaires.
<01:12:24> Donc, la première décision est celle rendue dans G. Michel contre Michel par la Cour supérieure. Ici, c'était un employeur qui était spécialisé dans la fabrication de toit de bateaux en toile. Donc, c'est assez précis. Donc, il poursuivait son ancien salarié qui avait travaillé pendant 24 ans à titre de patronniste. Donc, c'est lui qui faisait les patrons des fameux toits et également de directeur de la production. Donc, on s'entend que ce salarié-là avait un accès privilégié à toute la fabrication en fait du produit vendu par l’employeur.
<01:12:53> Donc, deux ans après la fin d’emploi, après la démission du salarié, l’employeur constate qu'un de ses principaux clients s'est procuré ailleurs des toits qui sont semblables à ceux que lui fabrique, qui sont fabriqués par son entreprise. Donc, il reproche au salarié d'avoir violé son obligation de loyauté en volant ni plus ni moins ses patrons. Il n'y avait pas de clause de non-concurrence dans ce dossier-là, pas de clause de confidentialité et les patrons en tant que tels n'étaient pas protégés d'aucune façon que ce soit par l’enregistrement d’un brevet ou autre.
<01:13:26> Donc, la cour, dans cette décision-là, a rejeté la demande de l’employeur. C'était intéressant de voir justement les développements qui vont être faits par le juge sur la distinction entre les connaissances d'un salarié qu'il a acquises au cours de son emploi, ce dont je parlais plutôt, et l’information confidentielle qu'il peut avoir volé à son ancien employeur. Donc, ici, l’employeur a été incapable de démontrer que le salarié avait quitté avec des données spécifiques, des informations confidentielles ou des échantillons qui auraient permis en fait de lui donner un avantage indu dans ce secteur d'activité.
<01:14:04> Ce que les faits ont démontré, c'est que le client en question est arrivé chez l’ancien salarié avec un échantillon des toits en toile. Et le salarié, simplement au moyen de ses compétences, de ses connaissances et de son habileté, a reproduit un produit qui était tout à fait similaire à ce que le client achetait chez son ancien employeur.
Et ce que la cour va venir dire en fait, c'est que n'importe qui avec un peu de génie, j'exagère, aurait pu, en ayant quelques habiletés et compétences dans ce domaine-là, reproduire l’échantillon que le client lui avait apporté. Donc, pour ce motif, il n'y avait pas de violation à l’obligation de loyauté.
<01:14:40> Mais vous comprenez que pour l’employeur, il ne fait aucun doute que les connaissances de cet employé-là, il les a développés comme patronniste et comme directeur de la production, mais évidemment, il a le droit de les utiliser au profit d'un nouvel employeur ou à son propre profit après la fin de l’emploi.
<01:14:56> Dans l’affaire Métrivis, l’employeur exploite une entreprise qui est spécialisée dans la distribution d'attaches pour automobile. Il poursuit trois ex-salariés qui occupaient respectivement des postes de représentants, de gérant et de secrétaire comptable. Ils ont démissionné en bloc comme c'est souvent le cas, après avoir sollicité des employés pour quitter avec eux et créer leur propre entreprise. Donc, l’employeur réclame environ 390 000 $ à titre de dommages et intérêts pour manquement à leur obligation de loyauté parce que, encore dans ce cas-là, on n'a pas de clause de non-concurrence de signée ou de clause de confidentialité.
<01:15:31> Dans ce dossier-là, la demande a été accueillie et il y avait deux aspects. Il y a la loyauté pendant l’emploi. Donc, la preuve a établi que les employés pendant qu'ils étaient rémunérés par leur employeur, ont développé une entreprise et monté une entreprise concurrentielle qui, on s'entend, est assez en contravention flagrante avec leur obligation de loyauté.
<01:15:51> Ils avaient également négligé certains clients et incité des employés à venir travailler pour la nouvelle entreprise. Donc, cet aspect-là a été démontré assez facilement. Suivant la fin d'emploi, la cour a conclu également que les employés avaient manqué à l’obligation de loyauté parce que même s'il n'y avait pas de clause de non-concurrence – donc ils pouvaient concurrencer – ils devaient le faire de façon loyale.
