Wendy J. Wagner
Associée
Co-chef, Groupe national Cybersécurité et protection des données
Guides
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Le présent chapitre porte à la fois sur les exigences relatives à l’envoi de messages électroniques en vertu de la Loi canadienne anti-pourriel (LCAP) et sur les exigences relatives au consentement exprès pour l’installation non sollicitée de programmes d’ordinateur, entrées en vigueur le 15 janvier 2015. La LCAP quant à elle, a pris effet le 1er juillet 2014. Il s’agit de l’une des lois anti-pourriel les plus normatives et punitives au monde. Puisque les amendes peuvent atteindre les dix millions de dollars, se conformer à la LCAP est maintenant une priorité pour quiconque fait des affaires au Canada.
En ce qui concerne les pourriels, la LCAP impose deux obligations principales. Premièrement, elle interdit l’envoi de messages électroniques commerciaux non sollicités. Autrement dit, sous réserve de certaines exceptions, avant d’envoyer un message électronique encourageant la participation à une activité commerciale (y compris la plupart des courriels et textos promotionnels ou publicitaires courants), l’expéditeur doit avoir le consentement exprès ou tacite de chaque destinataire, tel que défini par la LCAP. Deuxièmement, même si le destinataire a donné son consentement, la LCAP exige que les messages électroniques commerciaux contiennent certaines informations obligatoires ainsi qu’un mécanisme d’exclusion. Le présent chapitre examine brièvement les exigences essentielles de la loi.
Les dispositions de la LCAP relatives aux programmes d’ordinateur visent à prévenir l’installation de logiciels malveillants ou de logiciels espions non autorisés. Leur degré d’incidence varie toutefois selon le type d’applications logicielles. L’article 8 de la LCAP exige l’obtention d’un consentement exprès avant d’installer un programme d’ordinateur dans l’ordinateur d’une autre personne au Canada dans le cadre d’une activité commerciale. Des exigences accrues en matière de divulgation et de consentement s’appliquent lorsque le logiciel remplit certaines fonctions prescrites.
La LCAP s’applique spécifiquement aux « messages électroniques commerciaux », c’est-à-dire tout message envoyé à une « adresse électronique » dont l’objectif (ou l’un des objectifs) est d’inciter le destinataire à participer à une activité commerciale. Cela comprend, mais sans s’y limiter, les messages qui :
Un message électronique qui demande le consentement du destinataire pour recevoir d’autres messages électroniques est lui-même un MEC et, à ce titre, ne peut pas être envoyé sans consentement préalable.
Pour être considéré comme un MEC, le message doit être envoyé par tout moyen de télécommunication à une « adresse électronique ». Cela comprend les courriels, les messages textes, les messages instantanés, les messages envoyés à un compte téléphone ou à tout autre « compte similaire » comme certaines formes de messagerie dans les médias sociaux ou d’autres systèmes de messagerie numérique permettant à une personne d’envoyer un message à une adresse électronique ou plus. Toutefois, la LCAP ne s’applique pas aux communications vocales bilatérales qu’ont entre elles, en direct, des personnes physiques, aux enregistrements de la parole envoyés à un compte téléphone ou aux messages envoyés par fac-similé.
Elle ne s’applique pas non plus aux messages électroniques affichés au grand public. Ainsi, la LCAP ne s’appliquera pas à l’affichage de publicités telles que des bannières ou des boîtes publicitaires, ni à un tweet normal sur Twitter ou à un message sur un mur Facebook. Par contre, elle s’applique aux messages privés envoyés à un ou plusieurs destinataires par l’entremise de ces applications de médias sociaux.
La LCAP s’applique à tout MEC qui est envoyé par un ordinateur au Canada, ou auquel il est possible d’accéder à partir d’un ordinateur au Canada. Pour cette raison, même les entreprises qui exercent uniquement leurs activités à l’extérieur du Canada doivent, dans la plupart des cas, aussi se conformer à la LCAP si elles désirent communiquer avec des clients ou des consommateurs canadiens.
Le consentement est la pierre angulaire de la LCAP et une grande partie de la complexité de la Loi y réside. Avant d’envoyer un MEC, l’expéditeur doit avoir le consentement du destinataire, à moins que le message en question ne soit exempté (un sujet abordé plus loin dans ce chapitre). Il est important de noter qu’en vertu de la LCAP, il incombe toujours à l’expéditeur de prouver qu’il a obtenu le consentement.
