En avril dernier, lors de l'émission de télé américaine Saturday Night Live, l'acteur Ryan Gosling a présenté une chanson dans laquelle il disait adieu au personnage de Ken qu'il avait incarné, en parodiant le succès All Too Well de la chanteuse Taylor Swift, prestation que la reine de la pop a d'ailleurs accueillie chaudement.

Mais qu'arrive-t-il lorsqu'un ou une artiste voit plutôt d'un mauvais œil son œuvre ainsi parodiée? Il n'est jamais trop tard ni trop tôt pour se pencher sur la question des œuvres parodiées et de violation du droit d'auteur.

De l'œuvre protégée à l'œuvre parodiée, il n'y a qu'un pas

Selon l'article 29 de la Loi sur le droit d'auteur, « [l]'utilisation équitable d'une œuvre ou de tout autre objet du droit d'auteur aux fins d'étude privée, de recherche, d'éducation, de parodie ou de satire ne constitue pas une violation du droit d'auteur ». Pour que cette exception au droit d'auteur s'applique, une œuvre doit être utilisée à des fins autorisées, et son utilisation doit être équitable.

Selon la jurisprudence canadienne actuelle, une parodie a deux principales caractéristiques :

  1. elle évoque une œuvre existante tout en présentant des différences notables;
  2. elle exprime de la raillerie ou de l'humour.

La parodie doit se distinguer clairement de l'œuvre originale – autrement dit, la nature parodique doit être manifeste. Toute confusion à cet égard rendra difficile l'argument de « l'utilisation équitable ».

Pour donner un exemple, dans la série américaine The Office, Michael Scott, le personnage principal, a clairement respecté ces paramètres au moment d'écrire et de réaliser son film d'espionnage, État d'alerte à minuit. Dans la série, tout le monde comprend bien que l'agent secret « Michael Scarn » (le protagoniste grandement inspiré de l'agent 007) n'est pas James Bond.

Par ailleurs, l'utilisateur d'une œuvre n'a pas à mentionner explicitement la source de l'œuvre qu'il parodie, et l'expression de raillerie ou d'humour n'a pas à viser l'élément exact qui est parodié. Une simple référence humoristique à un genre ou à un cliché impliquant des agents secrets serait considérée comme une parodie.

Si l'on tient pour acquis qu'une œuvre donnée est bel et bien une parodie, il reste à déterminer si l'utilisation de l'œuvre initiale est équitable. Pour ce faire, le tribunal peut analyser :

  • le but de l'utilisation (p. ex. : l'intention est-elle humoristique? (voir ci-après); l'idée est de savoir si l'objectif est commercial ou non);
  • la nature de l'utilisation (p. ex. : étendue de la distribution);
  • l'ampleur de l'utilisation (p. ex. : la proportion de l'œuvre originale qui est reproduite);
  • les solutions de rechange à l'utilisation (p. ex. : s'il est possible d'utiliser d'autres éléments dans la parodie qui ne créent pas de confusion quant à l'original);
  • la nature de l'œuvre (p. ex. : destinée à être publiée ou non);
  • l'effet de l'utilisation de l'œuvre sur l'auteur ou le créateur (p. ex. : façons dont la parodie va nuire à la réputation de l'auteur, le cas échéant; l'idée est de savoir si les effets de la parodie de l'œuvre originale affectera la valeur marchande de cette dernière).

Pour savoir si l'utilisation d'une œuvre protégée est équitable dans un contexte parodique, il faut évaluer objectivement le but ou le motif réel de la personne qui parodie l'œuvre et, plus particulièrement, déterminer si son intention est manifestement humoristique plutôt que diffamatoire. Comme le souligne la Cour fédérale dans l'affaire United Airlines, Inc. c. Cooperstock, « [s]i les limites sont dépassées, ce qui pouvait être destiné à être une parodie pour plaisanter pourrait simplement devenir diffamatoire ».

Bonne nouvelle pour Michael Scott : sa projection maison d'État d'alerte à minuit n'enfreindrait vraisemblablement pas le droit d'auteur.

Pour éviter toute confusion : recette d'une bonne parodie

Si vous songez à parodier une marque (p. ex. : LOUP VUITON, au lieu de LOUIS VUITTON) qui créerait chez les Canadiens et les Canadiennes de la confusion ou un lien avec une marque établie, il vaudrait peut-être mieux vous abstenir.

Dans le monde des marques de commerce, les parodies ne sont pas protégées contre les accusations de violation, de commercialisation trompeuse ou de dépréciation de l'achalandage. Les principes établis s'appliquent aussi dans ce contexte. En bref, toute tentative visant à tirer profit de l'achalandage ou de la réputation d'une autre marque s'avère risquée, et ce, malgré l'intention humoristique.

Alors avant d'envisager de mixer les chansons à succès Gangnam Style et Gangsta's Paradise, assurez-vous non seulement de faire une distinction bien claire entre votre œuvre parodiée et les chansons originales, mais aussi de vous assurer que les marques de commerce ou articles promotionnels associés à votre création ne portent pas à confusion… Vous pourriez autrement recevoir une plainte de la part de PSY ou de la succession de Coolio!   

Pour éviter de rire jaune : Les violations, c'est du sérieux

Même si les parodies sont protégées par la loi, la prudence est de mise. La rumeur veut que même le maître de cet art, Weird Al Yankovic, ne compte jamais sur l'exception de l'utilisation équitable lorsqu'il crée ses parodies.

L'idéal est de toujours demander la permission de l'auteur ou du titulaire d'une marque, ou d'obtenir une licence d'utilisation, avant d'exploiter un droit d'auteur ou une marque de commerce.

Dans le contexte d'œuvres parodiées, les subtilités de la propriété intellectuelle dépendent de questions de fait complexes. Dans le doute, abstenez-vous de faire des parodies qui pourraient tourner au vinaigre et demandez conseil à un avocat.