<01:16:12> Ici, dans un délai d'un mois suivant la fin de leur emploi, ils ont contacté systématiquement tous les clients de leur ancien employeur par le biais de communications personnalisées. On ne parle pas de marketing de masse. On parle vraiment de communications ciblées. Ils ont dépouillé l’employeur d'employés clés et, clairement, les stratégies des trois employés visaient à affaiblir l’employeur auprès de sa clientèle et à obtenir sa clientèle.
<01:16:37> Donc, ce que la cour est venue dire, c'est que, oui, c'est possible de faire concurrence à votre ancien employeur, mais vous devez le faire au moyen de procédés honnêtes. Et dans ce cas-ci, la cour a jugé que les procédés utilisés étaient à l’encontre des principes de la bonne foi.
<01:16:51> Là où le bât blesse, c'est que les montants réclamés étaient de 390 000 $ et ce qui a été octroyé en bout de ligne, c'est 40 000 $ à l’employeur plus un 10 000 $ pour troubles et inconvénients. Donc, ça rejoint un petit peu le défi qu’on mentionnait plus tôt, de dire démontrer les dommages subis, le lien de causalité direct, c'est-à-dire que si je n'avais pas la faute de cet employé-là, à son obligation de loyauté, je n'aurais pas subi ces dommages-là, moi, comme employeur. C'est très difficile de le démontrer.
<01:17:17> La dernière décision que j'ai retenue, ça en est une qui a été rendue le mois dernier dans l’affaire RedTeck contre Leblanc. Dans cette décision-là, l’employeur est une entreprise qui est spécialisée dans la fabrication d'appareils de vérification télécommandée pour remorque. Donc, on est dans un créneau assez spécifique. Qui poursuit un ex-employé qui était consultant en développement de produits. Dans le cadre de ses fonctions, cet ancien employé avait accès à des informations confidentielles, notamment la liste des clients, des fournisseurs et des plans de conception du fameux produit qui, par ailleurs, n'était pas breveté.
<01:17:52> Donc, la demanderesse demande une injonction permanente en raison du manquement au devoir de loyauté et 180 000 $ à titre de dommages et le 280 000 $, comment il a été calculé par l’employeur? Ça représente la baisse de son chiffre d'affaires depuis que l’ex-employé est en affaires dans le même secteur.
<01:18:09> La demande, ici, va être rejetée principalement encore une fois pour des motifs de preuve. La preuve, en fait, ne démontre pas qu'il y avait des clients qui étaient exclusifs à la demanderesse, pas plus qu'il y avait une liste confidentielle de fournisseurs ou des plans de conception avec lesquels l’employé serait parti au moment de la fin de son emploi.
<01:18:28> Il y a deux experts qui ont été entendus pendant le procès sur les fameuses manettes de télécommandes à remorque. Ils ont conclu en fait que les deux produits, oui, étaient très similaires. Mais ils étaient également similaires à d'autres produits qu'on retrouve sur le marché. Donc, en présence d'une preuve comme celle-là, ce que le juge a conclu en fait, c'est qu'il s'agissait d'une concurrence faite dans un marché libre parce que non seulement, il y avait ces deux produits-là, mais il y en avait également plusieurs autres produits similaires qui étaient disponibles.
<01:18:54> Et le fait que l’employé ait quand même attendu un an avant de démarrer son entreprise dans le même secteur d'activité, pour la cour, ça faisait pencher la balance en faveur de l’employé en ce sens que, après un an, on peut estimer que l’employé a le droit de gagner sa vie et, justement, utiliser l’expertise qu'il a développée. Et pour ce motif-là, étant donné l’insuffisance de la preuve, le recours en dommages et en injonction a été rejeté.
<01:19:22> Je vais céder la parole à Alexandre qui va conclure en vous parlant des deux articles du Code civil du Québec qui parlent expressément du secret commercial.