La LCAP prévoit deux principaux types de consentement : le consentement exprès et le consentement tacite.
Une fois le consentement exprès obtenu, l’expéditeur peut continuer d’envoyer des messages du type mentionné dans la demande de consentement jusqu’à ce que le destinataire retire son consentement. En ce qui concerne l’envoi de MEC, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a indiqué qu’un consentement « exprès et valide » fourni avant le 1er janvier 2014 demeure valide jusqu’à ce que le destinataire du message décide de le retirer.
Comme ces dispositions l’indiquent clairement, le consentement tacite dans le cadre d’une relation d’affaires en cours est assujetti à une limite de temps, ce qui doit être surveillé par ceux qui se fondent sur le consentement tacite. Surveiller ces limites de temps peut s’avérer problématique, d’autant plus qu’il faut surveiller l’expiration du consentement pour chaque adresse, et qu’il peut être difficile d’établir le moment précis où chaque transaction a eu lieu, ou à quel moment le temps a commencé à s’écouler. En raison de cette difficulté, il est souvent recommandé d’obtenir un consentement exprès pour toute communication électronique commerciale continue.
Quel que soit le délai accordé pour l’utilisation du consentement tacite issu d’une relation d’affaires en cours, si le destinataire indique qu’il ne souhaite plus recevoir de messages, l’expéditeur doit cesser l’envoi de MEC à ce destinataire dans les dix jours ouvrables.
Il existe une deuxième forme de consentement tacite : lorsque le destinataire a ostensiblement publié son adresse électronique, ou l’a donnée à l’expéditeur, sans indiquer qu’il ne souhaite pas recevoir de MEC. Il est important de noter que pour pouvoir utiliser cette forme de consentement tacite, le message doit être pertinent à l’entreprise, au rôle, aux fonctions ou aux tâches du destinataire. Cette forme de consentement n’existe pas pour les consommateurs ou pour les personnes n’ayant pas de rôle ou de fonctions commerciales.
Même si l’expéditeur a obtenu le consentement exprès ou tacite pour envoyer un MEC au destinataire, tout MEC envoyé en vertu de ce consentement doit contenir certains renseignements prescrits, en termes clairs et facilement lisibles. Il doit également inclure un mécanisme d’exclusion, permettant au destinataire de facilement renoncer à la réception de futurs MEC envoyés par l’expéditeur.
S’il n’est pas possible d’inclure tous ces renseignements directement dans le message, comme dans le cas de certains messages commerciaux envoyés par messages textes, il est possible d’avoir recours à un hyperlien clairement identifié menant directement à une page Web contenant les renseignements obligatoires.
Il n’y a que quelques exemptions complètes à l’application de la LCAP. Les plus importantes sont présentées ci-dessous. Veuillez noter que certaines exemptions supplémentaires, comme les sollicitations caritatives et les messages politiques, ne seront pas abordées ici.
La LCAP ne s’applique pas aux messages envoyés à des catégories de famille étroitement définies ou aux personnes avec lesquelles l’expéditeur entretient une relation personnelle étroite, du moment que cette relation ait déjà inclus une communication bidirectionnelle, volontaire et directe.
La LCAP ne va pas jusqu’à éliminer la possibilité d’avoir recours à des listes d’adresses électroniques tierces. Toutefois, ceux qui utilisent ces listes doivent faire preuve de vigilance, car la LCAP impose certaines exigences quant à leur utilisation en ce qui a trait aux mécanismes de retrait et aux renseignements obligatoires, en plus de celles mentionnées plus tôt dans ce chapitre. Une entente solide est requise entre le fournisseur de la liste et celui qui l’utilise afin d’assurer que ces exigences sont satisfaites, et pour garantir à l’utilisateur de la liste que tous les consentements nécessaires ont été obtenus et qu’ils n’ont pas été retirés. Une telle entente pourrait prévoir des indemnités contre les réclamations de tiers découlant de fausses déclarations ou du défaut de se conformer à l’entente ou à la LCAP.
La LCAP a également modifié la Loi sur la concurrence de deux façons importantes. Premièrement, les modifications érigent en infraction le fait d’envoyer un MEC comportant des indications fausses ou trompeuses sur un point important. Elles interdisent également d’envoyer ou d’inclure des indications fausses ou trompeuses dans les renseignements sur l’expéditeur, dans la rubrique Objet d’un message électronique, dans le localisateur uniforme de ressources (URL) ou tout autre localisateur d’un MEC. Cette dernière modification pourrait poser problème aux entreprises souhaitant inclure des allégations nécessitant des précisions ou un avertissement dans la ligne objet ou l’URL d’un MEC, puisqu’il peut être impossible d’inclure efficacement de telles précisions dans un espace limité.
