Cédric Marsan-Lafond
Avocat
Webinaires sur demande
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Josée Gervais
Bon matin à tous. Merci d'être parmi nous en virtuel aujourd'hui pour notre première présentation d'une série de trois webinaires portant sur le droit du travail et le droit de l'emploi. Je suis Josée Gervais, Associée chez Gowling WLG à Montréal et responsable du département Travail, emploi et droits de la personne. J'ai le plaisir de vous présenter mes deux collègues, Tina Aswad et Cédric Marsan-Lafond, qui vont lancer le bal ce matin avec leur présentation sur le congédiement déguisé et, plus particulièrement, jusqu'où on peut aller dans la modification aux conditions de travail.
Pour ceux qui ne la connaissent pas déjà, Tina est Associée au sein de notre groupe Travail, emploi et droits de la personne au bureau de Montréal de Gowling WLG. Sa pratique touche tous les aspects des relations de travail individuelles et collectives, notamment la prestation de service-conseil ainsi que la rédaction de documents liés à la relation d'emploi, contrats d'emploi, politiques, contrats et engagements de non-sollicitation, non-concurrence et confidentialité. Tina conseille également fréquemment des entreprises en matière de protection des renseignements personnels.
Cédric est avocat également au bureau de Montréal dans notre département Travail, emploi et droits de la personne. Sa pratique touche tous les aspects des relations de travail tant sur le plan collectif que sur le plan individuel. À cet égard, il travaille à l'élaboration de documents relatifs à la relation d'emploi et conseille des employeurs sur divers aspects, notamment les questions relatives aux normes du travail, au congédiement, au licenciement collectif et aux mesures disciplinaires.
Sans plus tarder, je cède la parole à mes collègues, Tina et Cédric. Je vous souhaite une excellente présentation et j'espère pouvoir vous retrouver pour nos deux prochaines présentations virtuelles les 21 et 28 septembre prochains. Bonne présentation.
Tina Aswad
Merci, Josée. Bonjour à tous. Merci beaucoup d'être là ce matin en virtuel. Malgré la sortie de la covid, on sent que c'est quand même une formule qui est appréciée des clients et de nos collaborateurs pour pouvoir bénéficier de contenu juridique, particulièrement au droit de l'emploi. Ce matin, on est très content d'être ici pour vous parler de la notion de congédiement déguisé. Ce n'est pas une notion qui est nouvelle, comme vous le savez. Ça fait des lunes qu'on en parle en matière de droit de l'emploi. Quand j'ai commencé ma pratique, c'était le sujet chaud. On en a entendu un peu moins parler, mais on se rend compte que dans la jurisprudence il y a des dossiers qui vont jusqu'en cour d'appel. Donc, on a pensé que ça valait la peine de refaire un tour de la jurisprudence. Revoir les concepts applicables et, voire aussi, faire une petite incursion dans la jurisprudence pour voir les récentes tendances, comment les tribunaux ont interprété les allégations des employés ou comment les tribunaux ont vu les changements que certains employeurs voulaient faire aux conditions de travail dans un contexte, parfois, de gestion ou de droit de gérance ou de vente d'entreprise.
Alors, vous voyez les sujets qui seront traités aujourd'hui. Je vais faire un petit récapitulatif des principes applicables, puis ensuite on va vraiment aller dans différents types de modifications des conditions de travail qu'on voit fréquemment comme conseillers. On nous appelle régulièrement pour parler de modifications à la rémunération, l'horaire de travail, le lieu de travail, etc. Tout ça, particulièrement dans un contexte postpandémie, où les entreprises du Québec revoient leur manière de faire, leur manière de gérer leurs employés. Elles revoient aussi leurs besoins en termes de main-d'œuvre.
Commençons tout de suite avec les concepts un peu plus juridiques. Comme vous le savez, le congédiement déguisé, c'est vraiment une notion qui est factuelle. On a des pourtours juridiques qui nous donnent des guides de comment déterminer si oui ou non il y a congédiement déguisé, mais il n'y a pas de réponse claire. On est dans un cas ici où on est dans une crise souvent. Alors il y a plusieurs termes en droit de l'emploi où on ne peut pas donner des réponses blanches ou noires. On se faufile dans les nuances de gris, puis on essaie de gérer les risques pour l'employeur. On va voir un peu plus tard différents exemples jurisprudentiels. Pourquoi on parle de cette notion et pourquoi c'est important pour vous, employeurs? Parce qu'évidemment, si l'employé a gain de cause ou si l'employé invoque à juste titre un congédiement déguisé, il y aura ouverture d'une foulée de recours pour pouvoir se réclamer une indemnité ou même la réintégration dans l'ancien poste.
On voudrait faire peut-être juste un mini aparté des différentes notions en droit de l'emploi qui peuvent parfois être mélangées ou qui flirtent – si on utilise une expression anglaise – avec le congédiement déguisé. Alors, la démission, qui est la rupture volontaire par le salarié du contrat de travail, évidemment, dans un contexte de congédiement déguisé, il va souvent intervenir une démission. Mais est-ce que la démission sera vraiment une démission? Est-ce que ça sera une rupture qui est volontaire? C'est vraiment au niveau du volontaire où, la notion de démission ou de congédiement déguisé, il va y avoir une distinction.
Même chose pour le licenciement. Dans un contexte de congédiement déguisé, parfois l'employeur ne veut pas se départir spécifiquement d'un employé pour des causes qui lui sont propres, comme vous voyez dans la définition de congédiement, mais on parle plus de réorganisation d'entreprise, d'exercice du fond de la direction de faire en sorte que votre entreprise fonctionne mieux, puis que vous utilisiez mieux vos ressources. Ça peut avoir des impacts sur les conditions de travail et mener à des plaintes en congédiement déguisé. Ceci dit, on va alors créer cette notion de licenciement déguisé qui est un concept, qui est aussi accepté au <indiscernable>. Je vais y revenir.
En parlant des recours, comme je vous le mentionnais tantôt, pourquoi on veut discuter du congédiement déguisé? Parce qu'évidemment si la cour arrive à la conclusion que l'employé a été congédié de façon déguisée, ça pourrait donner droit à une indemnité de fin d'emploi en vertu de l'art. 2091. Un délai de congé raisonnable qui va être évalué, comme vous le savez, en fonction de différents critères, incluant l'ancienneté, le salaire, etc. C'est le recours civil. Mais il y a également des recours statutaires qui vont pouvoir être utilisés, par exemple, les art. 122 et 124 de la Loi sur les normes du travail, les recours en réintégration devant les tribunaux administratifs. Je vais revenir rapidement sur la notion de licenciement déguisé. Alors, on pourrait faire certaines distinctions. Ce recours pourrait être offert lorsqu'on parle de congédiement déguisé qui vise l'employé. On fait des modifications puis on le pousse vers la sortie. C'est généralement dans ce type de dossier-là que des recours en 124 vont être faits. Si l'employeur arrive à démontrer que les changements découlent d'une réorganisation d'entreprise qui sont indépendants de l'employé, que ç'aurait été fait de toute façon, ça peut mener à des changements substantiels des conditions de travail et même à la rupture du contrat d'emploi. Mais à ce moment-là, on ne parlera pas de congédiement au sens strict du terme, mais on va parler de licenciement. À ce moment-là, ça sera un motif de défense pour des recours en réintégration au tribunal administratif du travail.
Je vais vous parler rapidement de l'arrêt Farber. C'est un arrêt qui date de 1997. Les faits remontent à ma naissance, alors, ce n'est pas nouveau comme décision. Par contre, c'est vraiment l'arrêt fort qui a lancé le bal en matière de congédiement déguisé et qui a vraiment amené les notions de modifications substantielles à des conditions essentielles du contrat de travail. Alors, vous avez la recette gagnante pour déterminer qu'est-ce qu'un congédiement déguisé. Il faut qu'on retrouve tout ça. Donc, une modification qui est substantielle. Des petites modifications ne seront pas suffisantes. Vous allez le voir dans certaines décisions dont on va discuter, Cédric et moi, un peu plus tard. On va parler de conditions essentielles du contrat de travail. Ce ne sont pas toutes les conditions de travail qui sont essentielles et qui pourrait donner lieu à un recours en congédiement déguisé.
