Wudassie Tamrat
Avocate
Article
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Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) déclare que le nouveau coronavirus (COVID-19) est une pandémie mondiale[1]. À la fin mars 2020, presque tous les événements sportifs et d’entraînement récréatif, amateur et professionnel sont annulés à l’échelle mondiale. Et dans une mesure sans précédent, on reporte les Jeux olympiques à l’été 2021 et les ligues sportives professionnelles sont suspendues indéfiniment[2]. Plus de quatre mois plus tard, force est de constater que d’importants efforts ont été déployés et continuent de l’être afin de faciliter un retour sécuritaire au sport à tous les niveaux.
Au Canada, le Groupe de travail national sur la COVID-19 et le retour au sport de haute performance (le « Groupe de travail »), dirigé par Anne Merklinger, chef de direction d'À nous le podium, a élaboré une série de ressources pour favoriser le retour au sport pour tous les sports amateurs, y compris les organisations récréatives et communautaires. Ces ressources se retrouvent dans un guide intitulé « COVID-19 : Cadre du retour au sport de haute performance » (le « Cadre »), qui comprend un outil d'évaluation du risque de la COVID-19 dans le sport et une liste de vérification de l'atténuation des risques pour les clubs sportifs. Servant de lignes directrices pour aider les Canadiens et les Canadiennes à reprendre le sport, ce Cadre vise à établir un seuil de base de protection contre la COVID-19 et doit être appliqué en tenant compte de la nature spécifique du sport et de ceux qui y participent.
Alors que le Canada autorise un retour progressif au sport, le retour à la compétition progresse également. Certaines organisations sportives internationales ont déjà commencé à reprendre leurs activités (par exemple la NASCAR[3], la UFC[4] et la English Premier League[5]). De nombreuses autres ligues sportives professionnelles sont sur le point de redémarrer momentanément :
Entre-temps, le Groupe de travail s'emploie également à préparer un cadre pour le retour à la compétition. Ce cadre abordera les questions applicables aux niveaux national et international, en reconnaissant qu'à chaque niveau sont associés des risques et des enjeux différents.
En élaborant les plans de retour au sport et à la compétition, le Groupe de travail s'est non seulement concentré sur la protection de la santé et de la sécurité des athlètes, mais aussi des entraîneurs, du personnel et des communautés dans lesquelles ils vivent et s'entraînent. Le Groupe de travail a fondé ses travaux sur les valeurs et les principes énoncés dans les Politiques canadiennes du sport en vigueur au Canada de 2012 à 2022.
Il est important de souligner que le retour sécuritaire au sport implique l'évaluation de l'exposition ou des risques potentiels d'exposition des participants, du lieu de l'événement sportif et des stratégies d'atténuation qui peuvent être mises en œuvre. La clé de la réduction de la responsabilité légale est ensuite de mettre en œuvre des politiques, procédures et directives appropriées pour réduire le risque de transmission de maladies.
Bien que les tribunaux canadiens n'aient pas encore traité de plaintes contre des organisations sportives pour des préjudices corporels découlant de la transmission de maladies, il existe une jurisprudence qui suggère des motifs potentiels pour une telle action. En règle générale, au moment d'organiser et de superviser des activités, l'exploitant d'un événement ou d'une installation sportive se doit de faire preuve d'une prudence raisonnable pour prévenir des préjudices ou blessures. Bien que le droit canadien reconnaisse largement que les participants aux activités sportives acceptent les risques courants et nécessaires associés au sport[7], les participants peuvent néanmoins intenter une action civile contre les exploitants lorsque ces derniers ont agi avec négligence dans l'administration d'événements ou d'activités sportives.