Alexandre Sami
<01:19:39> Effectivement, il y a deux articles du Code civil, 1472 et 1612, qui parlent du secret commercial. 1612 d'abord, dit qu'en matière de secret commercial, la perte que subit le propriétaire du secret comprend le coût des investissements faits pour son application, sa mise au point et son exploitation et que le gain dont il est privé peut être indemnisé sous forme de redevances. Je vous cite un exemple dans l’affaire Contrôle TC. Il s'agit d'un cas d’entente de développement conjoint dont Naïm a parlé un petit peu, où deux parties ont uni leurs forces pour tenter de développer et vendre des boîtes noires pour automobiles. Donc, la demanderesse a eu recours aux services de la défenderesse pour la conception, la fabrication des circuits électroniques.
<01:20:30> Il y avait un contrat entre les parties avec une clause de confidentialité. Dans ce cas-ci, [inaudible] avait selon la demanderesse violé la clause et le tribunal s'est donc penché à savoir si effectivement les informations étaient confidentielles et en est venu à la conclusion que, compte tenu qu'il s'agissait de spécifications matérielles, de protocoles de communication, de méthodes de stockage de données, c'était effectivement des informations confidentielles. Il a donc invoqué l’article 1612 pour octroyer des dommages à la demanderesse.
<01:21:04> Dans ce cas-ci, les dommages n'étaient pas très élevés. Il s'agit de la valeur, des sommes qu’avait payé Contrôle TC à DP6 dans le cadre du contrat, 57 000 $ et des dommages pour perte de gains de 42 000 $.
<01:21:17> 1472 est intéressant parce qu'il prévoit qu'une personne peut se dégager de toute responsabilité s'il divulgue un secret commercial, si elle prouve que l’intérêt général l’emportait sur le maintien du secret. Donc, notamment que la divulgation du secret était justifiée par des motifs liés à la santé ou à la sécurité publique.
Benoit Yelle
<01:21:38> Ce se sont finalement les lanceurs d'alerte.
Alexandre Sami
<01:21:40> Exact. C'est exact. Donc, l’exemple que je cite ici, dans l’affaire Saint-Romuald, il s'agissait d'un pompier de la ville qui avait été suspendu suite à des propos alarmistes qu'il aurait tenus quant à l’état des camions-citernes de la ville. Il aurait avait tenu en fait ces propos-là en public lors d'une assemblée du conseil municipal.
<01:22:02> La ville lui a donc reproché un manquement grave à son obligation de loyauté et le tribunal a établi que vu le poste qu'il occupait, il avait l’information privilégiée et il connaissait la mécanique de ces camions, leur efficacité. Donc, le tribunal a utilisé l’article 1472 pour affirmer que dans ce cas-là, la divulgation de l’état des camions-citernes pouvait être justifiée pour des motifs liés à la santé et à la sécurité du public. Donc, la suspension a été annulée et le tribunal a soulevé que la ville n'a apporté aucune preuve pour contredire les propos de l’employé.
<01:22:36> Ce qui m'amène au dernier sujet, en fait, pour vous parler rapidement des ordonnances de confidentialité en matière commerciale. Parce que c'est important de garder un esprit que si vous intentez un recours judiciaire, les pièces que vous avez déposées dans le cadre de ce recours seront automatiquement rendues publiques.
<01:22:57> Les journalistes, le grand public a accès aux dossiers de cour. En fait, la publicité des débats judiciaires, c'est une pierre angulaire de notre système judiciaire. Donc, il faut toujours faire attention dans ce contexte-là. Même si les tribunaux reconnaissent de plus en plus ou accordent de plus en plus des ordonnances de type [inaudible] qu’on ait des ordonnances de confidentialité pour protéger des informations confidentielles, ça peut être particulièrement délicat parce que c'est à la personne qui demande cette ordonnance d'établir pourquoi la cour devrait faire exception au principe général de la publicité des débats judiciaires et permettre le dépôt sous scellés des documents confidentiels que vous voulez protéger.