De plus, la LCAP a modifié la LPRPDE pour faire en sorte que les exceptions prévues par cette dernière concernant l’exigence de collecte, d’utilisation et de divulgation de renseignements personnels sans consentement préalable ne s’appliquent pas lorsque les adresses électroniques sont recueillies au moyen d’un programme d’ordinateur créé expressément à cette fin, ou lorsque des renseignements personnels sont recueillis ou utilisés par un ordinateur en violation d’une loi fédérale. La LCAP exige que le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, le Bureau de la concurrence et le CRTC se consultent mutuellement et coordonnent leurs activités relatives à l’application de la LCAP.
Depuis l’entrée en vigueur de la LCAP, le CRTC a reçu des centaines de milliers de plaintes. Le CRTC a indiqué qu’il examinerait ces plaintes et agira au besoin.
Le CRTC fait respecter la LCAP : il a notamment émis un avis de violation imposant une pénalité de 1,1 million de dollars à une entreprise pour avoir présumément violé l’exigence de consentement de la LCAP et pour avoir utilisé un mécanisme d’exclusion qui ne fonctionnait pas. Il a également entrepris de nombreuses démarches auprès d’entreprises ayant enfreint la LCAP. Plus précisément, il a affirmé que chacune de ces entreprises avait envoyé des MEC à des particuliers (y compris, dans certains cas, à leurs propres utilisateurs inscrits) qui comportaient un mécanisme d’exclusion qui n’était pas « clair et visible » et qui ne pouvait pas être « facilement exécuté », ainsi que divers autres problèmes liés au consentement. Les pénalités imposées dans le cadre de ces démarches varient de 48 000 $ à 200 000 $.
L’article 8 de la LCAP exige que toute personne qui installe ou fait installer un programme d’ordinateur sur l’ordinateur d’une autre personne dans le cadre d’une activité commerciale obtienne au préalable le consentement exprès du propriétaire cet ordinateur, ou d’un utilisateur autorisé, et ce, de la manière prescrite par la LCAP.
Le CRTC considère que la LCAP ne s’applique pas lorsque le propriétaire ou l’utilisateur autorisé d’un ordinateur installe intentionnellement un logiciel sur son propre ordinateur. Elle s’applique toutefois lorsqu’un programme d’ordinateur ou un élément d’un programme est installé à l’insu du propriétaire ou de l’utilisateur autorisé d’un ordinateur. Elle s’applique également lorsqu’un programme d’ordinateur déjà en place entraîne l’installation automatique de mises à jour à l’insu et sans l’intention de l’utilisateur.
L’application des dispositions de la LCAP concernant les logiciels ne se limite pas aux frontières canadiennes. En effet, l’article 8 s’applique non seulement à quiconque installe un logiciel au Canada, mais également aux personnes à l’intérieur du Canada qui installent des logiciels sur des ordinateurs à l’extérieur du Canada. Dans les deux cas, l’installation doit être effectuée dans le cadre d’une activité commerciale pour que les dispositions de la LCAP concernant les logiciels s’appliquent.
La LCAP utilise les termes « ordinateur » et « programme d’ordinateur » dans un sens général. Aux termes de la LCAP, un « ordinateur » désigne un dispositif, ou un ensemble de dispositifs connectés ou reliés les uns aux autres, qui contient des programmes d’ordinateur ou d’autres données informatiques et qui exécute des fonctions logiques et de commande conformément à des programmes d’ordinateur. Par conséquent, les ordinateurs peuvent inclure les automobiles, l’équipement industriel, les appareils intelligents ainsi que d’autres produits de consommation qui ne sont normalement pas considérés comme des « ordinateurs ». La LCAP considère que les « programmes d’ordinateur » incluent les données qui, lorsqu’elles sont traitées par un ordinateur, lui font remplir une fonction, y compris les applications logicielles et leurs mises à jour.
La LCAP exige que les renseignements suivants soient énoncés clairement et simplement dans la demande de consentement pour l’installation d’un programme d’ordinateur :
La personne qui obtient le consentement devrait le conserver à ses dossiers, car c’est à elle qu’il incombera de prouver l’obtention du consentement une fois le programme d’ordinateur installé.
