La vie privée étalée au grand jour : Les droits de Pam et de Tommy

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07 avril 2022

Le mois dernier, Hulu a diffusé l'épisode final de la série télévisée Pam & Tommy. La minisérie biographique raconte la vie de Pamela Anderson et Tommy Lee qui, peu après leur mariage, se sont fait voler une vidéo érotique privée qui a été rendue accessible sur Internet. La télésérie est basée sur un article publié en 2014 dans le magazine Rolling Stone et qui présente l'histoire de l'homme qui a dérobé et distribué l'enregistrement[1]. Fait inusité, la télésérie, tout comme la vidéo érotique privée, a été diffusée sans le consentement des deux vedettes.

Pamela Anderson, semble-t-il, a déclaré que « jamais au grand jamais » elle ne regardera cette série télévisée et a laissé entendre à mots couverts qu'un documentaire sera prochainement diffusé sur Netflix, dans lequel elle lèvera le voile sur son histoire. La question se pose : si Pamela et Tommy sont à ce point opposés au docudrame Pam & Tommy, pourquoi a-t-il donc été diffusé? Cette diffusion soulève d'importantes questions sur le moment où l'on peut présenter l'histoire de la vie d'une personne et sur les circonstances dans lesquelles on doit obtenir des droits sur cette histoire. En bref, bien qu'il ne soit pas nécessaire techniquement parlant d'obtenir les droits liés à la vie privée des protagonistes d'une œuvre, le fait de ne pas obtenir ces droits expose les producteurs à des risques.



Qu'entend-on par droits liés à la vie privée?

Avoir les droits liés à la vie privée d'une personne signifie généralement avoir le droit de présenter des segments de sa vie dans une forme quelconque de média. Au Canada (de même qu'aux États-Unis), la loi ne reconnaît pas officiellement ces droits, car les personnes n'ont pas un intérêt juridiquement protégé dans les faits tirés de leur vie.

Cela dit, une personne dont la vie est racontée sans son consentement peut déposer une plainte pour usurpation de personnalité, atteinte à l'intimité de la vie privée et diffamation. Par conséquent, lorsque vous obtenez les droits liés à la vie privée, vous avez la certitude que la personne n'intentera pas de poursuite contre vous pour toute cause d'action potentielle qui pourrait survenir ou que, si elle le fait, elle n'aurait probablement pas gain de cause dans sa poursuite. La solidité de la plainte en l'absence de l'obtention des droits liés à la vie privée variera selon chaque cas et permettra probablement de déterminer si les avantages de l'obtention de ces droits l'emportent sur les coûts.

  1. Usurpation de personnalité

Il est admis que l'image d'une célébrité peut avoir une valeur potentielle, étant donné que les sociétés versent souvent à des vedettes d'importantes sommes d'argent pour qu'elles fassent la promotion de leurs marques ou de leurs produits. Les droits de la personnalité décrivent les droits exclusifs que détient une personne quant à l'exploitation de son image ou de sa personnalité. Ces droits sont protégés par la responsabilité délictuelle de l'usurpation de personnalité et par les lois provinciales pertinentes sur la protection de la vie privée qui reflètent étroitement la common law.

Le délit d'usurpation de personnalité est une cause d'action civile provinciale. Deux éléments sont obligatoires :

i.          le sujet doit être clairement identifiable et

ii.         l'exploitation de la personnalité du sujet doit être faite à des fins commerciales.

En raison du deuxième élément obligatoire, un biofilm ne donnerait pas lieu, en général, à une plainte pour usurpation de personnalité et la plainte ne serait pas recevable. La loi établit une distinction entre l'utilisation de la personnalité à des fins de « vente » et l'utilisation sous forme de « sujet ». Lorsque l'image de la célébrité est utilisée pour aider à promouvoir ou à parrainer un produit ou un service, les droits de la personnalité peuvent être engagés. Dans le cas contraire, si l'image du sujet est exposée à des fins biographiques, l'exploitation ne sera pas considérée comme ayant un but commercial.

