Fabienne Racicot
Avocate
Article
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Le Projet de loi 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (le « Projet de loi 96 »), adopté par le gouvernement du Québec le 24 mai 2022 et sanctionné le 1er juin 2022, a pour objet « d'affirmer que la seule langue officielle du Québec est le français ». À cette fin, le Projet de loi 96 introduit plusieurs modifications à la Charte de la langue française et à plusieurs autres lois, dont le Code civil du Québec. Divers volets du secteur commercial sont grandement affectés par ces changements : l'affichage et la publicité commerciale, les documents relatifs à l'emploi ainsi que l'emballage et l'étiquetage de produits.
Un autre important changement qui résulte du Projet de loi 96 est le suivant : dès le 1er septembre 2022, les réquisitions d'inscription à un registre public du Québec doivent être rédigées exclusivement en français. Cette nouvelle exigence vise tous les documents inscrits au Registre foncier du Québec, y compris, mais sans s'y limiter, les actes de vente, les actes de transfert d'immeuble, les actes d'hypothèque immobilière, les avis de bail, les actes de servitude, les déclarations de copropriété et les actes de mainlevée. La seule exception admissible s'applique à la modification et à la correction d'actes déjà inscrits au Registre foncier dans une langue autre que le français avant le 1er juin 2022. Cette nouvelle exigence vise également les réquisitions d'inscription au Registre des droits personnels et réels mobiliers (« RDPRM »), qui elles aussi, doivent maintenant être rédigées exclusivement en français. Toutefois, les réquisitions d'inscription au RDPRM sont sûrement moins fortement impactées par le Projet de loi 96 que ne le sont les réquisitions d'inscription au Registre foncier. En effet, les réquisitions d'inscription au RDPRM sont présentées à l'aide d'un formulaire réglementaire, alors que les réquisitions d'inscription au Registre foncier sont présentées sous la forme de l'acte intégral ou d'un résumé ou extrait de celui-ci. Autrement dit, les actes créant uniquement des droits personnels ou réels mobiliers (comme les hypothèques mobilières) peuvent continuer d'être rédigés en anglais, pourvu que les renseignements contenus dans le formulaire réglementaire (p. ex., la description du bien grevé d'une hypothèque mobilière) sont présentés en français.
En ce qui concerne les réquisitions d'inscription au Registre foncier, un problème se pose lorsque l'une des parties à un acte ne lit pas le français. Comme solution, de nombreuses institutions financières proposent de fournir leurs documents standards en versions française et anglaise : la version anglaise permet au client de bien comprendre ses droits, obligations et engagements en vertu de l'acte à intervenir, mais seule la version française de l'acte sera inscrite au registre. Dans les cas où un acte existe uniquement en version française, les conseillers juridiques se verront sans doute appelés à jouer un rôle de plus en plus important auprès de leur client lorsqu'il s'agira d'expliquer à ce dernier la portée de ses droits, obligations et engagements aux termes dudit acte. Pour les parties qui souhaitent pouvoir continuer à conclure des actes rédigés en anglais, aux fins de l'inscription au Registre foncier, l'acte en anglais devra être accompagné d'une traduction vidimée en français, ce qui augmentera les coûts liés à la transaction.
La mise en œuvre de modifications législatives d'envergure, comme celles prévues au Projet de loi 96, soulève généralement des incertitudes et entraîne le changement de certaines pratiques. En effet, les entreprises, avocats et notaires du Québec ont déjà dû adapter leurs pratiques afin de se conformer à la nouvelle exigence du Projet de loi 96 selon laquelle les réquisitions d'inscription doivent être rédigées exclusivement en français. Nul doute qu'ils devront continuer à s'adapter de la sorte à mesure que de nouvelles pratiques découlant de cette exigence se développeront au sein des secteurs de l'immobilier et des finances.
Pour plus d'information au sujet du Projet de loi 96 et sur ses effets sur les activités d'affaires, veuillez consulter notre article de juin 2022, ici.
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