La Cour suprême dans l'arrêt Farber et aussi dans l'arrêt subséquent qui est l'arrêt Potter, dont je vais parler un peu plus tard, nous dit d'avoir une approche souple, qui est basée sur les faits. On doit faire une analyse qui est éminemment factuelle. C'est vraiment une analyse qui va être factuelle et moins juridique. Je vais vous donner les critères juridiques qui vont guider cette analyse factuelle dans quelques instants. La Cour suprême rappelle aussi que le contrat d'emploi, c'est un contrat qui est dynamique par définition. Ce n'est pas un contrat qui est fixe, qui ne change pas dans le temps. Les cocontractants dans le contrat d'emploi évoluent, les besoins changent de part et d'autre. Donc, c'est normal que le contrat puisse s'adapter et soit organique aux situations de l'entreprise.
Dans l'arrêt Farber, peut-être pour vous donner les faits puis ensuite je vais arriver aux critères de la personne raisonnable. Dans cette affaire, c'est que le DG d'une commission des droits de la personne avait… Les relations interpersonnelles de la relation d'emploi s'étaient détériorées au cours des années. Il y avait eu une discussion de fin d'emploi à l'amiable qui avait été amorcée, puis M. Farber a par la suite quitté en invalidité. Par la suite, l'employeur a décidé qu'il souhaitait plutôt mettre fin à l'emploi au motif sérieux. Mais avant de ce faire, il l'avait suspendu de façon indéfinie pour des motifs administratifs afin de déterminer ce qui allait arriver par la suite. Et puis, bien, M. Farber… Pardon, je vous parlais de l'arrêt Potter, je suis vraiment désolée. Dans cette affaire, la suspension sans solde sans délai a été considérée comme un congédiement déguisé. Pourquoi? Parce que, selon la Cour suprême, le fait de fournir sa prestation de travail pour un directeur général était une condition essentielle de travail et que sa suspension n'était pas justifiée.
Maintenant, si je reviens à l'arrêt Farber, il nous donne le critère de la personne raisonnable. Dans cette affaire, c'est une restructuration pure et simple. Il y a eu des changements au niveau de la structure de l'entreprise, de l'organigramme. M. Farber était passé de gérant régional à gérant local. C'était un poste qu'il avait occupé huit ans auparavant. On parle d'un recul professionnel avec ces changements et puis par l'entremise, la durée générale des contrats, la Cour suprême est arrivée à la notion de congédiement déguisé à la notion de changements de conditions essentielles de travail et a conclu dans ce contexte que M. Farber avait été l'objet d'un congédiement déguisé. Maintenant, avec le recul on peut trouver ce cas évident, mais à l'époque c'était une première, c'était un concept qui était nouveau. Alors, ç'a mis la table pour la suite.
Alors, quels sont nos critères juridiques qui ont été plaidés par la Cour suprême? Le critère de la personne raisonnable. C'est important, ce critère, parce que le concept de congédiement déguisé fait référence à des conditions essentielles de travail qui sont très et surtout personnel. Chaque personne a pour lui des éléments qui sont essentiels à son contrat de travail. On va se placer dans un contexte où on va se demander si une personne raisonnable placée dans les circonstances de l'employé considérait qu'il y a modification essentielle à une condition essentielle de travail. C'est vraiment se placer d'une personne raisonnable dans les souliers de l'employé à ce moment-là. Le tribunal pourra décider si oui ou non on a un système qu'il y a congédiement déguisé.
L'arrêt Farber vient aussi parler du pouvoir de direction, parce que c'est vraiment ça, l'attention, qui existe entre le droit, ici. Il y a le droit de la direction de l'employeur, puis il y a le droit de l'employé d'avoir le maintien de ses conditions de travail dans le temps.
Ce n'est pas toutes les modifications aux conditions de travail qui vont avec le congédiement déguisé, parce que l'employeur a une certaine marge de manœuvre dans son pouvoir de direction pour organiser son entreprise et procéder à certains changements qu'il juge utiles. Dans la mesure où ce n'est pas abusif, discriminatoire, etc.
La Cour suprême vient aussi nous expliquer, dans les arrêts Farber et ensuite Potter, dans ces mots, que l'arrêt Potter, qui est arrivé en 2015, presque 20 ans plus tard, puis la Cour suprême a quand même jugé pertinent de refaire une mise au point, puis dans l'arrêt Potter est venue nous expliquer que le congédiement déguisé peut être un seul acte unilatéral. Comme dans Potter, où l'employé avait été suspendu de façon indéfinie et on ne lui fournissait plus de travail à accomplir. Ou ça peut être une série d'actes qui, considérés ensemble, vont démontrer l'intention de l'employeur de ne plus être lié par le contrat de travail. Et là je veux mettre l'accent sur le fait que l'intention de l'employeur dans ce cas-ci, le cas de série d'actes, c'est de ne plus être lié par le contrat de travail. Ça ne signifie pas nécessairement que l'employeur voulait congédier l'employé. Donc, il y a imminence ici. L'employeur ne veut simplement plus respecter le contrat de travail tel que défini. Ça ne signifie pas qu'il veut se départir nécessairement de l'employé. Bien que dans certains cas, on pourra voir un pattern chez l'employé où la cour pourra dénoter qu'il y a effectivement une série d'actes qui démontre une intention sincère de congédier la personne, donc de le pousser vers la sortie. Ça, c'est aussi une autre figure qui peut se produire.
Ici, on vous a mis un petit extrait de l'arrêt Farber qui met vraiment l'accent sur l'aspect factuel de l'analyse. Est-ce que l'employeur peut changer la nature du travail confié au salarié? Alors, souvent on va parler de congédiement déguisé lorsqu'il y a des changements qui sont plus par rapport au niveau des conditions de travail. On parle de conditions de travail avec stress, par exemple, la rémunération, le nombre de vacances, le lieu de travail, etc. Parfois, ça peut être aussi un peu plus subtil puis ça peut parler plus de la nature du travail confié. À ce moment-là, la Cour vient nous expliquer que c'est vraiment factuel. Pour un employé, changer la nature du travail, pourrait ne pas être un congédiement déguisé, mais pour d'autres ça peut l'être. La Cour reconnaît que l'employé peut légitimement tirer… avec un souci de conserver et développer ses qualités, ses habiletés au travail. Donc, d'avoir une progression au niveau de sa carrière dans un champ d'activité professionnel et pouvoir garder ses acquis. Un peu comme on mentionnait dans l'arrêt Farber. Ça équivalait à remettre l'employé dans un poste qu'il avait occupé huit ans auparavant.
Je vais maintenant laisser la parole à Cédric, qui va discuter des changements à la rémunération, qui est vraiment un des éléments qu'on a le plus consultés, je pense. Quand on veut faire des réorganisations, les changements à la rémunération, parfois ça peut être… on ne parle pas nécessairement de baisse de salaire comme telle, mais ça peut être des changements des plans de boni, changements de la rémunération variable, etc. qui pourraient avoir un impact sur l'employé. Alors, je vais céder la parole à mon collègue, Cédric. Mais avant ça, je voulais vous inviter à nous interrompre à tout moment ou à la fin de session, si vous avez des questions, si vous avez des commentaires. On nous fait signe ici que ça sera dans le Q&A. Le chat est terminé, mais vous pouvez transférer vos questions au Q&A, puis ça va nous faire plaisir d'y répondre lorsqu'on va les avoir. Vous pouvez également lever la main, puis poser des questions verbales. Ça fait des rencontres qui sont plus dynamiques, puis on va pouvoir répondre à vos questions qui vous préoccupent. Alors, voilà. Je cède la parole à Cédric.
