Frédéric Bolduc
Avocat
Article
12
Le projet de loi 96 intitulé Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (ci-après, le
« PL-96 »), qui prévoit une importante réforme de la Charte de la langue française[1] (ci-après, la « Charte »), a été adopté le 24 mai 2022 par l'Assemblée nationale du Québec et sanctionné le 1er juin 2022, entraînant ainsi l'entrée en vigueur d'un grand nombre de ses dispositions. Les effets de ce projet de loi seront importants dans les milieux de travail au Québec.
Dans ce contexte, voici les impacts les plus importants du PL-96 pour les employeurs du Québec :
Par ailleurs, le PL-96 prévoit que les parties à un contrat individuel de travail qui est un contrat d'adhésion peuvent être liées par sa version dans une autre langue que le français seulement si telle est leur volonté expresse, et ce, après avoir pris connaissance de la version française du contrat. Dans les autres cas, un contrat individuel de travail peut être rédigé exclusivement dans une autre langue que le français lorsque telle est la volonté expresse des parties. Ces nouvelles règles sont entrées en vigueur le 1er juin 2022.
Il est important de noter que les travailleurs dont le contrat individuel de travail a été conclu avant la date d'entrée en vigueur du PL-96 et est rédigé dans une langue autre que le français disposent d'un délai d'un (1) an à compter du 1er juin 2022 pour demander une traduction en français de leur contrat[4]. Par ailleurs, les employeurs disposent d'un délai d'un (1) an à compter du 1er juin 2022 afin de rendre disponibles en français leurs formulaires de demande d'emploi, leurs documents ayant trait aux conditions de travail et leurs documents de formation[5].
Un employeur qui exige la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d'une langue autre que le français pour accéder à un poste doit présenter les motifs justifiant une telle exigence lors de la diffusion d'une offre visant à le pourvoir.
Le PL-96 précise en outre les circonstances dans lesquelles un employeur est réputé ne pas avoir pris tous les moyens raisonnables pour éviter d'exiger la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d'une langue autre que le français[7]. C'est le cas lorsque l'employeur n'a pas accompli l'un ou l'autre des trois éléments suivants :
Il est à noter toutefois que le PL-96 prévoit spécifiquement que ces nouvelles exigences ne doivent pas être interprétées de manière à imposer à un employeur une réorganisation déraisonnable de son entreprise.
Une personne qui croit avoir fait l'objet d'une pratique interdite peut déposer une plainte à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après, la « CNESST ») dans les quarante-cinq (45) jours de la pratique dont elle se plaint[9]. Ces plaintes peuvent subséquemment être déférées au Tribunal administratif du travail (ci-après, le « TAT ») à défaut d'un règlement entre les parties[10]. À cet égard, le mécanisme de plainte prévu par le PL-96 est très similaire aux autres mécanismes de plaintes à l'encontre de pratiques interdites prévues par la législation du travail au Québec, notamment la Loi sur les normes du travail[11].
« 89.1. Aucune disposition de [la Charte] ne peut être interprétée de façon à en empêcher l'application à toute entreprise ou à tout employeur qui exerce ses activités au Québec. »
Par ailleurs, il convient de noter qu'une réforme des règles en matière de langue pourrait également être adoptée au niveau fédéral. En effet, le projet de loi C-13 intitulé Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l'usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d'autres lois en est actuellement au stade de l'examen en comité à la Chambre des communes. Ce projet de loi, dans sa version actuelle, vise notamment à protéger le droit des employés d'entreprises de compétence fédérale travaillant au Québec à travailler en français.
Compte tenu de ce qui précède, les entreprises qui ont des employés travaillant au Québec, tant de compétence fédérale que provinciale, peuvent s'attendre à voir un renforcement des règles leur étant applicables en matière de langue française au travail.
En conclusion, le PL-96 aura un impact considérable sur les milieux de travail au Québec puisque son entrée en vigueur a créé un grand nombre de nouvelles obligations en matière de langue française.
Pour plus d'information concernant les répercussions du PL-96 sur votre entreprise, nous vous invitons à communiquer avec un membre de l'équipe Travail, emploi et droits de la personne de Gowling WLG.
[1] RLRQ, c. C-11.
[2] Article 41 de la Charte.
[3] Article 41 de la Charte, tel que modifié par le PL-96.
[4] Article 170 du PL-96.
[5] Article 171 du PL-96.
[6] Article 46 de la Charte, tel que modifié par le PL-96.
[7] Nouvel article 46.1 de la Charte, introduit par le PL-96.
[8] Article 45 de la Charte, tel que modifié par le PL-96.
[9] Article 47 de la Charte, tel que modifié par le PL-96.
[10] Article 47.2 de la Charte, tel que modifié par le PL-96.
[11] RLRQ, c. N-1.1.
[12] Nouvel article 45.1 de la Charte, introduit par le PL-96
[13] Nouvel article 47.4 de la Charte, introduit par le PL-96
[14] Article 139 de la Charte, tel que modifié par le PL-96.
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