<01:23:43> Et ça peut être particulièrement sensible dans le cas d’un recours en dommages où au soutien de votre recours, vous déposez un rapport d'expert. Alors, votre expert, dans le cadre de ce recours, va tout analyser. Il va regarder vos états financiers, vos listes de clients, des contrats et il va faire son rapport avec toutes ces informations à l’appui. Vous allez vouloir donc déposer leurs rapports et ses annexes.
<01:24:06> À ce moment-là, la partie adverse, le procureur de la partie adverse, qui représente votre concurrent, va dire que pour avoir droit à une défense pleine et entière, son client ou sa cliente doit avoir accès au rapport d'expert et à tout son contenu. Et également, il va plaider la publicité des débats judiciaires ou contester une ordonnance de mise sous scellés, une ordonnance for lawyer eyes only.
<01:24:28> Donc, ça peut devenir un débat qui va être un enjeu qui va être définitivement très important parce que, là, une fois c'est informations-là divulguées, un, à votre compétiteur ou deux, au grand public, ça peut vous causer un dommage important. Donc, les tribunaux ont établi, ont élaboré… La Cour suprême du Canada dans l’affaire Sierra Club a élaboré les critères qu'il faut respecter pour obtenir une telle ordonnance.
<01:24:52> Ils sont assez typiques. D'abord, l’ordonnance de confidentialité ne va être rendue que si elle doit être nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt commercial en l’absence d'autres options raisonnables pour écarter ce risque. Et le risque doit être réel et menacer gravement l’intérêt commercial invoqué. Mais en plus, il doit transcender les parties et se définir comme en termes d'intérêt public à la confidentialité.
<01:25:18> Donc, il faut également établir que les effets bénéfiques de l’ordonnance, y compris ses effets sur le droit des justiciables à un procès équitable, vont l’emporter sur les effets préjudiciables, y compris les effets sur la liberté d’expression. Ce qui comprend l’intérêt du public à la publicité des débats judiciaires.
<01:25:36> Donc, ces critères ont été repris à de nombreuses reprises par les tribunaux et nous rappellent que la prudence s'impose. Et c'est toujours bon de réfléchir si ça vaut vraiment la peine, si le recours en dommages que vous allez intenter, un, peut-être intenté sans la preuve d'experts, sans révéler des secrets que vous ne voudriez pas révéler et, deux, si vous devez les révéler, à ce moment-là, vous préparez à toute une bataille. Je suis présentement devant la Cour d'appel dans un dossier où on a obtenu une ordonnance de confidentialité pour un client devant la Cour supérieure. La cause a été portée en appel. Ça a demandé une permission. On a plaidé sur la permission. On a perdu la permission et là, on va au fond. Ça fait plus qu'un an que le débat est pendant. Donc, la décision n'a pas été encore été rendue. Donc, l’impact sur le délai et les coûts peut-être assez important. Donc, une considération quand même assez importante à garder à l’esprit.
<01:26:36> Donc, ça fait le tour en quelques minutes de certains points à retenir en matière de litiges. S'il y a une chose à retenir, c'est que chaque cas est un cas d'espèce. Vous l'avez vu de la jurisprudence qu'il y a des décisions qui vont vraiment dans tous les sens. Donc, il faut, pour cette raison-là, vraiment bien étudier son dossier, les faits de sa cause et aller chercher les bons conseils au départ pour éviter de se retrouver à avoir dépensé beaucoup d'argent et de se retrouver effectivement plusieurs mois dans un litige sans avoir eu le résultat que vous auriez souhaité.
Benoit Yelle
<01:27:09> Bien, tu vois, en fait, Alex, tu viens de faire ta conclusion. Très bien. En fait, vous avez été avec nous pratiquement pendant quatre heures. Vous auriez pu être là pour cette diapositive-là. Finalement, ça aurait été la même chose. Évidemment que non, mais on essaie de résumer le plus succinctement possible les choses peut-être à retenir du temps que vous avez passé ici.
