Matthew Estabrooks
Partner
National Co-Lead – Administrative Law Practice Group (Canada)
Article
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Compte tenu des mesures de distanciation sociale et d'auto-isolement qui ont été imposées pour ralentir la propagation de la COVID-19, bon nombre d'entre nous se trouvent à passer beaucoup plus de temps à la maison que d'habitude. Le cinéma, la musique, et les jeux vidéo étant des choix inévitables pour combattre l'ennui (et pour garder nos enfants occupés afin de pouvoir travailler!), il n'est donc pas surprenant qu'on ait constaté une forte augmentation de la consommation des médias numériques.
Certains fournisseurs de médias numériques ont même décidé d'offrir du contenu gratuit pendant la durée de la période de confinement : HBO offre du contenu gratuit par diffusion en continu; Moog et Korg offrent gratuitement certaines applis de création musicale; LeVar Burton nous fera la lecture sur Twitter! Et dès ce soir, Andrew Lloyd Webber présentera chaque semaine l'une de ses comédies musicales par diffusion en continu sur YouTube!
Entre-temps, certains d'entre nous sont devenus des créateurs de contenu numérique pour la première fois. Les enseignants et professeurs présentent leur cours par diffusion vidéo en continu, les groupes de musique donnent des concerts par diffusion en continu en direct, et les gens ordinaires profitent de leur nouvelle abondance de temps libre pour faire des vidéos et des mèmes qu'ils partagent sur le Web.
Compte tenu de cette activité accrue, un rappel s'impose quant à certaines notions entourant le droit d'auteur. Alors que nous adaptons nos habitudes de consommation de médias à cette nouvelle réalité, et que de nouveaux défis se présentent en lien avec le droit d'auteur, les lois régissant la création et l'utilisation d'œuvres protégées par le droit d'auteur demeurent pour leur part inchangées.
Le droit d'auteur est une forme de propriété intellectuelle. Les conditions nécessaires pour l'existence du droit d'auteur et les protections y afférentes sont toutes énoncées dans la Loi sur le droit d'auteur du Canada. La protection par droit d'auteur s'applique à une variété de types d'œuvres, notamment :
les œuvres littéraires telles que les livres, les feuillets, les programmes informatiques et autres œuvres constituées de texte;
Lorsqu'une œuvre est protégée par le droit d'auteur, seul le titulaire du droit d'auteur est autorisé à la reproduire et à la publier en ligne ou autrement (impression, radiodiffusion/télédiffusion, etc.)
Notons que le titulaire d'un droit d'auteur peut autoriser d'autres personnes à utiliser l'œuvre concernée. Ce genre d'autorisation doit habituellement être acheté, et implique souvent l'application de restrictions clairement définies.
La désignation du propriétaire d'un droit d'auteur est automatique : aussitôt qu'une personne écrit un poème, enregistre une chanson, ou diffuse un webinaire sur le scrapbooking depuis son salon – pourvu qu'il s'agisse d'une œuvre originale – elle devient propriétaire du droit d'auteur inhérent, sans avoir à prendre aucune mesure additionnelle.
Contrairement à ce que pensent beaucoup de gens, le fait d'être propriétaire d'un exemplaire d'une œuvre ne confère pas le droit d'auteur lié à l'œuvre en question. Autrement dit, le simple fait d'être propriétaire d'un exemplaire du livre Harry Potter et l'Ordre du Phénix ne vous autorise pas à produire ni à distribuer des exemplaires de cette œuvre. Cela ne vous autorise non plus à faire une lecture théâtralisée de ce livre sur YouTube (si jamais, au comble de l'ennui, l'idée d'un tel projet vous venait à l'esprit).
Pour pouvoir utiliser ainsi une œuvre protégée par le droit d'auteur, il faut d'abord obtenir l'autorisation du titulaire du droit d'auteur.
La protection par droit d'auteur ne dure pas indéfiniment. Selon la nature de l'œuvre concernée, la protection expire 50 à 80 ans après la mort de l'auteur. Alors, n'hésitez pas à publier en ligne l'adaptation théâtrale solo de Madame Bovary que vous préparez depuis si longtemps.
Sauf en cas d'exception prévue par la loi (ce sujet est traité plus bas), vous devez obligatoirement obtenir une autorisation du titulaire de droit d'auteur avant de reproduire ou distribuer une œuvre. Lorsque vous achetez un film sur Apple et que vous en sauvegardez ensuite un exemplaire sur votre appareil, vous le faites avec l'autorisation du studio de cinéma, qui a conclu une entente avec la société Apple permettant à celle-ci de négocier cette autorisation au nom du studio.
Mais ce n'est pas toujours aussi simple. Parfois, il est impossible d'identifier ou de contacter le titulaire d'un droit d'auteur. Si c'est le cas, le plus prudent est d'éviter de reproduire ou distribuer l'œuvre, sauf si l'on est certain d'être autorisé à le faire conformément à une exception comprise dans la Loi sur le droit d'auteur.
À titre d'exemple, notons que même le célèbre LeVar Burton a dû obtenir l'autorisation des auteurs et maisons d'édition concernés avant de pouvoir faire la lecture de leurs œuvres à haute voix en ligne.
Aller de l'avant sans en avoir l'autorisation peut entraîner de réels problèmes.