Par conséquent, pour minimiser les risques de blessures ou de préjudices potentiels encourus par les participants dans le contexte sportif, les tribunaux canadiens ont déjà reconnu que les responsabilités d'un exploitant sportif peuvent être liées aux éléments suivants (d'intérêt particulier compte tenu de la transmission de la COVID-19 et du contrôle de la propagation de l'infection) :
Il existe également un risque potentiel pour les organisations sportives en vertu des lois sur la responsabilité des occupants. Par exemple, en Ontario, la Loi sur la responsabilité des occupants exige qu'un « occupant » veille raisonnablement à la sécurité des personnes qui entrent dans ses locaux, une responsabilité liée aux risques causés à la fois par l'état des locaux et par les activités qui s'y déroulent[9]. Une installation peut avoir plusieurs occupants, de sorte qu'il est possible que le propriétaire, le locataire et l'entrepreneur puissent chacun être tenus responsables de l'incapacité à assurer la sécurité des personnes. Ainsi, le fait de ne pas prendre de précautions de sécurité raisonnables pour réduire la propagation de la transmission de la COVID-19 peut donc exposer les organisations sportives à leur responsabilité à l'égard d'un large éventail de personnes qui peuvent pénétrer dans les locaux, y compris les joueurs, les spectateurs, les entraîneurs, le personnel et les bénévoles[10].
Dans une certaine mesure, la loi canadienne offre déjà une certaine protection aux organisations sportives canadiennes lorsqu'elles lancent des plans de retour au jeu. Comme indiqué précédemment, le droit de la responsabilité civile délictuelle au Canada (également appelé « droit de la négligence ») reconnaît déjà que les participants à des activités sportives acceptent volontairement un certain degré de risque inhérent, ce qui peut servir de défense complète face aux allégations de négligence dans le contexte de la COVID-19. Le droit de la négligence considère également si les actions d'un participant ont contribué à ses propres blessures (il s'agit du concept de négligence contributive). Toutefois, les tribunaux n'ont pas encore tranché sur ces questions dans le contexte de la COVID-19 et leur applicabilité est donc largement spéculative.
En outre, dans certains cas, les provinces et territoires peuvent chercher à clarifier l'étendue de la protection juridique qui devrait être accordée aux organisations sportives à la lumière des défis uniques présentés par la pandémie de la COVID-19. Par exemple, afin d'encourager la réouverture des activités sportives en Colombie-Britannique, le 10 juin 2020, la province a adopté un décret ministériel visant à protéger et absoudre certaines organisations sportives sans but lucratif des dommages découlant directement ou indirectement de la COVID-19. Ces organisations seront protégées tant qu'elles respecteront les ordonnances de santé publique et les lignes directrices provinciales en matière de sport[11]. Il reste toutefois à déterminer si d'autres provinces et territoires canadiens adopteront des stratégies similaires pour limiter l'exposition à la responsabilité légale d'autres organisations sportives.
Ainsi, afin d'atténuer et de minimiser les risques juridiques associés à la COVID-19 exposés ci-dessus, il est recommandé que les organisations sportives adoptent une stratégie à plusieurs volets, en examinant si certains (sinon tous) des éléments suivants leur permettront d'atteindre leurs objectifs :
À cette fin, certaines provinces ont déjà publié des lignes directrices générales à l'intention des organisations sportives pour les aider à élaborer leurs propres politiques et protocoles de retour au jeu :
Les organisations sportives peuvent réduire leur risque de responsabilité légale en documentant correctement les mesures clés suivantes qu'elles ont prises pour assurer un retour sécuritaire au sport pour les participants (c'est-à-dire les athlètes, les entraîneurs, le personnel, les bénévoles, les spectateurs) :
En somme, si vous êtes confrontés à des enjeux de responsabilité légale à l'avenir, la question ne sera pas tant de déterminer si votre organisation a réussi à empêcher la propagation de la COVID-19, mais plutôt si vous aviez adopté des mesures de protection raisonnables et rempli votre devoir de diligence à l'égard de ceux et celles que vous aviez l'obligation de protéger.
[1] OMS, « Chronologie de l’action de l’OMS face à la COVID-19 » (30 juillet 2020), en ligne.
[2] Stephen Wade, « Tokyo Olympics rescheduled for July 23-Aug.8, 2021 », CBC Sports (30 mars 2020), en ligne.