<01:27:31> De mon point de vue, je mets encore l’emphase sur la culture de protection. Pas la culture de secret, pour la culture de conspiration, seulement la culture de protection. C'est de se donner les moyens de prendre une décision d'affaires éclairée sur l’usage qu'on entend faire de nos secrets commerciaux, mais en général, de notre propriété intellectuelle.
<01:27:49> Puis ça, ça va aussi de pair avec le fait de documenter puis de formaliser les procédures et les ententes qui pourraient rester autrement tacites dans l'entreprise. Et honnêtement, en ayant des ententes qui vont être explicites, ce que vous allez éviter, bon, vous allez, de un, être capable de mesurer les risques que vous prenez avec votre propriété intellectuelle. Puis, éventuellement, vous pourrez aussi éviter bien des conflits avec d'autres parties. Je suis désolé Alex. Éviter des conflits, mais ça se peut effectivement que ce soit le résultat qu'on obtienne.
Alexandre Sami
<01:28:19> C'est souvent inévitable.
Benoit Yelle
<01:28:20> Oui.
Thierry Paul
<01:28:22> Donc, de mon côté, moi, ce que je vous dirai comme chose à retenir, ce sont vos employés. Ce sont eux qui vont à être, excusez-moi de l’anglicisme, le enablers, c'est-à-dire que ce sont eux qui vont pouvoir vous aider à garder votre information confidentielle. Oui, c'est vrai qu'il peut y avoir des fuites puis ça peut être par eux, mais en grande majorité, je vous dirais que ce sont eux qui vont vous aider à pouvoir la garder.
<01:28:47> Donc, qu’est-ce que ça prend, c'est de faciliter les processus pour eux, de faciliter la formation, d'aider à apprendre parce que personne… Comme je vous le disais, personne n'arrive au monde en connaissant c'est quoi un secret commercial, qu'est-ce que c'est qu'une information confidentielle qui pourrait être divulguée et causer des risques à l’entreprise.
<01:29:03> Donc, ça va de pair aussi avec la reconnaissance. Donc si, au niveau de la recherche et du développement, vous avez des employés qui produisent et créent des nouvelles innovations, des inventions, quelque chose qu'il faut protéger, ce serait bien de votre part de pouvoir avoir une certaine forme de reconnaissance. Plusieurs take away dans le fond.
Naïm A. Antaki
<01:29:26> De mon côté, je vous dirais de continuer à bien écouter ce que Benoît et Thierry ont dit, parce que, comme on l'a vu avec Josée et Alexandre, il y a du travail à faire si les contrats ne sont pas bien rédigés. Je mettrai vraiment l'emphase sur le dynamisme, c'est-à-dire que… Puis, vous l'avez probablement vu. Peut-être que vous avez été dans une situation où dans le cadre de votre entreprise, il y a peut-être une recette pour un produit en particulier que vous faites, pendant que vous faites cet emploi, pendant que vous essayez d'avoir si c'est quelque chose qui pourrait avoir une valeur commerciale, vous réalisez à un moment donné qu'il y a peut-être ça. Mais il y a des fois des valeurs résiduelles.
<01:30:07> Très souvent, il y a de l’innovation à l’interne qui demeure… Puis je m'excuse du franglais, mais dormant, et qui peut être utilisé plus tard. Et je pense que ça, c'est très important d'y penser quand vous avez des contrats avec des tiers, c'est-à-dire quelle pourrait être la valeur éventuelle de ce secret commercial après la fin du contrat, dans un cadre autre que la raison pour laquelle vous êtes en communication ou en relations d'affaires avec l'autre personne.
<01:30:40> Donc, pour revenir au document qui évaluait la valeur du secret commercial, ça, ce sera mon dernier point, si vous achetez une entreprise et que cette entreprise vous dit, en 2013, nous avons décidé que le secret commercial était la meilleure des choses à cause de nos moyens de l'époque. Maintenant, en 2007 ou l’année prochaine, cette évaluation doit être faite à nouveau. Et je pense que c'est très important. On revient toujours à la base. Pourquoi est-ce qu'on achète une entreprise? Est-ce que les décisions d'affaires qui ont été prises à l’époque demeurent les bonnes et est-ce que ce que vous comptez faire, par exemple, une imprimante 3D, est-ce que ce que vous comptez faire peut avoir un impact très négatif sur, justement, ce secret commercial. Voilà.