Cédric Marsan-Lafond
Merci. Comme Tina l'a mentionné, la rémunération, c'est particulier, en fait, quand on pense au congédiement déguisé. C'est une condition qui est super essentielle dans un contrat de travail. On recommande <indiscernable> est-ce qu'il y a une baisse de salaire qui peut engendrer un congédiement déguisé ou une modification de la culture salariale. Donc, de réduire un salaire de base pour donner des commissions ou au point de vue de performance, par exemple. Ce sont tous des cas de figure qu'on peut explorer.
On croyait intéressant de vous présenter la décision de Mercure c. Bell Nordic. Et là on pourrait peut-être changer de diapositive. Dans cette décision, c'est un employeur qui avait une entreprise de consultation et de gestion en développement organisationnel, où le demandeur occupait le poste de consultant. C'était un salarié, mais son titre était consultant et il donnait des formations en gestion pour les clients de l'employeur. C'est un recours devant la Cour supérieure, pour obtenir notamment des dommages et une indemnité de départ en vertu du Code civil du Québec. Ce qui s'est passé, c'est que le propriétaire de l'entreprise un jour a averti ses salariés qu'il allait y avoir une modification à leur rémunération. Dans cette entreprise, il y avait deux types de mandats : des mandats facturables et non facturables. Les mandats facturables, évidemment, c'était tout ce qui était exécuté auprès des clients pouvait être facturé à l'entreprise. Les mandats non facturables, c'était pour la gestion interne au sein de l'employeur. On pense à la facturation, au développement professionnel, au développement des affaires, etc.
L'employeur, un jour, dit essentiellement : je vis certaines difficultés financières; ce qui est non facturable ne sera plus payé. Par ailleurs, dans le cas du demandeur, il y a certaines modifications additionnelles qui s'ajoutent et on comprend qu'il y a une réduction du nombre de contrats que l'employeur est capable de donner. Donc, le demandeur effectue les contrats restants et, par la suite, au lieu d'avoir des contrats qui l'occupent à temps plein comme c'était le cas, de travailler 40 heures par semaine, eh bien, on se retrouve dans une espèce de période où le demandeur reçoit des contrats au compte-gouttes. Un jour par ci, un jour par là. Plus de stabilité d'emploi comme il avait dans le passé. Tellement, que le demandeur se met à chercher de l'emploi, met à jour son CV et contacte des recruteurs, contacte des gens dans le domaine pour pouvoir se replacer. Éventuellement, il démissionne et considère qu'il est victime d'un congédiement déguisé, étant donné que ses conditions de rémunération ne sont plus du tout les mêmes.
La Cour va lui donner raison dans ce cas-ci, va considérer que la modification salariale était importante et constituait des modifications substantielles de ses conditions de travail, notamment en raison du fait que toutes les tâches administratives en plus de tout ce qui est non facturables n'est plus rémunéré. La Cour vient également dire essentiellement qu'il y a quasiment un changement de statut de l'employé, l'employé qui était à temps plein devient plutôt dans les faits un employé occasionnel ou un employé à la pige. Ce n'était pas sur ce à quoi les parties s'étaient entendues avant les modifications et, pour ces raisons-là, le monsieur a été victime d'un congédiement déguisé et son recours a été accueilli.
Un autre exemple récent de congédiement déguisé relié à la rémunération est l'arrêt Sobeys et Raby, de la Cour d'appel, en 2021. Essentiellement, la demanderesse a gravi les échelons au sein de l'entreprise, a occupé plusieurs postes jusqu'à tant qu'on lui attribue le poste de directrice, Gestion de projet. Elle occupe ce poste pendant quelques années et, par la suite, quitte pour un congé de maladie de longue durée. Pendant son congé de maladie, l'entreprise n'a pas le choix de faire une réorganisation majeure de ses activités et ce poste est aboli pendant son absence. On la rencontre alors pour lui dire que le poste n'existe plus, mais on lui propose un nouveau poste, le poste de chef de gestion de projet, qui serait disponible pour elle à son retour. À son retour, donc la salarié, on lui accorde un retour progressif au travail. Elle revient et considère que le poste qu'on lui accorde, le nouveau poste de chef n'est pas équivalent au poste de directrice et elle a un poste qui s'agit, en fait, d'une rétrogradation. La Cour va lui donner raison et dire qu'elle a fait l'objet d'un congédiement déguisé, étant donné la modification de ses conditions de travail.
Pour vous donner une idée au niveau factuel, il y avait une diminution du revenu annuel de 92 000 $ environ, ou 85 000 $. Il y avait également une modification dans la structure de la bonification. On avait un bonus d'environ 23 à 63 %25 dans son poste de directrice. Dans son nouveau poste de chef, c'était 7,5 à 30 %25. Donc, il y avait moins de possibilités d'augmenter sa rémunération par le biais d'un bonus. Également, les tâches étaient moins importantes et il y a plusieurs avantages sociaux qui n'étaient pas aussi développés dans ce poste de chef. Par exemple, le régime de retraite n'était pas le même ou, par exemple, dans son poste de directrice elle avait accès à des avantages comme un voyage-congrès où elle pouvait sortir à l'extérieur du pays pour des formations, ce qui n'était plus offert dans son nouveau poste.
L'employeur a aussi invoqué dans l'appel le fait que la demanderesse n'a pas soulevé son désaccord par rapport aux modifications ou par obstacle à sa réclamation et cet élément n'a pas été retenu par la Cour étant donné que la Cour a jugé que la demanderesse n'était pas en état de s'opposer alors qu'elle était dans son congé de maladie. Donc, le recours de la demanderesse a été accueilli.
Tina Aswad
Je vais intervenir ici, Cédric. C'est intéressant que la Cour d'appel est venue appuyer ça, parce qu'en matière de congédiement déguisé – tantôt je ne l'avais pas mentionné – l'employé peut faire deux choses s'il considère qu'il a été l'objet d'un congédiement déguisé. Il peut décider de simplement quitter son poste, comme c'était indiqué dans les extraits de la décision de la Cour suprême dans Farber, mais il peut également décider de rester, ce qu'on appelle rester en poste sous protêt. Alors, il dénonce le changement à ses conditions de travail si je ne suis pas d'accord. Je suis l'objet d'un congédiement déguisé, mais je reste en poste afin d'exiger des dommages. Donc, c'est intéressant que la Cour soit venue rectifier un peu ce qui en est d'un employé qui est absent pendant des grands changements dans l'entreprise, parce que dans toutes les entreprises ç'arrive qu'on prend des grandes décisions d'entreprise et que certains de nos employés ne soient pas présents. Donc, là, on peut avoir l'heure juste de la position de la Cour, à savoir comment faire ou c'est quoi les risques pour l'employeur. Ce qui veut dire, oui, vous pouvez informer vos employés des changements d'entreprise pendant un congé de maladie, parce que c'est souvent ce qu'on se fait poser pendant un congé de maternité, par exemple. Par contre, l'envers de la médaille, c'est que s'il y a un silence puis qu'il n'y a pas de document signé pendant cette période-là, bien, on ne va pas reprocher ça à l'employé par la suite. Alors, l'exposition de risque où vous saurez un peu plus tard si ça donnera lieu à une plainte ou pas. Je te cède la parole, Cédric.
Cédric Marsan-Lafond
Ce qui a été conseillé dans ce cas-ci, en particulier, c'est notamment son état médical. Vous comprenez que c'est une absence médicale et, donc, incapacité de prendre une décision par rapport à la modification du poste. Donc, voilà.
