Le 1er février 2025, le Canada a annoncé sa riposte face aux récentes mesures tarifaires imposées par les États-Unis, intensifiant les tensions commerciales entre les deux pays. La première série de tarifs douaniers canadiens devrait entrer en vigueur le mardi 4 février 2025, et les répercussions majeures qu’elle aura sur des secteurs clés tels que l’agriculture, l’automobile et la technologie pourraient bien se répercuter sur l’ensemble des chaînes d’approvisionnement et des opérations transfrontalières.

S’adressant à la population américaine, le premier ministre Trudeau a souligné que « [l]e Canada possède des minéraux critiques, une énergie fiable et abordable, des institutions démocratiques stables, des valeurs communes et les ressources naturelles dont vous avez besoin. Nous avons tous les atouts nécessaires pour établir un partenariat prospère et sûr au service de l’économie nord-américaine, et sommes prêts à travailler ensemble. » Il a également tenu à rassurer le peuple canadien en déclarant que « [l]e gouvernement canadien, les entreprises canadiennes, les syndicats canadiens, la société civile canadienne, les premiers ministres provinciaux et territoriaux ainsi que des dizaines de millions de Canadiens et de Canadiennes demeurent unis et solidaires, d’un océan à l’autre. » [traduction]

Tarifs américains

  • Les États-Unis ont imposé des tarifs douaniers de 25 % sur les produits du Canada, et de 10 % visant expressément les importations d’énergie canadienne, lesquels prendront effet le 4 février 2025.
  • L’avis du Registre fédéral définissant les « produits du Canada » n’a pas encore été publié. Toutefois, les produits énergétiques visés sont précisés dans le décret présidentiel no 14156 (20 janvier) et incluent le pétrole brut, le gaz naturel, les condensats de concession, les liquides de gaz naturel, les produits pétroliers raffinés, l’uranium, le charbon, les biocarburants, la chaleur géothermique, le mouvement cinétique de l’eau qui coule et les minéraux critiques, tels que définis par l’article 1606 (a)(3) du Titre 30 du United States Code.
  • Le décret établissant les tarifs douaniers ne prévoit aucune exemption ou procédure d’exemption. Il restreint par ailleurs le recours à la disposition de minimis pour les importations dont la valeur est inférieure à 800 $.

Tarifs de rétorsion du Canada

En réponse à ces mesures, le Canada a annoncé l’imposition de tarifs de rétorsion sur 155 milliards de dollars de marchandises américaines. Aux termes du Décret imposant une surtaxe aux États-Unis (2025) :

  • La première phase imposera des droits de 25 % sur 30 milliards de dollars d’importations américaines à compter du 4 février 2025.
  • Une deuxième série de tarifs touchant 125 milliards de dollars d’importations américaines supplémentaires sera imposée dès le 25 février 2025.
  • Cette approche en deux temps vise à donner aux entreprises et aux chaînes d’approvisionnement canadiennes le temps de trouver d’autres solutions et à permettre la tenue de consultations sur la liste des produits concernés.

Première vague de produits touchés

La première série de tarifs douaniers canadiens annoncée par Ottawa ciblera un large éventail de produits en provenance des États-Unis, notamment dans les catégories suivantes :