  1. Atteinte à la vie privée

Les plaintes pour atteinte à la vie privée sont moins prévisibles, car les tribunaux canadiens (particulièrement en Ontario) ont reconnu plusieurs nouveaux délits civils liés à la protection de la vie privée en common law, tels que l'« intrusion dans la vie privée » et la « divulgation publique de faits privés ».

Le délit d'intrusion dans la vie privée tient pour responsable la personne qui s'immisce intentionnellement dans les affaires privées d'une autre personne, à la condition que cette intrusion soit considérée par une personne raisonnable comme étant hautement répréhensible. D'autre part, le délit de divulgation publique de faits privés offre un recours contre les défendeurs qui ont rendu publics , contre la volonté ou sans le consentement des plaignants, des faits privés hautement répréhensibles. L'information obtenue ne doit pas présenter un intérêt légitime pour le public.

Dans un cas comme dans l'autre, ces délits seront plus difficiles à établir si la production porte sur une personne célèbre ou sur un événement historique bien connu, étant donné que les attentes des célébrités en matière de vie privée seront moindres et que le public aura probablement un intérêt légitime pour l'histoire. Toutefois, si le contenu peut être considéré comme « hautement répréhensible », les niveaux de risque augmenteront. Il convient de s'assurer de l'exactitude du contenu.

  1. Diffamation

Ce délit vise la publication d'information fausse qui porte atteinte à la réputation d'autrui ou qui tend à discréditer une personne. Une plainte pour diffamation peut être défendue si la représentation est fondée sur la vérité ou si elle constitue une observation responsable sur des questions d'importance publique. Ainsi, comme pour ci-dessus, il faut veiller à ce que le contenu soit exact, en particulier lorsque la matière est considérée comme répréhensible ou controversée.

La plainte est non recevable? Il est quand même préférable d'obtenir les droits liés à la vie privée

Même s'il est peu probable qu'une plainte déposée contre vous ait gain de cause, il est tout de même judicieux, dans la plupart des cas, d'obtenir les droits liés à la vie privée. Vous réduirez ainsi les risques de litiges futurs qui, en plus d'être onéreux et pénibles, pourraient générer une publicité négative, que vous ayez gain de cause ou non. En outre, le consentement du sujet peut contribuer à légitimer la production et à éviter toute presse négative. Comme ce fut le cas pour la série Pam & Tommy, le public est souvent très critique à l'égard d'une production réalisée sans le consentement ou la consultation des personnes visées. Et finalement, coopérer avec les sujets peut rehausser une production, car il sera possible de les consulter et d'obtenir auprès d'eux des documents pertinents auxquels il aurait été impossible d'accéder autrement.

L'obtention des droits liés à la vie privée présente des avantages, mais ce n'est pas toujours le choix pratique à faire. Par exemple :

  • La personne est un personnage secondaire. Dans certains cas, il sera nécessaire d'obtenir les droits liés à la vie privée afin de s'assurer d'éviter les erreurs et les omissions; toutefois, cette assurance se limite généralement aux personnages principaux.
  • La personne est décédée. En plus de ce qui précède, il est plus important d'obtenir les droits liés à la vie privée à des fins d'assurance contre les erreurs et omissions lorsque la personne est vivante.
  • Le budget de production est serré. Parfois, il est tout simplement impossible de payer les droits liés à la vie privée.
  • Les faits et l'histoire font déjà partie du domaine public. En cas de diffamation et de plainte pour atteinte à la vie privée, la responsabilité sera limitée.

[1] Amanda Chicago Lewis, Pam and Tommy: The Untold Story of the World's Most Infamous Sex Tape, magazine RollingStone, 22 décembre 2014. https://www.rollingstone.com/feature/pam-and-tommy-the-untold-story-of-the-worlds-most-infamous-sex-tape-194776/


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