Une autre décision par rapport à la rémunération, puis on va peut-être rentrer plus dans les commissions, c'est la décision Estruxture Data Centers inc. Encore une fois, décision de 2021 de la Cour d'appel. Ici, c'était l'entreprise qui vendait des services, tout ce qui était nécessaire aux impostures technologiques de leurs clients : l'espace, la surveillance, etc., les serveurs utilisés pour les technologies de l'information, le cloud, les communications, etc. On est dans un cas de figure où le demandeur réclame, encore une fois, des commissions qui sont impayées. Il y a un certain préavis de départ. Et ce demandeur-là était payé sur la base d'un salaire de base, qui était agrémenté de commissions. Ce que le contrat de travail prévoyait, c'était que les commissions seraient payées par rapport au temps applicable au moment des faits et dans cette situation-là, bien, il n'y avait pas de plan de commissions qui avait été adopté par l'employeur. Il y avait plutôt une pratique de payer des commissions qui représentaient 85 %25 du revenu mensuel récurrent, le RSMR, qui était la pratique courante.
Donc notre demandeur travaille pour amener un client dans l'entreprise et s'attend à recevoir ce fameux 85 %25 du RSMR. Ce qu'il ne savait pas, c'est que l'employeur depuis plusieurs mois travaillait sur la création d'un plan de commissions, qui modifiait et imposait certaines structures et certains maximums pour les commissions, justement. Quand la transaction se conclut, le demandeur s'attend à recevoir une commission d'environ 163 000 $. Dans les faits, l'employeur lui dit : bien, en vertu de ce nouveau plan de commissions qui t'es applicable, tu vas recevoir uniquement 25 000 $. Il y a un écart de plus de 100 000 $ ici. Le demandeur a donc démissionné en disant : mais non, ce n'est pas les conditions sur lequel on s'est entendu; dans le passé, ç'a toujours été de 85 %25 de cette donnée financière, puis je m'attendais à recevoir le même montant. La Cour est venue dire : de modifier des conditions de travail substantielles, c'est un congédiement déguisé et encore plus quand on le fait de façon rétroactive étant donné que la conclusion de la vente avait été effectuée au mois de janvier et le montant était au mois de juin. Donc, l'employeur est venu dire: bien, essentiellement, ce nouveau plan de commissions qu'on adopte rétroactivement s'applique. Donc, la Cour vient dire : non seulement c'était unilatéral, mais c'était également rétroactif et, dans ce cas-ci, monsieur a été victime d'un congédiement déguisé et le recours a été accueilli.
Animatrice
Cédric, on a une question ici.
Question
Dans le cas de Sobeys, est-ce que l'employé avait signé une nouvelle lettre d'offre où les conditions avaient été unilatéralement changées par l'employeur sans entente avec l'employé?
Cédric Marsan-Lafond
Je crois qu'il n'y a pas de lettre d'offre qui avait été signée. En fait, il y a des rencontres qui avaient été prévues pendant le congé de maladie pour un peu expliquer la réorganisation, éventuellement, les grandes lignes de comment se déroulerait le retour au travail. C'est un peu quand Madame est revenue au travail qu'on lui a dit précisément : voici les nouvelles conditions. C'est à ce moment qu'il y a eu une démission, effectivement, parce qu'elle a dit que ce n'est pas le poste que j'ai quitté, ça constitue plutôt une rétrogradation.
Animatrice
Parfait, merci.
Tina Aswad
C'est une bonne question, parce que c'est souvent lorsqu'on se fait consulter pour déterminer, on voit qu'il y a des changements organisationnels qui sont envisagés par une entreprise et sinon on doit déterminer la stratégie pour les mettre en place. Une des stratégies, c'est de simplement informer les employés, donner de l'information, ouvrir le dialogue avec eux pour avoir une espèce de négociation. Mais, justement, on rallie un peu l'aspect entièrement unilatéral, sans considération des aspects personnels à chaque employé. L'autre option, c'est de soumettre des nouveaux contrats et tenter d'obtenir la signature des employés. C'est sûr que lorsqu'ils sont signés, ça nous aide. On met ça dans notre petite poche de côté. Ça ne signifie pas qu'il ne pourra avoir d'argument juridique par la suite, mais on est quand même content de l'avoir. Le côté négatif de cette approche, c'est que lorsqu'il n'y a pas l'aval des employés pour les modifications comme ça, on se retrouve devant un mur d'employés qui ne signent pas les contrats, ça peut nous donner un peu plus de difficulté. Alors, c'est vraiment la stratégie à adopter pour la mise en en place des changements de comportements d'entreprise en entreprise de voir un peu quels sont les changements, l'impact sur les employés puis avoir un bon pouls de votre main-d'œuvre, pour voir comment ça pourra passer ou pas. On écrit des recours pour ça. Merci pour la question.
Cédric Marsan-Lafond
Oui, c'était très intéressant, effectivement, puis ça permet de faire le pont un peu. Donc, on a discuté de la rémunération qui est souvent le critère qu'on considère un des plus importants dans un contrat de travail, mais ce n'est pas uniquement la rémunération qui peut donner lieu à des allégations de congédiement déguisé. On pense également à l'horaire de travail qui peut être très important pour certaines personnes. On vous présente aujourd'hui la décision Fortin, stipulant une structure du travail. C'est un recours en 122, donc en pratique prohibée et, en 129, en congédiement sans cause juste et suffisante.
Essentiellement, la plaignante était caissière dans un dépanneur et a commencé son emploi en travaillant à temps partiel, 25 heures par semaine. Éventuellement, elle cesse ses études et devient caissière à temps plein, 40 heures par semaine, et va conserver ce statut pendant plusieurs années. Dans les faits, aux alentours de l'année 2015, la plaignante commence à s'absenter à plusieurs reprises pour des raisons de maladie (problèmes d'estomac, de digestion, de sommeil, d'anxiété, etc.). Ça va arriver au mois de décembre puis au mois de février, à plusieurs reprises. Par la suite, l'employeur lui dit : ton horaire va être réduit à 25 heures pour la semaine prochaine et 27,5 heures la semaine suivant la semaine de ton retour. Donc, essentiellement, une diminution de l'horaire de travail. La plaignante allègue qu'il s'agit de représailles par rapport à ses congés de maladie. L'employeur dit plutôt que c'était à la demande de la plaignante qu'il a accordé ces heures de travail. Donc, le tribunal va retenir que le changement d'horaire est un changement important qui constitue un congédiement déguisé.
Ici, donc, il y a des deux recours. En vertu de l'art. 122, il y a une présomption étant donné qu'il y a eu concomitance que le congédiement a eu lieu en raison des absences pour maladie. Mais ce qui nous intéresse plus ici, c'est analyser le recours en 124, un congédiement sans cause, parce que c'est ici que le tribunal va venir détailler ses motifs sur l'allégation de congédiement déguisé. Il va dire essentiellement que ça dépend de chaque position, que l'horaire de travail peut être une condition importante et, si elle l'était, parce que Madame avait spécifiquement demandé d'avoir un horaire à temps plein et avait l'expectative d'avoir un horaire à temps plein depuis plusieurs années. Ceci étant dit, le tribunal vient faire une distinction et dire : pour certains salariés, ça ne sera pas nécessairement le cas. Il cite une autre décision dans laquelle il s'agissait d'une serveuse qui avait des horaires variables. Dans ce cas-ci, l'horaire n'était pas toujours le même, mais ce n'était pas un congédiement déguisé étant donné que c'était propre à ce poste-là. Mais dans le cas d'espèce, il y a eu congédiement déguisé et la plainte a été accueillie.