  • Produits agricoles : volailles vivantes (poulets, canards, dindes), viande de volaille (fraîche, réfrigérée ou congelée), abats
  • Produits laitiers et alimentaires : fromages, yoghourt, viandes transformées, légumes en conserve, produits de boulangerie-pâtisserie
  • Boissons alcoolisées et autres boissons : whisky, bourbon, vin, bière et boissons non alcoolisées
  • Produits en fer et en acier : tuyaux, tubes, feuilles, câbles et éléments de structure
  • Produits en aluminium : aluminium brut, papiers, tôles et barres
  • Machines et équipements : machines, appareils et engins agricoles, machines industrielles, appareils mécaniques et leurs pièces détachées
  • Secteur automobile : moteurs, transmissions, pièces et accessoires de véhicules
  • Biens de consommation : meubles, matelas, appareils ménagers, vêtements et chaussures
  • Produits en plastique et en caoutchouc : matériaux d’emballage, feuilles de plastique, pneus, tuyaux
  • Produits chimiques : produits chimiques industriels, engrais et produits de nettoyage
  • Produits en bois et en papier : bois d’œuvre, bois contre-plaqués, papier et carton
  • Produits électroniques et composants électriques : câbles, transformateurs, appareils électroniques domestiques
  • Produits en verre et en céramique : objets en verre, carreaux de céramique et appareils pour usages sanitaires
  • Textiles et tissus : tissus de coton, fibres synthétiques et produits textiles
  • Bijouterie, joaillerie et métaux précieux : or, argent, articles de bijouterie ou de joaillerie, pièces de monnaie
  • Outils et quincaillerie : outils à main, fixations, serrures, et verrous, pièces et parties en métal
  • Produits pour usage récréatif : articles de sport, instruments de musique et jeux
  • Matériel médical et scientifique : instruments, appareils et matériel de laboratoire

La liste détaillée des produits visés est disponible sur le site Web du ministère des Finances.

Seconde vague de produits touchés

La deuxième série de tarifs douaniers qu’imposera le Canada ciblera encore plus de produits américains, notamment dans les catégories suivantes :

  • Aérospatiale, véhicules et bateaux : produits liés à l’aérospatiale, véhicules de promenade et camions, y compris les véhicules électriques, les poids lourds, les autobus, les véhicules récréatifs et les bateaux de plaisance
  • Produits de fabrication : produits en acier et en aluminium
  • Produits agricoles et alimentaires : certains fruits et légumes, viande de bœuf et de porc, produits laitiers

De plus amples détails sur les produits concernés par la deuxième série de tarifs devraient être publiés dans les prochains jours, et la liste sera encore plus exhaustive.

Mesures non tarifaires

En collaboration avec les provinces et territoires, le Canada envisage également d’adopter des mesures non tarifaires supplémentaires qui pourraient affecter les minéraux critiques, l’énergie, les marchés publics et d’autres partenariats. Bien qu’une taxe de 15 % sur les exportations canadiennes d’énergie ait été envisagée, sa mise en œuvre n’est pas prévue pour le moment.

Demandes de remise tarifaires

Le ministère des Finances a adopté un processus formel de demande de remise tarifaire pour certains biens importés des États-Unis. Les entreprises enregistrées au Canada peuvent en faire la demande dans deux circonstances spécifiques :

  1. Insuffisance de l’offre nationale : si un importateur peut démontrer que les biens ne sont pas raisonnablement disponibles auprès des producteurs canadiens.
  2. Circonstances exceptionnelles : si l’imposition des tarifs est susceptible d’entraîner un préjudice économique disproportionné, notamment une détresse financière sévère, des perturbations de la chaîne d’approvisionnement, ou des menaces pour des secteurs d’activités essentielles.

Processus d’examen et de consultation

Les demandes seront évaluées au cas par cas, en tenant compte de facteurs tels que l’impact économique, les contraintes de la chaîne d’approvisionnement et les préoccupations propres à un secteur d’activité. Le ministère des Finances pourra consulter les producteurs nationaux pour vérifier les affirmations concernant la disponibilité de l’offre avant d’accorder la remise.

Exigences de soumission des demandes

Toutes les demandes doivent respecter un format standardisé et inclure :

  • Une description détaillée des produits (y compris les codes SH)
  • Les démarches d’approvisionnement (les preuves de tentatives d’approvisionnement auprès de fournisseurs canadiens)
  • La justification économique (l’impact financier des tarifs et les préjudices potentiels)
  • La documentation justificative (les contrats, factures ou analyses d’experts)

Seules les entreprises enregistrées au Canada peuvent soumettre des demandes. Les entreprises recherchant un allègement tarifaire doivent s’assurer que leurs demandes sont bien documentées et conformes au format prescrit.