Josée Gervais
<01:31:29> Au niveau des employés, ce que je vous dirai, c'est que l’objectif de la présentation aujourd'hui, ce n'est pas de partir en peur. C'est de faire signer à tous vos employés, peu importe le poste occupé, une entente de confidentialité et de non-concurrence et un contrat d'emploi en béton. Le conseil que je vous donnerai, c'est de cibler correctement les employés qui vont vraiment avoir accès aux informations que vous jugez sensibles. Justement, vous êtes mieux d'avoir un contrat d'emploi pour ces employés-là qui est vraiment adapté à la situation de chacun que d'avoir les bons vieux modèles qu’on fait signer à l’embauche à tous nos salariés qui, en bout de ligne, sont souvent mal adaptés lorsqu'on veut les utiliser suite à la fin d'un emploi, à la réalité du salarié qui a quitté pour un concurrent. Donc, c'est le conseil que je vous donnerai.
Alexandre Sami
<01:32:14> Et peut-être un dernier point.
Josée Gervais
<01:32:16> Oui.
Alexandre Sami
<01:32:17> Ayez le même réflexe que Thierry.
Thierry Paul
<01:32:23> Le deuxième, c'est ça?
Alexandre Sami
<01:32:24> Le deuxième.
Benoit Yelle
<01:32:26> On a du temps pour des questions. Je pense qu'on a encore une dizaine de minutes comme il faut. Il est 11 heures 43 pour ceux qui seraient sur un horaire quelconque pour la suite de la journée. Donc, questions, commentaires? Que ce soient des questions sur le sujet qu'on a abordé ou des aspects plus généraux auxquels on vous a fait penser à travers les sujets qu'on a abordés? On était parfait?
Naïm A. Antaki
<01:32:52> Oui. Peut-être y compris des conseils parce que…
Benoit Yelle
<01:32:56> Oui.
Naïm A. Antaki
<01:32:56> … Vous avez…
Benoit Yelle
<01:32:57> Vous avez de l’expérience dans vos propres organisations aussi, évidemment.
Thierry Paul
<01:33:03> Ce qui n'est pas le secret.
Benoit Yelle
<01:33:06> À ce moment-là, ce que je vous dirai, c'est que le but, c'était d'initier une réflexion ou de nourrir une réflexion que vous avez peut-être déjà. Parler en autour puis faire en sorte que les connaissances au sujet des secrets commerciaux et de l'information confidentielle soient diffusées dans votre entreprise. Puis s'il y a lieu de formaliser certains aspects, faites-le, puis utilisez les ressources autour de vous qui vous permettent de le faire le mieux possible. Ça conclut à ce moment-ci la conférence. Merci.
Thierry Paul
<01:33:34> Merci.
Josée Gervais
<01:33:34> Merci.
<applaudissements>
<01:33:35– fin de l’enregistrement>
Au cours des dernières années, la compréhension et la gestion des secrets commerciaux a pris une importance accrue, notamment en raison de la compétition féroce qui règne au sein de l’économie du savoir entre entreprises.
Cependant, la valeur financière des secrets commerciaux demeure sous-estimée comparativement aux formes « traditionnelles » d’actifs de propriété intellectuelle (brevets, marques de commerce et droits d’auteur), que ce soit dans les secteurs de la technologie, de la fabrication ou des services. Une composante importante de la gestion du risque au sein de toute entreprise consiste à déterminer quels sont les secrets commerciaux et comment les protéger efficacement. Une mauvaise appréciation de ces enjeux peut plonger votre organisation dans des situations juridiques délicates, que ce soit avec des employés, des concurrents ou encore dans le cadre d’une transaction.
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