La LCAP considère que le propriétaire ou l’utilisateur autorisé de l’ordinateur a expressément consenti à l’installation d’un programme d’ordinateur s’il est raisonnable de croire, d’après son comportement, qu’elle a consenti à l’installation, et le programme d’ordinateur est :
La LCAP impose des obligations d’informations et des exigences de consentements supplémentaires lorsque le programme d’ordinateur installé effectue une ou plusieurs des fonctions prescrites, pourvu que la personne qui l’installe sait qu’elles auront pour effet de faire fonctionner l’ordinateur d’une façon contraire aux attentes raisonnables du propriétaire ou de l’utilisateur autorisé de l’ordinateur.
Les fonctions prescrites d’un programme d’ordinateur sont :
Lorsque ce qui précède s’applique, la personne qui cherche à installer le programme d’ordinateur doit fournir au propriétaire ou à l’utilisateur autorisé de l’ordinateur une description des éléments importants du programme effectuant ces fonctions, y compris leur nature et objet, ainsi que les conséquences prévisibles qu’ils auront sur le fonctionnement de l’ordinateur. Ces éléments doivent être portés à l’attention du propriétaire ou de l’utilisateur autorisé de l’ordinateur en termes clairs et facilement lisibles, ailleurs que dans la demande de consentement et dans le contrat de licence du logiciel.
La personne qui souhaite installer le programme d’ordinateur doit également obtenir une confirmation écrite (sur papier ou sous forme électronique) que la personne auprès de qui le consentement est sollicité comprend et accepte que le programme effectue les fonctions précisées. Cette demande de consentement ne doit pas être intégrée aux demandes de consentement relatives aux conditions générales d’utilisation ou de vente, et doit être distincte de tout consentement demandé en vertu des dispositions relatives aux MEC de la LCAP.
La LCAP prévoit une exception à ces exigences accrues en matière de consentement et de divulgation lorsque la fonction du programme d’ordinateur en question ne fait que recueillir, utiliser ou communiquer des données de transmission. Aux fins de la LCAP, on entend par « données de transmission » les données qui :
La LCAP impose des obligations supplémentaires à une personne ou à une entreprise qui installe un programme d’ordinateur sur l’ordinateur d’une autre personne, de sorte que les « exigences de divulgation et de consentement accrues » décrites ci-dessus s’appliquent.
Pendant l’année suivant l’installation, la personne qui a installé le programme d’ordinateur doit s’assurer que la personne consentante dispose d’une adresse électronique où envoyer sa demande pour retirer ou désactiver le programme, si elle estime que la fonction de celui-ci n’a pas été énoncée correctement lorsque le consentement a été demandé.
Si la description des principaux éléments du programme faite au moment où le consentement a été demandé n’était pas correcte, la personne qui a installé le programme doit aider la personne qui a donné son consentement à retirer ou à désactiver le programme dès que possible, et ce, sans frais pour la personne qui a donné le consentement. Cette aide est requise lorsque la personne qui a donné son consentement en fait la demande dans l’année qui suit l’installation.
Les mises à jour et les mises à niveau logicielles consistent à remplacer ou à compléter le logiciel d’un programme d’ordinateur par un logiciel plus récent afin d’améliorer le programme ou de le mettre à jour. Lorsqu’une mise à jour ou une mise à niveau est installée sur l’ordinateur d’une autre personne dans le cadre d’une activité commerciale, le consentement du propriétaire ou de l’utilisateur autorisé de l’ordinateur doit être obtenu conformément à la LCAP.
La LCAP prévoit une période de transition pour les mises à jour et les mises à niveau des programmes d’ordinateur qui ont été installés avant l’entrée en vigueur des dispositions relatives aux logiciels. Les programmes qui ont été installés avant le 15 janvier 2015 peuvent donc être mis à niveau ou mis à jour sans consentement exprès jusqu’au 15 janvier 2018. Dans ces circonstances, la LCAP prévoit que le consentement nécessaire est implicite. Toutefois, si le propriétaire ou l’utilisateur autorisé de l’ordinateur retire son consentement implicite à ces mises à jour et mises à niveau, son choix doit être respecté. Après la fin de la période de transition de trois ans, le consentement exprès sera requis pour l’installation de mises à jour et de mises à niveau des programmes d’ordinateur existants, sauf si l’une des autres exceptions s’applique.
En ce qui concerne l’installation de programmes d’ordinateur, le CRTC a également indiqué qu’un consentement exprès et valide fourni avant janvier 2015 demeure valide après le 15 janvier 2015.
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