Melissa Tehrani
Associée
Chef, Groupe national Publicité et réglementation des produits
Article
17
Le 10 janvier 2024, le gouvernement du Québec a publié un projet de règlement très attendu : le Règlement modifiant principalement le Règlement sur la langue du commerce et des affaires (le Règlement). En plus de modifier le Règlement sur la langue du commerce et des affaires actuel, il abolit également le Règlement précisant la portée de l’expression « de façon nettement prédominante » pour l’application de la Charte de la langue française.
Bien que certaines incertitudes subsistent, le Règlement apporte un complément aux modifications récemment introduites dans la Charte de la langue française (la Charte) par le projet de loi 96, la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (le PL 96), et fournit des indications précieuses à ce sujet. Plus précisément, il accorde une prolongation avantageuse de deux ans pour permettre la mise en conformité des produits fabriqués avant le 1er juin 2025, explique le sens de l’expression « un générique ou un descriptif du produit » contenue dans une marque de commerce déposée, et élargit la définition de « marque de commerce déposée » pour l’emballage des produits afin d’englober les demandes d’enregistrement pendantes à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada.
Il convient de noter que le Règlement fait l’objet d’une période de consultation de 45 jours et qu’il est donc susceptible d’être révisé.
Pour le moment, voici les principaux points à retenir :
Les marques de commerce dans une langue autre que le français qui figurent sur les produits ainsi que sur le contenant, l’emballage ou les documents qui les accompagnent
Le PL 96 modifie la réglementation relative à l’utilisation de marques de commerce dans une langue autre que le français, et prévoit qu’à partir du 1er juin 2025 :
Le Règlement apporte les précisions suivantes quant à ces nouvelles règles :
Le PL 96 vient renforcer plusieurs dispositions de la Charte qui concernent l’utilisation du français dans l’affichage public. Le Règlement aborde plus en détail ces exigences accrues et modifie des dispositions antérieures du Règlement sur la langue du commerce et des affaires en ce qui concerne l’affichage.
En voici un résumé :
L’exigence de la présence « nettement prédominante » du français
La Charte prévoit depuis longtemps que, lorsque l’affichage public comporte à la fois le français et une autre langue, le français doit être « nettement prédominant ». Auparavant, c’était un règlement distinct qui établissait la définition de l’expression « nettement prédominant », qui variait en fonction de la présentation de l’affichage. En vertu du Règlement, ce règlement particulier est abrogé et la définition sera intégrée au Règlement sur la langue du commerce et des affaires.
En vertu du Règlement, le seuil de prédominance est atteint lorsque « le texte en français a un impact visuel beaucoup plus important que le texte dans l’autre langue ». Le Règlement précise par ailleurs que l’impact visuel du texte français est beaucoup plus important lorsque les conditions suivantes sont réunies dans le même champ visuel :
Si le premier critère existait déjà, le second, quant à lui, est nouveau. Bien que le règlement ne définisse pas les exigences exactes, on peut raisonnablement conclure que le texte en français devra figurer dans une taille de police, une couleur, etc. au moins aussi lisible que le texte dans l’autre langue, et bénéficier de tout éclairage, etc. utilisé sur le texte dans l’autre langue.
Le Règlement stipule que, dans le cadre des évaluations susmentionnées, les éléments suivants ne doivent pas être pris en compte :
Marques et noms d’entreprises dans une autre langue que le français figurant sur l’affichage public visible de l’extérieur des locaux
Le PL 96 modifie les exigences régissant l’utilisation de marques de commerce dans une langue autre que le français sur l’affichage public et la publicité commerciale.
En 2016, le gouvernement du Québec a modifié le Règlement sur la langue du commerce et des affaires afin d’obliger les entreprises qui affichent une marque de commerce « uniquement dans une langue autre que le français « à l’extérieur d’un immeuble » à ajouter une « présence suffisante du français », c’est-à-dire un slogan, un terme générique ou un autre descripteur français des produits ou services offerts.
Le PL 96 modifie cette règle en remplaçant le critère de « présence suffisante du français » par une exigence selon laquelle le texte français accompagnant la marque dans une langue autre que le français doit être « nettement prédominant » par rapport à celle-là.
Le Règlement prévoit que pour assurer une nette prédominance du français sur les enseignes et affiches publiques visibles de l’extérieur et comportant une marque ou un nom d’entreprise dans une langue autre que le français, des termes en français doivent être ajoutés, comme c’est le cas actuellement, comme :
Le Règlement prévoit en outre qu’aux fins de cette exigence, un « terme générique » et une « description » ont tous deux la signification indiquée ci-dessus en ce qui concerne l’emballage du produit.
Toutefois, le projet actuel manque de clarté, car il n’est pas certain que l’inclusion des termes français supplémentaires mentionnés ci-dessus constitue :
Ou…
Nous espérons que l’organisme de réglementation apportera des éclaircissements sur ce point en temps voulu.
Selon le PL 96, « les contrats d’adhésion, ainsi que les documents qui s’y rattachent » doivent être rédigés en français. Les parties peuvent être liées par une version du contrat dans une langue autre que le français si telle est leur volonté expresse, mais seulement si une version française leur a été remise au préalable. Dans de tels cas, les documents connexes au contrat peuvent être rédigés exclusivement dans cette autre langue.
Par conséquent, la simple signature d’une version anglaise d’un contrat d’adhésion contenant une clause de choix de la langue n’est plus suffisante. La version française du contrat doit être remise à la partie adhérente.
Si l’application de cette règle est relativement simple lorsque les parties concluent le contrat en personne, la manière dont les entreprises peuvent se conformer à cette exigence lorsqu’elles procèdent en ligne ou par téléphone est moins claire. Afin de lever cette ambiguïté, le Règlement stipule ce qui suit :
En ce qui concerne les contrats conclus par téléphone, ce qui précède semble indiquer qu’il suffira de mettre les « clauses types applicables » à la disposition de la partie adhérente, plutôt que de devoir en fournir activement une copie. Ce développement sera probablement bien accueilli par les parties qui concluent des contrats d’adhésion par téléphone, car elle allégera sans aucun doute leur fardeau administratif.
En ce qui concerne les contrats finalisés en ligne, la situation est un peu moins claire. Par exemple, le Règlement ne précise pas si les « clauses types applicables » peuvent être fournies par courrier électronique en même temps que la version dans une langue autre que le français du contrat ou si elles doivent être présentées à l’écran avant que le contrat ne soit finalisé.
Mentionnons qu’il est encore possible de soumettre des commentaires écrits concernant le Règlement au ministre de la Langue française, et ce, jusqu’au 24 février 2024, après quoi le Règlement sera adopté.
La plupart des dispositions du projet de Règlement devraient entrer en vigueur le 1er juin 2025. Toutefois, certaines dispositions, notamment celles relatives aux contrats d’adhésion, devraient entrer en vigueur quinze jours après la publication de la version définitive du Règlement dans la Gazette officielle du Québec.
Comme indiqué ci-dessus, une période de consultation publique est en cours et se poursuivra jusqu’au 24 février 2024. Les personnes intéressées à fournir des commentaires au ministre ou à discuter de l’impact potentiel du PL 96 et de son Règlement sur leur entreprise sont invitées à contacter les équipes de Gowling WLG en publicité et réglementation des produits, ainsi qu’en marques de commerce.
Demeurez à l’affût de nos prochains articles, dans lesquels nous détaillerons les dispositions du Règlement et discuterons des options de mise en conformité.
Pour en savoir plus sur le PL 96, Loi sur le français, langue officielle et commune du Québec, consultez nos articles précédents, ci-dessous :
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