Une autre, une décision de la Cour du Québec de 2016, la décision Denis. Ici, c'est un cas un peu plus flagrant, je dirais, de congédiement déguisé où, pendant plusieurs années, l'horaire de la demanderesse était de cinq jours par semaine. Un jour, de façon unilatérale, l'employeur réduit cet horaire à une journée par semaine et il y a quelqu'un qui la remplace même par ses fonctions pour combler la réduction de son horaire. Le tribunal, évidemment, se penche. Il dit qu'il s'agit d'un congédiement déguisé et que dans les circonstances un préavis raisonnable peut être accordé à la suite de la fin d'emploi de la demanderesse. Ce qui nous amène à la prochaine section de notre présentation, qui est en rapport aux modifications dans des lieux de travail. Je laisserai Tina, maintenant, vous présenter les prochaines décisions.
Tina Aswad
Merci, Cédric. En fait, pour ce qui est des lieux de travail, on a jugé de mettre une section sur ça, parce que c'est quelque chose qui nous a beaucoup été posé, particulièrement, dans le contexte de la covid où vraiment, comme je le mentionnais au tout début, il y a des entreprises qui ont rapetissé leurs bureaux, qui ont changé leurs bureaux d'endroit, etc. Donc, c'est vraiment un des aspects pour lequel on est souvent consulté. Par contre, en jurisprudence, on a noté qu'il n'y a pas tant de jurisprudence sur la question des modifications de lieux de travail. Vous allez voir et je vous ai mis une décision de 2020 du TAT. J'ai aussi une décision de 2005 à la Cour du Québec. Je vous les ai mises, parce que je voulais illustrer un peu le point puis les différents faits qui vont être considérés des lieux de travail. Dans l'affaire de Vallée, la première décision qui s'applique ici, c'est un recours en 124, un congédiement sans cause juste et suffisante, M. Vallée avait été embauché il y a plusieurs années comme coanimateur d'un centre de jour pour des gens avec des problèmes de santé mentale. Suite à différents problèmes organisationnels, une nouvelle directrice générale arrive en poste. Elle prend le pouls de l'organisme et implante une série de modifications au sein de l'organisme qui inclut notamment le fait que, dans le centre de jour dans lequel M. Vallée travaillait, tous les services vont être offerts au même endroit, dans la même municipalité. Mais il y a un changement du travail de M. Vallée. Il va devenir responsable du centre de jour plutôt que simple coanimateur, puis il n'a plus maintenant le remboursement d'une certaine formation dont il bénéficiait auparavant.
Alors, ce sont tous ces changements qui ont porté M. Vallée à faire une plainte au TAT. Par contre, la Cour n'a pas suivi M. Vallée dans ses argumentaires, puis il ne va pas considérer qu'il y a eu congédiement déguisé. En fait, ce qui va être considéré, c'est le fait que les nouveaux locaux sont juste à quelques kilomètres des locaux existants, puis que les changements qui avaient été faits n'étaient pas substantiels et, donc, le recours a été rejeté au stade du TAT. Je voulais vous le mentionner, parce que ça semble évident. Par contre, quand je mentionnais un peu tantôt que la stratégie du mettre en œuvre les changements peuvent être importants. Parfois, ça va être dans la façon dont ça va être fait, pour tenter de minimiser les risques, on ne peut pas éviter tous les risques. Même quand c'est des changements organisationnels qui découlent sur votre gérance, puis qu'on tente de bien faire les choses, il y a quand même parfois des recours. Alors, l'idée, c'est de tenter de mettre tout de son côté pour que la défense sur le fond soit le plus facile possible.
Dans ce contexte-ci, par exemple, une des bonnes choses qui avaient été faites à l'employeur, c'est qu'en fait les décisions avaient été prises, mais ç'avait été communiqué à l'avance à M. Vallée. Il y avait une discussion qui avait été faite avec lui, mais tout de même M. Vallée avait choisi finalement de porter plainte. Mais c'était débouté.
Animatrice
Si vous pouvez répondre aux questions, ici, en ligne.
Question
Si l'employé se plaint d'une modification des conditions de travail parce qu'il n'a plus de possibilité de bien effectuer son travail à cause de la division des départements, mais aussi parce que ses tâches ont tellement diminué qu'il n'a plus vraiment de travail, mais commence quand même son nouveau poste sous protêt, puis l'employeur le congédie pour cause de non-performance, est-ce qu'à ce point il serait trop tard pour l'employé de faire une demande pour congédiement déguisé?
Tina Aswad
En fait, c'est sûr qu'il y a beaucoup de faits dans tout ça, puis ça nous ferait plaisir d'analyser chacun des pourtours de tout ça, parce qu'il y a beaucoup d'information, mais un employé qui continue son poste sous protêt n'est pas empêché par la suite de faire des recours. Les recours civils, la prescription est de trois ans. Les recours au TAT en vertu de la Loi, c'est plus court, 45 jours, puis 90 jours en cas d'une pratique interdite. Par contre, ça n'empêcherait pas l'employé de faire une plainte comme telle, à moins que dans ses gestes il peut démontrer qu'il a accepté des conditions de travail, la modification, et que ça s'est prolongé dans le temps. Mais si l'employé vous dit : je ne suis pas d'accord, puis je reste là pour mitiger les dommages, en fait ça ne sera pas le moyen de défense au congédiement déguisé. Je vais en reparler un peu tantôt au niveau de la mitigation des dommages. Ça sera par contre une défense au niveau du montant de l'indemnité, si indemnité il y avait, parce qu'il y aura, mitigation des dommages de l'employé s'il est resté au travail et aura dans le fond réduit son préjudice. Tantôt, je vous en parlerai avec une décision de la cour d'appel.
Cédric Marsan-Lafond
Je pense qu'on était rendu à la prochaine …
Tina Aswad
On peut passer à la prochaine décision, l'affaire Bleau c. Banque Nationale. Une autre décision au niveau du lieu de travail. En fait, dans cette affaire, il y a eu des changements organisationnels, mais l'employeur avait fait ses devoirs, puis on vous l'a mentionné ici. D'abord, c'était expressément prévu dans les conditions d'embauche qu'il pouvait avoir changement de lieu de travail. Sinon, je vous dis, dans les contrats de travail, vous mettez ces clauses-là, mais ça n'empêchera pas un employé de faire une plainte. C'est vrai, ça n'empêche pas. C'est des fois des causes… une fin de non-recevoir à des recours. Par contre, ça peut être considéré dans la balance, dans l'analyse éminemment factuelle du tribunal. Est-ce que les conditions prévoyaient une clause qui disait que le lieu de travail n'était pas une condition essentielle?
Alors, la Banque Nationale avait fait ses devoirs et avait prévu ça. La même chose, historiquement. L'employeur a été capable de démontrer qu'il y avait eu certains changements au niveau du lieu de travail, puis que ç'avait été fait. Donc, ça démontre encore une fois que c'est difficile d'invoquer sur une condition tellement essentielle de travailler en succursale à Repentigny versus un changement de succursale à Montréal. Finalement, dans cette affaire, la Banque aussi avait initié une discussion de bonne foi avec l'employé pour tenter de trouver des accommodements, des façons de réduire les inconvénients. Je vois une petite coquille dans la présentation, donc on verra à la changer avant de la circuler, vous nous en excuserez. Donc, on voulait réduire les inconvénients en ayant une discussion de bonne foi avec l'employé en tentant de trouver une solution. Dans ce cas-ci, avec des horaires flexibles, du transport en commun, du covoiturage. Il y avait plein d'options qui avaient été mise de l'avant, puis l'employé avait simplement refusé de négocier avec l'employeur.
Alors, vous voyez, dans l'affaire Vallée, un changement de quelques kilomètres, c'est le temps. Moi, Repentigny à Montréal, vous me dites ah, je veux changer le lieu de travail, on passe de Repentigny à Montréal, ça pourrait dans certains cas constituer un congédiement déguisé si ça fait 20 ans que l'employé travaille à Repentigny, il prend l'autobus, ça lui prend cinq minutes à aller au travail, puis on lui dit : bien, là, tu t'en vas travailler à l'autre bout de la ville, à Anjou ou à un autre lieu. Ça se pourrait, dans certains cas, mais vous avez ici un beau portrait de comment ça peut bien se faire, des changements. Ce n'est pas idéal pour l'employé, ce n'est pas ce que l'employé recherche, mais ç'a permis de faire en sorte que l'employeur a pu s'en sortir dans sa défense à un recours à un congédiement déguisé dans l'affaire Banque Nationale.