[3] Brad Norman, « NASCAR announces revised May schedule as racing returns beginning at Darlington Raceway », NASCAR.com (30 avril 2020), en ligne.
[4] Kevin Clark, « UFC Fights Are Back, but Sports Are Far From Returning to Normal » The Ringer (8 mai 2020), en ligne.
[5] Geoff Lowe, « Premier League returns: Everything you need to know as play resumes » SportsNet (15 juin 2020), en ligne.
[6] Voir Joshua Clipperton, « NHL officially back as league, players ratify deal to return in Edmonton, Toronto » CBC News (10 juillet 2020), en ligne; R.J. Anderson, « MLB announces 60-game season for 2020; Opening Day will be July 23 or 24 »MLB News (24 juin 2020), en ligne; NBA.com Staff, « Everything you need to know about the 2019-20 NBA season restart » NBA.com (10 juillet 2020), en ligne.
[7] Pour se référer à ce concept juridique, on utilise généralement l’expression volenti non fit injuria, soit « acceptation volontaire du risque » qui sert de moyen de défense aux demandes en dommages et intérêts. L'acceptation volontaire du risque peut être implicite ou explicite (par exemple, si on signe une renonciation), bien que le critère pour soulever et reconnaître cette défense diffère selon les juridictions canadiennes. Par exemple, en Ontario, afin de déterminer si un demandeur a implicitement consenti au risque en question, les tribunaux se sont historiquement penchés sur la question de savoir si le défendeur avait « l'intention délibérée de causer un préjudice ou a fait preuve d’une insouciance téméraire caractérisée par un manque de contrôle ou de discipline quant aux conséquences de [ses] actions » [TRADUCTION]. Or, ces dernières années, les tribunaux de l'Ontario ont constaté une évolution; de plus en plus, la tendance est d’adopter le test appliqué en Colombie-Britannique où les tribunaux se penchent habituellement sur la question plus large visant à déterminer ce qu'un « concurrent raisonnable » aurait fait ou ce à quoi il se serait attendu dans des circonstances similaires. Il est toutefois particulièrement important de comprendre globalement que, si un joueur peut implicitement ou expressément consentir à un certain degré de risque quand il participe à une activité sportive, ce consentement n'est pas sans bornes et un « joueur n'accepte pas le risque de subir un préjudice du fait d'une conduite malveillante, hors du commun ou dépassant les limites du fairplay » [TRADUCTION]. Voir Dunn v. Université d'Ottawa (1995), 1995 CarswellOnt 3170 (C. J. Ont. (Div. gén.)), paragr. 36; Zapf v. Muckalt (1996), 1996 CarswellBC 2596 (B.C.C.A.), paragr. 36. 16; Casterton v. MacIsaac, 2020 ONSC 190, paragraph. 10-14.
[8] Voir par exemple, Aldridge v. Van Patter (1952), 1952 CarswellOnt 299 (WL)(Ont. H. Ct. J.); Rudd v. Hamiota Feedlot Ltd, 2006 MBQB 22 ; McAllister (Litigation Guardian of) v. Wal-Mart Canada Inc. (1999), 1999 CarswellNB 89 (N.B. Q.B.); infirmée en partie pour d'autres motifs (2000), 2000 CarswellNB 302 (N.B. C.A.) ; Forestieri v. Hernandez 2015 BCSC 249; Enslev v. Challenges Unlimited Inc. (2007), 2007 CarswellOnt 6938 (C.S.J. Ont.); confirmé (2009), 2009 CarswellOnt 207 (C.A. Ont.); Wawanesa Mutual Insurance Co v. Thiessen, 2009 SKQB 244.
[9] Loi sur la responsabilité des occupants, L.R.O. 1990, c. O.2, ss. 3(1)-(2).
[10] Hutchinson v. Stratford-Perth Family YMCA (2004), 2004 CarswellOnt 6189 (C.S.J. Ont.).
[11] Décret ministériel de la Colombie-Britannique : Order of the Minister of Public Safety and Solicitor General - Emergency Program Act Ministerial Order No. M183, en ligne.
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