Quitter le Pays imaginaire et entrer dans le domaine public : que se
passe-t-il lorsque les droits d'auteurs expirent?

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09 janvier 2024

Le 1er janvier : pour le commun des mortels, cette journée est synonyme de nouvelles résolutions, de mise en forme et de rangement des décorations des fêtes. Mais pour ceux et celles qui travaillent dans le monde des arts et du divertissement, elle revêt une tout autre signification : c'est la « Journée du domaine public » à partir de laquelle certaines œuvres autrefois protégées par droit d'auteur peuvent désormais être utilisées sans autorisation. 

Nous profitons de ce début d'année pour vous expliquer ce qui se passe lorsque les droits d'auteur expirent, et pourquoi l'apparence de Mickey Mouse et de Peter Pan pourrait vous sembler différente ces jours-ci!  



La protection par droit d'auteur 

D'une façon générale, le droit d'auteur, qui protège les expressions originales plutôt que les idées, est accordé automatiquement à une œuvre originale dès sa création. Lorsqu'une œuvre est protégée par le droit d'auteur, elle ne peut pas (sous réserve de certaines exceptions d'utilisation équitable) être modifiée ou exploitée sans l'autorisation de son créateur. C'est pourquoi, jusqu'à l'année dernière, Winnie l'ourson était uniquement représenté comme le compagnon joyeux et insouciant de Jean-Christophe… exactement comme le voulait son titulaire de droit d'auteur. 

Comme la plupart des droits de propriété intellectuelle, les lois sur le droit d'auteur visent à équilibrer des intérêts opposés : d'une part, donner aux créateurs un avantage légal sur leur création et, d'autre part, permettre au grand public de s'inspirer d'œuvres existantes pour créer les siennes.   

En raison d'engagements pris en vertu de l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), le Canada a récemment modifié la Loi sur le droit d'auteur afin de prolonger la période de protection des œuvres littéraires, dramatiques, musicales et artistiques. Depuis le 30 décembre 2022, date à laquelle ces changements sont entrés en vigueur, la durée de protection par droit d'auteur de la plupart des œuvres au Canada équivaut maintenant à la durée de vie du créateur plus 70 ans, plutôt que 50 ans. C'est également le cas aux États-Unis, dans les pays de l'Union européenne et dans de nombreux autres pays, à quelques différences près.

Généralement, la période de 70 ans commence le 1er janvier suivant le décès du créateur, mais il y a évidemment des exceptions à cette règle. Par exemple, si une entreprise des États-Unis paie pour la création d'une œuvre, celle-ci sera protégée par droit d'auteur pour une durée de 95 ans à compter de l'année de sa première publication, ou pour une durée de 120 ans à compter de l'année de sa création, selon la première de ces éventualités.

Au Canada, ce concept n'existe pas : la durée du droit d'auteur se calcule toujours en fonction de la longévité de l'auteur plus 70 ans, peu importe que l'œuvre ait été créée dans le cadre de son emploi ou d'un contrat de service.  

Entrer dans le domaine public  

Au Canada, aux États-Unis et dans de nombreux autres pays, quand elles deviennent libres de droits, les œuvres tombent dans le domaine public, et ce, le 1er janvier de chaque année.

L'année dernière, le recueil classique de nouvelles d'A. A. Milne, Winnie The Pooh, a fait son entrée dans le domaine public aux États-Unis, permettant ainsi à quiconque de réimprimer l'original sans autorisation. Cette liberté ne se résume pas uniquement à la reproduction d'œuvres relevant du domaine public : sous réserve des limites mentionnées ci-dessous, les œuvres dont la protection par droit d'auteur a expiré peuvent être adaptées, modifiées et remixées. On comprend ainsi, un peu mieux du moins, pourquoi un film d'horreur mettant en scène un Winnie l'ourson meurtrier et sanguinaire qui pourchasse Jean-Christophe a été montré au grand écran l'an dernier. 

Cette année, le 1er janvier, le court métrage animé Steamboat Willie, où l'on peut voir la toute première représentation de Mickey Mouse, est également tombé dans le domaine public aux États-Unis. Ce fut également le cas de la pièce de théâtre Peter Pan, or The Boy Who Wouldn't Grow Up de J. M. Barrie et du roman All Quiet on the Western Front. L'entrée du premier Mickey Mouse dans le domaine public a déjà donné lieu à la création de bandes-annonces de films dépeignant une version effrayante et meurtrière de la célèbre souris (de toute évidence, le domaine public peut être un endroit terrifiant!).   

Prudence : tout n'est pas rose dans la Forêt des rêves bleus  

Les lois sur les droits d'auteur varient d'un pays à l'autre. C'est pourquoi une même œuvre peut être traitée de manières différentes, selon l'endroit où elle est utilisée. Généralement, c'est la loi locale sur le droit d'auteur qui s'applique à l'utilisation des œuvres dans ce pays, même si elles ont été créées dans un autre pays ou par un ressortissant d'un autre pays.

Par exemple, le livre Winnie-the-Pooh d'A. A. Milne est tombé dans le domaine public au Canada en 2007 suivi par The House at Pooh Corner en 2008, puisqu'au moment où les droits d'auteur ont expiré, la période de protection était toujours équivalente à la durée de vie de l'auteur plus 50 ans. Par conséquent, ces deux livres ont fait leur entrée dans le domaine public au Canada 16 ans plus tôt qu'aux États-Unis, où leur protection a expiré en 2023 et en 2024, respectivement.  

Pour ce qui est des œuvres dérivées, c'est-à-dire des œuvres basées sur une ou plusieurs œuvres qui existent déjà ou qui en découlent, elles bénéficient d'une protection par droit d'auteur distincte. Cela signifie que même si les droits d'auteur de l'œuvre originale ont expiré, ses dérivés peuvent encore bénéficier d'une protection. Par exemple, Mickey Mouse tel qu'il apparaît dans Steamboat Willie est entré dans le domaine public aux États-Unis, mais ses versions subséquentes sont encore bel et bien protégées.  

Autre exemple courant d'œuvres dérivées : les traductions. Malgré l'entrée de The House at the Pooh Corner dans le domaine public aux États-Unis cette année, ses nombreuses traductions, publiées ultérieurement, demeurent encore protégées par droit d'auteur dans ce pays.  

Ceux et celles qui souhaitent exploiter des œuvres du domaine public doivent faire preuve de prudence, car déterminer si ces dernières sont protégées par droit d'auteur n'est pas une mince affaire. Qui plus est, le droit d'auteur est un type de protection parmi plusieurs; l'enregistrement de marques et d'autres droits de propriété intellectuelle peuvent également restreindre les possibilités d'utilisation d'une œuvre. Avant d'utiliser des œuvres protégées, y compris celles qui semblent être déjà du domaine public, il est préférable de consulter un conseiller juridique.


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