Cédric Marsan-Lafond
Il y a également plusieurs exemples de congédiement déguisé qui ont été accordés ou non par ordre aux changements relatifs aux fonctions. On y pense un peu moins souvent comme étant un facteur autonome, parce que souvent un changement aux fonctions, on va penser à une rétrogradation, donc une diminution du salaire également. Mais parfois, c'est uniquement le titre du poste qui va être modifié ou d'autres facteurs et ça peut avoir une incidence, comme on va le voir dans les deux prochaines décisions.
La première est Michaud c. Qualum. Une décision de 2020, à la Cour supérieure, dans laquelle un directeur d'usine réclame un préavis raisonnable en vertu du Code civil du Québec. Dans cette affaire, le directeur général, qui est le demandeur, relevait du président de l'entreprise. Un jour, le président convoque le directeur dans son bureau et lui dit : on va avoir des nouveaux investisseurs pour l'usine. Essentiellement, ces investisseurs demandent d'occuper le poste de directeur général et, donc, tu ne pourras plus occuper ce poste-là. On se situe à ce moment-là au mois de novembre 2017, je crois bien. Ce que le propriétaire annonce au directeur général, c'est qu'à partir de janvier 2018, quelques mois plus tard, tu vas occuper un nouveau poste. Ne t'inquiète pas, tu es encore dans le comité de direction. En plus d'avoir la charge générale de l'usine, tu vas peut-être être aussi responsable d'un département en particulier et, en passant, cette modification va peut-être avoir une incidence sur ton salaire, qui va baisser. C'est comme ça que l'annonce est faite. Entre-temps, il y a une gestion problématique dans le lieu de travail. C'est que le propriétaire, lors de cette rencontre, demande que l'information demeure confidentielle avec le directeur de l'usine, mais de son côté, à la suite de la rencontre, il va en parler aux salariés dans l'usine et va leur dire : bon, bien, Monsieur me fait rétrograder, il ne veut plus occuper le poste de directeur d'usine et ça va culminer avec une rencontre où le propriétaire va être accompagné du DG. Il ne peut parler, il va annoncer à tous les salariés que Monsieur est rétrogradé et il va prendre sa place par intérim immédiatement. Par la suite, donc, il a eu un nouveau poste et le directeur général réalise qu'il n'a plus aucun salarié en dessous de lui, qu'il ne gère plus le budget, que ses tâches ne sont pas importantes, que ce type de poste n'est pas le même et, pour l'ensemble de ses motifs, dire : bien, écoutez, c'est une position pour laquelle j'ai été engagé et je me dois de démissionner dans ces circonstances, ce n'est pas acceptable puis je dépose une plainte pour préavis raisonnable en vertu du Code civil. La Cour va lui donner raison, notamment, pour l'ensemble de ces facteurs qui, combinés ensemble, font en sorte que le poste était très différent et qu'il s'agit d'un congédiement déguisé pour pousser Monsieur vers la porte ou du moins vers un autre poste qui n'était pas conclu dans son contrat de travail initial.
Donc, on voit qu'ici les modifications sont prématurées, mais aussi la façon dont les choses ont été effectuées l'es également Il n'y a pas juste l'évaluation de quelles sont les modifications qui vont être faites, mais comment elles vont être annoncées, quels sont les délais qui vont être donnés et comment gérer ça comme employeur, qui devraient être considérés si jamais il y a une réorganisation dans votre entreprise.
La prochaine décision arrive à la conclusion inverse. C'est la décision Gibbons, 2020, Tribunal administratif du travail, dans laquelle le plaignant dépose une plainte en 124, pour un congédiement sans cause juste et suffisante. Il s'agit d'une petite entreprise, une société de courtage dans le transport des marchandises. Ce qu'il faut savoir dans cette histoire, c'est que le propriétaire est non seulement propriétaire de cette entreprise au Canada, mais qu'il a également des entreprises sœurs qui sont situées aux États-Unis et en Angleterre. Ça fait plusieurs années que le plaignant travaille dans l'entreprise. Il gravit progressivement les échelons jusqu'à tant qu'on lui propose le poste de VP pour cette petite compagnie au Canada. Arrive une situation où il a eu connaissance des faits pointus d'un sujet et le propriétaire de l'entreprise lui dit : peux-tu collaborer avec la vice-présidente de l'entreprise américaine pour lui partager tes connaissances, etc.? Essentiellement, dans les faits, il reçoit la décision que ce nouveau poste, ce nouveau titre de vice-président lui monte un peu à la tête et là se met à ralentir l'entreprise, bloquer les décisions qui sont prises par ses supérieurs, essentiellement s'objecter et vouloir faire comme il le souhaite, et ce, pour quoi il n'avait pas l'autorité.
On lui dit alors : visiblement, ce nouveau poste ne te fait pas. Ce poste de vice-président, ce n'est pas essentiellement ce que tu as accompli. Il faut te recadrer dans tes fonctions; tu es maintenant gestionnaire de projet. Il est important de savoir que dans les faits il n'y a pas eu de modifications aux tâches qui étaient effectuées. Il n'y a pas eu de modifications salariales. Donc, il n'y aurait rien qui change, à part le fait que le propriétaire dit : tu n'as plus le titre de vice-président, tu as le titre de gestionnaire de projet. Donc, cette seule modification du titre du poste par la Cour n'a pas été considérée comme un congédiement déguisé. On dit que ce n'est pas une condition essentielle du travail, étant donné que l'ensemble des considérations aux alentours n'ont pas été modifiées. Ce qui est très intéressant. Donc, on vit dire que, dans certaines circonstances, le simple fait de modifier le titre n'est pas suffisant pour être constitutif de congédiement déguisé.
Tina Aswad
Alors, à mon tour à nouveau de vous parler. On voulait faire une petite incursion dans les cas de vente d'entreprise, puis on voulait absolument parler de l'arrêt Boulad de la Cour d'appel. Elle date de 2016, mais je pense que c'est un incontournable en matière de congédiement déguisé. On a Farber, Potter puis Boulad chez les juristes. Pourquoi Boulad, cette affaire-là? Parce que, pour vous dire vrai, la décision de première instance avait fait trembler tous les juristes de la métropole, parce qu'on se retrouvait avec un résultat juridique assez surprenant, qui nous mettait un peu en difficulté, nous, conseillers d'entreprises qui font des « fusac », une nouvelle expression que j'ai apprise, hier, des fusions-acquisitions. Puis comment s'inscrit le concept de congédiement déguisé dans un monde où on fait des ventes d'entreprises, où les entreprises sont vendues et est-ce que le simple fait de vendre l'entreprise pourrait donner lieu à un recours? Allons dans les faits de cette affaire. C'est assez intéressant
L'employé occupait un poste de directeur d'un hôtel de la chaîne Hilton. Vous connaissez les hôtels Hilton, c'est connu, c'est mondial. C'est non seulement national, mais c'est vraiment une chaîne hôtelière d'envergure. L'hôtel qui est à côté de l'Aéroport de Montréal a été vendu par un groupe d'entreprises qui n'était pas dans la gestion hôtelière. Donc, c'est vraiment, on achète un hôtel et puis là M. Boulad se retrouve directeur de cet hôtel plutôt que d'être un directeur dans la fameuse chaîne Hilton. Donc, découlant de ça, il dit : pour moi, c'est un congédiement déguisé, c'est un suicide professionnel, un recul professionnel et donc une modification substantielle dans les conditions de travail, parce que le statut de l'employeur, son nom, mes possibilités d'avancement sont tous des éléments essentiels. Être directeur chez Hilton, c'est une chose. Être directeur de ce petit hôtel à côté de l'aéroport, ce n'est pas la même chose pour moi et pour ma carrière. Alors, il a fait un recours.