La Loi sur le droit d'auteur établit un certain nombre de cas d'utilisation qui ne peuvent pas faire l'objet d'une allégation de violation du droit d'auteur.
Parmi ces exceptions, la plus large est celle de l'« utilisation équitable », qui couvre la communication des nouvelles, la recherche et la critique ou la parodie. Cette exception est assortie de conditions d'application strictes, lesquelles sont énoncées à la fois dans la Loi elle-même et dans la jurisprudence qui s'est développée dans le domaine.
Récemment, le Parlement a introduit plusieurs exceptions restreintes destinées à couvrir certaines des façons dont les œuvres protégées par le droit d'auteur sont utilisées par les Canadiens ordinaires. Par exemple, l'une de ces exceptions vise « l'écoute en différé », c'est-à-dire la pratique courante qui consiste à enregistrer une émission télévisée pour la regarder plus tard. La pratique émergente consistant à se ridiculiser sur YouTube a elle-aussi donné lieu à sa propre exception : du moment que l'œuvre protégée par le droit d'auteur est utilisée à des fins non commerciales et destinée à être distribuée à votre famille et à vos amis, le fait de vous enregistrer en train de chanter In the Air Tonight de Phil Collins à tue-tête (et d'exécuter votre fameux solo de batterie invisible) ne constitue pas une violation du droit d'auteur.
Ce qu'il faut retenir au sujet de ces exceptions précises, c'est que leurs conditions d'application sont énoncées en détail dans la Loi, et que chacune d'entre elles doit être remplie pour que l'exception s'applique.
Les entreprises, les écoles et les entrepreneurs se sont rapidement adaptés à notre nouvelle réalité de distanciation sociale. Des enseignants, des avocats, des professeurs d'université, des entraîneurs, des chefs cuisiniers et bien d'autres se sont mis à offrir leurs services virtuellement sur Internet. Gowling WLG a rapidement emboîté le pas en organisant un webinaire public (en anglais, désormais archivé et accessible sur demande) sur les enjeux liés à l'emploi qui ont découlé des mesures de confinement mises en place pour freiner la pandémie de COVID-19.
Les règles établies dans la Loi sur le droit d'auteur sont valables pour tous : toute personne qui crée du contenu original (cours universitaires, webinaires organisés par des cabinets juridiques, émissions de cuisine à domicile) détient le droit d'auteur sur ce contenu.
Si vous remarquez que votre contenu devient viral, il vaut mieux vous assurer que des restrictions appropriées en matière de droit d'auteur sont en place. Vous devriez aussi veiller à en empêcher la reproduction et la diffusion non autorisées afin de tirer pleinement parti de la valeur qu'il peut générer. Les sites de partage de vidéos populaires proposent des options de monétisation conviviales pour les créateurs de contenu amateurs, mais exigent généralement que ces derniers renoncent à une grande partie de leur contrôle. Il est donc important de bien connaître les modalités avant de choisir une plateforme de distribution.
Voici les points importants à retenir de cet article.
La plupart des médias numériques que vous consommez et que vous créez sont protégés par le droit d'auteur. Avoir accès à un média ne signifie pas détenir un droit d'auteur sur celui-ci.
Même si vous pouvez accéder gratuitement à certains matériels, cela ne veut pas dire que vous êtes libre de les télécharger, de les copier ou de les redistribuer. Les licences (même si elles sont gratuites) sont limitées à leurs modalités. Donc, avant de faire quoi que ce soit avec un média numérique, assurez-vous d'avoir l'autorisation requise du titulaire du droit d'auteur.
Si vous créez du contenu destiné à être distribué, assurez-vous de posséder ou d'être autorisé à utiliser chaque élément que vous incorporez dans votre œuvre. Et si vous constatez que votre création devient virale, n'oubliez pas que vous avez le droit de contrôler l'utilisation de tout contenu dont vous êtes l'auteur.
Les utilisations personnelles et non commerciales peuvent souvent bénéficier des exceptions prévues par la Loi sur le droit d'auteur. Tant que vous êtes certain d'avoir respecté les exigences légales, laissez libre cours à votre créativité! Si l'œuvre est ancienne (et que vous êtes sûr que l'auteur est décédé depuis au moins 50 ans), alors elle appartient au domaine public et toutes les restrictions en matière de droits d'auteur sont expirées. En cas de doute, renseignez-vous auprès d'une société de gestion ou d'un avocat.
Les notions de base du droit d'auteur sont assez simples – mais, au-delà des bases – la législation en la matière peut être assez complexe. Il est toujours préférable de consulter un avocat spécialisé en droit d'auteur si votre entreprise prévoit de créer ou d'utiliser du contenu protégé par le droit d'auteur.
CECI NE CONSTITUE PAS UN AVIS JURIDIQUE. L'information qui est présentée dans le site Web sous quelque forme que ce soit est fournie à titre informatif uniquement. Elle ne constitue pas un avis juridique et ne devrait pas être interprétée comme tel. Aucun utilisateur ne devrait prendre ou négliger de prendre des décisions en se fiant uniquement à ces renseignements, ni ignorer les conseils juridiques d'un professionnel ou tarder à consulter un professionnel sur la base de ce qu'il a lu dans ce site Web. Les professionnels de Gowling WLG seront heureux de discuter avec l'utilisateur des différentes options possibles concernant certaines questions juridiques précises.