Pour obtenir tous les détails et le modèle de soumission des demandes, veuillez consulter le site Web du ministre des Finances.

Mesures provinciales

  • Nouvelle-Écosse : La province limitera l’accès aux marchés publics provinciaux pour les entreprises américaines, cherchera à annuler les contrats existants, doublera les frais de péage au col de Cobequid et ordonnera à la Société des alcools de la Nouvelle-Écosse de retirer de ses étagères tout l’alcool provenant des États-Unis le 4 février.
  • Colombie-Britannique : L’organisme gouvernemental responsable de la distribution des produits d’alcool de la C.-B. (BC Liquor Distribution) cessera immédiatement l’achat d’alcool américain provenant de certains États. Le gouvernement provincial et les organismes de la Couronne ont été chargés d’exclure les fournisseurs américains de tout nouvel accord d’achats ou de marchés publics.
  • Ontario : La province compte introduire des mesures interdisant la vente d’alcool et de vin américain dans les magasins de la Régie des alcools de l’Ontario (Liquor Control Board of Ontario).
  • D’autres provinces devraient annoncer des mesures similaires.

Renforcer le commerce intérieur

En réponse aux pressions tarifaires extérieures, les dirigeants fédéraux, provinciaux et territoriaux canadiens se sont réunis le 31 janvier 2025 lors de la réunion du Comité du commerce intérieur (CCI) pour discuter de mesures visant à renforcer l’économie nationale. L’honorable Anita Anand, ministre des Transports et du Commerce intérieur, a annoncé des initiatives visant à éliminer les obstacles réglementaires au commerce intérieur, à améliorer la mobilité de la main-d’œuvre et à harmoniser les réglementations à l’échelle du Canada. Les actions clés comprennent :

  • La reconnaissance mutuelle des biens et services : un bien ou un service vendu dans un territoire ou une province peut être vendu dans un autre territoire ou province sans qu’il soit nécessaire de satisfaire à des exigences réglementaires supplémentaires.
  • Amélioration de la mobilité de la main-d’œuvre : les travailleurs en règle pourront aller travailler dans n’importe quel endroit du pays, province ou territoire, sans délai.
  • Amélioration de l’Accord de libre-échange canadien : réduction des exceptions et prise en compte des priorités sectorielles afin d’optimiser le commerce intérieur.

Ces mesures devraient contribuer à faire baisser les prix, à augmenter la productivité et à créer de nouveaux débouchés pour les entreprises canadiennes, aidant ainsi compenser l’impact des tarifs américains et à renforcer la résilience économique du Canada.

Réaction potentielle des États-Unis

Le décret tarifaire des États-Unis comprend des dispositions permettant d’augmenter davantage les tarifs sur les importations canadiennes en cas de mesures de rétorsion sur les tarifs de la part du Canada. À l’heure actuelle, aucune déclaration officielle n’a été communiquée par les États-Unis à cet égard.

Considérations stratégiques

Les entreprises impliquées dans le commerce transfrontalier devraient :

  1. Examiner les chaînes d’approvisionnement : recenser les biens soumis aux nouveaux tarifs et évaluer les implications en termes de coûts ainsi que les possibilités d’atténuation ou d’exemption.
  2. Évaluer les obligations contractuelles : examiner les contrats existants afin d’y trouver d’éventuelles occasions de renégociation, clauses d’ajustement de prix ou modifications de loi/ clauses de force majeure pouvant atténuer les impacts liés aux tarifs.
  3. Suivre les évolutions juridiques : demeurer au fait des nouvelles et solliciter des conseils sur l’impact des tarifs compte tenu des instruments juridiques spécifiques à venir, des négociations potentielles, d’éventuelles mesures de rétorsion supplémentaires et d’autres actions gouvernementales.

Nos équipes Commerce international et douanes et Affaires gouvernementales surveillent de près cette situation et sont disponibles pour vous conseiller sur les retombées spécifiques pour votre entreprise. Pour obtenir plus d’information ou toute aide, veuillez nous contacter directement.