La décision est intéressante, parce que, un, la Cour d'appel a jugé bon d'accepter l'appel et de trancher la question. Elle a jugé que ça valait la peine de rectifier le tir pour pouvoir réaligner un peu l'état du droit en la matière, parce que, comme vous pouvez vous l'imaginer, ça se produit plusieurs fois par semaine et par année qu'il y a des ventes d'entreprises et que l'acquéreur n'est pas nécessairement exactement l'équivalent du cédant. Alors, c'est des cas qui <indiscernable> à beaucoup, beaucoup de plaintes et de recours.
La Cour d'appel, ce qu'elle vient faire, c'est qu'elle nous ramène aux bases puis elle nous ramène à notre fameux Code civil du Québec. Dans notre Code civil du Québec, on a plusieurs articles qui traitent du contrat de travail, dont le fameux art. 2097 qui prévoit en deux alinéas qu'essentiellement le contrat de travail malgré la vente d'entreprise, des modifications à la structure, l'entreprise va continuer. Donc, l'employeur cédant et l'employeur qui achète ne peut pas mettre fin au contrat de travail sans s'exposer à tous les recours qu'on connaît sans motif sérieux du simple fait qu'il y a vente d'entreprise. Alors, ce qu'on peut voir, comme vous le savez, dans d'autres provinces où on va faire un peu de – je vais encore utiliser une expression en anglais – cheering the king, les employés avant la vente ou que l'employeur achète et ensuite se défait de plein d'employés. Donc, ce n'est pas possible au Québec par les faits des articles de loi, à moins encore une fois qu'il n'y ait une réelle restructuration justifiée ou encore qu'il y ait des motifs sérieux de fin d'emploi. Par contre, ce que la Cour vient nous dire, c'est que cet article 2097, justement, ce n'est pas juste au bénéfice de l'employé. L'art. 2097 prévoit ce droit, de part et d'autre. Les deux contractants demeurent liés par leur contrat de travail. Donc, l'employé aussi, en cas de vente d'entreprise, demeure lié par son contrat de travail. Je trouve que c'est quelque chose qui est extrêmement important, parce que c'est dans l'équilibre des relations puis dans la stabilité des relations contractuelles. C'est important pour les acquéreurs de savoir que, lorsqu'on achète une entreprise, la main-d'œuvre vient avec l'entreprise, puis on doit pouvoir compter sur eux par la suite. Si tous les employés peuvent lâcher l'emploi, puis dire « bien, moi, je ne travaille plus parce que ç'a été vendu », puis ça pourrait mettre en péril les transactions, bien, les entreprises <indiscernable>.
Alors, la Cour d'appel : bien, non, l'employé demeure lié par son contrat de travail, à moins qu'on rencontre les critères du test de l'arrêt Farber et Potter et qu'il y ait modifications substantielles à une condition essentielle de travail. Alors, qu'en est-il de M. Boulad qui dit : bien, écoutez, moi, je suis un directeur d'un hôtel dans une grande chaîne, je me croyais monter très haut dans cette organisation, etc., puis ce que vous me dites, vous me coupez l'herbe sous le pied puis je deviens un simple petit directeur au petit hôtel. La Cour d'appel est venue dire : vous n'avez pas touché à la preuve comme telle de ce suicide professionnel nécessairement. Rien ne le prouve comme tel. Donc, ce n'était pas une modification essentielle aux conditions de travail et, par l'effet de l'art. 2097, votre contrat de travail, M. Boulad, est continué chez Gesta, qui était l'acquéreur, et vous devez continuer à travailler <indiscernable>.
Je vais aussi rapidement vous parler de l'affaire St-Hilaire/Nexxlink. La Cour d'appel est un peu plus vieille, mais c'était quand même intéressant parce que c'est encore dans un contexte d'acquisition. À ce moment-là, on avait annulé les options d'achat d'actions qui fait qu'un élément assez important fait une différence pour des employés qui occupent des postes dans des entreprises. On avait non seulement annulé les actions, mais on avait aussi changé son rôle, pas tant en termes de responsabilités ou de statut dans l'entreprise, mais au niveau de ce dont il était responsable en termes de vente de produits et aussi au niveau du type de clients auxquels il s'adressait. Donc, M. St-Hilaire, avant, travaillait avec des grandes entreprises, des multinationales et, là, dans son portefeuille, on le mettait tout avec des PME; ce genre de changement au niveau de ses tâches. La Cour est arrivée à la conclusion que, oui, il y a eu des changements, mais ce n'était pas des changements qui étaient substantiels. C'est vraiment au niveau de la qualité des changements qu'ils ont été faits. Oui, ce sont des conditions. Des options, ça fait des conditions essentielles. Ton titre peut être une condition essentielle. Tes tâches, c'est une condition essentielle. Mais il faut tout de même qu'il y ait une modification qui est substantielle à tous ces éléments. Juste le fait de changer les conditions essentielles de travail n'est pas suffisant.
Alors, c'est un peu ce que l'arrêt St-Hilaire nous rappelle dans cette affaire. Elle remet un peu aussi la pendule à l'heure au niveau du droit de gérance. Ce que l'entreprise a fait dans ce cas, suite à une vente d'entreprise, c'est juste d'intégrer une entreprise qu'on a acquise, on doit l'inclure dans notre structure corporative. Un employé ne peut pas demander ou d'exiger le maintien de l'organigramme tel quel à travers le temps. Ce n'est simplement pas possible. C'est le droit à la direction de l'employeur de changer dans le respect des droits de l'employé et de la vente.
Cédric Marsan-Lafond
On souhaitait vous donnez également une une petite mise à jour sur la notion qui a fait couler beaucoup d'encre dans le cas de l'affaire <indiscernable >. Encore là, une leçon de force majeure. On a une décision qui a été rendue dans le <indiscernable >. Essentiellement, la leçon de force majeure, c'est le Code civil qui la prévoit et qui dit que, dans certaines circonstances, une personne peut se dégager de sa responsabilité s'il y a force majeure et si comme étant un événement imprévisible et irrésistible. Dans ce cas-ci, on a un employeur qui œuvre dans le domaine maritime et le demandeur est responsable des technologies de l'information. Donc, les activités de l'employeur pendant la pandémie continuent. Il n'y a pas d'arrêt des activités. Suite à mars 2020, la seule modification est que monsieur, le demandeur, continue sa prestation de travail mais à distance, à partir de son domicile. En août 2020, l'entreprise met fin à son emploi. Il dit qu'en raison des circonstances financières, il n'est tout simplement plus capable de le garder à son emploi. C'est une entreprise fédérale, donc il va verser le minimum du Code canadien du travail; donc, le minimum statutaire. Pour ce qui est du préavis raisonnable, le Code civil dit essentiellement qu'il y a ici force majeure. En raison de la situation économique qui découle de la pandémie de covid, on est tout simplement incapable de verser ce préavis-là, donc, on ne versera pas.
Ce que la Cour est venue dire, c'est de recadrer le critère d'irrésistibilité du Code civil. On dit qu'il ne faut pas que l'obligation soit simplement difficile à exécuter, il faut qu'elle soit impossible. Dans ce cas-ci, la Cour dit : bien, ce n'est pas impossible, peut-être que votre situation financière fait en sorte que c'est difficile de l'exécuter, mais vous n'avez pas le caractère irrésistible pour réclamer la force majeure. Puis l'étape sommaire, considérant que votre entreprise n'a jamais fermé pendant la pandémie, vos activités ont continué, monsieur a continué à travailler pendant plusieurs mois; donc, cette défense ne vous est pas disponible et vous allez devoir verser un préavis de fin d'emploi.
C'est intéressant, parce que c'est une situation qui a été invoquée par plusieurs employeurs en terrain inconnu, en terrain nouveau. En raison de la covid, il y a certaines entreprises qui ont fermé, certaines entreprises qui ont continué leurs activités, d'autres qui ont dû modifier la façon de faire. Dans ce cas-ci, où il y a eu une poursuite des activités, ce que la Cour est venue nous dire, c'est que la défense n'est pas nécessairement disponible dans ce cas-ci. Est-ce que ça va être le cas pour toutes les situations? Pas nécessairement. Il va falloir analyser chaque cas. Est-ce qu'il y a eu, par exemple, une fermeture des activités d'entreprise? Mais ça nous donne un certain indicateur de comment les cours pourraient se positionner dans tout ça par rapport à des faits similaires.
Essentiellement, ça fait le tour des décisions qu'on voulait vous présenter aujourd'hui, comme vous pouvez le voir. La notion de congédiement déguisé est dans les subtilités. On est vraiment dans le cas par cas. Ce qui peut constituer un congédiement déguisé pour un salarié peut ne pas l'être pour l'autre. Tout dépend de ce qui est considéré comme étant essentiel. Même dans deux salariés qui occupent des positions similaires différentes dans une même entreprise, ça pourrait être des résultats différents, dépendamment de ce qui est essentiel dans leur cas précis. Évidemment, on vous invite à consulter un conseiller juridique si vous avez des modifications qui pourraient entraîner des plaintes ou des recours ou, justement, des prétentions qu'il y a eu un congédiement déguisé. On pense, par exemple, à une modification de la structure de rémunération que vous avez auprès de vos employés. Donc, si vous avez des salaires de base et vous souhaitez ajouter des commissions et, donc, réduire le salaire de base, bien, ça pourrait avoir des impacts. Ou encore des réorganisations au sein de votre entreprise qui résulteraient en des postes qui ne sont pas nécessairement équivalents. Donc, il y a des façons de protéger votre entreprise, de donner des meilleures façons de faire. À ce moment-là, c'est intéressant de consulter un conseiller juridique pour prévenir en amont et non de se ramasser avec plusieurs recours <indiscernable> raisonnable ou devant un tribunal administratif du travail. Sur ce, on serait disposé à prendre vos questions et y répondre pour les prochaines minutes qui restent pour la conférence.
Animatrice
Oui. J'ai une question.
Question
Si une indemnité de départ en cas de terminaison sans cause est déjà incluse dans le contrat de travail, puis qu'il y a une plainte pour congédiement déguisé, est-ce qu'il se peut qu'on soit tenu de payer plus que l'indemnité de départ prévue dans le contrat?
Tina Aswad
Oui et ça n'empêche pas le recours. C'est en droit québécois, c'est d'ordre public. Alors, on ne peut pas se renoncer à l'avance comment <indiscernable > raisonnable. Alors, l'inclusion dans vos contrats d'une clause de préavis qui prévoit une certaine indemnité, ça donne une bonne indication, ça met un peu le coût de la négociation, cela a un effet psychologique sur l'employé. Par contre, ce n'est pas une fin de non-recevoir à d'autres recours. Même, la Cour d'appel dans l'arrêt Meloche récemment, il y a quelques années, est venue nous dire : le risque que d'inclure ces clauses, si on ne prévoit pas l'obligation de mitigation, alors ça peut se mettre le plancher de l'indemnité, puis ça n'empêcherait pas l'employé d'aller chercher plus à la cour. Alors, c'est une arme à double tranchant. Elle peut être très utile, mais ça n'empêchera certainement pas un recours en congédiement déguisé ni même un recours juste pour réclamer davantage ce qui serait prévu dans le contrat de travail.
Animatrice
Excellent. Merci.
Tina Aswad
Le principe revient aussi. Il y a la question d'invalidité de fin d'emploi. Mais, comme on mentionnait dans les contrats d'emploi, on voit là très souvent des clauses qui prévoient que l'employeur se réserve le droit de changer les conditions de travail, de changer la rémunération. On dit souvent : vous allez exercer toutes les tâches de votre poste ainsi que toutes celles qui sont itinérantes que l'entreprise pourrait vous déléguer de temps à autre. Ce genre de formule de clause. Alors, oui, on les met. Moi, je recommande de les mettre, parce que ça peut avoir un effet au niveau du test, à savoir est-ce que pour cet employé particulier c'est une condition essentielle? Mais, légalement parlant, ça ne sera certainement pas un outil pour l'employeur pour dire : non, non, vous ne pouvez pas vous plaindre, c'était prévu dans le contrat. Ce sera simplement un des indices considérés par le tribunal et non pas mettre fin à l'histoire.
Cédric Marsan-Lafond
Mais, souvent, les employeurs vont ajouter une phrase. Par exemple : ceci ne sera pas constitué de congédiement déguisé. Encore une fois, c'est le même principe. Ce n'est pas le contrat qui va être lié à un juge. Ça peut être un des outils d'interprétation, mais ce n'est définitivement pas une fin de non-recevoir.
Animatrice
Excellent. Avons-nous d'autres questions en ligne?
Tina Aswad
N'hésitez pas. Si jamais la présentation suscitait des réflexions chez vous, vous avez envie de discuter avec nous, de poser des questions, de voir des cas plus précis. Il y a une question où il y avait un cas qui était plus précis, qui semblait assez complexe. Ça peut valoir la peine de débroussailler tout ça pour essayer de voir comment on peut minimiser les risques.
Puis, là-dessus, on arrive à entendre des affaires. Dans l'affaire Boulad, ce qui avait été intéressant, c'est que la Cour était venue aussi ramener la juge Marie-France Bich qui est une avocate, qui est calée en droit de l'emploi. Elle est venue ajouter des motifs à la décision : mais, attention, Monsieur Boulad, non seulement il a été congédié de façon déguisée, mais il aurait pu mitiger ses dommages, puis il aurait pu rester à l'hôtel puis travailler pendant toute cette période-là pour avoir un préjudice qui était moindre. Ce n'était pas un contexte qui était humiliant ou autre, comme on peut parfois justifier le fait que l'employé fait juste quitter et ne se représente plus au travail. C'est un cas où il aurait dû rester au travail et être sous protêt pour faire valoir ses droits, mais continuer à travailler. Il y a plusieurs éléments qui peuvent être considérés tant pour se défendre d'une plainte en congédiement déguisé, mais aussi pour tenter juste de réduire vos risques à ce niveau-là s'il y a un recourt.
Animatrice
Excellent.
Tina Aswad
Excellent. Je vous remercie beaucoup à tous pour votre temps, aujourd'hui, puis au plaisir de vous revoir à nos prochains webinaires, en septembre, avec nos collègues. Ce sera très intéressant. Merci.
Animatrice
Merci.
Après plus de deux ans de pandémie, le visage du monde du travail a bien changé. Une nouvelle normalité s’est installée, de nouvelles obligations ont été imposées aux employeurs et un nouveau paysage législatif a vu le jour.
Au cours de cette présentation, nos avocats traiteront des notions de congédiements déguisés et des principes applicables, de la modification à la rémunération, à l’horaire de travail et au lieu de travail ainsi que les modifications aux fonctions.
CECI NE CONSTITUE PAS UN AVIS JURIDIQUE. L'information qui est présentée dans le site Web sous quelque forme que ce soit est fournie à titre informatif uniquement. Elle ne constitue pas un avis juridique et ne devrait pas être interprétée comme tel. Aucun utilisateur ne devrait prendre ou négliger de prendre des décisions en se fiant uniquement à ces renseignements, ni ignorer les conseils juridiques d'un professionnel ou tarder à consulter un professionnel sur la base de ce qu'il a lu dans ce site Web. Les professionnels de Gowling WLG seront heureux de discuter avec l'utilisateur des différentes options possibles concernant certaines questions juridiques précises.